Stiles était atrocement léger à porter et c'est avec délicatesse que Derek le déposa sur son lit avant de le couvrir, de remonter les draps jusqu'à ses épaules. Ici, il serait bien et sous surveillance. Non parce que Derek n'était pas content pour un sou. Dominer ses émotions n'avait jamais été une chose simple mais il y arrivait. En fait, il se contenait et son visage ne montrait qu'une colère sourde, principalement visible dans ses yeux clairs, si froids à ce moment-là.
Par chance, la dose que semblait avoir pris Stiles n'était pas létale et ne lui causerait vraisemblablement aucun réel dommage. Non, elle était juste handicapante parce qu'il avait combiné trois de ses antidépresseurs avec son antidouleur, un comprimé et demi. Derek n'était pas fou : il avait contacté le docteur Dunbar qui avait soupiré en apprenant cela et avait simplement dit au loup qu'il allait dormir un bon bout de temps et qu'il faudrait faire attention à lui à son réveil. Stiles risquait de se sentir mal et en soi, c'était compréhensible.
Mais Derek pensait plus à sa colère qu'au futur réveil de Stiles, qui risquait de ne pas arriver de sitôt, tant il s'était shooté. Ce n'était pas contre l'hyperactif qu'il en avait : non, il était en colère contre lui-même. Parce qu'il aurait carrément dû mieux cacher la boîte – elle était déjà bien cachée, mais Stiles avait plus fouillé qu'il ne l'aurait imaginé – et… Être là, tout simplement. D'ordinaire, il le régulait mais pour le coup, il avait profité du temps où l'adolescent était au lycée pour compenser l'absence d'avancées dans les recherches de celui-ci en allant sur le terrain espionner cette meute inconnue. Dans sa tête il devait être rentré avant Stiles, mais il se trouvait que celui-ci était arrivé deux heures plus tôt que prévu parce que l'un de ses professeurs était absent. Lydia l'avait donc tout naturellement ramené au loft. S'il avait su… Derek serra les poings et finit par passer sa main sur son visage, sur ces rides d'inquiétudes qui apparaissaient sur sa peau tannée et pourtant jeune. Stiles… Il pensait qu'il allait mieux. Il y avait deux possibilités : soit l'état de l'adolescent ne s'était pas amélioré d'un iota depuis ces quelques jours, soit il avait fait une rechute brutale. Au fond, le loup penchait pour la seconde hypothèse, bien plus probable. Depuis qu'il était au courant de son mal-être, il faisait attention à ses battements de cœur, et était attentif au moindre mensonge que pourrait colporter l'adolescent. Il en avait grillé quelques-uns, des mensonges mineurs et sans réels intérêts, mais ils étaient là. Le fait était que Stiles continuait de mentir de temps à autres.
Plus il y réfléchissait, plus Derek était certain que ce qu'il avait sous les yeux était le résultat d'une lourde rechute. Si Stiles n'était pas guéri, il était certain que son état mental s'était un tant soit peu amélioré. Il était vrai que ces deux-trois derniers jours, il souriait moins, mais Derek… N'aurait jamais pensé qu'il irait jusqu'à fouiller à fond dans ses affaires et de commencer cette boîte toute neuve qu'il lui avait confisquée à son arrivée au loft, en plus de l'ajouter à ses antidouleurs. Alors oui, le loup était certain qu'il s'était passé quelque chose durant la journée, quelque chose qui avait détruit le peu de progrès qu'il avait fait. Son cœur se serra à cette idée. Faire remonter la pente au jeune homme n'était pas chose facile et très franchement, savoir qu'il avait complètement replongé en profitant de son absence lui faisait mal.
Assis au bord du lit dans lequel reposait son protégé, il envoya des messages à Lydia, Isaac et Liam, leur demandant s'ils avaient remarqué quelque chose d'étrange concernant l'hyperactif dans la journée. Et le pire, c'est qu'il n'obtint pas du tout la réponse qu'il attendait. Non, ils n'avaient rien vu, rien notifié. Lorsqu'il était avec eux, Stiles était normal. Enfin, normal selon son état actuel. Effacé, discret, peu sûr de lui, mais… Normal. Il était là, il faisait des efforts pour, parfois, intervenir dans quelques discussions et donner son avis, il avait mangé avec eux… Alors aucun des trois êtres surnaturels ne voyaient ce qui aurait pu se passer. Liam fut le premier à demander à Derek la raison de cet interrogatoire intempestif mais l'alpha lui envoya un autre texto plutôt rapide, lui disant qu'il les informerait tous les trois plus tard. Honnêtement, il n'était pas d'humeur à expliquer quoi que ce soit. Il avait ses propres émotions à gérer et s'il fallait aider ses louveteaux à contrôler les leurs, il fallait qu'il soit complètement calme, d'attaque : or, c'était loin d'être le cas. Il s'en voulait, mais alors ce qu'il s'en voulait ! Il aurait dû prévoir et s'informer à l'avance de n'importe quel changement d'emploi du temps de ces gens qui faisaient partie de sa meute, composé pour la majorité d'adolescents encore au lycée. Oui, il aurait dû !
Mais Derek devrait savoir qu'il ne pouvait pas tout prévoir, tout prédire. Gérer sa propre vie était déjà quelque chose de compliqué en soi, alors maintenant qu'il avait Stiles au loft… Alors oui, Peter passait de temps à autres et il lui donnait un coup de main, mais tout de même… Ce n'était en rien comparable à ce qu'il faisait lui pour l'hyperactif. Il avait à cœur de le faire remonter à la surface, de le sauver de lui-même et, peut-être, de retrouver l'agaçant Stiles d'avant.
Et voilà qu'il le retrouvait profondément endormi, complètement shooté aux médicaments, le teint livide, plus immobile que jamais.
Derek posa son téléphone sur la table de nuit et passa une main dans ses cheveux, mentalement éreinté.
Il n'avait plus droit à l'erreur. Aujourd'hui, Stiles s'était complètement shooté. Qu'en serait-il du lendemain, et du surlendemain ? Si ça continuait comme ça, Derek ne douterait pas qu'il finirait un jour par retrouver le corps sans vie de l'adolescent, au loft ou ailleurs. Plus que de la paranoïa, c'était une réalité. Stiles était descendu si bas qu'il pouvait s'attendre à tout, et ce « tout » ne devait pas arriver.
Quoi qu'il lui en coûte, il le protègerait.
Une chose était certaine, Stiles ne retournerait pas en cours le lendemain. En fait, Derek ne le laisserait pas faire, parce qu'ils avaient une discussion sérieuse à avoir et une pente à remonter.
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Stiles ne commença à émerger que le lendemain matin. Complètement à l'ouest, il mit du temps à ressentir son corps, comme il mit du temps à remarquer l'étrange et familière chaleur autour de lui. Comme c'était doux et agréable, il s'y pelotonna autant que son corps le lui accorda : ses mouvements étaient lents et faibles, brouillons et limités mais il n'y accordait pas vraiment d'importance tant il était dans les vapes. Ce qu'il y avait contre et autour de lui, c'était un petit paradis, quelque chose qui l'empêchait de repenser à ce qui le torturait, qui le gardait amnésique pour la bonne cause. Il était juste… Bien et si son corps était actuellement un peu trop engourdi pour un simple réveil, il n'en avait cure.
Derrière lui, Derek resserra son étreinte. Stiles était là, dans son lit, avec lui. Le loup aurait pu le ramener sur le canapé ou y dormir lui-même, mais la peur que lui avait fait l'hyperactif la veille l'avait dissuadé de s'éloigner de lui. Stiles était sur une pente dangereuse et, que sa réaction soit exagérée ou non, Derek s'en fichait comme de l'an 40. Il ne voulait pas le laisser seul. Qui sait ce qu'il aurait pu faire, en se réveillant au hasard en pleine nuit ? Alors oui, peut-être que l'alpha avait seulement dormi sur une oreille, mais il avait ainsi la certitude que l'hyperactif ne se bousillait d'aucune manière, puisqu'il était avec lui. Contre lui. Plus précisément dans ses bras.
Derek étant un loup, il avait sa manière de consoler et de protéger. Partageant son cerveau avec son animal intérieur, il laissait parfois celui-ci prendre le relais lorsqu'il ressentait le besoin de reposer son mental et à vrai dire, c'était le loup qui avait eu l'idée d'entourer Stiles de cette manière, de le garder confortablement installé dans ce cocon protecteur parce que hein, qui n'aimait pas les câlins ? Stiles en avait besoin et Derek le ressentait au plus profond de son être. On avait beau le prendre pour un alpha insensible, il était tout le contraire et il n'était pas du genre à abandonner ceux qui avaient besoin d'aide.
Et Stiles… Ne devait plus être oublié de la sorte.
Il ne l'oublierait plus jamais.
Alors lorsque l'hyperactif acheva de se réveiller et qu'il ouvrit les yeux, Derek fut particulièrement doux avec lui, même s'il mourrait d'envie de l'interroger et de lui faire la morale. Mais en voyant le regard à la fois surpris, perdu et douloureux de Stiles, le loup se ravisa. Il ne pouvait pas le brusquer, Stiles ne serait peut-être pas vraiment capable de le supporter, parce que Derek pressentait que son état était bien pire qu'il le pensait, en témoignait sa prise de médicaments exagérée la veille. Bien vite, l'adolescent grimaça et se retourna mollement dans les bras de l'alpha, se retrouvant alors face à lui. Appuyant son front contre son torse, il ferma à nouveau les yeux et balbutia d'une petite voix :
- Qu'est-ce que je fais… Ici ? Je veux dire… Avec toi, là… Parce que je veux dire, je sais plus trop ce que… Argh, j'ai mal à la tête…
Derek remonta sa main jusqu'en haut de la nuque de l'hyperactif, à la base de son crâne. Ses veines se teignirent de noir et Stiles se relâcha instantanément contre lui, se blottissant encore plus entre ses bras sans même s'en rendre compte. Derek sentit son propre cœur rater un battement alors qu'il constatait l'abandon et la confiance que lui témoignait l'adolescent. Il retint alors ses questions et caressa distraitement sa nuque, dans un geste si naturel qu'il n'en prit même pas conscience.
- On en parlera après, d'accord ? Dit le loup d'une voix basse pour éviter de faire réapparaître sa douleur à la tête.
Parce que ce n'était pas encore le moment, parce que Stiles venait de se réveiller complètement et qu'il avait l'air d'être encore un peu dans le brouillard. Derek préférait alors attendre qu'il soit un peu plus en forme pour qu'ils aient cette discussion. Néanmoins, il sentait l'influence des médicaments sur lui. En plus de teinter son odeur de cette fragrance fade et métallique, ils rendaient tous ses mouvements brouillons et faiblards, tout en affaiblissant sa voix. Stiles avait eu du mal à parler et ce détail n'avait pas échappé à Derek, qui décida de l'épargner au maximum.
- Oh merde, souffla Stiles.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Demanda le loup sans cesser ses caresses.
- Quelle heure il est ? Je… Les cours.
Stiles parlait en faisant le strict minimum, lui-même devait se rendre compte des efforts qu'il devait fournir pour parler.
- T'occupe pas de ça. Aujourd'hui tu n'iras pas.
- D'accord…
Derek fronça les sourcils et attendit plusieurs secondes, dans l'attente d'une remise en question de la part de l'hyperactif qui s'éveillerait soudainement et insisterait pour retourner en cours. Mais… Non, rien. Stiles se contenta de rester ainsi, blotti contre lui, les yeux à nouveau fermés. Loin de tranquilliser Derek, cela l'inquiéta d'autant plus. Il n'aimait pas cette absence totale de combativité de sa part, encore moins cette manière qu'il avait de se laisser faire et d'accepter tout ce qu'il disait. Le seul bon point que le loup pouvait notifier dans cette histoire, c'était cette confiance qu'il lui accordait. A part cela, il n'y avait pas grand-chose de positif et Derek n'arrivait pas à voir autre chose que cette rechute qui l'avait poussé à se shooter.
