Résumé du chapitre précédent :

- Draco passe ses examens finaux et devient officiellement Médicomage

- Harry et Draco apprennent qu'ils attendent une fille et en informent Teddy

- Draco reçoit Blaise à Ste Mangouste, qu'il envoie au SUM pour une overdose de potions. Lorsqu'il lui rend visite quelques jours plus tard en Psychomagie, les liens entre eux semblent définitivement rompus.

- Andromeda fait savoir aux garçons qu'elle fréquente Andrew Denver, de chef du service de pathologie des sortilèges


C'est parti pour le POV de Harry ! Encore une fois, merci à StefffPM pour la bêta, et à elle ainsi qu'à Lyashura pour m'avoir écoutée gémir quant à la difficulté de gérer les (nombreuses) émotions de Harry :D

Un immense merci pour tous vos messages, vous me comblez !


Harry

Juillet 2004

Harry secoua la fine couette au-dessus du lit de Teddy, l'y déposa, puis attrapa une taie propre dans son armoire. Il habilla l'oreiller et le jeta contre la tête de lit en bois, l'oreille tendue pour écouter Teddy se brosser les dents et faire de bruyants gargarismes.

Dans des cadres de la bibliothèque qui séparait le matelas du mur, et sur la tapisserie ocre de la pièce, Remus et Tonks agitaient la main, riaient, trébuchaient, s'enlaçaient ou rejoignaient leurs amis respectifs dans des dizaines de photographies mouvantes. Ils étaient rarement ensemble mais toujours souriants, de silencieux gardiens du sommeil de leur fils.

Ils n'étaient pas les seuls à être à l'honneur, néanmoins.

Il y avait Andromeda, qui soufflait des baisers sur le ventre de Teddy, posait avec son petit-fils dans le jardin fleuri, et se baladait dans la campagne avec sa petite main dans la sienne.

Il se voyait lui-même, Teddy accroché à son T-shirt pour son premier tour en balai, une glace à la main près du petit lac voisin, son corps barré de cicatrices qui émergeait de la piscine avec son filleul sur les épaules.

Et il y avait Draco, encore maigre comme un long clou à sa sortie de Poudlard avec son cousin dans les bras, qui posait avec son diplôme de Ste Mangouste et baissait un regard affectueux sur un Teddy bondissant autour de lui, qui lui lisait une histoire au coin du feu, deux têtes blondes concentrées sur le livre qu'il avait entre les mains.

Harry ne savait pas comment son filleul faisait pour dormir avec autant d'agitation autour de lui. Mais il était très bien placé pour comprendre son besoin d'être entouré.

D'un grand geste de la main et le sourire aux lèvres, il rangea un peu maladroitement les Lego qui traînaient sur le tapis. Puis il ramassa quelques dessins, probablement soufflés par la brise qui s'insinuait par la fenêtre, pour les aligner sur le petit bureau. Teddy entrait enfin dans sa chambre, dents lavées et en pyjama, lorsque Harry baissait son volet.

« Je ferme la fenêtre ? » lui demanda-t-il alors que son filleul sautait sur son lit pour enfouir sa tête dans les draps propres.

« Oui. Ça sent booooon… » gémit-t-il de bonheur, la voix étouffée.

« Ah oui ? » s'amusa Harry, qui s'était trompé en achetant la lessive. « Je trouve que c'est un peu trop fleuri. »

« J'aime bien… » expira Teddy avant de se redresser avec un sourire. « Ça sent comme dans le jardin. »

« C'est le jasmin, je pense, » nota-t-il en fermant la fenêtre. « Qu'est-ce que tu me lis, ce soir ? »

« Hmm… » réfléchit son filleul. Il avança sur les genoux pour fouiller la petite bibliothèque qui jouxtait son lit, et tira sur quelques tranches de livres. « Pollux à la rescousse d'Elehus ? »

« Urg, » émit Harry malgré lui. « Est-ce qu'il y a mon nom dans celui-là ? »

« Il y a ton nom dans tous les livres de Pollux, » rit Teddy en attrapant l'histoire pour ensuite s'installer contre sa tête de lit.

« Merlin… » souffla Harry entre amusement et embarras. « Je parie que ça vous fait bien rigoler Draco et toi quand vous les lisez. »

« Personne n'est plus fort que Harry Potter ! » singea Teddy avant de ricaner dans une dérangeante imitation du rire mesquin de Draco.

Harry pouffa de surprise en s'installant à côté de lui, puis il étendit les jambes avec un soupir de contentement. Il était rare qu'il puisse passer une soirée complète avec Teddy ces derniers temps, et il savait que son inquiétude pour Andromeda finirait par le pousser à quitter la maison pour jeter un petit coup d'œil à la vitrine du restaurant où elle dînait ce soir, mais pour le moment, il était juste heureux de pouvoir accomplir ce rituel simple. Il avait exceptionnellement demandé à ne pas être intégré dans les rotations de surveillance de la nuit, et c'était bien peu de choses après tant de temps sans prendre un seul réel jour de vacances. Mais il était bien décidé à savourer le moment.

« Ok, je suis prêt, » annonça-t-il après avoir remué pour être à l'aise dans le lit étroit.

Il passa les quinze minutes suivantes à écouter Teddy lire, ses yeux suivant le texte pour l'aider lorsqu'il peinait à décrypter un terme ou pour le rappeler à l'ordre lorsqu'il devinait les mots suivants plutôt que de les lire. Puis quand son filleul commença à bâiller, il l'incita à refermer le livre et à s'allonger.

« Tu liras la suite avec moi, demain ? »

« Je travaille demain soir. Désolé mon grand, » s'excusa-t-il. « Mais on n'a pas encore atteint mon nom, je suis sûr que Draco sera content de lire ce passage avec toi. »

Teddy sourit étroitement, et le cœur de Harry se serra alors qu'il le regardait ranger les aventures de Pollux dans sa bibliothèque. Il savait qu'il passait trop peu de temps avec lui ces derniers mois, et il en souffrait autant, sinon plus que son filleul. Mais les enjeux étaient trop grands, la situation trop tendue, Malfoy trop dangereux. Il n'avait pas le choix.

« Est-ce que Dada va bientôt arrêter de travailler ? » interrogea Teddy après s'être glissé sous sa couverture.

« Pas tout de suite, non. A moins d'être fatigué avant, il a prévu de s'arrêter en septembre. »

« Hmm… » murmura son filleul, tourné sur le côté avec une mine songeuse.

Harry caressa sa petite joue rebondie et peigna des doigts ses cheveux lavande et ondulés.

« Ça te manque déjà de passer tes journées avec lui ? » supposa-t-il avec affection. « Tu n'es pas content de repasser du temps avec tes cousins ? »

« Si, mais… »

Teddy sembla peiner à trouver ses mots, et son attention fut détournée par un nouveau bâillement.

« Allez, dors, » sourit Harry en lui tapotant le bras par-dessus la couverture. « Câlin ? »

Teddy hocha la tête, les yeux déjà à moitié clos, et sortit les mains des draps pour lui rendre son étreinte. Harry l'embrassa sur la joue, diminua l'intensité de la lampe de chevet puis quitta la chambre en laissant la porte entrouverte.

Il attendit Draco sur le palier du premier étage en le voyant gravir les marches.

« Je pense que je vais aller me coucher après lui avoir dit bonne nuit, » lui annonça celui-ci avec une légère grimace désolée. « Je suis crevé. »

« Ok, » répondit simplement Harry avec un sourire malgré sa déception. Il l'enlaça brièvement avant d'attraper la rampe d'escalier. « Je vais juste... voir comment ça se passe pour Andy, et je reviens. »

« Tu penses qu'elle pourrait être… » commença Draco. Le en danger resta suspendu entre eux.

« Non. Mais… Je veux juste être sûr, » expliqua-t-il maladroitement.

L'expression de Draco pencha entre scepticisme et inquiétude.

« Ok… » murmura-t-il. « Viens me dire comment elle va en rentrant ? »

Harry hocha la tête, la mâchoire serrée par la culpabilité de lui transmettre ses angoisses, et descendit au rez-de-chaussée.

Lorsqu'il revint dans la maison une dizaine de minutes plus tard, Draco leva un regard interrogateur vers lui depuis sa position en tailleur de son côté du lit.

« Tout va bien, » assura-t-il à voix basse en fermant la porte de leur chambre. Les mains chargées de sa magie, il caressa le mur pour le couvrir d'un sortilège de silence. « Elle a l'air de s'amuser. »

« Est-ce que tu penses vraiment qu'il y a un risque pour elle ? »

Harry s'assit au bout du lit avec un soupir discret, dos à lui.

« C'est… certainement de la paranoïa de ma part… » admit-il avec fatigue.

Lucius avait mieux à faire que de se préoccuper des allées et venues de son ex-belle-sœur, et Andrew Denver n'avait absolument rien de suspect. Ancien Poufsouffle, Sang-mêlé, il avait épousé sa petite-amie de Poudlard, une Née-moldue, à peine sorti de l'école. Ils n'avaient pas eu d'enfants et avaient divorcé six ans plus tôt à l'amiable. Il avait fait la totalité de sa carrière à Ste Mangouste, et toute sa vie sociale tournait autour de l'hôpital, comme pour la plupart des Guérisseurs.

Harry n'avait eu aucun scrupule à se renseigner sur le Médicomage, mais il n'était pas près de l'avouer à Draco, et encore moins à Andromeda.

Il se pencha pour se débarrasser de ses chaussettes, puis se redressa pour retirer son jean, qu'il expédia magiquement vers le fauteuil avant de grimper sur le lit en T-shirt et sous-vêtements. Dans un accoutrement similaire, Draco le suivit des yeux avec une expression soucieuse.

« C'est juste que… » reprit Harry avant de s'allonger avec un soupir. « Ça me fait bizarre de la savoir ailleurs qu'à Ste Mangouste et à la maison. Ça va me passer… » tenta-t-il de se justifier.

En appui sur un coude, il soutint le regard scrutateur de Draco jusqu'à ce que celui-ci ferme brièvement les yeux avec un haussement de sourcils dubitatif. Il le regarda alors s'installer à côté de lui, et profita de sa position sur le dos pour poser la main sur son ventre.

« J'ai envie de te croire, mais… » souffla Draco avant de grogner de frustration. « Est-ce qu'elle est dans un restaurant moldu ? »

« Oui. Elle ne craint rien, vraiment, » insista Harry. « J'avais juste besoin de me rassurer. »

Draco rouvrit les yeux et tourna la tête avec une expression compatissante.

« Ok… » sembla-t-il accepter avec une caresse légère sur sa mâchoire.

Harry lui embrassa les doigts avant qu'ils ne s'échappent pour se poser sur sa main au-dessus de leur fille. Il referma alors la distance entre eux pour nicher son nez dans son cou avec un murmure de contentement.

« Ce n'est pas un peu bizarre ? »

« Bizarre ? » répéta Harry contre la peau fine et chaude de sa gorge.

« Mon ventre. »

« Mh, non, » répondit-il sincèrement, les sens concentrés sur la fermeté sous ses doigts. « C'est mignon. Et même un peu sexy. »

« Sexy ? » répéta Draco avec un rire sardonique qui secoua légèrement sa tête.

« Heu… Comment expliquer… » hésita-t-il avec gêne. « Ça va sonner un peu macho mais… C'est mon bébé là-dedans, donc… »

L'éclat de rire de Draco interrompit sa bancale explication, et Harry s'empourpra avant d'expirer un souffle surpris lorsqu'il se retrouva soudainement sur le dos, Draco assis sur son bassin avec une expression narquoise sur le visage.

« Oh, on se sent viril, Potter ? » taquina-t-il.

Harry pouffa de rire malgré son embarras.

« Erm, il doit y avoir de ça, » admit-il avec amusement. « J'avais prévenu que ça allait sonner macho… Et toi ? Est-ce que tu trouves ça bizarre ? »

« Hmm, non, pas bizarre, » répondit Draco, qui avait repris son sérieux. « Ça le deviendra peut-être plus tard, quand ça sera un peu plus encombrant, mais… » Il fixa pensivement le T-shirt de Harry, et ses gestes pour en lisser les plis sur son torse le firent frissonner. « Ça me donne plutôt… une sensation de vulnérabilité, » avoua-t-il avec une discrète grimace. « Et de me mettre encore un peu plus à part. Ce n'est plus possible de passer inaperçu. Pas que qui que ce soit oublie vraiment qui je suis, même à Ste Mangouste et même s'ils ont l'habitude de me voir, mais avec un bébé en plus… »

Draco fronça légèrement les sourcils puis en haussa un en regardant à nouveau son visage.

« Je peux savoir pourquoi tu as la trique alors que je te parle sérieusement ? » demanda-t-il, faussement irrité.

Harry pinça les lèvres, contrit. Il avait espéré sans trop y croire que sa réaction au poids de Draco sur son bas-ventre et à ses mains qui effleuraient innocemment son torse passerait inaperçu.

« Désolé, tu es assis sur moi et tu me touches, ça me suffit. Mais je t'écoute ! » assura-t-il avant de crisper les mains sur ses cuisses nues en le sentant remuer les fesses sur lui. Il durcit un peu plus sous le frottement à présent délibéré. « Non, je n'écoute plus, désolé, » s'esclaffa-t-il face à l'air sournois de Draco.

Celui-ci attrapa la couture de son propre T-shirt et la souleva, ce qui laissa apparaître son torse long et pâle, ses fines cicatrices et la légère courbe de son ventre soulignée par l'élastique de ses sous-vêtements. Les mains de Harry dont les ongles s'enfonçaient dans ses cuisses tressaillirent, appelées par cette étendue de peau nue.

Mais Draco ne lui laissa le loisir ni de le toucher ni de l'admirer. Un coude de chaque côté de la tête de Harry, il le plongea dans l'ombre en baissant une expression dangereuse vers lui. Il lui retira ses lunettes avant d'effleurer son oreille de ses lèvres.

« Est-ce que tu es devenu trop viril pour te laisser prendre ? » lui demanda-t-il dans un souffle prédateur.

« Non. Et je ne vois pas le rapport, » réussit à répondre Harry dans un croassement entre excitation et amusement, les bras couverts de chair de poule.

Draco se redressa un peu, assez pour lui laisser voir son sourire carnassier, puis captura sa bouche dans un baiser qui ne resta pas doux plus de quelques secondes. Les mains de Harry quittèrent ses cuisses, les paumes pressées contre sa peau chaude, pour se rejoindre en haut de son dos et l'encercler de ses bras. Les doigts de Draco attrapèrent ses cheveux dans une poigne possessive alors que sa langue s'enfonçait dans sa bouche, à la fois lascive et territoriale. Des éclairs de désir quittèrent le cuir chevelu de Harry pour s'écraser dans son bassin, qui s'agita malgré lui. Le poids tangible de Draco sur son érection était délicieux et insuffisant en même temps, mais il gémit lorsqu'il le sentit répondre en remuant les hanches. Harry empoigna ses fesses pour accompagner le mouvement de ses mains et le sentit frémir contre lui.

Sans rompre leurs baisers qui devenaient de plus en plus fébriles, Draco joua des genoux pour se repositionner entre ses cuisses. Harry fut forcé d'abandonner son fessier mais se consola en s'agrippant à sa nuque et à ses cheveux, puis fut largement récompensé par la sensation électrique du frottement de son érection couverte contre la sienne. Draco expira un soupir excité contre son visage, où ses mèches blondes chatouillaient son front, et Harry lui suça la langue puis lui mordilla la lèvre pour le plaisir de le sentir trembler entre ses jambes.

Il était rare que Draco prenne l'initiative de lui faire l'amour, ayant une franche préférence pour l'inverse, et Harry était bien décidé à profiter de l'occasion.

La chaleur et le manque d'air fut sans doute ce qui força Draco à s'écarter de lui, et Harry en profita pour retirer son T-shirt qui commençait à coller à son dos et à ses abdominaux. Décoiffé et le visage coloré, Draco frôla de ses ongles la peau humide de ses pectoraux puis leva un regard fiévreux vers son visage en entendant son grognement excité.

Le sourire qu'il lui offrit était tellement érotique que Harry sentit ses testicules se contracter et son gland perler avant même que ses doigts ne descendent dans une tortueuse caresse sur la peau moite de ses abdominaux.

« Tu veux la version rapide, ou la version longue ? » lui demanda presque innocemment Draco en atteignant l'élastique de ses sous-vêtements. Il descendit encore, et s'arrêta sur la tâche d'humidité qui assombrissait le tissu.

Merlin, il allait le torturer.

« Longue, » croassa néanmoins Harry. L'occasion était trop rare, et il était déterminé à en tirer le maximum.

/

Il faisait une chaleur infernale dans la chambre, et Harry avait la sensation de se liquéfier sur leurs draps. Il haleta lors d'une caresse particulièrement appuyée sur sa prostate et se tordit contre Draco, qu'il put sentir sourir contre son front.

Il n'avait pas eu tort de le croire parti pour jouer avec lui comme un prédateur avec sa proie. Il avait la sensation que cela faisait des heures qu'il le préparait, qu'il faisait aller et venir ses doigts en lui avec une lenteur insoutenable. Le sang de Harry bouillait et il pouvait sentir sa magie courir sous sa peau, tel des flots crépitants qui circulaient à la cadence des battements de son cœur.

Il n'arrivait pas à anticiper les gestes de Draco. Ses doigts entraient et sortaient de lui sans rythme, s'arrêtaient, se pliaient, s'écartaient, pendant que la main qui le masturbait alternait entre simple pression et caresses lascives. Harry était suspendu à ses mouvements, accroché aux draps, prisonnier de la fournaise de son propre corps et du bon vouloir de Draco de le laisser jouir ou de passer à la suite.

« Je croyais que tu étais fatigué… » tenta-t-il de râler, mais sa phrase se termina dans un gémissement lorsque les longs doigts de Draco s'enfoncèrent à nouveau en lui.

« Hmm, non, ça va mieux, » lui répondit-il d'un ton désinvolte alors que Harry arquait le dos en frissonnant des pieds à la tête.

Il souleva difficilement les paupières. Devant lui, le visage de Draco était presque aussi coloré que devait être le sien et luisait de transpiration dans la lumière dorée. Il respirait difficilement et paraissait aussi excité que si c'était les mains de Harry qui travaillaient à lui tirer un orgasme. Harry baissa les yeux vers son érection qui gouttait sur les draps devant son bas-ventre gonflé, puis les releva vers les siens, hagard. Il l'avait à peine touché. Il était incapable de se concentrer sur autre chose que sur ses doigts sur lui et en lui.

« Qu'est-ce que tu essayes de faire ? » demanda-t-il d'une voix éraillée avant de sentir ses phalanges se replier dans ses chairs. « Nnnghh ! Draco ! » gémit-il, les dents serrées et le corps contracté autour d'un foudroiement de plaisir.

« J'essaye de voir si je peux te faire me supplier. »

Il mentait. Harry n'avait jamais aucun scrupule à supplier, ni à retenir ses mots pendant leurs ébats en général. Il n'avait pas besoin de voir l'avidité dans son regard et la peine avec laquelle il respirait pour comprendre. Draco en avait clairement après sa magie. Mais qu'essayait-il d'obtenir exactement ?

Harry s'accrocha à son biceps avec un grognement étranglé, la cuisse serrée autour de la hanche pâle qu'il écrasait sous son poids. Draco avait enfin accéléré la cadence dans un va-et-vient dont le bruit humide atteignait à peine ses oreilles bourdonnantes. Harry referma les yeux, le corps tendu au bord du précipice, la pression de son orgasme sur le point d'exploser dans son labdomen.

Mais le rythme changea à nouveau et Harry contint difficilement un cri de frustration.

« Nom de dieu, Draco ! » geignit-t-il, le corps tremblant et tintant d'un plaisir inachevé. « Baise-moi avant que je fasse exploser des trucs ! »

Le rire de son petit-ami caressa son front en sueur et ses mains quittèrent son corps surstimulé. La menace n'était pas en l'air. Il n'était jamais allé jusqu'à faire éclater des objets, mais en faire tomber et secouer les meubles par magie étaient des choses qui lui étaient déjà arrivées. Et les fourmillements dans ses membres et le rugissement de son sang dans ses tempes lui laissaient penser qu'il n'avait pas été loin de laisser déborder sa magie comme un enfant.

Le baiser qu'il sentit sur son nez s'avéra être les prémices d'une pluie qui tomba sur son visage, puis sur sa gorge, où un suçon le fit autant se tordre que la main qui s'agrippait à ses reins. Il se cambra contre Draco avec un halètement, et le contact de son ventre ferme contre ses abdominaux créa chez lui une confuse sensation de fierté mêlée d'excitation. Ses doigts s'enfoncèrent dans la peau de sa hanche avec urgence.

« Draco… » l'appela-t-il en ignorant les cheveux qui se collèrent à ses lèvres.

L'interpellé inspira profondément sous son oreille puis passa sa langue sur son épiderme brûlant. Il lui embrassa la mâchoire, les lèvres, et attrapa enfin son genou pour le tourner sur le dos. Epuisé bien qu'il n'ait guère bougé, Harry s'efforça d'ouvrir les yeux lorsque Draco s'installa entre ses cuisses.

« Parfaitement détendu et malléable comme de la pâte à modeler, » s'amusa ce dernier.

« Tu es un tortionnaire, » se plaignit-t-il, la voix et le regard voilés par le désir.

Mais il n'aurait eu que lui-même à blâmer s'il avait été contre un tel traitement. Il savait parfaitement que Draco aurait accéléré le mouvement s'il le lui avait demandé, et en réalité, il aimait se placer à la merci de ses penchants sadiques.

Draco sourit plus largement.

« Je suis méthodique, » contra-t-il alors que ses prunelles espiègles balayaient son corps pour s'arrêter sur son entrejambe. L'érection de Harry tressauta lorsqu'il la reprit en main, ses muscles se bandèrent d'anticipation, et il se mordit les lèvres avec un gémissement étouffé. « Et j'adore te voir te tordre dans tous les sens. »

« Je sais… Tortionnaire, » réitéra Harry en fermant les yeux avec un frisson lorsque ses doigts vinrent masser son périnée. « Est-ce que tu aimerais que je te fasse la même chose ? »

Malgré sa formulation maladroite, Draco sembla comprendre qu'il s'agissait d'une réelle curiosité.

« Je doute que tu en aies la patience. Et j'aime ton côté sauvage. »

« Sauvage, » s'esclaffa Harry, mais son rire fut interrompu par un grognement provoqué par la sensation de phalanges s'enfonçant à nouveau en lui. « Ça fait au moins deux heures que je suis prêt, Draco, » tenta-t-il d'apaiser sa crainte de lui faire mal.

« C'est à peine exagéré… »

Son soupir amusé fut néanmoins suivi d'une mise en action. Dans des gestes patients, il lui souleva les jambes et suréleva son bassin à l'aide d'un coussin, puis se pencha sur lui pour reprendre sa bouche. Ses baisers paresseux le firent fondre un peu plus dans le matelas, et Harry soupira de bien-être en resserrant ses cuisses autour de ses hanches.

La tension de l'anticipation apaisée, il se sentait effectivement malléable et détendu. Il était toujours très excité, et sa magie rendait vibrante la course folle de son sang dans son corps, mais il n'était plus suspendu entre panique et orgasme imminent. Il était prêt à accueillir Draco, et lorsque celui-ci abandonna ses lèvres pour se redresser et enfin le pénétrer, un frisson de plaisir et de soulagement mélangés l'envahit. Il sourit sous le regard clair qui le dévorait.

« Alors, on se sent plus viril ? » plaisanta-t-il dans un murmure alors que Draco s'inclinait à nouveau au-dessus de lui.

Son rire surpris l'enfonça un peu plus, et Harry le vit grimacer avant de baisser la tête entre ses bras, tendus pour le soutenir de part et d'autre de son corps.

« Ça va ? »

« Je suis à deux doigts de jouir, » lui annonça Draco d'une voix serrée avant de plier les coudes et de laisser son poids peser sur lui.

Malgré l'éclair vindicatif qui lui murmurait qu'il ne l'avait pas volé, Harry s'empêcha de rire et se mordit les lèvres en l'enlaçant. Il n'était pas particulièrement surpris. Le corps de Draco semblait de plus en plus sensible à mesure que les semaines s'écoulaient, ce qui était certainement un effet secondaire de la grossesse. Pour le laisser souffler, il se retint de caresser son dos et se contenta de savourer le contact de son ventre sur lui sans bouger.

« Mon cul est fantastique, » blagua-t-il néanmoins.

Draco rit à nouveau contre lui.

« Presque autant que ta bite. »

« Pas autant ? » gémit faussement Harry, secoué lui-aussi par un rire qui fit bouger Draco en lui et le fit s'accrocher à ses omoplates avec un frémissement.

« Je pourrais mieux comparer si je pouvais avoir les deux à la fois. »

« Merlin, » s'étouffa Harry à l'image. « Tu veux me cloner ? C'est pour ça que tu es devenu Médicomage ? »

« Exactement, » ricana Draco en se redressant légèrement.

Harry sourit avec affection et lâcha son dos pour capturer sa mâchoire et l'embrasser. Vraisemblablement un peu calmé, Draco remua doucement les hanches. Son soupir vint inonder son visage.

Ses mouvements, d'abord lents et peu profonds, s'amplifièrent progressivement, et avec eux revint cette sensation de débordement et d'intense chaleur qui força Harry à lâcher ses lèvres. Ce n'était pas dans sa nature de rester aussi passif, de prendre sans agir, de laisser le contrôle et de s'abandonner, mais il le fit sans arrière-pensée. Il n'avait exceptionnellement qu'à se soucier de son propre plaisir, il n'était pas en danger de se blesser ou de blesser quelqu'un d'autre. Il n'était pas vulnérable, parce que c'était Draco, et que Draco l'aimait.

Et puisque c'était Draco, ses coups de hanches étaient délibérés, précis, calculés et mesurés pour lui. Malgré son envie de l'observer, de voir cet intense regard qu'il adorait, Harry n'arrivait pas à garder les yeux ouverts. Il gémissait à chaque fois qu'il se retirait de lui, grognait à chaque nouvelle poussée dans son corps, s'étranglait autour d'un halètement à chaque pression contre sa prostate. Ses cuisses alternaient entre s'ouvrir pour le prendre plus loin et se contracter autour de ses hanches pour l'empêcher de reculer, et ses mains étaient crispées telles des serres dans les draps.

Quelque chose tomba dans la chambre et Draco eut un rire bref mais tremblant. Harry réussit à soulever les paupières, trop pris dans ses sensations pour s'intéresser à la source du bruit, mais captivé par sa présence au-dessus de lui. Draco avait les yeux fermés, la bouche entrouverte, les sourcils arqués dans une expression de plaisir, et il était superbe malgré la transpiration qui faisait briller sa peau, la coloration inégale de son visage et les cheveux qui collaient à son front et à ses tempes.

Harry leva une main pour les repousser en arrière puis s'y accrocher et frissonna lorsque le mercure de ses yeux apparut. Mais il n'eut pas le temps de s'y perdre que Draco se pencha pour dévorer sa bouche, dans un baiser qui lui fit s'agripper à sa tête et enfoncer ses ongles dans son dos.

« Touche-toi, » ordonna-t-il d'une voix étranglée contre ses lèvres humides.

Harry mit du temps à enregistrer ses mots, temps pendant lequel ses va-et-vient devinrent des coups de butoir qui poussaient son souffle hors de sa gorge. Sa bouche s'ouvrit pour laisser échapper ce qui ressemblait à présent plus à des cris contenus qu'à des grognements, et ses doigts lâchèrent les mèches blondes pour s'accrocher à l'oreiller derrière lui.

Le visage de Draco enfouit sous le menton qu'il avait levé vers le plafond, Harry réussit à attraper son érection mais manquait de place pour se masturber sans que ses articulations ne cognent contre le ventre où grandissait sa fille. Mais sa simple poigne fut suffisante.

« Harryharryharryharr- » gémit Draco contre sa pomme d'Adam alors que ses hanches folles imprimaient un rythme saccadé.

Elles ralentirent sans perdre en puissance et ce fut autant sa voix, ses halètements contre sa peau bouillante, et le délicieux frottement de sa verge rigide entrant en lui, que la pression contre sa prostate surstimulée qui précipitèrent son propre orgasme. Ses reins décollèrent du matelas, ses membres se raidirent, et son souffle se coinça bruyamment dans sa gorge alors que le corps de Draco s'écroulait sur le sien.

Un autre bruit de chute retentit mais ni l'un ni l'autre n'eut la force ou la présence d'esprit d'en rire. Les muscles de Harry se décontractèrent et il s'enfonça dans le matelas avec un râle partagé entre épuisement et satisfaction. Puis, hébété, il tourna la tête pour l'appuyer contre les cheveux de Draco avec un long soupir.

Il reprit son souffle et, engourdi par une merveilleuse torpeur, il somnolait déjà lorsque Draco se retira en lui embrassant la joue avant de s'écrouler à côté de lui dans un méli-mélo de longs membres. La chaleur moite de la chambre lui sembla alors glaciale et Harry se tourna pour le capturer dans ses bras sans même prendre la peine d'ouvrir les yeux.

« Hmm, tu colles… » marmonna Draco sans néanmoins se défaire de leur câlin humide.

« Toi aussi… » fit remarquer Harry avec un rire affaibli par sa langueur.

Niché contre la clavicule de Draco, il posa sa main sous son nombril poisseux et se mordit les lèvres d'amusement. D'un geste des doigts, il nettoya sommairement leurs deux corps.

Le soleil était en train de se coucher, mais la respiration de Draco s'espaçait et, puisqu'il s'endormait, il ne prit pas la peine de prétendre lancer le sortilège du processus de transformation en Animagus. Il se contenta de caresser du pouce la peau ferme qui abritait sa fille, et pour une fois, il s'endormit sans une pensée pour ses collègues qui risquaient leur vie sans lui.

/

Une fois à l'abri des bois, Harry retrouva sa forme humaine et récupéra sa baguette coincée entre ses dents. Il secoua les épaules puis prit une profonde inspiration pour se réancrer dans son corps et reprendre possession de ses sens étouffés.

L'ombre des feuilles s'agitait autour de lui dans le murmure du vent qui soufflait sur les environs de Trowbridge. Avec une lente expiration, il laissa le chant apaiser le tambour de son cœur et accompagner la descente d'adrénaline qui suivait toujours la fin de ses missions de surveillance du Manoir Malfoy.

Voir Scorpius l'avait à nouveau partagé entre élation et anxiété. C'était terriblement dur pour lui de ne pas céder à l'instinct de se transformer, de rendre sa taille d'origine au balai miniaturisé qu'il avait toujours dans sa poche d'uniforme, et d'embarquer le petit frère de Draco avec lui loin d'ici. Mais Scorpius n'était pas en danger. Il n'était pas enfermé et affamé comme il avait pu l'être. Il se sentait sans doute très seul malgré les précepteurs et les elfes autour de lui, mais il avait sa propre chambre, du personnel pour veiller à son bien-être physique, et s'il pouvait attendre encore un peu dans cette étrange solitude, encore juste un peu… Alors il pourrait s'assurer qu'il puisse rester avec eux.

Agir dans la précipitation serait désastreux. Harry et Lysander avaient beau se creuser les méninges, aucun scénario où ils récupéraient Scorpius sans arrêter Lucius ne se terminait comme il le voulait. Malgré le coup de pied des Aurors dans la fourmilière qu'était le Magenmagot, l'institution qui servait à la fois de gouvernement et de cour de justice aux sorciers était toujours en partie dans la poche de Malfoy, et le moindre faux-pas mènerait au désastre.

Ils prenaient déjà tellement de risques en le surveillant de la sorte, lui et certains de ses associés qu'ils avaient réussi à identifier. Ce n'était que la récalcitrance de Harry à voir ses collègues prendre seuls le danger sur leurs épaules qui l'avait empêché de mettre fin à sa tentative de devenir un Animagus.

Harry avait été tiraillé de toute part et au bord de la rupture. Il n'y avait pas une seule route convenable devant lui. Il ne pouvait pas laisser Lucius gagner à nouveau du terrain. Il ne pouvait pas laisser les autres Aurors endosser seuls la responsabilité de le mettre hors d'état de nuire. Mais il ne voulait pas non plus prendre le risque d'être arrêté et séparé de sa famille. Il avait pris sur lui, pesé le pour et le contre, et avait peut-être été influencé par le fait que son père ait bravé les interdits pour venir en aide à un de ses meilleurs amis. Mettre fin à la tentative de prise de pouvoir de Malfoy valait bien le coup d'être enfermé quelques mois.

Mais la grossesse de Draco avait à nouveau tout remis en question. Savoir la menace que représentait Lucius enfin éteinte ne suffisait plus. Savoir que Andy, Teddy, Draco et Scorpius étaient ensemble même si lui était momentanément absent ne suffisait plus. C'était peut-être terriblement égoïste, avec l'impact présent et futur des actes de Malfoy sur la communauté sorcière, sur la vie de personnes qu'il éliminait simplement parce qu'elles se trouvaient sur sa route et lui résistaient. Mais il ne voulait pas rater un des moments les plus importants de sa vie.

Il avait failli céder. Il n'avait poursuivi le processus de transformation qu'à contre-cœur et avait craint l'orage qui viendrait y mettre fin. Puis Susan et Fenley, l'un de ses mentors, avaient été blessés en combat. Et même s'ils s'en étaient sortis sans séquelles, l'énormité de son sentiment de devoir, de responsabilité, était revenu l'écraser.

Draco lui tomberait dessus s'il était conscient de son ressenti. Leur courte discussion avant qu'il ne soit forcé de lui lancer un Oubliette tournait toujours en boucle dans son esprit.

Tuez-le.

Harry inspira à nouveau, la mâchoire crispée et les poings serrés. C'était encore plus tentant aujourd'hui qu'alors. Une fin claire et nette pour le bon côté de la balance, qui ne ternissait que celui qui tenait la baguette.

Parfois, Harry regrettait que Lucius ne soit pas aussi fou et destructeur que son ancien maître. Cette guerre silencieuse était tout aussi meurtrière mais tellement plus difficile à mener. Malfoy avait eu les deux périodes de conflit précédentes pour s'inspirer, et le résultat était terrifiant : un gouvernement sans cesse au bord de la bascule, une presse muselée ou aveugle et une police sorcière pieds et poings liés par les lois. Et une nouvelle fois, une bande de gamins pour prendre la responsabilité des pots qu'ils casseraient en tentant d'empêcher le désastre.

Harry avait plus d'alliés à présent qu'à l'époque. Mais il avait aussi tellement plus à perdre.

Épuisé, il concentra sa magie et transplana à la planque de Broomhall.

/

Lorsque Cepheus Quinn leur avait fait part de ses soupçons au sujet de son chef, le sous-directeur du Département des Mystères, ils leur avaient semblé nécessaire de déplacer une partie de leurs activités en dehors du Département de la Justice magique, ne serait-ce que pour pouvoir communiquer sereinement avec le Langue-de-Plomb. Ils avaient donc investi un appartement loué sous un nom d'emprunt par Robards, dans le quartier Broomhall de la ville de Sheffield.

Quinn avait été une ressource inestimable pour les guider dans le processus de transformation en Animagus, et pour naviguer dans le complexe maillage d'alliances entre Sang-Pur du Magenmagot. Après l'avoir suffisamment entraîné à la détection de pièges suite à sa mauvaise expérience dans le bureau d'Anders, sa forme de chat leur avait été très utile pour les prémices de leurs missions d'espionnage. C'était grâce à lui qu'ils avaient assez avancé dans leurs dossiers pour arrêter plusieurs membres du gouvernement pour corruption.

Mais Harry avait beau lui faire confiance, ses motivations le mettaient un peu mal à l'aise.

Ils s'étaient assurés de ses allégeances avec du Véritaserum. Kingsley se portait garant de lui. Mais le Premier Ministre, qui prenait certes beaucoup de risques en autorisant et en encourageant leurs illégales opérations, était un ancien Serpentard, comme Cepheus. Et leur alliance, très politique, le perturbait.

Le père de Cepheus, Thadeus Quinn, était un membre des conservateurs du Magenmagot. Son fils était destiné à prendre son siège, et sa collaboration avec les Aurors avait pour but assumé de voir le maximum d'adversaires politiques quitter le gouvernement. Compte tenu de ses vues bien plus modérées voire progressistes que celles de son père, Harry ne voulait pas lui jeter la pierre, mais il devait souvent lui répéter qu'ils essayaient d'arrêter des gens parce qu'ils collaboraient et conspiraient avec Lucius, et pas parce que leurs idées les dérangeaient.

« Et pourquoi pas une petite révolte ? » proposait Terry, avachi dans l'unique canapé du salon, lorsque Harry entrait dans l'appartement.

La lourdeur des sortilèges qui protégeaient les lieux l'étouffa un instant, mais il se ressaisit alors que l'étrange regard de Cepheus tombait sur lui. Ils se saluèrent d'un bref hochement de tête.

« Je ne serais jamais élu après une révolte. A moins d'exposer mes vues maintenant, ce qui m'assurerait juste d'être déshérité et de perdre mon futur siège. » dirigea-t-il vers l'autre Auror. Comme souvent lorsqu'il tenait ce genre de propos, son visage se contracta brièvement et ses mains se crispèrent, comme si l'idée le faisait physiquement souffrir.

« Hmm, je vois ton dilemme… » murmura Terry avant de lui adresser un paresseux signe de la main. « Hey Harry. Quoi de neuf ? »

« R.A.S.. » répondit-il, dépité. « Malfoy n'était même pas là. »

Harry tira une chaise de la longue table qui avalait la quasi-totalité de la pièce, et il s'y installa alors que Cepheus soulevait une tasse de thé à quelques sièges de lui. Son visage androgyne n'avait rien de hautain, il avait plus souvent l'air blasé qu'autre chose, mais ses gestes distingués et ses robes noires hors de prix le mettait très à part des autres membres de leur semblant de conspiration. Même Neville, malgré la main de fer de sa grand-mère sur son éducation, passait pour un rustre à côté de Cepheus Quinn.

« Katie n'était pas avec toi ? » interrogea son collègue en se redressant dans le canapé pour s'asseoir plus convenablement.

« Si, mais on s'est séparés en sortant des protections du Manoir. Elle est partie entraîner la BIMU. » répondit-il avant de frotter son visage avec lassitude.

Sa collègue avait bien du courage et de l'énergie pour accepter d'entrer dans les rotations d'entraînement malgré la surveillance à laquelle sa forme d'Animagus était employée presque tous les jours. Sa vision de busard cendré, un petit rapace au plumage brun, était la meilleure dont ils disposaient, et sa taille faisait d'elle un espion très discret. Elle pouvait de plus aisément s'échapper d'une situation dangereuse, contrairement à Susan qui, sous la forme d'un écureuil terrestre, était agile et furtive mais bien plus facile à piéger.

« Qu'est-ce que tu fais là ? Tu ne devais pas voir Padma ? » demanda-t-il à Terry en regardant Cepheus servir une tasse de thé. Il la réceptionna avec surprise lorsqu'il la fit léviter dans sa direction et le remercia.

« Non, c'est reporté. »

Son ton désinvolte l'interpella autant qu'il l'empêcha d'en demander plus. Il chercha le regard d'ambre de Cepheus, mais celui-ci semblait étrangement absorbé par le fond de sa propre tasse.

« Désolé pour toi… » se contenta-t-il alors de répondre.

La difficulté de leur profession était exacerbée par la complexité de maintenir une vie sociale normale. Tous les Aurors étaient très soudés, et ils puisaient les uns dans les autres l'énergie et la motivation nécessaire pour continuer à se battre, mais leurs horaires, leur fatigue, et le manque de contact avec leurs proches se faisaient cruellement ressentir ces derniers mois. C'était d'autant plus dur pour Terry qui, en plus de ses propres journées très remplies, devait jongler avec l'agenda chargé de Padma.

Harry appela parchemin et plume à lui et se perdit dans le familier exercice d'un rapport de surveillance alors que Quinn et Boot reprenaient leur discussion. Il n'avait pas grand-chose à dire. Pas de changement dans les enchantements de protection. Sept Mangemorts en ronde autour du Manoir. Trois à l'intérieur. Une préceptrice avec Scorpius dans l'aile Nord, six elfes répartis dans la demeure. Malfoy absent.

Il quitta sa chaise pour poser le parchemin dans la boîte destinée à Katie, au cas improbable où elle aurait quelque chose à ajouter. Il ne trouva rien de nouveau dans sa propre bannette, et alla donc se planter devant le mur sur lequel étaient accrochés tous les éléments découverts et connexions faites au sujet du réseau de Malfoy. Des mots de Ron, dont l'encre encore violette indiquait qu'ils avaient été inscrits dans la journée, signalaient que l'habitation d'Oscar McLair, un maître de potions à la retraite qu'ils soupçonnaient de collaborer avec Lucius, était vide pour la quatrième journée consécutive. Son meilleur ami préconisait une exploration rapide des lieux.

« Vous savez si Roba- »

L'ouverture de la porte de l'appartement interrompit Harry, et il eut la surprise de voir Michael Corner entrer, suivi de Susan.

« Vous avez demandé un maître de potions ? » demanda le collègue de Draco avec un sourire suffisant et les poings sur les hanches.

Voilà qui répondait à sa question inachevée. Robards avait dû le faire appeler pour visiter la maison de McLair et ainsi pallier au manque cruel d'expertise en matière de potiologie du département. Mais si Michael les fournissait déjà en potions, et notamment en Polynectar, c'était la première fois que ses services illégaux étaient requis pour une mission secrète. La perspective mit Harry très mal à l'aise.

Il lui était déjà désagréable d'envoyer Quinn espionner pour eux, mais le Langue-de-Plomb était celui qui était venu vers eux, et il était d'une nature assez discrète et sournoise pour habiter efficacement son rôle. Il était de plus leur seul œil dans le Département des Mystères.

Mais c'était le Bureau des Aurors qui s'était tourné vers Michael, et non l'inverse. Et s'il avait immédiatement répondu à leur appel, et cela alors qu'il terminait des études déjà très consommatrices de temps et d'énergie, il n'avait que l'A.D. comme expérience de combat. L'envoyer sur le terrain, même dans une maison vide, lui paraissait extrêmement risqué.

« Mike-mike-mickyyyy ! » émit puérilement Terry en bondissant du canapé.

« Ter-ter-terryyyy ! » l'imita son meilleur ami, les bras grands ouverts pour l'accueillir. Ils se frappèrent énergiquement le dos sous l'expression amusée de Susan et les sourcils haussés de Cepheus et Harry. « Alors, c'est là que vous vous planquez ? Où est la tireuse à bière ? »

Susan tendit un document à Harry et le détourna de la conversation animée des deux anciens Serdaigles qui s'installaient à table.

« J'ai récupéré ça à la Gazette. » lui confia-t-elle avec un sourire légèrement crispé. « Je me suis dis que tu voudrais y jeter un œil… avant que… »

Inquiet, Harry attrapa le parchemin froissé et le lissa pour tenter de décrypter la prise de note gribouillée qui s'y trouvait. Mais les termes D.T., grossesse et H.P. suffirent largement à le renseigner sur le contenu.

Il fut momentanément surpris par le calme avec lequel il réagit au fait que la nouvelle se soit propagée jusqu'à la presse. Mais ça n'avait été qu'une question de temps. Le retour de Draco à Ste Mangouste et le fait qu'il ne puisse plus cacher grand-chose l'avaient déjà forcé à s'y préparer. Lysander était prêt à gérer le potentiel impact médiatique, dont il n'avait aucune envie de se mêler. Ils surveillaient déjà les admissions de l'hôpital au cas où Lucius ou un de ses associés serait tenté d'y faire un tour, ce qui était peu probable mais néanmoins à anticiper. Aussi remonté contre les choix et le style de vie de son fils soit-il, il n'était pas dans l'intérêt de Malfoy de montrer ses intentions avant d'avoir définitivement pris le contrôle du Magenmagot.

« Merci, » adressa-t-il à Susan, qui inclina le menton.

« Est-ce que c'est vrai ? »

« C'est vrai, » acquiesça-t-il avec un sourire.

Celui de sa collègue atteignit enfin ses yeux, et elle lui pressa l'avant-bras avec un discret clin d'œil.

« Félicitations, » dit-elle à voix basse. « Prépare toi… Je vais devoir le mettre dans mon rapport et tu risques de te faire engueuler par le chef. »

« Il est déjà au courant, » avoua-t-il.

Il n'était aucunement dans l'obligation d'avertir Robards de ce qui se passait dans sa vie privée, mais celle de Draco restait un sujet d'attention compte tenu de son géniteur, et des possibles réactions de ce dernier.

« Et qu'est-ce qu'il a dit ? » demanda Susan alors que Terry et Michael se penchaient sur les plans que Ron et l'Auror Sparrow avaient faits de la maison de McLair.

« Qu'on surveille déjà Ste Mangouste et qu'il n'est pas assez stupide pour essayer de l'attraper là-bas, même s'il le voulait. » paraphrasa Harry avec un haussement d'épaules.

La mention de l'hôpital interpella Michael, qui leva la tête vers eux avec un sourcil noir levé au-dessus d'un œil tout aussi sombre.

« Je me posais la question. Est-ce qu'on doit s'attendre à un retour de l'autre connard dans nos admissions ? »

« C'est peu probable, » le rassura Harry en rendant à Susan les notes prises dans les bureaux de la Gazette.

« Qu'est-ce qui se passe ? » interrogea Terry avec une expression inquiète.

Michael eut un rire machiavélique qui le fit sourire en coin.

« Draco attend un bébé, » déclara-t-il alors avant de s'esclaffer de l'expression éberluée de Terry et du fou rire de Corner.

« T-Tu le savais ! » siffla son collègue en s'accrochant avec une hargne factice au bras de son meilleur ami.

« Depuis quasiment le début ! » gloussa Michael, un doigt sous l'œil pour essuyer une larme imaginaire. « Oh la vengeance est délicieuse. »

« Je m'en fous, tu as un Oubliette de prévu cette nuit, » réalisa Terry avec un ricanement.

« Bordel ! »

Par réflexe, le regard de Harry glissa sur Cepheus pour jauger sa réaction. Il n'avait pas raté les frissons de dégoût de Ron et de Neville, qui lui restaient un peu en travers de la gorge malgré sa propre horreur lorsqu'il avait appris des années plus tôt que les sorciers de Sang-Pur pouvaient enfanter. Et le Langue-de-Plomb était l'un d'entre eux, comme ses deux anciens camarades de dortoir.

Si son visage était lissé dans son habituel air désabusé, ses épaules étroites s'étaient raidies sous le tissu noir de sa robe. Harry le regarda poser sa tasse vide sur sa soucoupe alors que Terry et Michael se chamaillaient de l'autre côté de la table.

« Un problème, Cepheus ? » demanda-t-il sans agressivité malgré l'once d'irritation qui lui fit crisper les mains sur le dossier d'une chaise. Il avait espéré plus de la part de la seule personne de son entourage autre que Draco qu'il savait ne pas être hétérosexuelle.

L'ancien Serpentard leva les yeux vers lui sans que son expression ne change. L'orange de son regard lui conférait une certaine dangerosité que son visage ni vraiment féminin ni vraiment masculin n'arrivait à lui apporter, tout en accentuant l'étrangeté de ses traits. Harry s'était fait la même réflexion lorsqu'il avait vu les yeux jaunes de Madame Bibine pour la première fois. Quinn ressemblait à un sorcier, ou en tout cas à l'idée de l'étrange beauté démoniaque que certains moldus pouvaient leur prêter.

« Aucun problème, » nia son aîné d'un ton détaché. « Félicitations. »

Harry le remerciait lorsque Michael l'interpella.

« Quinn, c'est ça ? Tu peux peut-être me renseigner. Pourquoi est-ce que c'est aussi tabou, chez vous ? Ça n'a pas de sens. »

« Tu vas tout oublier d'ici demain, » lui fit remarquer Terry avec un rire.

« Mais je suis curieux maintenant. »

Cepheus étrécit légèrement les yeux, et Harry ne sut dire si c'était de suspicion ou d'amusement.

« C'est tabou pour plusieurs raisons, » entama le Langue-de-Plomb d'un ton calme en soulevant la théière pour servir plusieurs tasses devant lui. « D'abord, parce que les Sang-Pur pensent que ça les place au niveau où ils abaissent les sorcières. Et ensuite, ironiquement, parce que le rituel qui l'a rendu possible est de leur propre facture. »

« Quoi ? » souffla Harry alors que Susan s'installait à la chaise voisine de celle dont il tenait le dossier.

Cepheus lui lança un regard amusé.

« Curieux qu'ils ne s'en vantent pas, n'est-ce pas ? »

« Ce n'est pas… Magicogénétique ? » demanda Terry.

« Ne prononce pas ce mot en ma présence, » frémit Michael. « Ça n'existe pas. Nous sommes biologiquement identiques aux moldus. La magie n'a rien à voir avec nos gènes. »

« Non, mais elle se transmet d'une manière similaire, » nuança Quinn. « La plupart des enfants de sorciers sont des sorciers aussi. Et des traits particuliers chez des parents peuvent se transmettre à leurs enfants. La capacité à la divination, la pyromancie, la métamorphomagie… Mais non, il ne s'agit pas de ça, ici, » Il fit léviter les tasses en direction de ceux qui n'en avaient pas encore d'un élégant geste de la main. « Je profite que Bell ne soit pas là pour vous barber avec les détails… » murmura-t-il avec ironie. Katie avait effectivement très peu de patience pour Cepheus, et il s'exprimait beaucoup moins en sa présence.

« Il existait déjà beaucoup de tensions entre vieilles familles sorcières et ceux qu'on appelle aujourd'hui les Né-Moldus, au Xème siècle. Ils étaient encore assez peu nombreux, ils étaient déjà traqués par les non-sorciers, il y avait beaucoup plus de créatures magiques dangereuses en liberté, mais ils trouvaient déjà le temps de cordialement se détester. La source du conflit s'est perdue dans l'histoire, mais elle était probablement aussi stupide que les revendications des Sang-Pur d'aujourd'hui… »

Cepheus secoua la tête avec une expression sardonique, puis ses longs cheveux châtains masquèrent une partie de son visage lorsqu'il se resservit à son tour.

« Quoiqu'il en soit, les Né-Moldus ont décidé de leur donner une leçon, en créant un rituel qui empêchait les sorcières de Sang-Pur d'enfanter des filles. Quand les vieilles familles s'en sont rendues compte, ils n'ont pas réussi à rompre l'enchantement. »

« Ils n'ont pas su le rompre, mais ils ont su créer un rituel pour permettre aux sorciers de porter des enfants ? » s'esclaffa Michael.

« Et ils espéraient sans doute que cette information se perdrait aussi dans l'histoire, sauf que… Leur enchantement se transmet depuis comme une malédiction. » sourit étroitement Cepheus dans sa direction.

« Tu veux dire que… Tous les sorciers qui sont nés à cette époque… »

« … ont transmis cette capacité à leurs enfants de sexe masculin, et cette magie récessive à leurs enfants de sexe féminin. Et ce qu'ils considèrent comme une malédiction perdure aujourd'hui parce qu'ils sont très fiers de ne rester qu'entre eux. » acquiesça Quinn avec sarcasme.

« La vache, l'ironie du truc… ! » s'extasia Michael, les yeux écarquillés, avant de se remettre à rire. « Ils n'ont pas su dénouer un rituel créé par des Né-Moldus ! Et ils sont allés jusqu'à inventer un truc qu'ils trouvent dégueulasse juste pour ne pas se mélanger ?! Et qui les poursuit encore aujourd'hui ?! »

Ce fut autant l'hilarité du collègue de Draco que l'absurdité des origines de l'enchantement qui fit rire Harry à son tour. Susan l'imita, et en face de lui, Terry n'était pas en reste et gloussait sous l'expression de vague amusement de Cepheus.

La position de ce dernier l'attristait, néanmoins. Il parlait des Sang-Pur comme s'il n'était pas l'un d'entre eux. Ça s'entendait d'un point de vue idéologique, mais il n'en demeurait pas moins qu'il devait vivre avec la crainte d'être stigmatisé, comme pouvait l'être Draco. Il se trouvait dans une situation délicate, entre un père puriste et ses propres opinions, et avec des ambitions politiques et une sexualité qu'il devait cacher pour s'assurer d'atteindre son but. Harry ne savait pas si d'autres personnes que lui, et Katie et son frère, étaient au courant. Mais sa vie lui semblait particulièrement solitaire.

« Pourquoi est-ce qu'ils ne font pas des recherches pour retrouver le rituel et éliminer ses effets ? » interrogea Terry avec perplexité.

« Ça reviendrait à admettre qu'il existe, » répondit Cepheus en haussant les épaules.

« Tout le monde sait qu'il existe ! » pouffa Michael, toujours hilare. « En tout cas, tout le monde va s'en rappeler grâce à Tonks. »

« J'avoue que j'ai appris très tardivement que c'était possible… » intervint presque timidement Susan.

« Moi aussi, » admit Harry. « Vous le saviez quand vous étiez à Poudlard ? » dirigea-t-il vers les deux anciens Serdaigles.

Terry et Michael échangèrent un regard avant d'éclater de rire. Harry dirigea sa consternation vers Cepheus, mais celui-ci pinçait les lèvres comme pour contenir son amusement.

« Ahhhh… Désolé ! » renifla Terry alors que son meilleur ami pleurait de rire à côté de lui. Il lui tapota le bras avec un gloussement puis adressa enfin sa question. « On a eu d-droit à un terrifiant discours de notre préfet sur la sex-sexualité quand on était en première année. Je ne vous raconte même pas le traumatisme. »

« Terry a su lancer un sortilège contraceptif avant de maîtriser la lévitation, » rigola Michael, et Harry pouffa de rire en même temps que Susan.

« Arrête de dire ça ! » ricana Boot. « Comment est-ce qu'on aurait pu s-savoir qu'il fonctionnait ? Ce n'est pas aussi visible qu'une plume qui se soulève ! »

/

Michael ajusta les pans de la cape d'invisibilité que Harry lui avait prêtée, l'air un peu dérangé de ne plus voir son corps en baissant les yeux.

« C'est hyper chelou. Mais tellement pratique. Merlin, si j'avais eu ça à Poudlard… » murmura-t-il avec admiration avant de relever le visage vers lui avec une expression narquoise.

Derrière lui, Ron, Terry et l'un de leurs mentors, l'Auror Sparrow, vérifiaient leur équipement près de la porte de l'appartement. Cepheus était reparti au Ministère sous sa forme féline, et Susan était rentrée chez elle pour quelques heures de repos.

« Tu aurais passé plus de temps dans les toilettes des filles ? » supposa Harry.

« Non, Potter, mon trip n'est pas de voir les filles pisser, merci bien, » grimaça Michael avec un petit rire. « C'est ce que tu faisais, toi ? »

« Non, j'allais dans ceux des garçons, » ironisa-t-il, et il eut l'agréable surprise d'entendre son rire s'intensifier.

« Typique. Harry Potter le pervers. Heureusement que je me prends un Oubliette ce soir, qui sait ce que je pourrais faire de cette information. »

« Probablement pas autant d'argent que tu aurais pu te faire en parlant de la grossesse de Draco au Sorcière-Hebdo, » nota Harry avec un sourire en coin.

« C'est vrai. Merlin, je suis trop bon, » soupira dramatiquement l'ancien Serdaigle. Sa tête flottante reprit néanmoins une expression sérieuse, mais une étincelle d'humour perdura dans son regard noir. « D'ailleurs. J'ai une proposition de prénom. »

« Vraiment ? » s'esclaffa Harry.

« Lucius. »

Harry fronça les sourcils avec circonspection avant de rire à nouveau.

« C'est une fille, » révéla-t-il entre amusement et fierté.

« Merde ! » souffla Michael. « Imagine ! Lucius Tonks ! Ça aurait été trop bien ! »

« Potter, » corrigea Harry. Il était à égale mesure horrifié d'entendre le nom de famille d'Andy et de Draco accolé au prénom de Malfoy et très amusé par l'ironie de la proposition de Corner.

« Putain ! » souffla celui-ci, les yeux écarquillés alors que sa tête s'agitait dans les airs. Des mains invisibles attrapèrent ses bras et le secouèrent légèrement. « Potter ! Lucius Potter ! C'est encore mieux ! »

« Oui, mais… non, » rit-il, bien que sa réponse soit évidente.

Michael lui tâta les bras puis expira théâtralement en le relâchant.

« Vous m'filez la honte avec mes muscles en fromage blanc. Allez, j'me casse, puisque mes propositions hautement sérieuses ne sont pas les bienvenues, » déclara-t-il en faisant volte-face sous son rire surpris. « Merci pour la cape ! »

« C'est un prêt ! » rappela inutilement Harry en direction de ses cheveux mi-longs qui s'éloignaient.

« Ouais ouais, bon courage pour me retrouver maintenant que je peux être invisible, » ironisa Michael.

L'amusement de Harry n'effaça pas sa crainte à la vue d'un civil être ainsi embarqué par trois Aurors pour une mission, mais il les laissa partir, puis quitta l'appartement à son tour pour son service de nuit au Ministère.

/

L'exploration de la maison de McLair et de son laboratoire souterrain s'était bien déroulée pour ses collègues, mais n'avait malheureusement rien révélé. La mission s'ajouta à la longue liste de leurs frustrations, où la quasi-totalité de leurs dossiers entourant Malfoy terminaient.

Le vieux maître ne semblait pas avoir produit de potion chez lui depuis un moment, et les ingrédients disponibles dans sa réserve personnelle n'avaient rien de suspect. Sa disparition l'était, néanmoins. Mais elle pouvait signifier tellement de choses, de la plus bénigne à la plus inquiétante. Était-il simplement en vadrouille ? Était-il mort, ou retenu quelque part ? Était-il trop occupé, ou trop bien installé dans un laboratoire secret pour produire Merlin savait quoi pour le compte de Lucius ?

Il n'y avait rien qu'ils puissent faire de plus que continuer de surveiller la maison et fureter dans l'entourage du vieux sorcier pour découvrir ce qu'il était advenu de lui. Mais en l'absence de déclaration de disparition de la part de ses proches ou de preuve formelle le liant à l'empoisonnement de cinq personnes au mois de février, ils ne pouvaient pas enquêter légalement. C'était malheureusement le lot de la plupart de leurs investigations autour de Malfoy. Et c'était le même genre de mission qui avait amené Harry devant le Manoir Warrington le lendemain.

Les sens aux aguets, la baguette crispée dans son poing, le corps tendu sous sa cape d'invisibilité, il alternait entre observer les habitants de la maison et balayer la rue déserte du regard.

Ça faisait près de deux heures qu'il était planté sous cet arbre, dos à son tronc, à regarder des ombres chinoises se déplacer derrière les rideaux. Son ouïe affutée par un sortilège d'acuité lui laissait percevoir des bribes de conversations, mais les bruits de pas sur le parquet, de couverts sur la porcelaine de la vaisselle, et les craquements des branches au-dessus de lui l'empêchaient d'en comprendre le sens. Mais ce n'était pas pour ça qu'il était planté là, à serrer les dents contre la douloureuse vibration de ses tympans.

Au milieu du vacarme d'une nuit pourtant calme, il perçut alors un bruissement qui le fit se tendre un peu plus. Son buste bascula légèrement en avant, son bras s'éleva, et il maintint sa posture d'attaque en tentant de percer du regard les ombres du petit jardin qui séparait la maison de l'avenue.

Une tête de chien émergea de sous un buisson, et Harry expira un soupir de soulagement. Merlin, il détestait ces missions de soutien. Attendre, à l'affût, et s'inquiéter du moindre mouvement était beaucoup plus difficile pour lui que d'être celui qui traque, qui espionne et qui prend le risque d'être découvert.

Ventre presque à terre et le museau en l'air, le berger anglais épousa les ombres pour venir à sa rencontre, et se glissa sous la cape aussi facilement que si Harry avait été visible. Ce dernier s'accroupit, enfouit sa main dans son long pelage doux, puis les fit transplaner.

Il se redressa et les débarrassa de l'artéfact qui les couvrait alors que la lumière automatique du vestibule s'allumait. Ron reprit son apparence humaine, secoua la tête, puis prit une grande inspiration sous l'expression amusée de Harry.

« Tu sens tellement fort Draco », toussa son meilleur ami avec un rire, son pouce et son index sur les côtés de son nez couvert de tâches de rousseurs pour le pincer.

« C'est vrai ? » s'amusa Harry. « Qu'est-ce qu'il sent ? »

Il n'avait pas un odorat particulièrement affuté en dehors de sa forme animale. Il reconnaîtrait son odeur entre mille, mais de là à la décrire… ? C'était au-delà de ses capacités.

Il regretta cependant sa question en voyant Ron secouer la tête et remonter les épaules avec un rire crispé. Harry écarquilla les yeux et sentit ses oreilles s'empourprer. Il n'avait fait que croiser Draco avant qu'il ne parte pour Ste Mangouste, mais…

« Merde, je suis désolé », rit-il entre mortification et hilarité.

« T'es pas le seul, rassure-toi… » soupira son ami, le sourire aux lèvres. « Le nez d'un chien est une bénédiction et une malédiction à la fois… »

« Je me suis douché pourtant », ricana Harry en repliant la cape d'invisibilité. « Vas-y, balance, tu sens quoi sur les autres ? »

« Rien que nous n'ayons besoin de savoir », répondit Ron en roulant des yeux. « Mais méfie-toi, le nez de Terry est encore meilleur que le mien, et il a la blague salace beaucoup plus facile que moi. »

Harry haussa les épaules avec un rire. Ce n'était pas comme s'il avait honte, ou que personne ne savait qu'il couchait avec Draco. C'était même de notoriété publique, maintenant. L'article de la Gazette avait été étrangement laconique et Draco s'était réjouit à l'idée d'être devenu trop chiant pour mériter plus qu'un encadré sur le côté de la première page. Harry n'avait pas osé le contredire. La rédaction avait peut-être eu peur de se frotter à Lysander si ses journalistes écrivaient un mot de travers, mais elle était plus sûrement bâillonnée par Malfoy. Encore une chose qu'ils n'arrivaient pas à prouver.

Le Sorcière-Hebdo serait peut-être plus enclin à spéculer sur la santé mentale de Harry et sur les capacités de manipulation de Draco Tonks anciennement Malfoy que la Gazette. Il espérait presque que cela soit le cas. Cela prouverait qu'il restait au moins un organe de presse autre que le Chicaneur à être hors du joug de Lucius.

« Dis, tu as quelques heures de pause là, non ? » reprit Ron avec la main sur la poignée de la porte qui menait à la pièce principale de l'appartement.

« Oui. Pourquoi ? »

« Tu pourrais aller voir Hermione pour moi ? Lui dire que tout va bien ? Ça fait deux jours que je ne l'ai pas vue et je lui ai laissé des messages, mais je la connais… Et dis-lui de dormir. Assomme-la s'il le faut. »

Partagé entre amusement et compassion, Harry hocha la tête avec un sourire étroit.

« Pas de problème. »

Il avait Lysander à aller voir, l'application des sortilèges de protection de la maison de ses grands-parents à poursuivre à présent que les Gibson avaient déménagé, et cela faisait des jours qu'il devait rendre visite à Luna qui se trouvait exceptionnellement en Grande-Bretagne. Mais Hermione avait priorité.

Il tendit la cape à Ron qui la récupéra avec une expression soulagée.

« Merci. »

« Bon courage pour cette nuit, » lui souhaita Harry avant de transplaner.

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Malgré l'heure avancée, la lumière du rez-de-chaussée de la maison de Ron et Hermione débordait sur le jardin broussailleux. Harry fronça légèrement les sourcils en s'engageant sur le chemin qui sinuait entre les arbres. Sa meilleure amie avait souffert d'insomnie pendant les passages les plus stressants de sa vie, et il n'était pas surpris qu'elle soit perturbée par l'ambiance actuelle au Ministère et par les absences prolongées de Ron. Cependant, Draco était devenu un tel dormeur ces derniers mois, allant jusqu'à s'assoupir à côté de Teddy lorsqu'il lisait dans son lit, qu'il était étonné qu'elle n'ait pas encore succombé au sommeil.

Mais Hermione était seule chez elle, à attendre que Ron puisse prendre le temps de rentrer quelques heures. Ça devait être beaucoup plus angoissant que pour Draco, qui avait Andromeda et Teddy avec lui.

Il rejoignit la porte d'entrée sous le hululement des chouettes qui peuplaient les bois alentour, et eut la surprise de voir Luna l'ouvrir, un sourire guilleret aux lèvres et un serre-tête à écailles de poisson sur les cheveux.

« Harry ! » s'exclama-t-elle avant de jeter ses bras autour de son cou.

Harry l'enlaça avec joie, le visage envahi par ses épais cheveux blonds, et il rit en la sentant trépigner contre lui. Ça faisait plus d'un an qu'il ne l'avait pas vue, tant elle était prise par ses voyages en tant que Magizoologiste. Et ils avaient beau régulièrement correspondre, c'était loin d'être la même chose que d'être confronté à l'entièreté de son personnage, et cela même si ses lettres lui ressemblaient beaucoup.

Il lui arrivait de lui envoyer un simple vers, sous prétexte qu'une phrase lui avait fait penser à lui, et parfois même un seul mot. Il conservait précieusement ses billets, même ceux où ne se trouvaient que nycthémère, superfétatoire, ou pétrichor, qui avaient enrichi son bien pauvre vocabulaire. Mais son préféré restait celui qui disait : A l'instar du Sombral, son enveloppe funeste ne faisait que protéger les yeux des mortels de son éblouissante lumière.

Il n'avait pas encore fait la paix avec sa forme d'Animagus, mais ce message l'avait mis sur la bonne voie.

« Comment tu as su ? » demanda-t-il, la voix étouffée par sa chevelure.

« J'ai lu le journal ! » répondit-elle avec un rire excité. « Félicitations ! »

Comprenant qu'ils ne parlaient pas de la même chose, Harry s'écarta avec une expression amusée. Il réalisa alors que, comme souvent, Luna n'avait eu aucune idée de l'origine et de l'impact de ses mots, et qu'elle s'était contentée de lui souffler ce que l'Univers lui avait transmis. Il sourit avec affection.

« Merci. »

« Entre ! C'est une soirée filles, mais… Ça deviendra une soirée Filles et Harry, » conclut-elle en haussant une épaule. Elle fit volte-face et le rideau de ses cheveux la suivit à l'intérieur de la maison. Il lui emboîta le pas et s'amusa de sa démarche dansante. Elle n'avait décidément pas changé.

Son humeur plongea néanmoins en rejoignant le salon. Hermione, les jambes repliées sous elle et un mug fumant entre les mains, était enfoncée dans un canapé, et malgré l'hésitation dans son regard, son expression détendue le rassura. Mais ce fut la vision de Ginny, installée dans l'un des fauteuils avec Pattenrond sur les genoux, qui le crispa immédiatement.

Il s'efforça de garder un sourire aux lèvres, alors que Luna retournait draper ses jambes sur l'accoudoir d'une bergère et appuyer son dos sur l'autre.

« 'Mione, Ginny, » les salua-t-il.

« Tu n'as pas l'air d'être là pour m'annoncer une mauvaise nouvelle, mais… »

« Non, » la rassura très vite Harry. « Tout va bien, Ron va bien… Juste… Beaucoup de boulot. »

Il s'assit à côté de sa meilleure amie qui lui offrit un sourire soulagé. Maintenant qu'il la voyait de plus près, il put constater que si son expression était exempte de tension, ses yeux étaient rouges et cernés. Comme si, en plus d'être fatiguée, elle venait de pleurer.

Son interrogation et son inquiétude durent s'afficher sur son visage, puisqu'elle pinça les lèvres et baissa les yeux sur sa tisane avec un air défait.

« Qu'est-ce qui ne va pas ? »

« J'ai demandé à mon Médicomage de me mettre en arrêt, » murmura-t-elle.

Une incompréhensible honte irradia de son corps recroquevillé, qui était diamétralement opposée au mélange de soulagement et d'alarme que ressentait Harry. Savoir que sa meilleure amie ne se trouverait plus au Ministère pendant une période aussi trouble était d'un immense réconfort, mais…

« Pourquoi ? » demanda-t-il avec la gorge nouée.

Hermione s'éclaircit la gorge et leva les yeux vers Luna et Ginny qui les observaient en silence, un sourire d'auto-dérision aux lèvres.

« Il m'a demandé comment je me sentais, et j'ai fondu en larmes, » répondit-elle. Elle lui jeta un coup d'œil, puis prit une profonde inspiration. « Et quand il a voulu savoir ce qu'il pouvait faire pour m'aider, c'est la seule chose qui me soit passée par la tête. »

« Tu as eu raison, » lança Ginny. « Je ne vois vraiment pas le problème. Tu en as besoin, donc tu te reposes, c'est simple. »

« J'abandonne les elfes, Gin', » grinça Hermione.

Mais pour une fois, Harry était dans le camp de son ex-petite-amie.

« 'Mione, tu sais que la composition actuelle du Magenmagot ne laissera rien passer au sujet du droit des- »

« Il y a une détente dans leurs positions, avec les arrestations pour corruption. Et avec les nouvelles nominations, il y a une chance que- »

« Personne ne va courir le risque de défendre une position aussi controversée dans la situation actuelle, » l'interrompit-il. « Je sais que c'est difficile à entendre, mais des propositions comme les tiennes ne feront qu'exacerber les tensions qui existent déjà, et c'est triste pour les elfes, mais personne n'a besoin de ça en ce moment. »

« Ils sont déjà bien occupés à essayer de conserver les avancées de Shaklebolt sur l'élimination du favoritisme aux Sang-Pur, » renchérit Ginny. « S'il y a un bon moment pour que tu t'éloignes de ton poste, c'est maintenant. »

« Je ne suis pas faible parce que je suis enceinte, » siffla Hermione avec irritation alors que Harry essayait de digérer le fait que Ginny aille exceptionnellement dans son sens.

« Tu es une Née-Moldu entourée de connards, Hermione, et qui essaye de remettre en question leurs penchants esclavagistes. Des gens meurent autour du Magenmagot, et les Aurors ne sont pas foutus d'y faire quoique ce soit. »

Ah. Voilà. Harry était presque soulagé de retourner dans la normalité. Il serra les dents en jetant un regard noir à Ginny, qui le soutint sans difficulté.

« Curieux, il me semblait que Lazare avait des elfes de maison… » fit-il durement remarquer.

« Thé ! » s'exclama Luna, soudainement debout, avant que Ginny ne puisse rouvrir la bouche.

« Pas pour moi, merci, » grogna cette dernière. Elle attrapa Pattenrond et le posa par terre avant de se lever. « J'ai dit ce que j'avais à dire. Et je maintiens que tu as eu raison, » dirigea-t-elle vers Hermione. « On se voit dimanche. Luna, je passerai te voir demain soir. »

« Je te raccompagne ! » décida l'ancienne Serdaigle en lui emboîtant le pas pour la suivre hors du salon.

« Sérieusement, Harry… » souffla Hermione à côté de lui, les épaules basses. « Ça fait six ans… Il ne serait pas temps de passer à autre chose ? »

« Tu remarqueras que je ne suis jamais celui qui lance les hostilités, » marmonna-t-il avec humeur.

Sa meilleure amie lui adressa un regard désabusé puis soupira.

« Certes… Oserais-je te demander de ne pas réagir à ses provocations ? »

« Tu peux oser, mais t'attendre à ce que je le fasse serait mal me connaître. Je me contiens déjà assez au Terrier… »

Hermione pinça à nouveau les lèvres, puis lâcha son mug d'une main pour frotter son visage fatigué.

« C'est vrai qu'elle exagère… » murmura-t-elle, les yeux levés vers l'entrée du salon. « Pourquoi… Pourquoi est-ce qu'elle réagit encore comme ça ? C'était il y a tellement longtemps, et elle est en couple, maintenant. Et ce n'est pas comme si tu l'avais trompée, ou… »

« Pas que ça l'excuse d'être aussi moqueuse avec Draco, mais ni elle ni moi n'étions dans un très bon état d'esprit à l'époque, » pondéra-t-il.

« Et je sais de source sûre que tu as été d'une délicatesse digne d'un éruptif affamé, » railla Hermione, qui déplia les jambes pour s'installer plus convenablement dans le canapé, la main sur son petit ventre. Pattenrond sauta sur ses genoux pour s'y installer en ronronnant bruyamment.

« J'ai rendu ce que j'ai reçu. »

Hermione lui adressa un sourire triste et lui attrapa les doigts, qu'il serra dans les siens avec reconnaissance. Il n'aimait pas repenser à ces mois qui avaient suivi la bataille, où entre les deuils, les cauchemars, les successions de procès, un entraînement intensif, des arrestations brutales de Mangemorts en déroute, la crainte que Draco fasse du mal à Teddy, il avait en plus dû jongler avec l'interrogation de Ginny face à sa totale absence de désir pour elle.

Il l'avait aimée, il en était sûr. Même si son comportement avec lui depuis tendait à lui faire nier ces sentiments. Il avait tiré du réconfort de ses bras et de ses attentions, il avait été porté par sa force de caractère et sa volonté d'aller de l'avant. Mais peut-être avait-ce été trop tôt pour lui. Peut-être n'avait-il pas été prêt à faire la paix avec l'enfer qu'il avait derrière lui et qu'il revivait à l'époque toutes les nuits. Il enviait à Ginny sa résilience, mais il la blâmait pour sa brutalité. Elle ne manquait pas d'empathie, mais elle avait pris comme une insulte personnelle le fait qu'il la repousse, et avait ajouté un sentiment de culpabilité à la liste de ses maux.

Il ne saurait jamais si le fait qu'elle soit une femme avait été la cause de sa révulsion et de son incapacité à coucher avec elle, ou si c'était simplement parce qu'il avait été dans un trop grand état de stress pour aller jusqu'au bout. Mais les disputes qui avaient suivies avaient été d'une trop grande violence psychologique pour qu'il accepte les milliards d'excuses qu'elle avait tenté de lui envoyer par la suite.

Ils auraient certainement dû en parler, une fois l'ouragan passé. Mais pour cela, il aurait fallu qu'il soit capable de lui pardonner des mots, qu'il savait pourtant lancés dans la colère, avant sa relation avec Draco. Car après, la communication n'avait plus été possible. Il avait essayé, mais c'était Ginny qui, cette fois, s'était dérobée.

Ils réussiraient à en parler un jour, il en était certain. Après une explosion à l'abri des oreilles indiscrètes. Ou lorsqu'elle serait assez apaisée pour arrêter de voir sa relation avec Draco comme une injure à sa personne. Draco n'avait rien à voir avec la fin de leur histoire. Harry n'avait commencé à sortir du brouillard hurlant de sa propre tête que des mois, presque un an après que la situation ait explosé entre Ginny et lui. Encore aujourd'hui, il n'était pas capable de dire si les choses auraient tourné différemment si elle avait été un homme. Était-il bisexuel ? Homosexuel ? Quelque chose d'autre, pour lequel il n'avait pas de mots ?

Il n'en avait aucune idée, et il s'en fichait complètement.

« Ron va être rassuré que tu ne travailles plus au Ministère, » fit-il remarquer pour revenir au sujet qui l'intéressait.

« Je suis celle d'entre nous qui a le plus besoin d'être rassurée à ce sujet… » nota Hermione avec un soupir alors que Luna revenait dans le salon.

Elle leur adressa un sourire radieux et s'assit avec élégance dans le fauteuil laissé vacant par Ginny.

« Vous ne trouvez pas que Lazare est super mignon ? » demanda-t-elle joyeusement.

Harry ne retint pas son grognement alors que Hermione pouffait à côté de lui.

A son grand malheur, la soirée Filles et Harry s'attarda longuement sur le Médicomage. Il avait beau ne rien avoir à lui reprocher, et n'avoir guère eu l'occasion de le voir ces derniers mois, Draco lui en parlait déjà tellement qu'il lui sortait un peu par les yeux. Katie avait évidemment très vite remarqué son irritation, et ne manquait pas une occasion de le tenir au courant de l'avancée de son entraînement à la BIMU. Harry aimait beaucoup Katie, mais il avait parfois envie de l'étrangler.

Il était enfin sur le point de réussir à convaincre Hermione d'aller se coucher que son badge se mit à chauffer contre sa poitrine. Il se tendit d'angoisse et écourta sa visite le plus subtilement possible, puis transplana à Broomhall à peine sorti des enchantements de la maison de ses meilleurs amis.

Lorsqu'il entra dans l'appartement, quatre de ses collègues tenaient Cepheus en joug, et le Langue-de-plomb, le visage d'une pâleur morbide, avait les mains levées devant lui.

« Qu'est-ce qui se passe ? » demanda-t-il, le cœur dans la gorge.

Quinn ne pouvait pas être un traître. Ils l'avaient interrogé pendant des heures. Il les avait aidés à devenir des Animagus. Il espionnait Callum Anders pour leur compte. Il leur avait permis de coincer des hommes politiques véreux. Il savait tout, presque tout de leurs opérations.

« Il a un cercle runique sur le crâne, » lui souffla Neville.

Harry le dévisagea avec incompréhension, puis tourna la tête pour croiser le regard horrifié de Cepheus.