Regina installa le plus doucement possible Emma sur un canapé, dans la partie la plus confortable de son bureau, qu'elle utilisait pour se détendre à certains moments de la journée. Elle s'assit à côté d'elle, avant de récupérer son ordinateur portable qu'elle posa sur ses genoux.
« Pour reprendre, je me rendrai au tribunal demain matin pour une audience initiale. Pour savoir ce qui est envisageable et échanger avec l'avocat adverse. Nous devrons nous voir rapidement après cela pour pouvoir en discuter et envisager les négociations ou la médiation possible. Si aucun accord n'est possible, vous devrez passer devant un juge. Mais nous verrons cela plus tard, nous aviserons ensemble. Sachez surtout que je serai là à chaque étape. Et si Miranda souhaite vous loger, vous pouvez y rester. »
« Mais je ne peux définitivement pas continuer ainsi. Miranda est adorable avec moi. Mais je ne souhaite pas la déranger davantage. Elle a déjà fait tant pour moi. »
« Je comprends. Tout à l'heure, vous disiez ne pas vouloir retourner à votre ancienne vie. Racontez-moi, Miss Swan. »
Emma était assise, la tête baissée, les larmes lui montant. Comment pouvait-elle se mettre à nu de cette façon devant cette femme qui allait sans doute la juger, la mépriser ? Souhaiterait-elle encore l'aider dans sa situation ?
Regina Mills voyait la détresse dans la posture de sa cliente. Elle n'était pas l'une des personnes les plus douces et se savait très dure envers les autres. Même si elle faisait tout pour le cacher avec Emma. Miranda lui avait demandé une faveur et elle comptait bien la respecter. En la regardant bien, elle se sentait touchée par cette détresse. Ce n'était clairement pas la première fois qu'elle faisait face à ce genre de situation. Elle avait résolu des centaines de cas durant des années. Mais pour une raison inconnue, elle était touchée par Emma. Elle s'était permise quelques minutes plus tôt de recevoir l'étreinte que lui avait offerte Emma dans sa peine. Regina tendit sa main et souleva légèrement le visage de la jeune Emma.
« Parlez-moi, ne vous retenez pas. Je ne vous jugerai pas. Je ne suis pas là pour cela. »
« Vous me regarderez différemment après. »
« Pourquoi vous inquiétez-vous de mon regard ? Je ne suis là que pour vous protéger de l'avocat de Monsieur Jones. »
« J'ai couché avec des hommes. Beaucoup d'hommes », lança-t-elle sans réfléchir, de peur de ne pas y arriver plus tard. Peut-être aussi qu'elle ne souhaitait pas répondre à la dernière question de l'avocate. Pourquoi aurait-elle peur que le regard de l'avocate ne change ?
« Je ne vous blâme pas, Miss Swan. Durant votre mariage ? »
« Non ! Depuis que je suis mariée, je n'ai couché avec personne d'autre. Mais avant de connaître Killian, je travaillais dans les rues de New York. J'ai vendu mon corps pour de la drogue, de l'alcool. »
« Je vois. Comment vous sentez-vous maintenant ? » Demanda Regina Mills, de peur de relancer un sujet sensible. Il serait bien difficile d'aider Emma si elle replongeait dans ses anciennes addictions.
« Ne vous inquiétez pas. Je suis sobre depuis 9 ans maintenant. Ça n'a clairement pas été facile tous les jours. »
« Dites-moi en plus. Comment vous êtes-vous retrouvée dans cette situation ? Comment en êtes-vous sortie ? Je dois connaître les détails pour mieux contrer l'avocat et votre ex-mari. Je dois pouvoir vous défendre. »
« J'ai quitté mon village reculé du Canada pour venir m'installer à New York lorsque j'avais 21 ans. J'ai abandonné mes études car je voulais vivre une vie d'aventure. Je n'aimais pas me cantonner à cette vie de campagne. Mais j'ai vite perdu toutes les illusions de rêves que j'avais. Je n'avais pas d'argent, pas de diplôme, donc j'ai dû trouver des solutions. J'ai travaillé dans des clubs le soir et je suis vite tombée dans l'alcool et la drogue pour survivre mentalement à tout cela. Mais comme vous devez vous en douter, cela coûtait cher et j'ai dû vendre mon corps pour payer mes addictions. Puis un soir, j'ai rencontré Killian. Il était à l'armée à l'époque et se trouvait en repos pour sa mère souffrante. Je suis tombée amoureuse de ses yeux. »
« C'est lui qui vous a aidée à vous en sortir ? »
« Et bien, je me pose maintenant la question. J'ai cette sensation qu'il m'a aidée pour mieux m'emprisonner. »
« Que s'est-il passé à son retour des rangs ? »
« Eh bien, sa famille habitant à Seattle, il m'a proposé de l'accompagner. Ainsi donc, je pourrais retrouver un foyer, une vie plus paisible, ce qu'il me fallait pour entamer des cures et me soigner. »
« Combien de temps avez-vous connu Killian, entre votre première rencontre et ce déménagement à Seattle ? »
« Oh et bien, deux ans environ. Les derniers mois avant son retour, j'avais tenté de me sevrer à plusieurs reprises seule, de trouver du travail. Mais cela a été très dur. J'étais soutenue par mon amie, Ruby, que je ne remercierai jamais assez pour ce qu'elle m'a apporté. »
« Quand l'avez-vous vu pour la dernière fois ? »
« Malheureusement, très longtemps. Les premières années, Killian m'avait autorisé à l'inviter deux fois. J'ai pu y retourner une seule et unique fois. Je n'ai même pas pu l'inviter pour notre mariage. Cela m'avait tellement bouleversée. » Emma avait beaucoup de mal à tenir le regard persan de son interlocutrice.
Cet entretien avait permis à Regina Mills de rassembler une quantité suffisante d'informations pour entamer les premières démarches. Elle savait qu'elle avait encore beaucoup à apprendre, mais elle se pensait sur la bonne voie. Comme convenu avec sa cliente, elle se retrouva dès le lendemain matin, café en main, devant le grand monument, le tribunal de Seattle.
Dans le tumulte du hall d'entrée et des couloirs, elle émergeait tel un phare dans la tempête, sa présence irrésistible captivant les regards de tous ceux qui avaient la chance de la croiser. Avec sa peau légèrement hâlée, ses traits d'une beauté méditerranéenne, elle évoquait l'élégance sophistiquée des femmes latines. Ses cheveux brun foncé encadraient son visage comme une cascade soyeuse, tandis que ses yeux en amande, d'un noir perçant, semblaient capables de percer les secrets les plus profonds.
Elle était une avocate émérite, vêtue de ses tailleurs impeccables qui soulignaient sa silhouette gracieuse et puissante. Chaque pli, chaque ligne de son vêtement était soigneusement étudié, reflétant son souci du détail et son professionnalisme inébranlable. Son style était à la fois classique et moderne. Son allure était souvent couronnée d'un chignon strict, parfaitement sculpté, qui ajoutait à son aura de discipline et de maîtrise. Mais parfois, elle laissait ses cheveux libres, tombant en cascade autour de ses épaules dans un brushing impeccable qui ajoutait une touche de sensualité à son apparence déjà envoûtante.
Qu'elle soit en pleine plaidoirie passionnée ou en discussion confidentielle avec un client, elle dégageait une confiance tranquille qui inspirait le respect et l'admiration. Chaque geste était empreint de grâce et de détermination, chaque mot prononcé avec une autorité indéniable.
Mais derrière cette façade de professionnalisme impénétrable, se cachait une femme d'une profondeur insoupçonnée. Sous ses dehors austères, elle abritait une intelligence vive et un cœur généreux, prête à se battre pour la justice et à défendre ceux qui en avaient besoin. Elle était bien plus qu'une simple avocate. Elle était une force de la nature, une figure emblématique de courage et de détermination.
Les jours passaient à grands pas. Regina Mills passait tout son temps libre à travailler sur le divorce d'Emma Swan. En effet, elle ne pouvait mettre de côté ses autres affaires en cours. Un après-midi, elle reçut un message de son amie de longue date, Miranda, lui proposant de dîner avec elle. Elle se dit que cela lui permettrait de rattraper le temps, car avant ce coup de fil concernant la situation de Emma, elles ne s'étaient pas vues depuis quelques années. Le temps file si vite.
Elle avait pu recevoir au sein même de son bureau, Emma, pour continuer leur entretien concernant son histoire. Récoltant ainsi donc le maximum de bribes de son histoire et travaillant à côté sur les témoignages. À chaque rencontre, Emma se dévoilait un peu plus. Regina avait pris l'habitude de l'installer directement sur le canapé et non pas à son bureau. Elle avait aussi pu déposer un paquet de mouchoirs sur la table basse, remarquant les larmes presque quotidiennes d'Emma.
Miranda se dirigea vers Emma, qui était installée sur le canapé du salon, la tête plongée dans un roman.
« Tout va bien, Emma ? »
« Oui. Et vous ? »
« Très bien. Dites-moi, je viens d'échanger avec Regina, nous allons au restaurant ce soir. Je souhaitais la remercier pour ce qu'elle fait. Vous vous joignez à nous ? »
Emma resta silencieuse, réfléchissant à cette proposition. Ce n'était peut-être pas l'idéal de rencontrer son avocate en dehors de ses bureaux, dans un autre cadre que professionnel. Puis elle aurait peur que le dîner se fasse autour d'elle.
« Non, Miranda. C'est très gentil. Mais je préfère vous laissez vous retrouver. Que vous puissiez aussi passer du temps avec votre amie. Vous me gâtez suffisamment. Je resterai ici. À finir mon livre. »
Après un long moment, elle fit signe à Miranda qui s'apprêtait à quitter son domicile pour se rendre au centre-ville de Seattle, où elle avait donné rendez-vous à Regina.
« Bonne soirée, Miranda. Saluez Madame Mills de ma part. »
« Entendu. N'ouvrez à personne, prenez soin de vous. N'hésitez pas à m'appeler si besoin. »
Miranda roula de longues minutes, alors que la nuit commençait à tomber. Elle rejoignit Regina déjà attablée.
« Gina ! Je suis là, désolée pour mon retard. »
Elles s'embrassèrent et restèrent quelques minutes dans une étreinte avant de prendre.
« Comment vas-tu ? Emma n'est pas avec toi ? »
« Très bien, merci. Non, elle a préféré rester au calme chez moi. Je la comprends, elle est très fatiguée en ce moment. »
« Je suis heureuse pour elle, que tu sois dans sa vie. Elle aurait beaucoup plus de mal à s'en sortir. » affirma l'avocate.
« Comment s'annonce le procès ? »
« Je ne vais rien te cacher. Cela s'annonce assez long et complexe. L'avocat de Monsieur Jones n'accepte aucun marché, aucune médiation. Il veut aller directement au tribunal. Elle n'a rien à léguer, mais ils veulent la faire payer d'avoir sali leur nom. Je ne te fais pas de dessin, tu comprends bien la situation. Donc ils en sont au même stade que moi, enquêter sur Emma. Trouver la faille. »
« Protège-la, je t'en prie. Cette jeune fille me touche terriblement. »
« Je le sais. Mais tu sais aussi qu'elle n'est plus si jeune ? »
« Où le suis-je aussi ? Après tout, je n'ai que trois ans de plus. Me ferais-tu passer pour une vieille dame ? » dit-elle en rigolant.
De son côté, Emma avait vite refermé son livre. Seulement avachie dans le canapé, les yeux fermés, elle se demandait de quoi pouvait bien parler Miranda et Regina. Qu'avaient-elles vécu ensemble ? Elle se surprit même à se demander ce que pouvait bien porter comme tenue Regina Mills durant un dîner entre amis. Son esprit divaguait sur son avocate.
Dès leur première rencontre, Regina éclatait de confiance et de charisme, sa présence remplissant la pièce de lumière et d'assurance. Pour Emma, habituée à se fondre dans l'ombre de son mari, l'éclat de cette femme était comme un phare dans la nuit, guidant ses pas incertains vers un avenir plus prometteur. Mais ce n'était pas seulement la prestance de Regina qui captivait Emma. C'était la manière dont ses yeux pénétrants semblaient lire chaque ligne de son visage, chaque nuance de ses émotions dissimulées. C'était la douceur réconfortante de sa voix lorsqu'elle parlait de justice et d'égalité.
Emma se redressa et se rendit dans la cuisine pour y boire un verre d'eau. Ses pensées s'embrumaient.
Au fil des séances de planification et des audiences au tribunal, Emma se retrouvait de plus en plus fascinée par Regina. Elle se surprenait à chercher son regard, à s'accrocher à chaque mot prononcé avec une intensité presque désespérée. Chaque interaction laissait Emma en proie à un tourbillon d'émotions contradictoires, mêlant admiration et confusion, gratitude et désir.
Pourtant, au fond de son cœur tourmenté, Emma savait que ces sentiments étaient interdits. Elle était une femme hétérosexuelle, c'était ainsi qu'elle s'était toujours identifiée. Mais alors que les murs de son mariage s'effondraient autour d'elle, elle commençait à remettre en question tout ce qu'elle croyait savoir sur elle-même. Peut-être que l'attirance qu'elle ressentait pour Regina était plus qu'une simple curiosité passagère. Peut-être que c'était le début d'une révélation, une vérité longtemps enfouie qui cherchait désespérément à se libérer.
Elle tentait bien que mal de dissimuler tout cela à Regina ou bien même à Miranda, qui remarquait pourtant que quelque chose l'intriguait en ce moment. À plusieurs reprises, Miranda l'avait vue, tête en l'air, rêvant, la sortant régulièrement de sa rêverie. Dans les moments d'introspection silencieuse, Emma se laissait emporter par les tourments de son cœur, naviguant entre les eaux agitées de son passé et les promesses incertaines de son avenir.
De l'autre côté de la ville, les deux femmes discutaient, rigolaient, rattrapaient le temps.
« Non ! Ne me dis pas cela, je ne te croirais pas. » lança Miranda, les yeux encore embrumés d'une précédente crise de rire.
« Je t'assure. Le jardinage est devenu quelque chose de primordial durant mes week-ends. Ne rigole pas, je pourrais me vexer. »
« Evidemment. Je ne me permettrais pas. » dit-elle en se tenant le ventre et en pouffant de rire. « Je plaisante, Gina. Regarde où j'en suis. Je fais de la décoration florale sur table. Finalement, nous continuons d'avoir nos points communs. »
« Le temps a tellement passé. Je suis désolée de ne pas avoir donné davantage de signe de vie, Mindy. »
« Je n'ai pas été mieux que toi sur ce coup. Je suis tout aussi à blâmer. Sache que si je t'ai invitée ce soir, c'était pour te remercier pour cette main tendue que tu offres à Emma. »
« C'est avec plaisir que je le fais. »
« Je sais, je le vois. Je te remercie pour la douceur que tu lui offres. Je te connais, je t'ai vue plus brusque. »
« Peut-être que tu ne me connais plus. » répondit Regina, mais cela sonnait comme une affirmation triste.
« Peut-être. Mais nous pouvons y remédier. Comment va Henry ? »
« Bien sûr que nous pouvons faire mieux que cela. Il va bien, il grandit si vite. C'est un enfant très affectueux. Il me rend meilleure. »
« Je suis heureuse pour vous deux. Vous vous êtes bien trouvés. As-tu une photo, je rêverais de le revoir. »
Regina sortit son téléphone et montra quelques selfies faits avec son garçon, et des photos du jeune enfant courant dans leur maison.
Miranda put remarquer à quel point ils paraissaient heureux tous les deux. Elle prit le temps de détailler Henry. Le jeune garçon de 10 ans avait une peau légèrement bronzée, lui donnant une allure vivace et ensoleillée. Ses yeux verts éclataient de curiosité et de malice, semblables à des émeraudes brillantes. Ses cheveux blonds cendrés retombaient en douces mèches ondulées autour de son visage juvénile. Lorsqu'il souriait, une fossette apparaissait sur sa joue, ajoutant à son charme enfantin. Il dégageait une énergie joyeuse et une vivacité d'esprit qui étaient contagieuses, faisant de lui un jeune garçon attachant et plein de vie.
« Il est magnifique, Gina. »
« Il l'est, oui. Il est mon seul et unique bonheur. »
