Partie 2 : Carlos
Vêtu d'un épais manteau, Carlos affrontait la neige à la recherche de TK. Depuis, neuf mois, il ne faisait plus que ça. Il cherchait une aiguille dans une meule de foin. Il avait demandé un congé exceptionnel, avait pris un cagibi pour chambre à New York, acheté une carte A1 de la ville et ratissé, patiemment, chaque quartier, chaque recoin, chaque squat. Les membres du 126 venaient régulièrement l'aider, tous à l'exception d'Owen. Ils ne s'adressaient plus la parole. Carlos avait eu des mots très durs envers lui lorsqu'il avait découvert que TK avait disparu. Tommy les avaient pourtant tous les deux appelés pour les prévenir que le secouriste avait pris des substances dans l'ambulance. Ils connaissaient tous son passif et son instabilité émotionnelle du moment. Et malgré tout cela, Owen avait laissé son fils seul pour rendre visite à son ancienne unité. Carlos considérait le pompier comme en partie responsable de ce qui arrivait à TK, mais ce n'était pas que pour ça qu'il lui en voulait. C'était parce qu'il scandait que le chercher comme le faisait Carlos était une perte de temps, qu'il ne serait pas possible de le retrouver ainsi. Judd avait beau assuré au latino que Owen cherchait aussi TK de son côté, avec d'autres méthodes, ça ne suffisait pas pour faire tomber le mur qui s'était batti entre les deux hommes.
Rongé par la culpabilité de ne pas avoir été suffisamment là pour soutenir son homme, armé de la photo qui avait été diffusée à tous les postes de police de la ville et toutes les casernes de pompiers, il questionnait tous les sans-abris. Ce matin-là, alors qu'il espérait que TK ne soit pas dehors sous cette neige inopinée, il eut un premier espoir de le retrouver. Une prostituée lui indiqua un quartier où il allait pourtant souvent. Il n'hésita pas, fouillant à nouveau les rues et ruelles. Et, alors que la nuit était tombée depuis de nombreuses heures, juste avant que la station de métro ne ferme, alors qu'il allait renoncer et rentrer dans son cagibi, une forme attira son regard. Un tas de neige différent des autres. il se rapprocha avec précaution, souleva un carton et sa respiration se bloqua dans sa poitrine. Là, devant lui, en haillons, les lèvres bleues, était inconscient l'homme qu'il aimait. Il délogea la neige qui le recouvrait à la hâte, priant pour qu'il soit toujours en vie et réalisant qu'il devait toujours l'être quelques heures plus tôt. Dès qu'il put accéder à sa bouche, il plaça son oreille devant, l'angoisse lui vrilla l'estomac quelques secondes, avant qu'il ne devine un souffle quasi inexistant. Il sortit son téléphone portable et appela le 911, continuant à déloger la neige autour du corps inanimé en même temps. Sans hésitations, il retira son manteau et l'enroula autour de TK avec douceur et prudence. Il couvrit ensuite sa tête de son bonnet et ses jambes de son écharpe. Carlos avait froid, mais ce n'était rien en comparaison du gel qui se saisissait de son coeur alors qu'il réalisait que la vie de TK était une nouvelle fois en danger. Il fut à peine soulagé lorsque les secours arrivèrent, il ne savait que trop bien, pour l'avoir vécu quelques mois auparavant, que son amour était loin d'être sorti d'affaires.
Monté lui aussi dans l'ambulance, il prévint leurs proches, même Owen en espérant que cette fois il serait aux côtés de son fils et non dans les rues. Les heures furent longues avant qu'il ne soit autorisé à le voir. Le policier se retrouva dans la même situation que quelques mois auparavant, à veiller l'homme qu'il aimait alors que celui-ci était dans un coma dont il ignorait s'il en ressortirait un jour. Cette fois, il n'était pas en colère contre lui. Cette fois, il n'hésita pas. Cette fois, il prit sa main et lui parla. Cette fois, il lui dit, dès les premiers instants, à quel point il l'aimait et ne voulait pas d'une vie sans lui. Comme la fois précédente, il pria pour son réveil. Comme la fois précédente…
