Bien planquée derrière des buissons foisonnants, la détective épiait avec minutie les allers et venues des agents d'entretien. Yeux plissés, elle reconnut le local technique directement accolé aux vestiaires. C'était là que Candice devait s'infiltrer pour récupérer son déguisement. Sauf que pour l'heure, le bâtiment grouillait encore de monde. Enfin, c'est ce que laissaient penser ces petites taches marrons qui avançaient au loin… Ah s'ils avaient pensé à apporter des jumelles aussi ! pesta-t-elle avant de s'approcher légèrement d'un banc. Elle s'y installa, gardant les yeux fermement accrochés à ce vestiaire qui semblait se vider de sa substance. Alors elle attendit de ne plus voir personne et bondit sur ses deux jambes pour enclencher le pas jusqu'à son point de destination. Et heureusement pour elle, plus personne ne rodait autour…. Elle s'immisça à l'intérieur et récupéra la première tenue qui passait, priant intérieurement que ce ne soit pas celle d'une taille mannequin.
La porte jaune claqua doucement, enfermant une blonde euphorique à l'intérieur. Sans traîner, elle courut jusqu'à la salle de bain où elle tronqua ses vêtements de plage contre cette tenue ajustée. Ajustée, c'était peu de le dire… Et Candice se sentait presque un peu serré dans ce petit 40 qui à son avis, donnait plutôt l'air d'un 38… Enfin bref, l'heure n'était plus au débat mais à l'action ! Et ses pas ne tardèrent pas à la mener jusqu'à la villa en question. Celle-ci semblait inanimée, envahie d'un silence qui la poussait à entrer. Elle sortit son badge de la poche et bipa pour déverrouiller la porte. Par chance, ces logements semblaient bien plus neufs que le leur, et le système d'ouverture était électronique, nul besoin de se farcir un passe-partout. Candice referma derrière elle, désormais assurée de la vacuité du lieu. Une vacuité qui respirait la javel. C'était clair, l'odeur était tout bonnement désagréable, surtout dans la salle de bain… Pourquoi ici ? L'homme avait-il été tué dans cette pièce ? Mais où serait passé le corps alors ? Où peut-être y a-t-il eu bagarre et il avait fallu effacer les traces de sang… « Raaah ! » pesta-t-elle. Si seulement elle était partie avec du luminol, des gants en latex et des sacs à scellés… Oui bon, après tout c'était une semaine de vacances… Enfin, censé… Et s'il y en a qui l'avait bien compris, c'était eux, qui naviguaient toujours sur les flots dans une humeur débordante. Les criques que laissait offrir la nature étaient absolument magnifiques et les enfants se régalaient avec la faune sous-marine. Certes ils n'avaient pas mis le luminol en valise, mais heureusement, ils n'avaient pas oublié masques et tubas…
Candice entendit un bruit sourd résonner au rez-de-chaussée, laissant ensuite des voix s'immiscer dans la bâtisse. La blonde se releva en trombe, faussement paniquée à l'idée d'entrer dans son rôle de femme de ménage de l'hôtel. Et pour ne pas laisser paraître son angoisse, elle opta pour le contrepied de la discrétion.
« Bonjour ! chanta une voix qui descendait des escaliers.
- Euh bonjour… s'étonna le couple qui ôtait ses lunettes de soleil.
- Je suis là pour le ménage ! expliqua Candice dans un sourire enjôleur.
- Ah… On a pas vu votre chariot… s'étonna la jeune femme.
- Mais vous êtes pas déjà passés ce matin ? tilta son mari avec incompréhension.
- Euh si si ! Enfin c'est pas moi, c'est une collègue. Mais cette semaine je supervise le travail des agents d'entretien. Vous savez, en début de saison… ils faut encore qu'ils se rôdent ! Alors je vérifie que tout a été bien fait…
- Ok… Bah allez-y alors, oui !
- Non mais toute façon j'avais terminé donc je vais y aller !
- D'ailleurs, on avait demandé une serviette supplémentaire mais on attend encore qu'on nous la ramène… rouspéta l'homme d'un ton agacé.
Amusée, Candice sortit un bloc-notes de sa poche marron et griffonna dessus.
- Ah vous voyez ! Heureusement qu'on repasse derrière hein ! Je le note !
- Merci… »
Une petite voiturette blanche ne tarda pas à faire irruption dans l'allée en contre-bas. Silencieuse, personne ne la remarqua. Cependant, la conductrice vêtue de la même tenue que Candice aperçut l'intrus par la fenêtre. Serviette blanche en mains, elle fronça les sourcils avant de s'emparer de son téléphone.
« Olga ? demanda-t-elle gentiment.
- Ouais ?
- Dis voir… C'est toi qu'a envoyé quelqu'un pour la serviette de la 307 ?
- Euh bah non… Tu devais t'en occuper !
-Ouais ! Sauf que y a une blonde dans notre tenue qu'est déjà sur place…
- C'est qui ? T'as son nom ?
- Bah non je l'ai jamais vu… Enfin… Sa tête me dit un truc…
- Comment ça ?
- Attends ! Mais je crois que c'est celle qu'était à la réception la dernière fois ! Tu sais la gamine qui s'était perdue ?!
- Merde ! maugréa-t-elle. Bon demi-tour et j'appelle la sécurité !
- Ok… »
. . . . .
Au milieu de l'océan les éclats de rire perçaient les airs, témoignant du moment chaleureux qui s'opérait. Depuis le bateau, Antoine se faisait dorer la pilule, non sans oublier de jeter un œil à sa fille qui trônait fièrement sur sa bouée multicolore. Autour, les enfants s'amusaient à faire mine de vouloir la mettre à l'eau, alors Suzanne luttait pour rester sur son siège, dignement. Seul Jules n'avait pas voulu les rejoindre. Sourire baissé, le jeune Renoir fixait l'horizon sans conviction, oubliant même de répondre aux appels de ses frères et sœurs qui scandaient son nom en rigolant.
« Ça va ? intervint Antoine avec étonnement.
- Euh… Ouais ! répliqua-t-il dans un faux sourire.
- Tu vas pas dans l'eau ? Ils t'attendent je crois…
- Euh nan… J'suis bien ici, au soleil…
- C'est sûr que ça ressemble au paradis… On est pas habitués !
- Ça va, vous avez toujours la mer à Sète.
- C'est pas comme si on en profitait beaucoup… On passe notre temps au bureau… Bon heureusement, on se laisse des journées plage de temps en temps mais bon… Ça vaut pas ça quoi !
- Ouais… Bah moi c'est pas à Osaka que je vais faire des journées plage tu vois…
- Bah pourquoi ? Tu pourrais !
- Nan mais c'est pas pareil quand même… À Sète y a les paillottes, les glaciers, l'ambiance du sud quoi… Pas chez moi…
- C'est sûr que ça doit pas être le même délire…
- D'ailleurs… Je… J'profite qu'on soit que tous les deux parce que je voulais te parler de quelque chose…
- Je t'écoute ! répliqua-t-il en se redressant.
- Mais faut que tu me promettes de pas le dire à maman…
- Non bien sûr ! Tu peux me faire confiance Jules !
- J'en ai parlé à Emma la dernière fois mais c'est tout. J'veux pas que les jumeaux le sachent et surtout pas maman…
- Promis, je ne dirai rien !
- En fait, ces derniers temps je me pose beaucoup de questions sur ma vie…
- Du genre ?
- Je… J'crois que j'hésite à rentrer.
- Mais tu voudrais tout quitter là-bas ?
- Je sais pas… J'aime ce que je fais mais d'être loin de tout le monde, ça me pèse… J'adore mes amis, mes collègues. J'ai un job que j'aime mais… c'est pas vous quoi ! Et ces vacances ça me montrent que c'est vraiment quelque chose qui me manque en fait…
- Et t'attends quoi de moi ? Que je te dise de rentrer ou non ?
- Non ! Non ! Pas du tout… Je voulais juste ton point de vue….
- Je peux pas décider à ta place, Jules. Et c'est pas une décision à prendre à la légère…
- En fait ce que je me dis c'est que là-bas j'ai des amis… Mais j'ai pas ma famille… Je vois à peine Éloïse grandir. Et même si maman a pas forcément besoin de moi, je regrette de pas avoir été là quand elle allait mal.
- Certes mais il faut aussi penser à soi dans la vie... Et puis, Candice est bien entourée...
- Par toi ? répliqua-t-il en souriant.
- Entre autres ! Tu sais je fais de mon mieux pour la protéger mais... tu la connais hein! Elle est têtue, indépendante et fière... Alors je me fais souvent engueuler... Il paraît que je suis chiant !
Jules explosa de rire.
- Ouais alors là, elle est de mauvaise foi... Parce que c'est clairement elle la plus chiante dans l'histoire! C'est juste qu'elle sait pas prendre soin d'elle en fait...
- Ah ça! Ça me rend dingue...
- C'est pour ça... J'ai aussi envie de rentrer pour profiter d'elle avant qu'elle fasse n'importe quoi! plaisanta-t-il. Puis ça lui ferait plaisir aussi...
- Ah bah c'est sûr que si t'annonces à ta mère que tu veux rentrer, elle va sauter de joie là ! Mais… C'est pas pour elle que tu dois le faire, c'est pour toi.
- Disons que je me vois pas faire toute ma vie là-bas. Osaka c'était une opportunité de dingue et ça m'a permis d'apprendre des trucs de ouf sur le métier… Mais peut-être que les choses ont assez duré.
- Tu vois, t'en parles déjà au passé. Donc c'est qu'au fond, tu sais déjà…
- T'as peut-être raison…
- Antoine !? hurla Léo depuis le bas du bateau. Tu viens ?!
- Bon… Là ils me laissent pas le choix !
Antoine retira ses lunettes de soleil avant de faire une bombe monumentale dans l'eau.
- Papaaaaaa ! maugréa Suzanne qui venait d'être remuée par son père. En plus Candice elle déteste quand tu fais ça !
- Oui bah en l'occurrence Candice n'est pas là ! Donc je fais ce que je veux… minauda-t-il avant d'attaquer gentiment sa fille. »
Ah ça ! C'est sûr que Candice n'était pas là… Et la blonde semblait plutôt dans de beaux draps, face à deux agents de sécurité qui lui montraient des images de son intrusion dans le vestiaire interdit. Et ce qui était sûr, c'est qu'il y en a un qui n'allait pas être content… !
