THEME 23 : En trois temps

Drama, drôle, ubuesque, improbable, décrivez la même scène selon le point de vue de trois personnages qui y assistent où y participent.

500 mots maximum par point de vue à regrouper dans le même OS.


"911, quelle est votre urgence ?

- Mon frère est devenu fou… Il a tiré sur nos parents…"

La voix paniquée de la jeune fille était à peine audible pour Grace qui commença à pianoter sur son ordinateur.

"Ok, comment tu t'appelles ?

- Marie.

- Marie, moi c'est Grace. Peux-tu me donner ton adresse ?

- 375 bridge road.

- Les secours sont en route, Marie, où es-tu ?

- Je me suis enfermée dans la salle de bain.

- Et ton frère est où ?

- Il tambourine à la porte."

Effectivement, Grace entendait les coups et les cris d'un homme à travers le combiné. Elle vérifia son écran. La police n'était plus qu'à deux minutes, les secours à cinq.

"Est-ce que tu pourrais sortir par une fenêtre ?

- Non, il y a des barreaux à la fenêtre.

- D'accord Marie, les secours ne sont plus très loin. Tu as une douche ou une baignoire chez toi ?

- C'est une baignoire.

- Cache-toi dedans."

Grace entendit les sirènes de la voiture de police à travers le combiné.

"Les secours arrivent Marie, ça va aller."

Grâce entendit une voix d'homme et une de femme à travers son combiné, mais ne comprit pas les mots. Des coups de feu retentirent, d'autres cris, les pleurs de l'adolescente, puis la voix d'une femme dans son oreillette.

"Dispatche, besoin de deux ambulances supplémentaires, suspect et officier à terre."

Une boule se forma dans l'estomac de Grace, elle eut peur soudainement, mais fit de son mieux pour ne pas le laisser entendre.

"Reçu officier, deux ambulances sont sur le point d'arriver, deux autres viennent de partir. Quel est l'état des blessés ?

- Le suspect a reçu une balle dans l'épaule droite, il est conscient et très agité. Je suis obligée de le maintenir, je ne peux pas aller voir mon collègue. Il a pris une balle dans les côtes, il est conscient et se fait lui-même une compression sur la plaie. Les parents sont vivants, mais en état critique.

- Oh mon dieu, non !" entendit Grâce.

Elle reconnut la voix de TK sans mal et espéra que Carlos irait bien. A présent que des urgentistes étaient présents sur place pour s'occuper des blessés, elle reprit Marie en ligne.

"Marie, la police et les pompiers sont là, tu peux leur ouvrir la porte de la salle de bain ?

- Il y a quelqu'un qui frappe à la porte !

- Oui, c'est un pompier, tu peux lui ouvrir, vas-y."

Grâce entendit la porte s'ouvrir et l'adolescente s'effondrer en pleurs.

"Dispatche, on a la situation en main, dit une voix d'homme qu'elle reconnut être celle de son mari.

- Merci, tiens-moi au courant pour Carlos.

- Tommy s'occupe de lui.

- OK."

Elle raccrocha, inquiète.


L'alerte pour une attaque à main armée chez un particulier s'afficha sur le téléphone de Carlos en même temps que la voix d'un agent du 911 grésillait dans sa radio.

"On est à côté." lui dit sa coéquipière, en mettant en route les sirènes.

Carlos informa le central qu'ils se rendaient sur place et y furent en moins de deux minutes. Ils ouvrirent prudemment la porte d'entrée, armes en main et découvrirent les corps de deux adultes baignant dans leur sang au milieu du salon. Tout en restant sur leurs gardes, ils allèrent à leurs côtés. Carlos fit signe à sa coéquipière que l'homme était vivant. Elle n'eut pas le temps de l'informer de l'état de la femme qu'un bruit de pas précipités leur vint de l'escalier.

"Barrez-vous de chez moi !" leur cria un jeune homme d'une vingtaine d'années.

L'arme au poing, il la dirigeait alternativement sur les deux policiers, pas vraiment décidé sur sa cible. Ses yeux étaient fous, il était couvert de sang et avait des bleus sur les avant-bras.

"Pose ton arme, on est là pour t'aider… tenta la policière.

- Non, ils vont me renvoyer là-bas, c'est pour ça qu'ils vous ont appelé.

- C'est ta petite sœur, Marie, qui nous a appelé…

- Non, c'est vous qui avez Marie !"

Carlos qui était resté accroupi à côté du père sursauta lorsque celui-ci referma sa main sur sa cheville. La détonation retentit, suivie immédiatement d'une seconde et de cris de douleurs.

La balle avait touché Carlos sous le bras, là où son gilet par-balles ne le protégeait pas. Il s'était effondré lorsque la douleur avait explosé dans son torse, le laissant haletant, mais conscient. Difficilement, il regarda autour de lui : sa collègue avait immobilisé l'agresseur et demandait plus d'ambulances. Il savait qu'il perdait beaucoup de sang et repéra un coussin à ses côtés. Il l'attrapa, le plia en deux et roula dessus, appuyant sa blessure sur le tissu de tout son poids. La douleur faillit lui faire perdre conscience, mais il fit de son mieux pour rester éveillé.

"Oh mon dieu, non !"

Il reconnut sans mal la voix de son amant qui se précipita vers lui. Tommy fut aussi rapidement à ses côtés. Carlos se sentit manipulé. On lui donna un masque à oxygène et un fluide fut injecté dans la veine de son bras. Son gilet lui fut retiré, puis sa chemise. On appuya sur sa blessure, le faisant gémir avant qu'une sangle vienne entourer son torse.

Carlos réalisa que TK lui parlait, il ne comprenait pas. Son amant glissa sa main dans la sienne, la serrant gentiment, juste avant qu'une intense douleur ne traverse son torse. Il cria de souffrance, reprenant violemment pied dans la réalité.

Il fut mit sur un brancard et puis dans l'ambulance qui démarra. Son amant avait repris sa main. Carlos le regarda alors qu'il se sentait partir. Un ange… voilà qui était TK, un ange, son ange avec des yeux bleus remplis de larmes.

Carlos pressa faiblement la main de son homme pour attirer son attention.

"Je t'aime. articula-t-il sous le masque à oxygène.

- Je t'aime aussi, Babe. Accroche-toi."

Mais il n'y parvint pas et le noir l'engloutit.


TK prit le volant de l'ambulance lorsque l'alarme retentit. Tommy les briefa lui et Nancy sur le trajet. Une tension s'installa entre eux lorsque le 911 les rappela pour les informer qu'il y avait deux victimes de plus et que l'une d'elles était un policier. La boule au ventre, TK poussa la porte de la maison. La vision qu'il embrassa alors mit son cœur dans un étau.

"Oh mon dieu, non !" ne put-il s'empêcher de s'exclamer en réalisant qu'un de ses pires cauchemars prenait vie sous ses yeux : découvrir Carlos grièvement blessé.

Il se reprit et se précipita au chevet de son amant, Nancy sur ses talons alors que Tommy organisait la prise en charge des autres blessés avec les autres équipes.

Ils firent basculer Carlos sur le dos. TK lui prit ses constantes, lui mit un masque à oxygène et lui posa une intraveineuse avec de la morphine pendant que Tommy lui retirait son gilet par-balles et découpait sa chemise. Elle appliqua une compresse sur la blessure et demanda à TK de le soulever pour qu'elle puisse passer la sangle sous lui.

"Accroche-toi Babe, ça va faire mal, accroche-toi." lui murmura-t-il en prenant sa main avant que Tommy ne sert la sangle autour de son torse pour comprimer la blessure.

Le cri qui passa les lèvres de Carlos déchira le cœur de TK, lui amenant les larmes aux yeux, mais il se retint de pleurer. Ils transférèrent le policier sur un brancard et l'installèrent dans l'ambulance, Nancy se mit au volant.

Le secouriste s'assit aux côtés de son amant, prenant sa main dans la sienne et surveillant ses constantes. Il sentit une légère pression sur ses doigts et tourna son regard embrumé vers celui de son homme.

"Je t'aime, le vit-il articuler sous le masque à oxygène.

- Je t'aime aussi, Babe. Accroche-toi."

Mais les machines s'accélèrent alors que son rythme cardiaque dégringolait et qu'il perdait conscience.

"NON !"

TK réagit au quart de tour, démarrant le massage cardiaque tout en priant son amour de revenir parmi eux. Tommy chargea le défibrillateur. Le choc qui secoua le corps du policier ne remit pas son cœur en route. TK reprit le massage, les larmes inondaient ses joues.

Deuxième choc de défibrillateur. Toujours rien.

"REVIENS !" cria le secouriste en larmes en reprenant le massage.

"On y est dans deux minutes, les informa Nancy.

- Préviens-les qu'on est sur un arrêt cardiaque." répondit Tommy en plaçant à nouveau le défibrillateur.

Toujours rien.

TK reprit le massage avec l'énergie du désespoir. Carlos ne pouvait pas mourir…

Ils n'eurent pas le temps d'essayer de le ramener à nouveau avant d'arriver à l'hôpital. TK s'effondra en pleurs dans l'ambulance, recouvert du sang de l'homme de sa vie alors qu'il le voyait s'éloigner avec les urgentistes.

Les heures qui suivirent furent floues pour lui. Il ne savait pas comment il était arrivé dans la salle d'attente ni quand ses amis l'y avaient rejoint. Tout ce qui le marqua fut l'arrivée du médecin lorsque celui-ci lui annonça que Carlos était sauvé.