Stiles resta cinq jours à l'hôpital. Cinq jours durant lesquels il s'efforça de museler ses émotions. Derek était revenu le voir deux fois, mais c'était tout. Ni son père, ni Scott, ni aucun autre membre de la meute n'avait daigné lui rendre visite. Pourtant, Stiles était certain que Mélissa avait parlé de son état à Scott. Il la connaissait depuis assez longtemps pour savoir que dès que quelque chose lui arrivait, elle en parlait directement à son fils. Malheureusement, cela signifiait que celui-ci avait tout simplement ignoré l'information et n'avait pas jugé utile de prévenir les autres.
Stiles avait pourtant reçu quelques messages, au bout de son troisième jour d'absence. Lydia et Isaac avaient fini par lui demander pourquoi il était absent au lycée. Le jeune Stilinski n'avait répondu à rien, laissant simplement un vu attestant qu'il avait pris connaissance des SMS, ainsi, aucun de ses amis ne s'inquièterait. Au pire, ils en seraient agacés, mais rien de plus. Ils ne pouvaient pas lui en vouloir, ils n'en avaient le droit. Depuis sa possession par le Nogitsune, Stiles était mis à l'écart de la meute par ses membres et pour le moment, Derek avait été le seul à tenter une approche. Au moins, il avait permis à Stiles de tenir assez longtemps moralement pour sortir de l'hôpital.
Maintenant chez lui, le jeune homme soupira et grimaça : ses deux côtes le faisaient encore atrocement souffrir. Il saisit l'une des boîtes de médicaments qu'il devait prendre. La plupart de son traitement était constitué d'antidouleurs différents et cumulatifs, ainsi que des somnifères. Pour sa jambe, c'était différent il devait changer ses bandages une à deux fois par jour selon ses besoins, nettoyer la plaie et veiller à ce qu'elle ne s'infecte pas. Stiles s'en occupait lui-même, il n'avait pas le choix et c'était encore très douloureux. Il devait d'ailleurs marcher avec des béquilles pour le moment, impossible pour lui de s'appuyer sur sa jambe alors que la plaie était si récente et si grande.
Stiles envoya un message à son père. Sa chambre se trouvant à l'étage, il n'était pas très pratique pour lui d'y aller en béquilles. N'étant pas encore à l'aise avec, il préférait ne pas tenter le diable. Il ne devait pas se blesser à nouveau, pour ne pas décevoir Noah encore une fois. Ne fais pas de vague, se disait régulièrement le jeune homme, comme un rappel. Pendant un temps, il dormirait donc dans le salon. Son SMS servait à demander à son géniteur si, lorsqu'il arriverait, il pourrait lui descendre son ordinateur, son oreiller et quelques affaires qu'il rangerait où il le pourrait.
Le shérif répondit rapidement à son message et lui indiqua également à quelle heure il rentrerait. Stiles avait trois bonnes heures avant que son père ne passe la porte d'entrée de leur petite maison. Hors de question pour lui de rester là à ne rien faire, même si son moral était toujours aussi bas. Malgré la douleur constante de ses côtes qui l'empêchaient un petit peu de respirer correctement, Stiles décida de faire un peu de ménage et de préparer à manger. Clairement, cela n'allait pas être simple, surtout avec des béquilles, mais il se débrouillerait.
Il devait faire plaisir à son père, lui simplifier un peu la vie.
Les paroles de Noah Stilinski tournaient en boucle dans sa tête depuis son accident.
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Cela faisait deux jours que Stiles était rentré chez lui et aujourd'hui, il eut beaucoup de mal à se lever du canapé du salon. Il devait aller en cours et n'avait d'autre choix que se lever plus tôt que d'ordinaire pour prendre le bus. Impossible de conduire dans son état et avec les médicaments qu'il devait s'enfiler. Il soupira. Son corps avait besoin de plus de repos, bien sûr, mais Stiles avait tenu à reprendre le lycée assez tôt pour que son père ne se fasse pas trop de souci. Il avait toujours le même objectif en ligne de mire : ne plus décevoir le shérif qui avait bien trop souffert par sa faute. Pour cette raison, il ne lui demandait pas non plus de l'amener, ni le ramener du lycée. Il se débrouillerait, comme toujours.
Stiles, en regardant l'heure sur son téléphone, constata qu'il était en retard.
- Merde, souffla-t-il.
Avec un peu de chance, s'il s'habillait vite, il réussirait à attraper le bus à temps. Pas le temps de se laver, encore moins de changer ses bandages. Au pire, il irait à l'infirmerie dans la journée.
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Stiles pesta. Descendre d'un bus avec des béquilles était encore plus difficile que d'y monter et dieu sait qu'il avait eu du mal. Il dut se contracter et travailler son équilibre ce qui avait complètement réveillé la douleur de ses côtes. Le voici donc qui avançait péniblement avec ses béquilles, serrant les dents. Marcher jusqu'à l'entrée du bâtiment principal lui semblait presque être un exploit. Une chose était sûre, il allait vite devoir prendre certains de ses médicaments. Ça va aller Stiles, tu vas tenir. Cependant, c'était plus facile à dire qu'à faire. Sa jambe blessée, légèrement repliée, s'y mettait à son tour. Il n'avait ni changé ses bandages, ni passé sa crème. Ne parlons même pas de son inconfort actuel : au lieu de porter un jogging ample comme tous les jours depuis son accident, Stiles avait choisi de sauver les apparences et de s'habiller normalement, avec un de ses jeans slim habituels. Autant dire que cela n'était pas la meilleure idée qu'il avait eue dans sa vie. Au moins, il portait une tenue normale. La seule chose qui changeait de d'habitude, c'était la présence de ses béquilles.
Un élève, qui passait devant lui, ouvrit la grande porte et eut la gentillesse de la tenir pour Stiles, qui le remercia platement. Il n'avait même pas envie de sourire. Parce que l'élève l'avait regardé comme s'il sortait d'un asile de fou. Disons que Stiles pouvait faire peur, notamment avec les quelques plaies et ecchymoses qu'il restait sur son visage et qui mettaient un peu de temps à disparaître. En plein milieu du couloir, le jeune homme s'arrêta et ne put s'empêcher de grimacer légèrement. Respirer correctement pouvait s'avérer bien difficile avec la douleur lancinante de deux côtes cassées et une jambe blessée en profondeur. En plus de cela, Stiles avait du mal à se remémorer ce qu'il avait comme cours et dans quelle salle. Quelle journée de merde.
- Stiles ?!
Le susnommé ouvrit brusquement les yeux et retint une nouvelle grimace de douleur. Il se retourna péniblement vers Isaac et Lydia qui le regardaient, médusés.
- Hey, dit-il avec un faible sourire.
Faux sourire.
La banshee avait la main devant sa bouche entrouverte par la stupéfaction. Isaac, lui, se contentait d'un sourcil haussé et d'un regard étrange. Stiles faisait vraiment peur. Il suffisait d'ajouter sa pâleur et ses cernes à ce petit tableau morne pour couronner le tout. Cette pâleur qui faisait parfaitement ressortir ses blessures.
- Il t'est arrivé quoi ? Lui demanda tout de suite le jeune loup.
- Un accident de voiture, il y a un peu moins d'une semaine. Rien de bien grave, répondit Stiles.
Le jeune homme se rendit soudainement compte que, pour une fois, on lui accordait de l'attention. Était-ce à cause de son visage, de ses béquilles, ou bien les deux ? Au lieu de se sentir réchauffé, ragaillardi par cette constatation, Stiles sentit comme un poids mort peser sur ses épaules. Il ne se sentait pas à sa place, dans ce couloir, avec deux de ses amis. Il ne voulait pas qu'on le regarde, qu'on se pose de questions sur ce qu'il avait. C'était trop… Soudain et pas au bon moment. Pourquoi ne s'intéressait-on à lui que lorsqu'il était blessé ? Était-il pathétique à ce point-là ?
- Pourquoi tu n'as pas répondu à nos messages ? Je sais que tu les as vus, l'accusa doucement Lydia en se rapprochant un peu.
- J'étais fatigué et après, je n'y ai plus pensé, répondit Stilinski. Je vais bien, ne vous en faites pas.
Isaac décela l'irrégularité révélatrice dans les battements de cœur de Stiles et fronça les sourcils.
Personne ne doit s'inquiéter pour moi. J'en vaux pas la peine. Tout ce qui importait pour Stiles, c'était que son père l'aime et veuille encore de lui. Pour le reste, il avait fait une croix dessus depuis un moment déjà. D'abord Scott, puis les autres, progressivement. Il ne pouvait pas accepter le fait qu'on puisse s'intéresser à lui maintenant. Il avait perdu tout le monde, on le lui avait bien fait sentir. Alors pourquoi ce monde se rappelait-il soudainement à lui ? Sans doute Isaac et Lydia se donnaient-ils bonne conscience, en prenant de rapides nouvelles de l'humain de la meute. En faisait-il toujours partie ? En apparence, oui. Néanmoins, on ne lui demandait plus de venir aux réunions, comme avant. Stiles savait quand elles avaient lieu, mais ne cherchait pas plus loin. Si l'on ne lui disait pas personnellement de venir, cela voulait dire que sa présence n'était plus vraiment nécessaire.
Caduque.
Après tout, n'était-il pas l'humain de la meute ? Le seul à ne pas posséder de talent surnaturel ?
- Tu es sûr que tout va bien ? Insista Lydia en faisant un pas vers le jeune Stilinski.
- Sûr et certain, sourit Stiles.
Encore une fois, ses battements de cœur marquèrent Isaac par leur irrégularité. De plus, il remarqua que son sourire n'allait pas jusqu'à ses yeux qui, eux, restaient neutres. Vides de toute émotion. Néanmoins, le loup décida de ne rien dire et laissa partir Stiles, qui venait de leur faire un signe de tête et de leur signifier son intention d'aller en cours. Lorsque le brun se fut assez éloigné, Isaac soupira. Lydia tourna la tête vers lui et haussa un sourcil.
- Il nous a dit la vérité ? Demanda-t-elle, espérant une réponse positive malgré son début de suspicions.
Le regard assombri du joueur de crosse ne la conforta pas dans ses attentes. La réponse du jeune homme fut claire, sans aucune ambigüité possible :
- Non, pas une fois.
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Les cours se déroulèrent lentement aux yeux de Stiles. Bien trop lentement. Dire qu'il voyait le temps passer serait presque un euphémisme. La douleur immense de ses blessures le tiraillait sans arrêt et il dut discrètement prendre certains médicaments, même en plein cours. Autant dire que suivre s'avérait compliqué. Il prenait des mastodontes en terme d'antidouleurs, qui avaient cet effet un peu soporifique malsain. Le pire était sans doute de sentir tous ces regards sur lui des curieux le regardaient régulièrement, curieux de voir le fils du shérif blessé. Pas un ne chercha à lui parler, à lui demander ce qui lui était arrivé. Pas même Scott, qui avait très clairement vu son état, Stiles en était certain. Il s'efforça toutefois de passer outre, pour ne pas laisser son mal-être le submerger au lycée. Pour ça, il attendrait d'être rentré chez lui.
En plein cours de chimie, aux alentours de onze heures, la douleur devint trop forte pour Stiles, qui ne put s'empêcher de grimacer. Il ne pouvait pas le cacher plus. Sa jambe le lançait beaucoup trop et les médicaments qu'il avait pris ne servaient que pour ses côtes, qu'il ne sentait presque plus. Le jeune homme savait que c'était partiellement dû au fait qu'il n'avait pas pu changer ses bandages et appliquer son traitement cutané. À la pause de midi, il devrait obligatoirement aller à l'infirmerie. Tant pis pour ses crèmes et injections, il devait au moins mettre des bandes propres sur sa grande blessure. La douleur était telle qu'il dut réprimer des gémissements douloureux. Plus qu'une heure à tenir avant la pause déjeuner. Pour Stiles, cela paraissait tout bonnement insurmontable. Et pourtant, il devait tenir, il n'avait pas le choix. C'est rien, encaisse, se répéta-t-il inlassablement pour garder le contrôle sur lui-même. S'il grimaçait en cours, ce n'était pas grave s'il se mettait à être bruyant, là c'était mauvais. Néanmoins, il arriva plutôt bien à garder le silence jusqu'à la fin de l'heure. Stiles était tellement préoccupé à se concentrer pour rester silencieux qu'il n'avait pas remarqué les regards furtifs de Lydia et Isaac, assis côte à côte.
Dès le début du cours de chimie, Isaac avait senti une odeur profondément désagréable piquer ses narines ultrasensibles de loup-garou. Il n'avait pas mis bien longtemps à en deviner la cause et la provenance le visage de Stiles, assis seul à l'autre bout de la salle, parlait pour lui. Plusieurs fois, Lydia et Isaac l'avaient vu sortir quelques boîtes de médicaments et les avaler grâce à la petite bouteille d'eau qu'il gardait toujours sur lui. Autant le dire tout de suite, les deux êtres surnaturels étaient passablement inquiets pour le fils du shérif.
À la fin du cours, Stiles fut un des premiers à sortir, malgré ses béquilles. Il ne pensait qu'à une chose changer ses bandages. Rien que cet acte le soulagerait un peu. Cependant, il déchanta bien vite lorsqu'il arriva devant les portes closes de l'infirmerie. Au début, il n'y croyait pas, mais tomba des nues lorsqu'il vit les horaires d'ouvertures de l'endroit consignés sur une petite feuille brièvement scotchée à l'une des deux portes. L'infirmerie était fermée de midi à quinze heures. Tous ses espoirs s'envolèrent, alors même que la douleur semblait encore augmenter de manière drastique. Stiles ne put empêcher un cri de passer la barrière de ses lèvres. Pourquoi avait-il aussi mal ? Pourquoi ses médicaments n'avaient soulagé que la douleur de ses côtes ? Sa vue commençait à se brouiller. Soudainement vidé de son énergie, Stiles lâcha ses béquilles. Le bruit des deux bâtons métalliques sur le sol dur et froid du lycée fut sec et dérangeant, tandis que le jeune homme se laissa glisser contre le mur à côté des portes de l'infirmerie. Il avait les deux jambes étendues et la tête rejetée en arrière, en contact avec le mur. Ses yeux s'étaient tout naturellement fermés durement et il serrait les dents en gémissant légèrement. Il n'osait même pas toucher sa jambe blessée, de peur que la douleur n'augmente encore. Elle était déjà telle, qu'il n'arrivait plus à réfléchir et que son esprit se retrouvait comme court-circuité. Trop de douleur physique. La mentale se cachait, attendant son heure pour se montrer.
Des voix floues parvinrent à ses oreilles mais son esprit embrumé et au bord de l'évanouissement l'empêcha de distinguer ce que ces voix disaient. La seule chose qu'il retint, ce fut que la douleur disparut brutalement, comme si elle était aspirée. Stiles ne sombra pas dans l'inconscience mais n'eut pas la force d'ouvrir les yeux pour autant. Il était épuisé. Encaisser était une chose encore bien difficile. Le fait qu'il soit dans les vapes l'empêcha de se demander tout de suite par quel miracle la douleur s'en était allée.
Isaac haletait.
- Ça va ? Lui demanda Lydia, accroupie près de lui.
- Ouais, dit-il simplement en reprenant son souffle.
Lorsque Stiles était sorti en premier du cours, les deux amis avaient décidé de le suivre mais la foule qui avait voulu s'en aller de chimie les avait ralentis. Par la suite, en voyant Stiles se laisser glisser contre le mur, les yeux fermés, Isaac avait pu entendre son cri, bien que faible. Le bêta n'avait pas hésité une seconde en arrivant à ses côtés il avait pris sa main et ses veines s'étaient teintées de noir. La douleur qui l'avait submergé, tel un tsunami, l'avait fait gémir, tant et si bien qu'il avait failli lâcher Stiles. Comment l'humain avait-il pu supporter ça en silence durant les cours ?
Stiles ne s'était pas évanoui, Isaac le savait, mais il n'allait pas bien pour autant. Lydia l'appela doucement, puis plus durement. Les yeux chocolat du fils du shérif eurent bien du mal à s'ouvrir. Lui aussi haletait. L'hyperactif mit quelques secondes avant de réaliser qui se trouvait face à lui : Isaac et Lydia. Le bêta n'avait toujours pas lâché la main de Stiles. Ses veines redevinrent normales.
- Stiles, ça va ? Demanda Lydia en le voyant conscient.
Fébrilement, le susnommé hocha la tête. Il n'arrivait pas vraiment à y croire que faisaient Isaac et Lydia ici, près de lui ? Une pensée fugace lui traversa l'esprit : autrefois, c'était Scott qui était à ses côtés. Stiles chassa aussitôt cette pensée de sa tête. Ce n'était pas le moment. Dans tous les cas, il ne comprenait pas le soudain intérêt que le bêta et la banshee lui portaient. Quelques semaines plus tôt, c'était tout juste s'ils l'évitaient comme la peste. Il avait bien vu que leurs rapports s'étaient un peu apaisés récemment, mais de là à les inquiéter… ? Stiles n'y croyait pas. On ne pouvait pas s'inquiéter pour lui. Et pourtant, c'était ce qu'il lisait dans leurs yeux.
Lydia proposa à Stiles de l'emmener chez Deaton, qui pourrait potentiellement le soulager, car la prise de douleur qu'avait opérée Isaac n'avait pas un effet éternel. Cependant, l'hyperactif refusa, disant que ce n'était pas la peine il fallait juste qu'il change ses bandages. Pour cela, il reviendrait ici lorsque l'infirmière serait là. Il omit de préciser que cela ne suffirait qu'à moitié. Ses crèmes et injections qu'il ferait en rentrant chez lui le soulageraient beaucoup plus.
Les deux êtres surnaturels acceptèrent à contrecœur de le laisser gérer son affaire mais ne l'abandonnèrent pas pour autant. Ils lui proposèrent de manger avec eux mais une nouvelle fois, Stiles déclina leur invitation, prétextant que son père devait passer le chercher pour manger avec lui. Isaac détecta une fois de plus le mensonge dans sa voix et le rythme de ses pulsations cardiaques. Il ne dit pourtant rien à ce sujet. Il ne put empêcher un sentiment de tristesse l'envahir pourquoi Stiles ne cessait-il de leur mentir ? Okay, il fallait avouer que la meute n'avait pas été très sympa avec lui récemment. Isaac reconnaissait ne pas avoir été très cool non plus, mais quand même. Qu'avait-il pu se passer pour que l'hyperactif de la meute décide de mentir à tout le monde ? Ce n'était clairement pas la première fois que Stiles racontait un mensonge à chaque question qu'on pouvait lui poser.
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Les jours passèrent et se ressemblèrent tous, à quelques détails près. Les cours se déroulaient normalement, la relation entre Stiles et son père semblait stable et le shérif n'avait pas l'air d'en vouloir à son fils pour son accident, contrairement à ce qu'il avait laissé entendre à l'hôpital lorsqu'il faisait semblant de dormir. Scott ignorait toujours autant le fils du shérif tout en faisant comme si ce n'était pas le cas, tandis qu'Isaac et Lydia semblaient faire de plus en plus attention à lui. Cependant, l'état de Stiles se dégradait considérablement. Il dormait de moins en moins malgré tous ses médicaments et souffrait de plus en plus. Ses côtes, ça allait. Ce qui allait moins, c'était sa jambe. Chaque jour, Stiles faisait pourtant tout ce qu'il fallait faire pour guérir il nettoyait sa plaie malgré la douleur, passait les crèmes adéquates et faisait ses injections lui-même avec des normes d'hygiènes irréprochables. Stiles ne plaisantait pas avec le médical. Voulant éviter de s'infecter et de faire payer plus de frais d'hôpitaux à son pauvre paternel, qui n'avait pas encore pu régler la facture datant de son accident dans son entièreté. Les frais de santé coûtaient cher et Stiles en était parfaitement conscient. Il voulait prouver à son père qu'il n'était pas qu'un gamin à problèmes et qu'il n'avait pas à s'inquiéter pour lui. Il voulait préserver son père.
Chaque matin, le réveil de Stiles s'avérait plus compliqué que le précédent. La fatigue le prenait, l'écrasait, l'étourdissait et pourtant, il ne dormait plus beaucoup. La douleur était trop présente et prenait de plus en plus de place. Le fait qu'il se bourrait de médicaments n'arrangeait sans doute pas les choses.
Ce matin-là, Stiles se leva avec l'impression de se sentir faible physiquement, comme si un rien pouvait l'épuiser. Il oscillait beaucoup entre chaud et froid et faisait à peine attention à ses sueurs froides, de plus en plus souvent présentes. Ce fut avec lenteur qu'il opéra son traitement devenu habituel, si bien qu'il ne faisait plus attention, depuis quelques jours, à l'apparence de sa plaie. Il attrapa ensuite son bus à temps et arriva en cours, shooté par ses médicaments.
Dans la journée, Stiles reçut un message d'Isaac, l'informant que la meute organisait une réunion juste après les cours et qu'il était convié. Quelques semaines plus tôt, l'hyperactif aurait sauté de joie. Ce jour-là, son regard resta vide. Il informa Isaac qu'il ne pouvait pas conduire pendant un moment et le bêta lui indiqua que Lydia les emmènerait tous les deux.
Les cours furent très compliqués à suivre. En fait, les feuilles de Stiles restèrent vierges. Il n'avait pas pris une seule note. Il était là, sans être là. Plus précisément, il faisait acte de présence physique. Son esprit était ailleurs, perdu. Il prenait trop de médicaments et arrivait à peine à se retenir de grimacer. Il ne voulait surtout pas attirer l'attention.
Lorsque les cours se terminèrent, Stiles retrouva à contrecœur Isaac et Lydia au parking du lycée et s'assit sur la plage arrière. Le trajet ne fut pas très long, mais pas un mot ne fut prononcé. Lydia sentait que quelque chose n'allait pas tandis qu'Isaac entendait les battements irréguliers du cœur de Stiles. L'odeur qu'il dégageait le perturbait de plus en plus. Chaque jour, elle s'intensifiait, piquant son nez au point de devenir entêtante. Lorsqu'il regarda dans le rétroviseur, il vit très clairement la grimace déformer le visage de Stiles et la goutte de sueur qui dévalait sa tempe gauche. Il n'allait pas bien, c'était clair et net. Ce que voyait désormais Isaac, c'était toutes les tentatives de Stiles pour cacher son mal-être, qu'il soit physique ou moral. Il se gifla intérieurement, se traitant d'imbécile pour n'avoir rien remarqué avant. Quand il y repensait, c'était pourtant évident. L'éloignement de Stiles transformé en isolation, la quasi-absence de son hyperactivité, sa solitude, son regard sombre, en permanence voilé par une ombre incompréhensible, son air éteint, fatigué… Tous les indices étaient là. Isaac se rappela également qu'il ne voyait plus Scott parler à Stiles. Il commença à doucement faire le lien et ses mains se crispèrent sur le volant. Lydia, sur le siège à sa droite, le regardait, inquiète, mais pas perplexe. Elle aussi avait compris et relevé quelques petits détails qui ne la rassuraient pas vraiment. Assurément, Isaac en savait plus qu'elle.
Le loup gara la voiture à la première place disponible qu'il trouva, à une dizaine de mètres de l'immeuble de Derek, toutes les autres étant occupées par différentes automobiles. Stiles prit appui sur ses béquilles et s'appliqua à tenter de ne rien laisser paraître. Je ne dois pas les inquiéter, se répétait-il intérieurement. Ce qu'il ne savait pas, c'était l'inutilité de cette précaution, le loup et la banshee ayant commencé à cerner son jeu. La seule chose qu'il ne pouvait pas réellement contrôler le trahirait sans doute mais Stiles n'en avait cure : aucun loup-garou ne ferait attention à lui, assurément. Bien que son cœur se serra à cette pensée, l'hyperactif se dit qu'il en avait l'habitude et tenta de se persuader que cela ne lui faisait rien.
Monter à l'étage de Derek fut une torture pour Stiles, qui ne posait toujours pas le pied de sa jambe blessée au sol. Impossible, c'était trop douloureux. Son visage crispé donnait fortement envie à Lydia de lui proposer son aide, mais elle s'abstint. Quelque chose dans le regard de l'hyperactif lui disait qu'il valait mieux se taire. Il en était de même pour Isaac, qui faisait très attention à ses battements de cœur.
Lorsque Lydia fit coulisser la porte du loft, Stiles redoubla d'effort pour rester de marbre. Toute la meute était réunie et regardait les nouveaux arrivants. Bien sûr, tout le monde savait pour l'accident de Stiles, Derek les avait informés et la plupart l'avait déjà aperçu, marchant à l'aide de ses béquilles dans les longs couloirs du lycée de Beacon Hills. Les regards sur Stiles n'étaient pas tous indifférents, bien au contraire. La difficulté de Stiles à avancer et son visage un peu trop crispé pour être naturellement impassible ne passaient pas inaperçu aux yeux de certains. Bien vite, Liam fit une place à l'hyperactif sur le canapé, à son extrémité, lui laissant accès à l'accoudoir. Le concerné, bien qu'étonné de l'attention, saisit l'occasion de se poser. Il ne vit pas le regard effaré de Liam, qui avait senti son odeur. Les iris bleus d'Isaac rencontrèrent les siens et les deux loups se comprirent. L'odeur de Stiles avait quelque chose de déplaisant, de… Pourri, pour un être lupin. Liam, en tant que jeune loup, suivait ses instincts primaires, qui semblaient découvrir seulement maintenant que quelque chose clochait avec Stiles. Cette odeur avait beau être récente, elle ne lui disait rien qui vaille.
Stiles ne remarqua rien, trop préoccupé sur le contrôle de son faciès et de sa tolérance à la douleur. De toute manière, même s'il avait vu les regards d'Isaac et Liam sur lui, jamais il ne lui serait venu à l'idée que les deux loups puissent être inquiets à son sujet. Pour lui, ce n'était tout bonnement pas possible. Ce temps-là appartenait au passé.
Derek n'étant pas encore descendu, le regard de Stiles passa sur tous les individus présents, individus qui discutaient entre eux. L'hyperactif s'interdit de faire attention au fait que l'on ne cherchait à l'inclure dans aucune conversation, ce qui confirmait toutefois son idée qu'il ne faisait plus vraiment partie de la meute. Ses doigts se mirent à tapoter sur l'accoudoir. Il ne se sentait pas à sa place, ici. Il n'avait envie que d'une chose s'en aller, rentrer chez lui. Et puis voir Scott, sur le canapé d'en face, rire, sourire, embrasser Kira, discuter avec certains membres de la meute sans avoir l'air d'éprouver quoi que ce soit de négatif n'aidait pas Stiles à se sentir bien. Son meilleur ami, face à lui, ne l'était plus. Il semblait avoir effacé le fils du shérif de son cercle d'amis, de son existence. Le cœur de Stiles eut plusieurs ratés mais son visage resta plus ou moins impassible. Était-il normal qu'il se sente comme… Cassé ? À bout de forces mentalement, d'espoir ? Brisé par la solitude ? N'y fais pas attention, c'est rien, se répéta-t-il plusieurs fois pour s'en persuader. En soi, au sens littéral du terme, Stiles n'était pas seul en cet instant, du moins sur le plan physique. Mais cela ne suffisait pas. Il avait besoin d'une épaule sur laquelle se reposer, d'une main tendue, de quelqu'un à qui parler. Ici, personne ne pourrait assumer ce rôle. Si son père n'était pas dans un tel état de détresse, tel qu'il le lui avait montré lorsqu'il faisait semblant de dormir à l'hôpital, Stiles se serait bien laissé aller à la confidence avec lui.
L'attention de Stiles fut attirée par le silence soudain qui s'était emparé de la meute. Il comprit bien vite pourquoi. Derek descendait les escaliers menant à l'étage, l'air sérieux. Sa prestance et l'aura qu'il dégageait avaient le don de calmer tout le monde. Sa puissance d'alpha ne faisait aucun doute. D'un pas élégant et bourru à la fois, Derek Hale s'avança et alla s'asseoir nonchalamment sur son bureau. Peter, son oncle psychopathe assagi depuis peu, se contenta de s'adosser contre la baie vitrée.
- Bon, je ne vais pas y aller par quatre chemins, on a un problème. J'ai eu des échos comme quoi une meute en provenance de San Francisco a l'intention de s'installer à Beacon Hills. Comme vous vous en doutez sans doute, deux meutes sur le territoire, ça ne fait pas forcément bon ménage. Le seul moyen de les tolérer ici serait d'établir une relation d'entente avec eux. Vous vous doutez bien que ce n'est pas quelque chose qu'il faut faire sans réfléchir.
- Mais on ne les connaît pas, l'interrompit Scott.
- J'y viens, reprit Derek. C'est pour ça que je vous ai tous conviés. Certains vont être chargés d'aller à la rencontre de quelques membres de cette meute, pour prendre la température. Stiles ?
Le concerné eut un léger sursaut, qui attira aussitôt l'attention de Derek, et pas que. Toutes les têtes se tournèrent vers lui, ce qui le mit aussitôt mal à l'aise. Il avait besoin d'une épaule, oui, mais pas d'être le centre de l'attention, bien au contraire. Être le centre de l'attention d'une meute qui ne faisait plus attention à lui pouvait s'avérer être une torture. Cependant, Derek ne lui avait encore rien demandé. Pour être honnête, Stiles avait un espoir. Il se souvenait parfaitement du soir où le loup-garou était venu le voir à l'hôpital. Il lui avait pris sa douleur et l'avait réconforté, à sa manière. Ça, Stiles était incapable de l'oublier. Il espérait que Derek, lui, n'avait rien oublié et qu'il s'inquiétait un peu pour lui. C'était égoïste, oui, mais Stiles avait besoin de ça. Il se souvenait parfaitement de la grande main chaude que Derek avait délicatement posée sur la sienne. Cette chaleur qu'il avait ressentie lui avait remué l'estomac et bouleversé. Cette pensée enraya le début de crise de panique qui menaçait d'arriver.
- Tu pourrais t'occuper des recherches sur eux ? Je te donnerai les quelques noms que j'ai.
La demande était tombée et elle écrasa lourdement l'espoir de Stiles, le brisant en mille morceaux. La mort dans l'âme, il hocha la tête sans prononcer un mot. Derek avait oublié, ou bien ce soir-là, peut-être avait-il simplement agi par devoir ? Après tout, il était l'alpha, même si Stiles ne faisait plus entièrement partie de la meute. Si l'hyperactif avait été seul et chez lui, il se serait bien laissé aller. Ici, il ne pouvait pas. Les gens autour de lui n'étaient plus ses amis et il aurait bien trop honte de leur montrer son ressenti. Déjà, personne n'imaginait sa honte de se montrer en béquille au loft. Il savait qu'il était faible, mais se voir lui-même blessé et obligé de marcher avec ça, c'était… Une torture.
En tout cas, Derek n'avait pas fait venir Stiles parce qu'il l'aimait bien ou parce qu'il avait sa place dans la meute. Non, Stiles servait uniquement à faire des recherches. Il faisait le boulot que les autres ne voulaient pas faire. Pourquoi ? Il était l'humain, le seul de la meute. La seule chose pour laquelle il était utile, c'était faire des recherches. Stiles se sentit soudainement vide.
L'expression du visage de Stiles avait changé l'espace d'une seconde. L'impassibilité presque complète avait fait place, durant un instant, à un semblant de tristesse, de déception. Très vite, Stiles avait repris cette attitude froide, presque inexpressive, qu'il arborait depuis son entrée au loft.
- Pas de problème.
Sa voix était un peu rauque, du fait qu'il parlait très peu, mais ne trahissait pas ce qu'il ressentait réellement. Derek le regarda quelques secondes, l'air indéchiffrable, avant de hocher la tête et de distribuer leurs missions et affections aux autres. Profitant du fait qu'il n'était plus le centre de l'attention, Stiles sortit une boîte de comprimés de son sac, suivie d'une deuxième. Il prit un cachet de chaque, rangea les boîtes et avala les deux médicaments en même temps, à l'aide de la bouteille d'eau qu'il trimballait dans son sac. Il ne fit pas le moins du monde attention au regard de Liam, à côté de lui, qui avait à peine eu le temps de voir les noms des médicaments.
- C'était quoi ça ? Lui demanda doucement le loup.
Stiles, étonné par la question, regarda Liam pour voir s'il était sérieux. Sa surprise était visible et lui fit oublier l'espace d'un instant à quel point il se sentait mal. Le louveteau mordu par Scott semblait réellement intéressé par la réponse, qu'il attendait clairement.
- Des antidouleurs, répondit simplement Stiles pour ne pas éveiller les soupçons.
Son mensonge avait beau être partiel, le raté que fit son cœur n'échappa pas à Liam qui ne dit rien, mais fit un effort pour se remémorer les noms à rallonge des médicaments. Pour ce faire, il les écrivit dans l'application de notes de son téléphone. Après la réunion, nul doute qu'il ferait ses recherches.
Les médicaments étaient assez puissants, à tel point qu'ils commençaient déjà à faire effet, si bien que les prendre maintenant n'était peut-être pas une bonne idée. Mais Stiles avait beaucoup trop mal physiquement et ses blessures psychiques le tiraillaient à tel point qu'il menaçait de s'écrouler devant la meute. Et c'était hors de question. Avec un peu de chance, il ne somnolerait qu'en rentrant chez lui… Si la réunion se terminait vite.
Derek parla durant de longues minutes, exposant un semblant de plan aux membres de la meute, leur trouvant à chacun une utilité. Une vingtaine de minutes plus tard, c'était terminé. Et Stiles somnolait déjà, si bien qu'il ne se sentit même pas poser la tête sur l'épaule de Liam, ses yeux commençant à se fermer. L'effet soporifique de son antidépresseur était décuplé par la codéine. Puisqu'il avait pris les deux en même temps, les médicaments agissaient au même moment, même si la douleur, bien qu'atténuée, semblait incapable de disparaître.
Liam sursauta légèrement lorsqu'il sentit la tête de Stiles sur son épaule. Pensant tout d'abord que celui-ci lui faisait une blague, il rit un peu mais se rendit bien vite compte que l'hyperactif était littéralement en train de s'endormir sur son épaule. C'était étrange. Lui qui semblait à peu près en forme en arrivant s'endormait comme s'il était épuisé. Pas bête, Liam fit le lien avec les médicaments, qui devaient être sacrément puissants pour lui faire cet effet-là. Il croisa le regard d'Isaac, sur le canapé d'en face. Lui aussi semblait préoccupé par l'hyperactif et n'avait pas manqué son geste.
Quelques minutes plus tard, Derek mit un terme à la réunion, ayant dit tout ce qu'il avait à dire. Tout le monde pouvait rentrer chez soi. Le loft se vida peu à peu mais Liam n'osait pas bouger, de peur de réveiller stiles. Scott s'approcha du louveteau et le questionna sur son immobilité.
- Il a l'air de bien dormir, j'ose pas m'en aller, avoua Liam sans honte.
- Bah tu le pousses et tu fais ta vie, pas grave si ça le réveille. Il n'est que dix-huit heures, il dormira chez lui, comme tout le monde, lâcha Scott comme si c'était une évidence.
Liam regarda celui qui l'avait mordu avec effarement. Oui, dans un sens, il avait raison. Mais pourquoi lisait-il tant d'animosité dans son regard ? Pourquoi avait-il l'air de si peu se soucier de son meilleur ami ? Liam avait conscience que Stiles ne s'était pas endormi par hasard, surtout qu'il semblait être plongé dans un sommeil très profond. Ce n'était pas anodin. Et cette odeur…
- Scott, tu la sens ? Demanda soudainement le louveteau.
McCall le regarda, confus et lui demanda d'expliciter.
- Cette odeur, précisa Liam. Tu la sens, non ?
Scott utilisa ses sens lupins et il plissa le nez, ainsi que les yeux. Maintenant que Liam le disait…
- Ça vient de Stiles, lui apprit le louveteau. Toi qui le connais bien, tu sais à quoi c'est dû ?
Scott secoua la tête.
- Aucune idée.
Son ton désintéressé surprit Liam, qui appréciait de moins en moins ce qu'il sentait. C'était comme si quelque chose en Stiles pourrissait. Et voir Scott, celui qu'il admirait tant, porter aussi peu d'intérêt à celui qui était censé être son meilleur ami le faisait douter de son allégeance envers lui. N'avait-il pas dit que l'amitié était quelque chose d'important à ses yeux ? Pas tant que cela, apparemment.
- Bon, les louveteaux, je ne vous chasse pas, mais il va falloir que vous rentriez chez vous, entendit-on Derek parler depuis l'étage.
- Ouais, attends, on a un petit problème, lâcha Liam sans hausser la voix, sachant parfaitement que l'ouïe lupine de l'alpha percevrait ses mots.
- Qu'est-ce que tu racontes ? On a aucun problème, on le réveille et puis c'est tout, objecta Scott.
- Je pense pas qu'on y arrivera, si tu veux mon avis.
- Qu'est-ce qui se passe ?
Derek avait descendu les marches sans bruit et s'était approché de ses protégé. Bien vite, il comprit le « souci » en voyant un Stiles profondément endormi, la tête sur l'épaule de Liam. Il se tourna vers Scott, les sourcils légèrement froncés.
- Tu peux y aller, Scott.
McCall eut l'air d'hésiter un instant. Il posa son regard sur Stiles, l'air indéchiffrable, avant d'hocher la tête et de s'en aller sans un mot. Liam, lui, restait perplexe. Isaac sortit de l'ombre et s'avança, Lydia à ses côtés.
- Lydia et moi allons le ramener chez lui, annonça Lahey à son alpha.
- Non, laisse-le se reposer un peu. Je le ramènerai lorsqu'il se réveillera, lâcha Derek.
Liam se mordit la lèvre inférieure, embêtée. Il était persuadé que l'endormissement rapide de Stiles n'était pas dû à une simple fatigue. Et la prise de médicaments dont il avait été témoin n'y était sans doute pas étrangère. Devait-il en faire part à son alpha, ainsi qu'à Isaac et Lydia ? Dans le loft, à part eux et Peter qui était remonté à l'étage, il n'y avait plus personne et les deux lycéens face à lui semblaient s'inquiéter pour l'hyperactif. Il ne pouvait pas non plus oublier les regards qu'il avait échangés avec Isaac en début de réunion.
- Je ne suis pas sûr qu'il se repose vraiment, intervint Liam d'une petite voix. Il a pris quelque chose. Des médicaments, dans son sac.
Il s'était bien vite décidé à dire la vérité, surtout qu'il avait déjà oublié les noms des comprimés. Il se décala doucement et aida Isaac à allonger correctement Stiles sur le canapé, de manière à ce qu'il dorme tranquillement et ne se réveille pas avec un mal de dos causé par sa précédente position. Malgré les peurs de Liam, l'hyperactif ne se réveilla pas et ne bougea même pas d'un pouce. Le louveteau se servit carrément de ses sens pour vérifier si Stiles était en vie, tellement celui-ci était immobile et respirait doucement, presque discrètement. Pendant ce temps, Lydia se pencha et fouilla dans le sac du fils du shérif. Elle en sortit, perplexe, deux petites boîtes de médicaments et plissa les yeux pour en lire les noms.
- Le premier, je connais. C'est de la codéine à forte dose, leur apprit la banshee. Niveau intensité, c'est juste en-dessous de la morphine.
- En somme, c'est du lourd, comprit Isaac. Et le deuxième ?
- Aucune idée.
- Passe-moi ça, lui intima Derek.
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Derek soupira en tournant et retournant la boîte sur sa table de nuit.
Lydia, Isaac et Liam étaient déjà partis depuis une bonne heure et Stiles n'avait pas montré le moindre signe de réveil. Peu étonnant, au vu de ce qu'il s'était enfilé. Un dérivé de codéine couplé à un puissant antidépresseur car oui, Derek avait fait ses recherches. Internet était son ami lorsque Deaton n'était pas joignable. Bien que le nom rocambolesque du médicament lui ait rendu la tâche difficile, Derek avait fini par tomber sur une fiche explicative détaillant l'utilité de la chose, ses effets, les bons comme les mauvais et les risques associés. Lorsqu'il avait vu marqué que l'antidépresseur en question pouvait avoir un effet de somnolence assez puissant sur les patients qui le prenaient, Derek avait fait le lien.
Stiles avait eu un accident de voiture quelques jours plus tôt. Roulant juste derrière lui, l'alpha l'avait senti s'endormir grâce aux battements de son cœur. Il l'avait entendu ralentir jusqu'à se stabiliser juste avant la collision. Nul doute qu'il avait pris son antidépresseur avant de conduire et sans doute pas la dose prescrite. La question était de savoir pourquoi un adolescent de sa trempe venait à mentir à tout le monde en faisant semblant d'aller bien.
S'étant un peu rabiboché avec son oncle, Derek lui avait fait part de ses découvertes et suppositions. Peter avait haussé un sourcil sans rien dire avant de descendre à la cuisine faire à manger. Son air indifférent ne trompait pas Derek, qui avait vu son regard un peu inquiet. Il était vrai que lorsqu'on faisait un peu plus attention, il n'était pas difficile de savoir que Stiles mentait depuis un bon moment. Cela faisait sans doute quelques mois qu'on n'entendait plus ses incessantes litanies, ses élucubrations qui dérivaient souvent vers quelque chose d'insensé… Qu'on ne voyait plus non plus cet engouement si singulier à enquêter, résoudre des affaires, qu'elles soient surnaturelles ou non. Cette pile électrique n'était plus, remplacée par un jeune homme plus ou moins silencieux qui se contentait de faire ce qu'on lui demandait, sans rien dire.
Et Derek eut envie de se gifler car, en y repensant, le changement de Stiles était visible. Tous les désagréments et malheurs qu'avait connus la meute avait un peu dissimulé cela, mais désormais, c'était clair pour l'alpha.
