La petite tête blond foncé de Liam fit son apparition dans l'encadrement de la porte. Ses yeux bleus pleins d'interrogations silencieuses se posèrent sur Stiles, puis sur Derek. Enfin, il pénétra dans la chambre et resta droit comme un piquet, jusqu'à ce que Derek l'invite à s'assoir en face de lui. Liam prit la même précaution que l'alpha quelques minutes plus tôt, à savoir s'assoir doucement pour essayer de ne pas réveiller Stiles. Derek eut un rictus amusé par le comportement du jeune, puis finit par se rappeler de ce dont il voulait parler au louveteau. La tristesse gagna son regard marin, ce que ne manqua pas Liam. L'adolescent commençait à être si plein de questions que l'on pouvait presque peindre un point d'interrogation sur son visage.
- Liam, est-ce que tu apprécies Stiles ? Lui demanda doucement Derek.
Tout d'abord, le louveteau crut à une plaisanterie, ou une question piège. Cependant, la sincérité qu'il entrevoyait dans les yeux étonnants de l'alpha le convainquit qu'il n'en était rien.
- Bien sûr, pourquoi tu me demandes ça ? Répliqua Liam, chuchotant de la même manière que son aîné.
- Parce que je crois qu'il va avoir besoin de nous. De toi, de moi et des autres.
Liam fronça légèrement les sourcils, attendant la suite, qui n'allait sans doute pas lui plaire, il le sentait. Son anxiété naissante piqua le nez de l'alpha.
- Stiles est en dépression et l'un des médicaments que tu l'as vu prendre hier est un antidépresseur.
Pour accompagner ses dires chuchotés, Derek sortit la fameuse petite boîte de sa poche et la mit sous les yeux du plus jeune. Pour l'alpha, il était important que Liam, comme les autres, plus tard, prenne conscience de l'état de Stiles. Il fallait qu'il sache, peu importe si c'était brutal.
Le blondinet fut choqué par la révélation de son aîné et son regard bleu océan dériva tout seul vers le visage endormi de Stiles. Il vit alors certaines choses qu'il aurait dû voir depuis longtemps comme ces cernes, cet air tout sauf paisible, ce teint pâle, cette finesse un peu trop prononcée… Et se rendit compte qu'il avait oublié Stiles durant tout ce temps, comme s'il faisait partie du décor, décor auquel on ne faisait, à force, plus vraiment attention. Sa propre prise de conscience le retourna profondément. Liam se fit la réflexion qu'il n'était pas une très bonne personne, pour avoir à ce point oublié un ami.
- Tu n'es pas le seul, tu sais, lui apprit Derek, comme s'il avait suivi le fil de ses pensées.
Liam remarqua autre chose : la main du loup de naissance sur celle de l'adolescent endormi. Il releva avec honte son regard vers celui, compréhensif, de l'alpha.
- Personne n'a rien vu, pas même moi, continua Derek, toujours en chuchotant. On l'a tous un peu… Oublié. On a trop été renfermés sur nous-mêmes et nous sommes trop préoccupés de nos soucis de meute, sans penser à lui. On l'a laissé de côté alors, il faut rattraper ça.
Liam hocha la tête, incapable de parler pour le moment. Le choc se mêlait à la tristesse, au regret, à la honte. Même s'il se donnait généralement l'air dur, le louveteau était un sensible avec un cœur bien tendre. Se rendre compte de ce genre de choses de cette manière le déstabilisait profondément. Derek se leva alors, lâchant délicatement la main de Stiles et sortit de la pièce, entraînant Liam à sa suite. Le lycéen, comprenant que Derek souhaitait parler en privé et ne pas déranger Stiles alors que celui-ci allait sans doute bientôt se réveiller, traversa le couloir et indiqua sa chambre fraîchement rangée au loup de naissance. Lorsque la porte fut fermée, Derek ne fit pas de commentaire par rapport au rangement approximatif et reprit la parole, d'une voix claire et un peu plus forte :
- Ne t'en veux pas, Liam. Personne ne pouvait deviner, pas même toi. Stiles est très fort pour faire semblant, quand il veut. Il nous a tous bernés. Pour quelle raison, ça, je ne sais pas, mais je pense qu'on le saura bientôt.
Pour accompagner ses dires et lui montrer qu'il le comprenait, Hale posa sa main sur l'épaule du louveteau, qui ne cachait rien de son trouble.
- Comment… Comment tu as su ?
La voix cassée de Liam fit mal au cœur de Derek, qui soupira. Il s'en souvenait comme si c'était hier. Il lui révéla avoir été présent le soir de l'accident de Stiles et lui raconta brièvement la scène. Il lui parla rapidement du comportement que le shérif avait eu à l'égard de son fils lorsque celui-ci « dormait ». Pour que Liam puisse l'aider, il fallait qu'il sache ces choses-là, même si ça le rendait mal. Derek n'aimait pas voir le jeune loup aussi bouleversé mais c'était un mal pour un bien.
Liam essuya ses joues encore humides de larmes. Il s'était un peu lâché après le départ de Derek, qui avait des choses à faire. Les remords et regrets ne le quittaient pas. Maintenant qu'il savait, il ne pouvait pas s'empêcher de se traiter de monstre et de penser à tout ce qu'il avait raté. Stiles et lui n'étaient pas proches, mais ils faisaient partie de la même meute. Alors savoir que tout le monde l'avait inconsciemment laissé tomber et qu'il ne l'avait même pas remarqué, ça le rendait malade. Stiles était pourtant quelqu'un d'adorable, même s'il était parfois agaçant. C'était lui qui, souvent, prenait son parti et qui l'avait beaucoup aidé lorsque Scott l'avait transformé. C'était un peu un guide, l'humain qui savait tout sur les loups-garous. Toujours là en cas de besoin, toujours prêt à aider peu importe les risques. Savoir également à quoi était due l'horreur de pourri qu'il avait sentie auparavant lui retournait l'estomac.
Liam inspira et expira profondément. Bien sûr qu'il serait là pour Stiles, désormais. Hors de question de refaire la même erreur. Les propos de Derek l'avaient secoué, mais c'était nécessaire : il lui avait ouvert les yeux. Avant de retourner auprès de Stiles pour voir s'il s'était réveillé ou non, le louveteau décida d'envoyer un message à Scott. Il était en droit de savoir pour la blessure de Stiles. Aussi, Liam voulait tester quelque chose. La veille, lors de la réunion de la meute, il avait entrevu un Scott qu'il ne connaissait pas et voulait voir s'il restait toujours aussi insensible face à la détresse de son meilleur ami. Parce que c'était aussi de ça dont Stiles avait besoin : savoir que son meilleur ami serait là pour lui.
Salut, Scott. Je voulais te prévenir que Stiles est chez moi, il a été opéré en urgence par mon père.
Liam appuya bien vite sur « envoyer » avant de ne plus vouloir oser. La réponse qu'il reçut très vite ne le satisfit pas vraiment :
Ah, il va bien ?
Liam n'était pas vraiment sûr de la manière dont il devait interpréter cette courte réponse, alors il lui dit simplement que Stiles allait bien et se remettrai doucement. La déception fut totale lorsque Scott lui envoya simplement « Cool » en guise de réponse, sans rien ajouter. Les yeux ouverts en grand, le louveteau fixa son téléphone durant de longues secondes, effaré. Scott avait l'air complètement indifférent au problème de Stiles. N'était-ce pas son meilleur ami ? Avec ce court échange, car Scott ne tenta pas de réengager la conversation, Liam comprit que son impression de la veille sur McCall était réelle et fondée. Il y avait bel et bien un problème entre lui et Stiles. Un litige qui le poussait à s'éloigner du fils du shérif et à le mettre de côté. Quand bien même, ce n'était pas une raison pour le laisser de cette manière ! C'était de l'ignorance pure. Un détail revint à l'esprit de Liam. Il y a quelques temps, avant son accident, Stiles n'avait-il pas demandé à Scott s'ils pouvaient parler ? Depuis, il n'avait pas semblé à Liam les avoir vus traîner ensemble. Il fallait qu'il sache ce qu'il s'était passé.
Après s'être levé, Liam partit voir son reflet dans le miroir de sa salle de bain. Il vérifia que toute trace de son moment d'égarement ne soit plus qu'un souvenir avant de se diriger vers la chambre d'ami.
Stiles ne se sentait pas bien. Son corps était lourd et ses yeux avaient bien du mal à s'ouvrir. Incapable de bouger n'importe quel membre de son corps pour le moment, l'adolescent pesta vaguement contre lui-même, comme s'il était l'unique fautif de cette situation. Il voulait se mouvoir, se lever, faire quelque chose pour s'occuper. Pourquoi se sentait-il aussi faible et nauséeux ? Et pourquoi sa jambe… Pourquoi il ne sentait plus la douleur ? Quelque chose n'allait pas et il fallait qu'il sache. Pourquoi n'arrivait-il pas à ouvrir les yeux ? Et son ouïe… N'en parlons pas. Il percevait des bruits qu'il ne saurait définir, à la fois nettement et de manière étouffée. Comme s'il était à la fois ici et autre part, dans un tunnel. Certains lui paraissaient trop forts, d'autres pas assez.
Stiles réussit, au bout d'un long moment, à tourner la tête. Un peu vers la gauche, puis vers la droite. C'était difficile, mais il y arriva et ce, plusieurs fois de suite. Vint ensuite le tour de ses doigts, qu'il put bouger et replier. Ces simples avancées le fatiguèrent assez rapidement mais ça, c'était parce qu'il voulait aller trop vite.
Soudainement, Stiles sentit quelque chose de différent. Il était sur quelque chose, sans doute un lit et cela avait semblé s'affaisser près de lui. Il fronça légèrement les sourcils. Qu'était-ce ? À nouveau, Stiles chercha à ouvrir les yeux et entrouvrit à peine les paupières avant de les refermer aussitôt fortement. Trop de lumière.
Liam ne s'attendait pas à voir Stiles ouvrir les yeux aussi vite, même si cela avait été bref. Le louveteau comprit bien vite le problème en voyant l'hyperactif froncer fortement les sourcils. Il se releva vite et ferma les rideaux qui plongèrent la pièce dans une douce pénombre, assez lumineuse toutefois pour voir autour de soi, même pour un humain. Puis, il sortit rapidement de la chambre pour aller prévenir son père du réveil de Stiles.
Liam se retrouva à nouveau seul avec Stiles une fois que son père l'eut examiné pour voir si tout allait bien. Durant tout le long, l'hyperactif, bien éveillé cette fois, n'avait rien dit. Pas une seule protestation n'avait été émise. Son regard avait fixé le vide, comme pour éviter de se concentrer sur ce que faisait le docteur Dunbar, qui n'avait pas commenté ce fait. Le fils, en revanche, mourait d'envie de puncher Stiles, de le réveiller. Cet adolescent éteint, ce n'était pas l'hyperactif qu'il connaissait.
Stiles s'était rallongé, épuisé. Il avait tourné la tête du côté de la fenêtre et respirait lentement mais posément. Las de ce silence inutile et pesant, l'hyperactif finit par ouvrir la bouche sans se retourner vers Liam :
- Pourquoi tu es là ?
Sa voix était rauque, brisée à cause de l'anesthésie et de l'intubation qui avait irrité sa gorge pour quelques heures de plus. Ses yeux à moitié ouverts menaçaient de se refermer à tout moment. Liam, perturbé par tant de calme et d'inactivité de sa part, mit quelques secondes à lui répondre.
- Ben… C'est chez moi ici, du coup… Je suis là…
- Et qu'est-ce que je fais chez toi ?
Liam écarquilla légèrement les yeux avant de comprendre. Avant de se faire opérer, Stiles avait été complètement shooté à cause de sa blessure trop douloureuse et des médicaments qu'on lui avait donnés pour pouvoir le transporter sans encombre normal qu'il ne se souvienne de rien. Alors, le louveteau lui expliqua brièvement ce qu'il s'était passé, en ajoutant qu'il allait sans doute rester au moins deux jours ici, sur ordre de son père médecin. Après avoir examiné l'adolescent, le docteur Dunbar avait estimé qu'il fallait le garder un peu plus longtemps sous surveillance, question de sûreté. Stiles hocha doucement la tête et ferma les yeux. Liam crut qu'il était en train de s'endormir et se prépara à se lever lorsque la voix de l'hyperactif se fit faiblement entendre :
- Je suis désolé. Je… Je vais vite me remettre. Je partirai dès que possible. Je te promets que… Que je vais me dépêcher.
La surprise se peignit sur le visage de Liam, qui ne s'attendait pas à cette voix faible, presque tremblante. Stiles cherchait déjà à effacer sa présence, comme s'il était de trop. Son visage montrait tout de sa fatigue et lui faisait de la peine. Sans hésiter, le louveteau voulut le rassurer :
- Non, prends le temps qu'il te faut, ça ne dérange personne que tu sois ici.
- Mon père… Commença Stiles.
- Dis-lui que je t'ai invité à passer quelques jours chez moi, le coupa doucement Liam.
- Je sais pas… Si c'est une bonne idée…
Liam se rapprocha de Stiles et après quelques secondes d'hésitation, posa sa main sur la sienne, comme le faisait Derek. Le louveteau n'était pas très doué pour montrer ce qu'il ressentait ou aider les autres, mais il faisait des efforts. Hors de question qu'il refasse la même erreur. En sentant cela, Stiles rouvrit les yeux d'un coup et tourna un peu brusquement la tête vers Liam. Son regard surpris et perdu se retrouva ancré dans celui, inquiet et plein de regrets du blondinet, qui lui sourit timidement.
- T'es plus tout seul, Stiles.
