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Séraphine, assise face à une énorme portion de porridge, n'y avait pas touché depuis le début du repas. La raison ne se trouvait pas dans le plat lui-même. À vrai dire, il sentait délicieusement bon, semblait appétissant, et Séraphine n'avait pas mangé depuis le matin. Il était impossible qu'elle n'ait pas faim.

Non, l'explication se trouvait sur la table de Séraphine. Non pas que ses voisins soient particulièrement agaçants et malpolis — bien qu'ils ne soient pas des plus charmants non plus —, mais elle avait été répartie à Serpentard et aucun charmant voisin n'aurait pu adoucir cette amère nouvelle.

Elle n'avait d'autre choix que de faire la fierté de sa mère, pour ce soir du moins.

À la table des Gryffondor, Lily et Remus faisaient connaissance avec leurs camarades. À celle des Poufsouffle, Alice avait elle aussi commencé à se lier d'amitié. Séraphine n'avait pas décroché un mot aux Serpentard qui occupaient sa table. Du reste, ils ne semblaient pas avoir envie de lui parler non plus.

« Tu t'appelles comment ? » demanda une fille, sans doute de Troisième Année.

Sans être laide, elle n'était pas non plus jolie. Ses cheveux gras retombaient sur un large crâne et elle avait un bouton sur le nez.

« Séraphine Prince, répondit-elle.

— Prince ? Comme les Prince ? »

Elle avait insisté sur les de manière exagérée, en écarquillant les yeux.

« Je suppose que nous sommes les seules.

— Mais ta mère a disparu il y a des années avec un moldu, non ?

— Il est mort.

— Ah, désolée. » dit-elle, même si elle ne le paraissait pas du tout.

Elle prit une poignée de petits gâteaux, qu'elle enfourna dans sa bouche et mâcha en veillant à ce que Séraphine profite du spectacle.

« Je m'appelle Neyl Trix. Je suis en Troisième Année. »

Elle tendit sa main droite — celle qui n'avait pas touché les petits gâteaux — et Séraphine, qui ne tenait pas à se faire d'ennemis dans sa maison, la serra.

« Qu'est-ce que tu as fait pour t'attirer les foudres de Lucius Malefoy dès la rentrée, au fait ? Il te regarde mal depuis que tu es ici.

— Je ne sais même pas qui c'est.

— Mais si, le type blond qui croit que le monde lui appartient.

— Ah, il est possible que je me sois moquée de son nez. Et que je l'ai traité de crétin. Et d'imbécile. »

Neyl en avala ses gâteaux de travers. Tout en toussant, elle s'exclama : « C'est possible de faire ça sans mourir ?

— Bien sur que non, je suis un fantôme revenue pour le hanter. »

La fille eut l'air de se demander si elle était sérieuse. À la table des professeurs, un vieil homme se leva et élèves et enseignants cessèrent aussitôt de parler. Il avait des yeux bleus, cachés derrières des lunettes rondes, et la plus longue barbe que Séraphine ait jamais vue.

« Puisque nous sommes rassasiés et que nous avons étanché notre soif, je souhaiterais vous dire quelques mots au sujet du règlement intérieur de l'école. Les Première Année doivent savoir qu'il est interdit à tous les élèves — sans exception — d'entrer dans la Forêt Interdite qui entoure Poudlard, sous peine de mourir dans d'atroces souffrances. La sélection des joueurs de Quidditch se fera au cours de la deuxième semaine, sous la supervision de Madame Whisp et des capitaines des années précédentes. La première sortie au village de Pré-au-Lard est prévue pour le troisième weekend de Septembre. N'oubliez pas que seuls les élèves disposant de l'autorisation d'un parent ou de leur tuteur légal pourront y participer, et que les Première et Deuxième Années ne sont pas concernés par cet évènement. Le couvre-feu sera à 20 heures. Qui le dépassera ne pourra rentrer dans sa maison, à moins d'avoir une excuse jugée valable par votre directeur de maison. J'ajoute, enfin, que je vous souhaite une agréable soirée. »

Il sourit et s'assit.

« Lui, c'est le directeur de l'école. Madame Whisp est insupportable, elle préfère toujours ces imbéciles de Gryffondor. »

Neyl avait apparement pris la décision de lui présenter chaque personne présente dans la salle.

« Slughorn, c'est notre directeur. Si tu viens d'une bonne famille et que tu es douée en quelque chose, tu ne devrais pas avoir de mal à t'en faire apprécier. Mcgonagall, c'est la professeure de Métamorphose. Elle est vieille et...

— Pourquoi tu es comme ça avec moi ? »

Neyl s'arrêta de parler, fixa Séraphine, et eut un hideux sourire.

« Les nouveaux sont faciles à embobiner, mais j'imagine que ce ne sera pas ton cas. Je n'ai pas d'autres objectifs que mes camarades de maison.

— C'est-à-dire ? demanda Séraphine.

— Acquérir un maximum de liens avec les bonnes personnes. Si je dois passer par les nouveaux, bien. Tant que je peux en tirer des profits par la suite... »

Séraphine décida de complètement l'ignorer. Ce genre de personnes était exactement celui que désapprouverait Lily. Séraphine, même si elle comprenait les intentions de Neyl, n'était pas sûre de l'apprécier.

Lucius Malefoy, accompagné d'une Préfète du nom de Pétula Parkinson, interpella les Première Années et darda un regard méprisant en direction de Séraphine.

« Je suis Lucius Malefoy et votre préfet. Je vais vous demander de me suivre. Le premier qui ralentira devra dormir dehors. »

Séraphine était certaine qu'il ne plaisantait pas, aussi prit-elle garde à ne pas le perdre de vue. Il les mena dans les cachots de Poudlard, et s'arrêta devant un mur en pierre.

« Le mot de passe est : toujours purs. Si vous l'oubliez, vous devrez vous débrouiller par vos propres moyens. Vous n'avez pas non plus l'autorisation de divulguer le mot de passe à quelqu'un qui l'aura oublié, par mesure de précaution. »

Cette information provoqua une vague de murmures chez les Premières Années.

« C'est la devise de la famille Black », chuchota une voisine de Séraphine, dont les lunettes rectangulaires mangeaient la moitié de la figure.

« Les filles, suivez-moi ! » s'écria Pétula Parkinson.

Elle les conduisit à une rangée de portes, chacune dotée d'un nom différent : la première était nommée Chambre des Ambitieux, la seconde Chambre des Rusés, et les suivantes étaient dans le même état d'esprit.

« Mettez-vous par groupe de quatre, et choisissez-bien, car aucun changement de dortoir ne sera accepté. »

Séraphine ne mit pas longtemps à réaliser que la moitié des filles se connaissaient déjà. Elle se mit avec un groupe de trois filles à qui il manquait une personne et attendit que Pétula Parkinson leur assigne vers une chambre.

« Vous, chambre des Ingénieux, dit la préfète. Vous, chambre des Nobles. »

Les quatre filles se dirigèrent vers leur dortoir et s'installèrent. D'anciens lits à baldaquin ornés de tentures de soie verte et de couvre-lits brodés de fils d'argent attendaient patiemment leurs occupantes. Les murs étaient couverts de tapisseries médiévales illustrant les exploits de Serpentard célèbres, et des lanternes en argent étaient suspendues au plafond.

Les valises de Séraphine étaient déjà sur son lit.

« Salut, dit l'une des filles. Je m'appelle Cassie Rubert.

— Cassandre Rubert.

— Cassidy Rubert.

— Nous sommes des triplées, expliqua Cassie.

— Oh, je vois, répondit Séraphine, qui n'aspirait qu'à dormir. Je suis Séraphine Prince, enchantée.

— Tu es sûre ? Les Prince ont disparu il y a longtemps, déclara Cassidy — ou était-ce Cassandre ?

— Ne crois pas ce qui est écrit dans les journaux, tu vas encore te tromper, dit Cassandre — ou était-ce Cassidy ?

— Je vais me brosser les dents », déclara Séraphine en se levant, lassée de ces débats interminables sur son existence.

La salle de bain se trouvait derrière une porte, qui était à côté du lit de Séraphine. Elle était éclairée par des lampes vertes rondes, accrochées au plafond par des chaînes. La baignoire était face au miroir et les formes d'un visage humain apparurent lorsque Séraphine entra.

« Tu es hideuse aujourd'hui, Nancy ! grinça le miroir.

— Je ne suis pas Nancy.

— Ah bon ? dit-elle, et ses yeux, qui étaient aussi empreints d'émotion que deux raisins, se plissèrent. Ah oui, c'est vrai. J'ai vraiment besoin de lunette... depuis que Narcissa m'a abandonné, je ne vois que des choses laides. »

Si Séraphine essaya, au début, de le consoler, elle prit rapidement le parti de l'ignorer. Entendre un miroir la dénigrer ne ferait certainement pas partie de ses activités favorites à Poudlard.

Elle se coucha mais, malgré le doux clapotis de l'eau du lac contre les fenêtres, elle ne réussit pas à dormir. L'absence de Lily lui pesait bien trop au coeur.