Sans plus attendre, Antoine s'éloigna du camion d'un pas vif, porté par l'inquiétude de la savoir mal en point. Évidemment que Candice n'avait pas supporté de l'entendre dire des horreurs pareilles, surtout après leur discussion de la veille… Angoissé, il ravala sa salive, enclenchant une marche plus que rapide jusqu'à ce point haut qui se montrait encore bien loin de lui. Les derniers mètres semblaient interminables et la chaleur qui tapait rendait ses pas difficiles. Pourtant, Antoine ne se découragea pas, au contraire, il parvint tant bien que mal à débarquer sur un parterre verdoyant et ne tarda pas à apercevoir un point rose au loin. Assise sur un banc, Candice semblait plongée dans ses pensées. La mine retournée, elle fixait devant elle sans entrain lorsqu'une voix l'interpella. Elle sursauta, surprise de le voir débarquer si rapidement.
« Candice… répéta-t-il essoufflé alors qu'elle se levait face à lui.
Visiblement meurtrie, elle opta pour durcir son regard.
- Laisse-moi tranquille… marmonna-t-elle la voix étranglée par les larmes. J'ai besoin d'être seule…
- Nan ! protesta-t-il. Parce que là je sais très bien ce qui te passe par la tête, et j'te laisse pas comme ça…
Candice tiqua en détournant le regard.
Tu sais très bien que tout était faux… Je jouais un rôle, Candice…
- Et tu dois vraiment plus me supporter pour le jouer aussi bien alors… cracha-t-elle en le dévisageant sans retenue.
- J'ai donné le tout pour le tout, oui ! Et j'ai insisté sur certains points pour que ce soit crédible en effet… Au point de passer pour un vrai connard, ok, j'assume ! Mais au moins ça a marché et Gondar a ce qu'il veut maintenant.
- Top ! se contenta-t-elle de répondre en détournant le regard du sien.
- Tu me crois pas ?
- Bah j'sais pas… Ça fait deux jours qu'on s'engueule, que tu me répètes que tu me supportes plus, que je gâche tout… Hier t'étais à deux doigts de me quitter… J'ai le droit de douter non ?
- Et tu crois que je serais aussi con pour te faire passer un message à travers un micro ?! s'indigna-t-il.
- Mais je… j'en sais rien voilà… c'est juste que c'était… c'était horrible de t'entendre parler de moi comme ça… continua-t-elle en larmes. T'entendre répéter que tu ne m'as jamais aimé, que je suis la pire des égoïstes… que t'as une vie pourrie…
- Eh… continua-t-il en l'attrapant dans ses bras. Je savais que c'était pas une bonne idée que t'assistes à ça… souffla-t-il à son oreille alors qu'elle le serrait difficilement. C'était une infiltration Candice… Ok ? Y avait rien de vrai… Rien…
- Mais…
- Mais rien du tout ! Tout ce que j'ai dit, je le pensais pas… Et au contraire, commença-t-il en chuchotant, c'est parce que je t'aime très fort que j'ai été blessé par ton comportement… Mais en même temps t'as raison, c'est aussi parce que tu te plies en quatre pour les autres que je t'aime… Et même si tu m'énerves et qu'on s'engueule bah… c'est pas ça qui va changer ce que je ressens. C'est pour ça que je me sentais con, tu comprends ?
- Je te demande pardon… murmura-t-elle contre lui en le serrant davantage.
- Ça va… acquiesça-t-il en embrassant sa joue. C'est rien…
- Si… J'ai pensé qu'à moi sur ce coup… Et toi, comme d'habitude t'étais parfait…
- Hum… Je commence à être habitué maintenant…
- Sauf que c'était pas juste pour toi… et pour les enfants aussi… J'ai pensé qu'en faisant les choses dans mon coin, je gâcherais pas nos vacances mais… en fait c'était tout le contraire…
- Bah oui ! Parce que les choses finissent toujours par se retourner contre soi, Candice…
- Je sais… soupira-t-elle en décollant sa tête de sa poitrine pour l'observer tendrement. Tu me pardonnes alors ?
- Hum… acquiesça-t-il doucement.
- Oh ! soupira-t-elle de soulagement. Je t'aime… chuchota-t-elle contre ses lèvres avant de l'embrasser.
- Je sais pas combien de temps ça va durer mais…
- Ah non ! Promis, là j'arrête les bêtises !
- Les mêmes promesses qu'à l'arrivée donc ? Qu'est-ce que tu disais déjà ? Ah oui ! « Ici je suis neutre, j'enquête pas… »
- Oui bon… Ça dépend des circonstances aussi…
- Hum ! Bon par contre va falloir un peu se cacher maintenant…
- De ?
- Les flics cherchent à arrêter Joseph et vont mettre Fanny sur écoute avant de l'interpeller. Juste histoire de voir s'ils sont en contact… Mais nous, on est censés se détester maintenant…
- Ah oui… réfléchit-elle boudeuse avant de l'attirer sur le banc d'à côté. Bah on a qu'à mettre une stratégie en place…
- C'est le mieux oui !
- T'étais détestable quand même… bouda-t-elle en se collant contre lui.
Antoine rigola doucement.
- Ah bah quand je mets ma casquette de connard, ça rigole pas hein… plaisanta-t-il.
- Mais le pire, c'est que je me dis que y a des hommes qui sont totalement capables de faire ça… aller draguer frontalement une fille à quelques mètres de leur femme, sans scrupule…
- Et ça c'est pas nouveau…
- T'étais comme ça avant ?
Il soupira, hésitant à être honnête.
- Disons que les filles se considéraient en couple avec moi mais, pas moi… Alors dès que y en avait une qui me plaisait un peu plus que celle du moment bah… J'hésitais pas…
- Ah oui…
- Mais ça, c'était avant… rappela-t-il pour la rassurer.
- Qu'est-ce qui t'a fait changer ?
- Bah j'ai mûri… J'ai vu tous mes potes qui se posaient avec leur famille et moi, j'étais toujours le seul con instable de l'histoire… Puis… Un jour j'suis tombé amoureux, pour de vrai, je veux dire…
- C'était qui ? demanda-t-elle en le regardant doucement.
- À ton avis… ? répliqua-t-il dans un léger sourire.
- Genre y a eu personne avant ?
- Si mais… quand je t'ai rencontré j'ai compris ce que c'était d'aimer vraiment. Alors oui, j'ai eu quelques histoires sérieuses et douloureuses avant mais… c'était pas pareil…
- Tu m'en as jamais parlé !
- Parce que ça n'a plus d'importance…
- Hum… Et avec Maya, vous avez parlé de quoi hier ?
- De nos vies… De ce qu'on était devenus… Elle a une philosophie que j'aime bien en fait…
- Du genre ?
- Je sais pas… Elle vit un truc de fou mais reste super forte… Puis elle se prend pas la tête, elle est libre…
- Et… tu la trouves toujours aussi jolie qu'avant ?
- Pourquoi tu me demandes ça ?
- Nan je sais pas… J'écoute ce que tu me dis et… je finis par penser qu'Emma n'avait peut-être pas tout à fait tort et que c'est peut-être le destin qui vous a réunis…
- N'importe quoi… J'ai bien aimé discuter avec elle, c'est tout… Et oui, c'est toujours une très belle femme mais pas de panique je vais pas enfiler ma casquette de connard comme tout à l'heure.
- Vraiment ?
- Vraiment oui… »
Candice soupira de satisfaction en s'affaissant contre lui. Souriante, elle aurait aimé pouvoir arrêter le temps à cet instant précis. Celui où ils semblaient unis, en paix et amoureux. Un temps qui ne durait jamais bien longtemps avec leurs caractères de cochons. Les deux profitaient alors de la sérénité qui s'offrait à eux, dans la douce valse des vagues et dans les mouvements des feuilles qui dansaient au gré du vent. Un moment suspendu à savourer sans modération… Enfin, presque. Le téléphone du commissaire bipa. Emma demandait sur le groupe familial s'ils pouvaient rentrer, annonçant donc la fermeture de la parenthèse amoureuse qu'ils venaient de s'octroyer. Presque boudeuse, Candice se leva, attirée par son compagnon qui enlaça tendrement sa taille pour l'entraîner dans sa marche.
Rapidement, le couple approcha leur logement visiblement animé par les rires de la fratrie. Les 5 avaient élu domicile autour de la table extérieure et semblaient se délecter de crêpes garnies en tout genre. Amusé, le duo ouvrit la porte et s'approcha doucement de la tablée en souriant.
« Eh bah on s'en fait pas à ce que je vois ! clama la blonde en ricanant.
- J'ai pris les fourneaux pour le goûter… répondit Jules avec fierté.
- Et ça a l'air bon dis donc… observa Antoine en approchant sa fille. Ça va ma chérie ?
- Ouais… C'était trop cool ! Mais y a des petits qui sont arrivés après et ils mettaient de l'eau partout, c'était chiant…
- Suzanne !
- Embêtant, pardon…
- Et vous, ça s'est bien passé vot' truc ? demanda Martin la bouche pleine.
- Ouais… Antoine a été parfait ! sourit Candice en s'installant à table à son tour.
- Et du coup, on a le fin mot de l'histoire ? intervint Emma avec curiosité.
- Pas encore… L'enquête est en cours… expliqua-t-elle en évitant d'entrer dans les détails.
- D'ailleurs t'as vu Candice ? T'as un appel manqué de Gondar…
- Ah ?! Je rappellerai tout à l'heure… Pour l'instant j'ai envie de profiter de vous…
- Crêpe ? proposa Suzanne la bouche pleine de chocolat.
- Crêpe ! confirma sa belle-mère tout sourire. Et ce soir resto, c'est moi qui vous invite !
- Ouh là ! lâcha Emma surprise. La journée a du vraiment être rude pour que t'en arrives là… plaisanta-t-elle.
- J'ai envie de vous faire plaisir c'est tout…
- Il est 16h42, jusqu'à quand vont-ils tenir avant de se faire la gueule, seul dieu le sait ! ajouta Jules en rigolant.
- Mon petit doigt dit « dix minutes » ! compléta Léo hilare.
- Et le miens vous rappelle que ce ne sont pas vos affaires ! rouspéta Candice sous le rire amusé d'Antoine. Et elle est où ma crêpe ?! »
. . . . .
Candice grimpa les escaliers les yeux rivés sur son téléphone. Elle soupira sur la dernière marche et leva la tête pour tomber sur son chéri qui boutonnait sa chemise avec rigueur.
« J'viens d'avoir Gondar. Ils ont placé Fanny sur écoute mais y a rien de concluant pour l'instant…
- En même temps, je suis vraiment pas certain qu'ils soient en contact tous les deux…
- En tout cas, le fils de Maya savait pour leur liaison… Mais par respect pour sa mère, il a gardé le silence…
- Tout s'explique alors…
- Ouais !
- Toute façon là y a plus rien à faire. Il faut attendre… et être prudents aussi.
- Hum… acquiesça-t-elle en approchant. Tu veux de l'aide peut-être ?
- Ça va… maugréa-t-il.
- En plus tu cas crever de chaud avec cette chemise…
- Oui bah c'est pas de ma faute si faut être bien habillé dans ce restaurant, non ? Un machin 4 étoiles franchement…
- Oui mais c'était le seul sympa de l'autre côté de l'île… Comme on peut plus traîner main dans la main dans le secteur aussi… Puis ça fait plaisir à Jules…
- Hum…
- Allez mon amour, arrête de ronchonner s'il te plaît ! minauda-t-elle en l'enserrant à la taille.
- Mais je ronchonne pas… Je dis juste que…
- AAAAAAAAAH »
Le cri strident coupa leur conversation sans peine. Surpris, Antoine paniqua et dévala les escaliers en interpellant sa fille dont le cri avait probablement alerté tout le quartier.
