- Je prends l'entière responsabilité de ce qu'il s'est passé. S'il a besoin de soins particuliers, j'en avancerai les frais.
Les bras croisés sur son torse, Derek hocha la tête. Cette femme était impressionnante de charisme et de sérieux. C'était elle qui avait su où Stiles était, simplement parce qu'elle avait eu des échos de l'un des membres de sa meute qui l'avait avertie de ce qui se tramait derrière le restaurant dont elle était la propriétaire. Une aubaine que Peter, Cora et Derek soient tombés sur elle peu de temps avant ce fameux appel. L'ayant directement reconnue comme une louve, les trois Hale étaient allés lui demander quelques renseignements sans grand espoir d'avoir une réponse. Et finalement, ils l'avaient eue.
Elle était loin de leur avoir plu.
- L'argent n'est pas un problème, répliqua-t-il plutôt. Tout ce que nous voulons, c'est que plus aucun des membres de ta meute ne l'approche.
Le tutoiement entre eux était vite venu. Entre loups-garous, on abandonnait souvent très vite les formules de politesse. C'était inutile. Une perte de temps. Cela ne voulait pas pour autant dire qu'ils s'entendaient bien. En fait, Derek faisait actuellement preuve d'un self-control incroyable. Ce n'était pas tant le fait que l'on ait attaqué Stiles en particulier qui le mettait dans une ire aussi noire… C'était le fait qu'on s'en soit, de manière plus générale, pris à un membre de sa meute. Un humain, qui plus est. Ce détail, aussi simple soit-il, rendait la chose encore plus sensible à ses yeux. Yeux qui brillaient d'une lueur sauvage. Il se contrôlait, oui.
Pour l'instant.
- Notre meute est pacifiste, tolérante, mais nous n'hésiterons pas à sortir les griffes en cas de manquement à cet ordre.
Pour une raison obscure, il tenait à le préciser. Il n'avait peut-être pas encore étripé ces enfoirés, parce qu'il avait à cœur de respecter le leitmotiv de Scott, mais cela ne saurait tarder s'il ne s'assurait pas que l'alpha face à lui ne prenne les mesures nécessaires. D'ailleurs, quelque soit son statut, il n'avait pas peur d'elle.
- Je ne manquerai pas de le leur faire savoir, fit la jeune femme, les bras croisés.
A côté de cela, il la respectait, car il sentait qu'elle n'était pas du genre à laisser passer ce genre d'incidents. La preuve en était qu'elle avait disputé son bêta au téléphone avant de leur dire de la suivre. C'était à ce moment-là qu'ils étaient arrivés au « Loup de Jade », à ce moment-là qu'elle avait paralysé sa meute avec quelques mots simples emplis d'une menace certaine. Ils avaient lâché Stiles sans attendre. Il s'était effondré sur le sol, inconscient.
Alors oui, Derek savait que Maia Roberts irait remettre les pendules de tous ces loups stupides à l'heure sitôt leur entrevue terminée. Elle se savait chanceuse d'obtenir de Derek de simples avertissements, et pas une guerre entre meutes. Ces conflits-là étaient les plus dangereux, les plus sanglants et ne prenaient pas toujours la forme que l'on imaginait. Derek n'était peut-être pas l'alpha de son groupe, mais il avait un jour eu ce statut. Il en avait l'étoffe et ça, Maia le voyait autant qu'elle le sentait.
- Il faut tout de même que je te dise quelque chose, fit-elle. Un de mes loups m'a fait une sorte de… Compte-rendu un peu plus précis. Ton humain n'est peut-être pas tout à fait honnête avec vous.
Quelque chose qu'elle trouvait passablement illogique et ce, pour plusieurs raisons.
Quant à ce qui concernait l'honnêteté de Stiles, Derek ne pouvait que lui confirmer qu'elle n'avait pas tort. Après tout, n'avait-il pas fui lorsqu'ils s'étaient croisés à l'hôtel ? La famille Hale avait suivi sa piste, même si cela s'était avéré compliqué. Il était certain que l'hyperactif leur cachait quelque chose… Mais quoi ?
- De ce qu'il m'a dit, l'humain disait ne plus avoir de meute. D'après sa version, c'est lui qui serait parti, mais mes loups sont certains qu'il n'a pas dit toute la vérité. Tout ce que je sais, c'est que le loup qui m'a rapporté ça ne mentait pas.
Elle avait minutieusement écouté son cœur, prête à débusquer le moindre mensonge qu'elle punirait d'un coup de griffe bien placé. Que l'humain fasse ou non partie d'une meute, son agression était impardonnable. Alors un mensonge de plus ne ferait qu'assombrir le sort de ses bêtas.
Si cette annonce troubla Derek, celui-ci n'en montra rien. Ce n'était pas parce qu'il respectait déjà instinctivement cette femme qu'il comptait lui livrer ses émotions sur un plateau d'argent. Elle devait déjà brièvement les sentir, alors… Derek voulait au moins garder la face. L'apparence comptait parfois tout autant que le ressenti réel. Du reste, il attendrait de se retrouver avec Stiles pour lui demander de plus amples explications quant à ces allégations des plus… Surprenantes.
En réponse à Maia, Derek hocha simplement la tête et se retourna pour s'en aller. Il en avait assez vu, assez entendu. Si l'aide que lui avait apportée l'alpha était des plus appréciables, le bêta voulait tout simplement s'en aller. Rester là, dans ce restaurant, alors que l'agression de Stiles avait eu lieu juste derrière… Autant dire que ça lui donnait tout bonnement envie de ne plus se retenir et d'aller mettre chaos tous ces loups qui avaient osé lever la main sur Stiles. De ce que lui avait dit Maia, celui-ci était simplement venu voir s'il pouvait trouver du travail et… Il avait fallu qu'on sente l'odeur de la meute sur lui, et ça en avait rendu fou plus d'un. Si la méfiance était de rigueur et si Derek la comprenait, il n'excuserait probablement jamais ce qu'il s'était passé. Ces bêtas-là n'avaient qu'à bien se tenir, où il reviendrait, accompagné de Peter, qui serait ravi d'aiguiser ses griffes. Quand il s'agissait de se battre ou bien d'organiser une tuerie, l'oncle Hale avait tendance à répondre présent – et pour une fois, cela ne dérangerait pas son neveu, dont les pulsions meurtrières ne cessaient de croître. Stiles n'avait pas été grièvement blessé, mais le simple fait qu'on ait levé la main sur lui suffisait pour le mettre dans une colère noire. D'autant plus que l'hyperactif ne s'était pas douté qu'il arrivait sur un terrain… Qu'il connaissait, en soi, mais dont il ne soupçonnait pas l'existence à ce moment-là. Il imaginait pénétrer dans un restaurant lambda. Et le piège surnaturel s'était refermé sur lui. Il avait fallu que l'odeur de sa meute s'ancre dans sa peau pour provoquer haine et violence.
Avant que Derek ne s'en aille, Maia lui donna ses coordonnées et l'enjoignit de la contacter s'il avait le moindre problème. La famille Hale, qu'elle connaissait de nom et de réputation, avait beau être sur son territoire à elle, l'affront qui leur avait été fait leur donnait certains droits. Encore une fois, Maia se savait chanceuse que Derek ne déclare pas la moindre guerre. Parfois, la vengeance était un motif suffisant pour en provoquer une et rien que pour la miséricorde dont faisait preuve l'ancien alpha – elle en était certaine, maintenant – ne faisait que renforcer son respect à son égard. Derek Hale était un homme qu'on ne devait avoir en ennemi. Il était dangereux, comme son oncle et sa sœur, qu'elle avait aperçue avant que ceux-ci ne prennent l'humain avec eux.
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Derek n'était pas tout de suite rentré à l'hôtel. Il lui avait fallu du temps pour se calmer et retrouver un état mental décent. Et en même temps, il avait tenu à avertir les loups de cette meute. Maia avait beau être au courant, Derek considérait qu'il devait faire comprendre les choses à ces gens… De manière directe. Sans doute écouteraient-ils leur alpha, mais… Il s'attela tout de même à parcourir la ville, passer près des commerces et déposer son odeur un peu partout. Lorsqu'il était enfant, sa mère lui avait appris à faire quelque chose d'assez simple : déposer et intensifier son odeur sans lâcher aucun fluide – Derek aurait pu le faire, mais ce n'était ni distingué, ni discret. Loin de lui l'idée de faire le chien.
Tout ce qu'il voulait faire savoir, c'est qu'il était là. Pour combien de temps ? Suffisamment pour aller se venger s'il croisait l'un de ces gens dont il avait pris le temps de mémoriser le visage. Il suffisait qu'on le regarde mal, et il agirait sans aucun problème. Il n'était pas pour la violence mais dans ce monde, elle s'avérait parfois nécessaire.
Ce qui n'aidait pas Derek à se calmer ? Le flou épais qui tournait autour de Stiles. Sa présence dans cet hôtel, la surprise et l'horreur qu'il avait vue naître dans ses yeux lorsqu'il les avait vus, Peter, Cora et lui. La peur qu'il avait sentie dans son odeur. Puis il y avait ça : la route qu'il avait faite et que l'on avait eu grand peine à suivre, son agression… Et cette histoire de meute. Bien sûr que Stiles faisait toujours partie de la meute. Il ne pouvait pas en être parti, comme personne ne l'en avait viré. Derek ne savait pas ce qu'il s'était passé pour que Stiles en vienne à dire une chose pareille, mais il allait tout faire pour le découvrir et ce, rapidement.
Une fois ses émotions stabilisées et son masque d'homme froid et intimidant complètement remis en place, Derek prit le chemin de l'hôtel. C'était Peter et Cora qui avaient pris la Camaro, alors il se retrouvait à pied. Ce n'était pas un problème, puisque d'après l'application GPS de ton téléphone – si merveilleux, d'après Peter –, il n'avait qu'une quinzaine de minutes avant d'arriver à destination. Il y avait sur son chemin moults arrêts de bus et Derek voyait régulièrement des taxis passer. Cependant, la marche lui convenait très bien. Il était patient et avait beau s'être calmé, il savait que ce n'était que temporaire. Le feu qui bouillonnait en lui était loin de s'éteindre. Il en faudrait plus pour l'étouffer.
Pour l'attiser, une étincelle suffisait.
Alors lorsqu'il arriva à destination et laissa son regard courir sur le corps inanimé de l'humain complètement éteint patiemment soigné par Cora, il regretta instantanément d'avoir été si magnanime et tolérant envers les membres de la meute de Maia.
