Le docteur Dunbar fit un dernier récapitulatif du protocole hygiénique à respecter à Stiles, qui l'écouta religieusement. Hors de question qu'il fasse mal les choses, ou bien il serait sans doute bientôt de retour à la case hôpital. Sa blessure à la jambe ne présentait pas de nouvelle nécrose, ce qui était bon signe pour la suite. Pour être sûr que tout irait bien, le père de Liam intima à Stiles de changer ses pansements sous ses yeux. Il inspecta chacun de ses gestes et fut grandement étonné par son application et sa minutie. L'hyperactif désinfecta régulièrement ses mains et ne commit aucune erreur d'asepsie. L'on voyait qu'il avait l'habitude de se soigner seul Melissa McCall l'avait bien formé.
Le docteur Dunbar autorisa donc Stiles à rentrer chez lui, ayant confiance en ce jeune homme pour qu'il ne fasse pas de bêtise avec sa blessure. Derek passa donc le chercher dans l'après-midi et le déposa chez lui. Armé de ses béquilles, Stiles retrouva sa maison, les odeurs familières du foyer, légèrement teintées d'alcool. Noah Stilinski était absent, mais l'on aurait dit qu'il se trouvait dans la maison, à cause de cette fragrance si âcre. Pourtant, Stiles l'avait prévenu bien à l'avance de son retour. Exceptionnellement, il n'irait pas en cours aujourd'hui, il y retournerait le lendemain, vendredi. Bien que ça ne lui plaise pas vraiment, il allait falloir qu'il demande à l'un des membres de la meute faisant partie de sa classe de lui passer les cours qu'il avait manqués et qui commençaient à se faire nombreux. Pour le moment, Stiles ne commençait à être à l'aise qu'avec Liam et Derek. Il savait qu'Isaac avait tenté une approche ces derniers jours, avec Lydia. Peut-être pourrait-il leur demander.
Stiles s'assit précautionneusement sur le canapé, qui était exactement dans le même désordre que la fois où il l'avait laissé. Il fronça légèrement un sourcil, étonné de voir que son père n'ait rien arrangé, lui qui appréciait pourtant l'ordre et n'arrivait pas à faire ce qu'il avait à faire tant que sa maison n'était pas rangée. La seule exception qu'il autorisait était la chambre de Stiles, puisqu'il n'y allait quasiment jamais à part pour lui parler vite fait de temps en temps. Certes, ces derniers temps, Stiles avait été obligé de dormir dans le salon, à cause de sa jambe blessée, raison pour laquelle il évitait un maximum les escaliers. Cette pièce restait toutefois un espace de vie commun, qu'il rangeait d'ordinaire lorsque l'hyperactif n'en avait pas le temps. L'oreiller était toujours dans un coin du canapé, le plaid, à moitié en boule de l'autre côté du meuble. Il y avait encore des boîtes de pansements et de bandages laissées en stand-by sur la table basse, ainsi que des mouchoirs usagés et des emballages plastiques refermant autrefois des outils stériles. Stiles relativisa et passa outre, se disant que son père avait dû être très occupé, pour ne pas avoir eu le temps de s'occuper de ça. Il a pas non plus que ça à faire de passer après moi. Toujours cette petite voix, dans sa tête, prête à le faire se dénigrer à chaque instant. Au lieu de rester posé, Stiles s'attela à mettre un peu d'ordre à ce salon. Le faire tout en se déplaçant en béquilles n'était pas quelque chose d'aisé, mais l'adolescent en avait vu d'autres et arrivait plutôt bien à passer outre la douleur de ses deux côtes qui allaient d'ailleurs beaucoup mieux. À côté de l'horreur qu'avait été sa jambe quelques jours plutôt, de simples côtes cassées ne lui faisaient plus vraiment peur. Cette douleur-là n'était rien, il la remarquait à peine, surtout que ces blessures-là avaient bien entamé leur guérison.
Diminué physiquement, Stiles fit reprendre une apparence ordonnée au salon après une bonne trentaine de minutes. Pour ce faire, il dut ne marcher qu'avec une béquille, ce qui n'était pas chose aisée dans sa situation et l'obligeait à forcer sur sa jambe valide.
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Il était vingt-trois heures et trente minutes lorsque Stiles entendit les clés maltraiter la serrure de la maison. Son père rentrait enfin. L'hyperactif avait donc préparé le dîner et mangé seul. Toutefois, il avait gardé une bonne portion de nourriture dans un Tupperware pour son géniteur, au cas-où il devrait rentrer tard à cause du boulot. Il avait bien fait, visiblement. Stiles attrapa la télécommande et mit le film qu'il regardait en pause. Il empoigna ses béquilles et entreprit de se lever. Il grimaça. Il oubliait parfois que sa jambe était encore bien mal en point, du fait de son opération récente.
Difficilement mais sûrement, Stiles marcha jusqu'au couloir, un léger sourire plaqué sur les lèvres. L'air de rien, son père lui avait manqué. Ces quelques jours sans le voir n'avaient pas été si faciles à vivre que ça, quand il y repensait. Même s'il n'était pas souvent là, savoir que Noah dormait dans la même maison que lui le rassurait. La présence paternelle, sûre, sécuritaire.
Tout le contraire de ce qu'il s'apprêtait à voir.
Le sourire de Stiles s'évanouit aussitôt lorsque son père ouvrit la porte. La légère fragrance d'alcool qui régnait dans la maison n'était rien par rapport à cette odeur qui agressa son nez d'humain. Les joues aussi rouges que son nez, Noah Stilinski faisait peine à voir. Son regard vitreux essaya d'accrocher celui, choqué, de son fils.
- Stiles, c'est… C'toi ?
Noah mâchait ses mots de cette voix pâteuse si révélatrice. Il entra péniblement et referma tout aussi difficilement la porte avant de s'approcher de Stiles en titubant. L'hyperactif était figé, ne voulant croire ce qu'il voyait. De quand datait la dernière fois où il avait vu son père ivre ? Plusieurs années. Son combat pour arrêter de boire avait été long et parsemé d'embuches. Une rude bataille inutile, qu'il avait dit avoir mené pour Stiles.
Un combat perdu, semblait-il.
Ce fut l'haleine fétide de Noah qui sortit brutalement Stiles de ses pensées. Le jeune homme manqua de tomber d'une part parce que le choc de voir son père ivre était grand, d'autre part parce que Noah s'était brusquement appuyé sur lui.
- Rends-toi utile, amène-moi au lit…
Pas un bonsoir, pas un sourire, pas une remarque positive quant à son retour. Le regard de Stiles se voila et le jeune homme dut s'atteler à la difficile tâche qui était d'aller coucher son père. Pour des raisons pratiques, il abandonna l'un de ses béquilles contre un mur et tint son père comme il put, ce dernièr s'appuyant contre lui de manière pas du tout commode pour lui. Avec sa jambe, impossible de l'amener en haut. Stiles prit donc la décision de le coucher au salon, sur le canapé. Avancer fut extrêmement compliqué et l'adolescent manqua plusieurs fois de tomber son père pesait son poids et Stiles n'était pas au meilleur de sa forme, encore moins de son équilibre. Il ne posait toujours pas sa jambe blessée et devait forcer sur l'autre, qui commençait réellement à fatiguer. Marcher avec une seule béquille n'était pas non plus facile si l'on ne posait pas le deuxième pied et si l'on devait soutenir un humain ivre. Pour cette raison, le voyage couloir-salon dura de longues minutes.
Stiles soupira de soulagement lorsqu'il eut plus ou moins allongé son père sur le canapé. Il se laissa à son tour tomber un peu trop durement sur le fauteuil à côté. Il grimaça et se gifla mentalement il aurait dû y aller plus doucement car son empressement avait réveillé sa douleur. Voilà désormais que sa jambe le lançait atrocement et qu'il était incapable de ne pas y penser, à tel point qu'il dut se résoudre à aller en haut, chercher des antidouleurs. Sa boîte en bas était vide, prête à être jetée.
Monter les escaliers ne fut pas une mince affaire. Il avait préféré ne pas se munir de sa deuxième béquille, de manière à pouvoir s'appuyer sur la rampe et progresser à son rythme. Ce fut long et fastidieux mais la satisfaction d'avoir réussi fit oublier à Stiles, l'espace d'un instant, qu'au rez-de-chaussée se trouvait son père, ivre. Ce fait se rappela à son esprit un peu trop rapidement et Stiles entreprit de faire ce pourquoi il était venu. Il alla dans sa chambre et ouvrit le tiroir de sa table de nuit et prit deux petites boîtes, dissimulées sous papiers et carnets en bazar.
La descente des escaliers s'avéra plus complexe que la montée. Cette fois, Stiles dut jouer un maximum sur son équilibre passablement aléatoire et manqua à de très nombreuses reprises de tomber. Le pire fut lorsque, par manque de chance, il relâcha un peu sa béquille qui glissa et dévala les marches dans un bruit fort désagréable. Du métal sur du bois poli, très peu discret. Le jeune homme soupira bruyamment de désespoir et dut faire des pieds et des mains pour arriver à descendre sans s'effondrer.
Lorsqu'il posa le pied de sa jambe valide sur le plancher du rez-de-chaussée, Stiles se permit de souffler un peu avant de récupérer sa béquille au sol. Il alla dans la cuisine prendre un verre d'eau et avala un cachet de chaque boîte son antidouleur à base de codéine ainsi que son antidépresseur. Son état mental n'était pas encore trop catastrophique, du fait qu'il avait dû rester concentré pour accomplir ses deux petites prouesses dans les escaliers, mais la noirceur s'apprêtait à refaire surface. Voir que son père avait brisé sa promesse de ne plus boire au point de revenir ivre à la maison lui avait porté un sacré coup. Lui qui avait mis tant de temps et d'efforts pour arrêter… Le cœur de Stiles manqua plusieurs battements et la tristesse s'empara enfin de lui. Il ne pouvait même pas arriver à se dire qu'il était déçu, tant lui-même avait été une grande source de déception pour son géniteur. Sa jambe valide commença à trembler, lui rappelant qu'il devait vraiment songer à se poser. Il était vrai qu'il avait beaucoup forcé sur elle, pour compenser l'absence de la deuxième béquille. Ses deux médicaments avalés, Stiles alla péniblement dans le salon et avisa d'un œil morne son père, affalé n'importe comment sur le canapé, endormi et ronflant bruyamment. Naïf qu'il était, Stiles se dit que ce n'était pas grave, c'était sans doute la première fois que ça lui arrivait depuis qu'il avait arrêté et que cela ne se reproduirait sans doute plus. Noah Stilinski avait eu un moment d'égarement, ça pouvait arriver à tout le monde. Puisant dans ses dernières réserves d'énergie alors que ses médicaments commençaient déjà à faire effet, Stiles retourna légèrement son père, l'installant un peu mieux, avant d'étaler le plaid autrefois plié, sur lui. N'ayant pas la force de se coltiner une nouvelle montée d'escaliers, Stiles se laissa choir avec douceur cette fois, sur le même fauteuil que précédemment. La douleur, déjà bien atténuée par la codéine, ne l'empêcha pas de fermer les yeux.
Et il s'endormit ainsi, affalé sur ce fauteuil qui lui servit de lit pour la nuit.
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Le lendemain matin, Noah réveilla Stiles. Il avait la gueule de bois mais cela ne l'avait pas empêché de remarquer sa position, l'endroit où il avait, semble-t-il, dormi, ni de constater que son fils l'avait accompagné dans son sommeil, installé comme il le pouvait sur ce maigre fauteuil, ses béquilles reposant à côté, sur le sol.
Pour être honnête, Stiles eut du mal à émerger de son sommeil. L'addition des deux médicaments qu'il prenait avait un effet fort puissant sur son organisme, si bien qu'il avait dormi d'une traite et qu'il regretta tout de suite d'être resté là, sur ce fauteuil. Il imaginait mieux comme réveil, qu'un corps endolori et courbaturé, comme sa jambe valide et cette fatigue, lancinante.
Noah s'excusa tout de suite pour la veille, pour être rentré ivre. Il expliqua à un Stiles encore légèrement dans les vapes qu'il était sorti avec des amis et collègues et qu'il s'était un peu laissé aller.
- Ça ne se reproduira plus, je te le jure, mon fils.
Et Stiles eut la naïveté de le croire. Fatigué comme il l'était, il ne fit pas attention au voile vitreux dans le regard de son père. Le voile du mensonge.
Puisqu'il était déjà tard, neuf heures, Noah partit déjeuner même s'il avait atrocement mal au crâne, tandis que Stiles changea ses pansements avec une dextérité un peu moins impressionnante que la veille. Ses gestes étaient lents, pas hasardeux, mais moins précis. Dormir d'une traite et se réveiller presque aussi fatigué que la veille n'était pas du tout agréable, bien au contraire. Dans cet état, se concentrer sur cette tâche plus que difficile n'était guère aisé. Au bout de quelques minutes, Stiles finit par recouvrir le tout par des bandages et renfila son pantalon de jogging. Il avait la flemme d'enfiler des vêtements plus présentables, son vieil ensemble gris suffirait. Lorsqu'il eut terminé de se préparer, Stiles prit son sac de cours, que Derek avait ramené quelques jours plus tôt et alla voir son père pour que celui-ci l'amène au lycée, les bus ne passant plus à cette heure-ci. Le shérif rechigna un peu au début, voulant se reposer, mais accepta finalement la demande plus que légitime de Stiles. Néanmoins, il ne lui reparla pas de la veille et ne le remercia pas le moins du monde pour l'avoir aidé, couché et couvert. Pour avoir pris soin de lui. Stiles ne s'en offusqua pas, trop aveuglé par le voile de la fatigue.
Une fois au lycée et muni de ses deux béquilles, Stiles fronça les sourcils et réfléchit. Dans quelle salle avait-il cours ? Et… Quelle était la matière en question ? Au bout d'un moment, il finit par s'en rappeler et se trouva à l'heure devant sa salle de littérature. Là, il posa son sac sur le sol et prit appui contre le mur. Sa jambe valide le lançait par moments, épuisée d'être autant utilisée. Malgré l'opération, Stiles n'avait pas encore posé le pied de sa jambe blessé, forçant d'autant plus sur l'autre, qui commençait doucement à en pâtir. L'adolescent ferma les yeux un instant, grattant quelques secondes d'un repos qui attendait qu'il se réfugie dans ses doux limbes.
- Oh, Stiles !
L'hyperactif ouvrit brusquement les yeux et son cœur battit vite l'espace d'un instant. Avait-il été sur le point de s'endormir, là, debout dans ce couloir ? Probablement. Il finit par aviser Lydia, qui l'avait interpelé alors qu'elle se dirigeait vers lui, accompagnée d'Isaac. Laissant l'une de ses béquilles s'appuyer contre le mur, il leva timidement une main pour les saluer, tout en esquissant un faible sourire. L'air inquiet que la banshee arbora clairement le surprit.
- Stiles, ça fait plaisir de te voir, mais… Ça va ? Lui demanda-t-elle.
- Oui, t'inquiète, répondit-il simplement en tentant une nouvelle fois de sourire.
Chaque mot prononcé le fatiguait. Mais ça passerait, n'est-ce pas ? Sans doute étaient-ce l'effet de ses deux médicaments qui, pris ensemble, s'avérait décuplé et durait plus longtemps que prévu.
- Liam nous a dit pour ton opération, ça va ? Pourquoi t'es revenu aussi tôt ? Tu pouvais prendre le temps de te reposer, tu sais ? Intervint Isaac, alerté par le visage de Stiles ainsi que ses battements de cœur.
Il était vrai que l'hyperactif faisait un peu peur à voir. Pâle comme jamais, des cernes bien sombres et marqués ornant ses yeux éteints, les joues légèrement creuses, l'humain de la meute ne semblait clairement pas au meilleur de sa forme. Son cœur battait un peu vite mais de manière plus ou moins régulière Stiles était très fatigué et cela se ressentait. Au moins, Isaac ne sentait plus cette étrange odeur de pourri, c'était déjà ça.
- Ça va, je vous assure, tenta de les rassurer Stiles. Je suis juste… Un peu fatigué.
Pourquoi voulait-il qu'ils arrêtent de s'inquiéter ? L'hyperactif se posait lui-même la question. S'il avait été mieux, leur sollicitude lui aurait fait plaisir, aurait contribué à continuer de panser ses plaies internes, comme l'avaient fait le comportement qu'avaient adopté Liam et Derek envers lui. Ou peut-être était-ce justement parce qu'il était épuisé qu'il voulait éviter les questions et surtout, d'augmenter leur inquiétude. Alors, il continua de sourire un peu et une partie de lui accepta tout de même l'intérêt que lui portaient Isaac et Lydia.
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Il fallait être honnête, Stiles n'avait pas vraiment suivi. Il allait mieux, sa fatigue s'étant partiellement estompée, mais ce n'était pas encore ça. Point positif à souligner, il n'avait pas eu à prendre de codéine pendant ses cours du matin. Au moins, il avait fait acte de présence.
Le problème qui se posa à lui par la suite le fit hésiter sur la procédure à suivre. Il fallait qu'il mange. Le self était accessible, le reste, moins. Marcher en béquilles et porter un plateau n'étaient pas deux choses très complémentaires et Stiles connaissait son équilibre hasardeux. Marcher avec une seule béquille était faisable bien que peu pratique et fatigant, mais le faire en portant un plateau de nourriture n'était pas une très bonne idée dans son cas. À tout moment, il pouvait perdre l'équilibre, tout faire tomber ou lui-même se casser la figure. S'il pouvait éviter de se donner en spectacle, Stiles ne disait pas non. Perdu dans ses réflexions, il eut même la stupide idée de ne pas aller manger. C'était sans compter sur Lydia et Isaac qui le prirent avec eux dès la fin des cours du matin. Le loup se proposa tout de suite pour porter son plateau et Stiles n'eut pas son mot à dire. Mais il s'en foutait. Son état allant mieux, il se permit un petit sourire, un vrai. Il se méfiait moins, commençant doucement à s'ouvrir en voyant les comportements de ceux qui avaient été et qui semblaient toujours être ses amis. Pour le reste, il aviserait. Là, il n'avait pas envie de se compliquer la vie.
Stiles eut la surprise, en arrivant dans le self, de constater que Liam était assis, seul, à une grande table. Le voir ainsi lui fit tout de suite de la peine, surtout en constatant que le louveteau mangeait, la tête baissée, l'air concentré sur son repas. La vision du blondinet lui porta un coup au cœur et lui rappela sa situation à lui, quelques temps plus tôt. Lydia avait dû capter son regard, puisqu'elle lui dit avec un grand sourire :
- Comme il a fini les cours un peu avant nous, Liam nous a gardé une table, on va le rejoindre.
Aussitôt, la douce chaleur familière se répandit dans le cœur de Stiles. Il était rassuré et finit par croiser le regard doux du louveteau, qui avait levé la tête, probablement parce qu'il avait entendu Lydia parler de lui, grâce à son ouïe lupine.
Se retrouver à manger avec ses amis lui faisait penser à autrefois, lorsqu'il était un membre de la meute à part entière. Il ne pouvait pas dire qu'il reprenait peu à peu sa place, mais presque. Pour être honnête, être au milieu de ce petit groupe lui faisait bizarre. Il se sentait toute chose, c'était… Inhabituel, de ne pas être seul. Toutes ces fois où Stiles s'était retrouvé à une table deux personnes avec en face de lui, le vide… Toutes ces fois où il avait, pour éviter ce moment gênant, décidé de ne pas aller au self, toutes ces fois où il s'était abstenu de manger, se disant qu'il grignoterait quelque chose en rentrant chez lui après les cours… Cette époque, pourtant si proche, lui paraissait bien loin. L'hyperactif ne savait pas si ce renouveau allait durer, mais il profita ardemment de ce changement, dont il avait besoin. Stiles était un être qui avait besoin de beaucoup de contact social alors même si une partie de lui se méfiait encore de ceux qui devaient être ses amis, il voulait profiter, c'était même de l'ordre de la nécessité. Mason les rejoignit quelques minutes plus tard, suivi de Théo, qui dut aller chercher une chaise et se mettre en bout de table. À l'arrivée des deux loustics, Stiles s'était raidi, mais en voyant qu'ils agissaient plus ou moins naturellement avec lui, il se détendit doucement. Ce qui l'aida fut un regard de Liam, doux, comme toujours. Un regard qui lui signifiait qu'il n'avait pas à s'en faire.
Actuellement, Liam était, avec Derek, le seul dont Stiles ne cherchait plus vraiment à se méfier. Les deux loups lui avaient prouvé maintes et maintes fois qu'ils ne cherchaient pas à lui nuire, ces derniers jours. Une grande partie de Stiles était surtout fatiguée de ne pouvoir se reposer sur personne, que son cerveau avait fait quelques concessions.
Pour la première fois depuis des mois, Stiles apprécia son repas et eut l'impression de faire de nouveau partie du groupe. Il mangea avec appétit malgré sa fatigue et se permit quelques petits sourires timides. Ce repas était une bonne chose et faisait très plaisir à Stiles, mais il n'était pas encore totalement à son aise. Impossible de l'être tout de suite après des mois de solitude. Il parla donc peu, mais intervint de rares fois, lorsqu'il s'en sentait le courage. Mason lui posa même quelques questions, lui demandant ce qui lui était arrivé car après tout, tout le monde savait plus ou moins qu'il avait eu un accident, mais pas grand-chose de plus. Stiles expliqua simplement qu'il avait perdu le contrôle de sa Jeep qui était vieille comme le monde. Bien sûr, les loups présents savaient qu'ils mentaient, particulièrement Liam qui connaissait l'entière vérité. Isaac avait une vague idée mais Théo aucune. Toutefois, ils eurent chacun la présence d'esprit de ne rien dire. Stiles se débrouilla ensuite pour changer de sujet, n'étant pas encore assez à l'aise pour supporter d'être le centre d'attention pendant plus de quelques secondes.
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Les cours passèrent plutôt vite aux yeux de Stiles qui se sentait étrangement léger. Lors de son dernier cours, il reçut un message de Derek, l'invitant à participer à la réunion de meute de ce soir et lui précisa qu'il avait le choix, qu'il pouvait ne pas venir s'il ne se le sentait pas ou s'il désirait se reposer. Discrètement, Stiles lui répondit qu'il serait là, à condition que quelqu'un l'amène au loft. Ensuite, il se concentra sur son fichu cours et prit autant de notes qu'il put. Lorsqu'il se termina, Stiles rangea ses affaires, s'arma de ses béquilles et commença à s'en aller. Ses traits détendus firent plaisir à Lydia, qui veillait souvent sur lui dans l'ombre. Voir l'hyperactif moins sombre, moins fermé… Ce repas en groupe lui avait fait du bien, c'était certain. Et Stiles, perdu dans ses pensées, ne fit pas attention à Lydia.
Il ne remarqua pas non plus le regard sombre et empli de menaces fixé sur lui.
