La vie de solitaire avait cela d'intéressant que Stiles pouvait adopter le rythme qu'il voulait. Il roulait une partie de la journée et ne s'arrêtait que lorsqu'il n'en pouvait plus. Plusieurs jours déjà, qu'il avait fui sa ville, fui ses amis, fui sa famille. Qu'importe ce que cela leur ferait, seule sa survie lui importait pour l'instant. Cela pouvait paraître égoïste, mais c'était ainsi. A Beacon Hills, quelques heures avant son départ, il avait atteint sa limite et savait qu'il finirait peut-être par faire une connerie s'il ne s'en allait pas. Alors, il s'était enfui.
Son téléphone avait sonné plusieurs fois ces derniers jours, mais le jeune homme n'avait jamais répondu. Oh, bien sûr, il savait que l'auteur de ces appels n'était autre que son père, cependant… Stiles attendrait qu'il passe par les messages avant de daigner lui répondre. L'important était de lui faire comprendre que sa décision, certes prise sur un coup de tête, était des plus sérieuses. Stiles ne reviendrait pas dessus, tout comme il ne remettrait pas le pied à Beacon Hills de sitôt. Peut-être même… Plus jamais. Rien n'était sûr, rien n'était écrit, mais la petite voix dans sa tête, celle qui l'avait sauvé de si nombreuses fois, ne cessait de le mettre en garde à ce sujet. Stiles avait beau n'être qu'un humain, il était doté d'un sixième sens hors du commun. Si personne ne le croyait alors qu'il avait démontré avoir un bon flair à plusieurs reprises, il avait décidé de se faire définitivement confiance. S'il devait rayer sa ville de cœur de la carte de son esprit pour s'en sortir, soit. C'était douloureux, mais cela ne le serait jamais autant que s'il avait fait le choix de rester. Or, d'aussi loin qu'il s'en souvienne, Stiles n'était pas masochiste. Son départ, aussi douloureux soit-il, était comme un pansement : la souffrance était très forte sur le coup, mais elle durerait moins longtemps. En théorie. Voilà ce que se disait Stiles. Qu'importe s'il cauchemardait toutes les nuits, qu'importe s'il avait la boule au ventre chaque fois qu'il se levait le matin, qu'importe si, pour l'instant, c'était difficile de vivre ainsi. Les choses finiraient par changer. L'hyperactif avait confiance. Il croyait au karma. Puis, honnêtement, n'avait-il pas assez donné dans sa vie pour avoir le droit à autre chose ? Il s'était toujours sacrifié pour les autres. Une décision prise pour son bien était forcément bonne et pas égoïste dans la mesure où il avait souvent manqué de mourir par le passé tant il s'était mis en danger pour les autres. N'était-il pas temps qu'il pense à lui ? Si, et il avait bien l'intention de changer sa manière de vivre. L'altruisme était une bonne chose, mais l'hyperactif avait poussé ce concept bien trop loin pour son propre bien. Repartir sur de nouvelles bases seul était une bonne chose, il en était persuadé. Apprendre à s'écouter, avant d'écouter les autres.
Stiles roula encore de longues heures avant de s'arrêter à nouveau et pour la première fois depuis son départ, il s'autorisa un petit confort. Il entra à l'intérieur d'un bâtiment après avoir rassemblé certaines de ses affaires dans un gros sac, et s'avança devant la réceptionniste. Après une courte discussion et un paiement en règle, Stiles obtint la clé de la chambre d'hôtel qu'on lui avait attribuée, l'une des dernières de libre. L'établissement n'était pas des plus qualitatifs, mais ça irait : le lit serait toujours plus confortable que la banquette arrière de sa voiture. Découvrant que l'ascenseur était en panne, Stiles souffla vite fait avant de chercher puis d'emprunter les escaliers. Troisième étage, hein ? L'hyperactif n'était pas contre un peu d'exercice – à son niveau, c'en était –, mais son sac était un peu lourd. Ainsi, il se sentit plus léger lorsqu'il l'eut déposé sur le lit de sa chambre. L'endroit ne payait pas de mine, cependant, il s'agissait pour lui d'un luxe dont il avait manqué et qui lui paraissait donc des plus agréables. Stiles ne resterait pas longtemps ici : trois jours, tout au plus. Il considérait s'être suffisamment éloigné de Beacon Hills, ainsi, il s'autorisait un petit temps de repos avant de passer aux choses sérieuses. Trouver un job et un réel endroit où loger. Cela pouvait attendre un peu. Il n'avait pas beaucoup d'argent, certes, mais assez toutefois pour se payer cette chambre durant ces trois jours. Le prix n'était pas élevé, ainsi, Stiles pouvait en profiter.
L'hyperactif se laissa tomber sur le lit avec un soupir de bien-être non dissimulé. Il avait le dos parcouru de courbatures dues à des nuits difficiles sur une banquette pas réellement prévue à cet effet. Il fut parcourut d'une euphorie aussi légère qu'agréable : un matelas, des draps, et son oreiller. Que demander de plus ? Il s'agissait sans doute du meilleur moment qu'il vivait depuis son départ… Tant et si bien qu'avant de se fourrer dans ce petit nid douillet qui aurait pu paraître trivial pour beaucoup, Stiles se déshabilla dans la chambre avant de s'engouffrer dans la minuscule petite salle de bain attenante. La douche était un peu étroite, mais l'hyperactif se sentit revivre. L'eau qui coulait sur son corps était chaude, un peu trop sans doute puisqu'elle marquait déjà sa peau, mais il n'en avait cure. C'était agréable, parce que cela faisait justement plusieurs heures et jours qu'il vivait avec le froid faisant frissonner chacun de ses membres. Il se sentait un peu faible, aussi. Pourquoi y faire attention ? Stiles était ainsi : il ignorait les problèmes, jusqu'à ce qu'ils disparaissent, ce qui se révélait contraire à sa nouvelle résolution de prendre soin de lui et de s'écouter. Disons qu'il était difficile de se détacher de ses vieilles habitudes… Il finirait par apprendre, petit à petit. Tout ne pouvait pas changer du jour au lendemain.
Ainsi, il profita d'un quart d'heure bienheureux sous la douche, faisant fi du fait qu'il prenait du temps. Il s'agissait d'un petit plaisir qu'il avait décidé de s'accorder. Une fois sorti, il s'enroula dans la serviette mise à sa disposition et se sécha avant d'enfiler un pyjama propre – un autre vieux t-shirt, un autre jogging. Hors de question de remettre celui, sale, qu'il utilisait dans la Jeep. Il avait passé des nuits difficiles, horribles, à suer durant des heures, à pleurer et renifler. C'était pour cette raison qu'il avait pris une poche plastique – de quoi mettre ses affaires à laver en attendant qu'il trouve quelque chose. Concernant ce sujet, il aviserait plus tard.
Avant d'aller se coucher, Stiles descendit grignoter un petit quelque chose au restaurant de l'hôtel qui, fort heureusement pour lui, ne coûtait pas extrêmement cher non plus. Puisqu'il avait bien économisé jusqu'à maintenant, l'hyperactif pouvait se permettre un petit extra. Ensuite, il reprendrait le chemin de cette nouvelle vie improvisée. Autant dire que pour l'instant, il ne visait pas grand-chose à part potentiellement un job et un petit appartement. A l'heure actuelle, c'était tout ce dont il avait besoin mais avant cela… Il décida de profiter de sa petite chambre d'hôtel lorsqu'il la regagna. Epuisé par toute la route qu'il s'était enchaînée ces derniers jours ainsi que par cette faiblesse encore peu marquée, Stiles alla se coucher tôt. Bien qu'il ne se fasse pas d'illusion sur la catastrophe que risquait d'être cette nouvelle nuit, l'hyperactif partit positif. Cette fois, il avait gagné la sécurité et la chaleur d'une chambre, le confort d'un lit, et la certitude qu'on ne le rattraperait pas.
Inutile de détailler sa nuit, sans doute aussi agitée que les autres : Stiles avait rarement le sommeil tranquille depuis son départ précipité de Beacon Hills. Enfin, l'hyperactif n'avait pas le souvenir d'un moment passé sans cauchemarder. Ainsi, il n'accédait pas au repos qu'il méritait et devait se contenter de quelques maigres heures de sommeil par-ci par-là, comme il le faisait toujours. Le temps apaisait puis guérissait, oui, mais le sang ne s'effaçait jamais. Stiles gardait en mémoire chacun des actes dont il avait été témoin, réalisés avec son corps ou non. Il savait que le prix de son existence se résumait à cela et n'avait d'autre choix que de l'accepter.
Ainsi, il se leva aux aurores, pâle et cerné, prit le temps de se faire un brin de toilette avant de se changer et de flâner un peu. Ce qu'il avait prévu ? Pas grand-chose. Durant ces trois jours, il ne comptait pas faire grand-chose de plus que simplement… Respirer et prendre du temps pour lui. La première étape de ce plan-là ? Prendre son petit-déjeuner dans le restaurant de l'hôtel. Puisqu'il était compris dans le petit prix de la chambre, autant en profiter… Puis ça tombait bien, Stiles avait faim : son ventre faisait des siennes, tant et si bien qu'il se voyait obligé de le satisfaire. Il descendit alors, plus ou moins frais, dans la salle qu'il visait. Croissants et autres mets de choix attirèrent très vite ses yeux mordorés, tant et si bien qu'il remplit rapidement son plateau avant d'aller se chercher une table dans un coin. Il avait toujours trouvé un peu… Honteux de manger seul dans un lieu public. C'était stupide et il en avait bien conscience, mais il allait falloir qu'il s'y habitue car désormais, il s'agissait de son quotidien. Et Stiles ne devait pas avoir honte de se retrouver en tête à tête avec lui-même.
D'un côté de la salle, il aperçut un petit groupe, trois personnes assises à une table mais n'y prêta que peu d'attention. Les silhouettes lui parurent vaguement familières et il s'y attarda si peu qu'il ne chercha même pas à les reconnaître parce que de toute manière… Il était parti loin, très loin de Beacon Hills. La probabilité qu'il croise quelqu'un qu'il connaissait était quasi nulle, d'autant plus qu'il devait s'être fait des idées. Il arrivait que l'on confonde des carrures familières avec des gens inconnus. Ainsi, il ne s'en préoccupa pas plus que ça et se trouva une place dans un coin. Là, il commença à manger et ferma les yeux un instant. Ces derniers jours, seuls des sandwiches et biscuits bon marché avaient élu domicile dans son ventre. Stiles s'était nourri avec un objectif clair : dépenser le moins possible pour, justement, s'offrir ce genre de privilèges. Là, son estomac était aux anges et ses papilles frétillaient de bonheur. Il décréta alors que ce jour-ci, précisément celui-là, était le premier de sa nouvelle vie. Parce qu'il fallait bien en trouver un et que ce petit-déjeuner était un trop bon délice pour qu'il le passe sous silence. Ne disait-on pas qu'il fallait se satisfaire des petits plaisirs de la vie ? L'hyperactif avait décidé de prendre ce dicton au pied de la lettre.
Oui, sauf qu'il n'avait pas prévu qu'une silhouette s'approche doucement de sa table. A vrai dire, il n'y fit tout d'abord pas attention, mais…
- Je savais que ton odeur de petit humain me disait quelque chose… Entendit-il.
Stiles sentit son sang se glacer alors qu'il reconnaissait clairement cette voix. Désirant au départ faire l'autruche, il s'enterra dans son déni, mais trop peu de temps pour ignorer cette silhouette qui, déjà, s'appuyait sur sa table.
Son cœur accéléra brutalement la cadence lorsqu'il releva les yeux pour croiser ceux de son vis-à-vis.
