Chapitre vingt : La Maladie d'un Fou
En tout début de soirée, Serena apporta le point final à son paragraphe et s'étira sous le regard de Marcel.
- Bon. On a bien avancé
- Si tu le dis. Sourit Marcel
Elle lui jeta un regard surpris et il précisa sa pensée :
- Je sais bien que la sublimation n'est pas le champ alchimique que tu préfères. Mais soyons honnête, ça ne t'aurait pas pris bien longtemps pour parvenir à ce résultat.
- Peut être mais j'y suis arrivée plus vite et avec plus de certitude grâce à toi. T'as l'impression d'avoir perdu ton temps ? S'inquiéta Serena
- Chaque seconde que je passe avec toi, peu importe le prétexte, ne peut pas être une perte de temps.
- Arrête un peu de me sortir des phrases pareilles. Tu sais que ça me met mal à l'aise.
Elle avait adouci sa phrase avec un sourire. Marcel ne perdit pas le sien non plus et demanda :
- Pourquoi ça te met mal à l'aise ?
- Parce que rien n'a changé Marcel. En tout cas, pas pour moi.
- Pour moi non plus.
- T'as essayé de fréquenter d'autres filles quand même ?
- Figure toi que oui. Ça n'a eu aucune incidence. Je t'aime toujours.
Serena soupira. Il lui avait dit ces trois mots un nombre incalculable de fois. Ça l'avait fait pleurer à quelques reprises, de frustration, de colère, de dépit. Elle le trouvait parfait, ce type. Gentil, intelligent, doué, doux et patient. Ça ne changeait rien. Elle lui avait dit, plusieurs fois, avec l'impression de lui briser le coeur autant de fois.
- Malheureusement, Marcel, j'en suis toujours au même point. Je ne suis toujours pas disponible.
Il hocha la tête calmement. Elle avait quand même pu percevoir la petite étincelle douloureuse dans ses yeux et le ton qu'il employa dissimulait mal l'amertume qu'il devait ressentir :
- J'imagine que maintenant que tu l'as sous les yeux en permanence, ça n'arrange rien.
- Effectivement. Ça n'aide pas.
- Il pourrait… Je trouve que sa présence ici est remarquable d'indélicatesse ! Déjà qu'il t'abandonne de l'Autre Côté, qu'il te laisse venir toute seule ici… Et en plus de tout ça, il s'impose à Central, là où tu travailles, après toutes ces années ! J'ai cru comprendre qu'en plus, il s'était trouvé une nouvelle copine et qu'il la fait travailler ici !
- Pour sa défense, c'est moi qui ait trouvé ce travail à Winry. Elle aide Malo à accomplir son projet et ils font de supers progrès. Pour le reste… Edward est un grand alchimiste. On peut difficilement se passer de lui dans les conditions actuelles.
- Il pourrait jouer un rôle dans n'importe quelle autre Maison. Il ne vient pas de l'Est à la base ? Il pourrait tout à fait être tout aussi utile là bas !
Serena renonça à défendre Edward. Après tout, c'était de bonne guerre que Marcel le déteste. Il tenait la place qu'il désirait obtenir depuis des années. Marcel s'adoucit et lui prit la main.
- En attendant, notre accord précédent me convient toujours.
- Marcel, je veux pas que tu…
- Réna, je te dis que ça va. Vraiment.
Elle l'observa sans rien dire alors qu'il se levait pour contourner le bureau et s'agenouiller à côté d'elle. Il lui murmura :
- Pas sur les lèvres ?
- Toujours pas… Répondit-elle sur le même ton
Elle ferma les yeux quand elle sentit les lèvres de ce garçon si parfait se poser sur sa nuque.
*o*
Quand Serena rentra chez elle, le crépuscule d'été s'étirait encore sur Central. Indéniablement, elle avait le coeur plus léger. Mais c'est son esprit qui travaillait contre elle.
- SALUT RÉNA ! S'exclama Léna en la voyant arriver
- Salut mon ange ! Salut Ali…
Cette dernière fronça les sourcils légèrement mais ne dit rien. Elle laissa Léna expliquer dans les moindres détails qu'elles avaient passé leur début de soirée à faire un gâteau et observa avec amusement Serena se forcer à le déguster pour faire plaisir à leur cadette. La quotidien des trois soeurs se déroula comme habituellement et se ne fut qu'une fois Léna blottie dans son lit qu'elle posa ses questions :
- Il parait que t'as reçu de la visite au bureau aujourd'hui ?
- Qui c'est qui t'a dit ça ?
- J'ai mes sources…
Serena lança un regard ironique à sa petite soeur et railla :
- Tu diras à ta source qu'il ferait mieux de se concentrer sur le fait d'être efficace quand le taux d'humidité dans l'air dépasse les 30% plutôt que de te rapporter tout ce que je fais au bureau…
- Hilarant. En attendant, t'as fait venir Marcel, pas vrai ?
L'aînée soupira et bascula la tête en arrière en disant :
- C'est pas bien ce que je fais, pas vrai…
Alicia haussa les épaules et dit :
- T'as toujours été parfaitement honnête. Arrête de te flageller à ce propos.
- J'ai de quoi me flageller. Je sais que ce type est amoureux de moi. Et je continue à lui donner des raisons d'espérer. Si j'étais moins égoïste, il serait peut être parvenu à tourner la page. Je peux rien lui offrir d'autres qu'un cinq à sept de temps en temps… Il mérite mieux.
- Franchement, Réna, j'ai toujours trouvé que tu mettais ce type sur un piédestal. Tu sais quand même qu'il ne te saute pas par charité chrétienne ?
- Pardon ?
- Je te dis juste que c'est pas non plus l'Abbé Pierre du cul. Il doit y trouver son compte.
- Dis donc, dès que Léna est couchée, y'a plus de soucis de vocabulaire d'un coup, tu te lâches complètement. Ironisa Serena
Alicia fit un sourire d'excuse et lui prit la main :
- Je me demande juste pour quelle raison t'as décidé de mettre de côté tes états d'âme… Il s'est passé quelque chose ?
- Ça faisait longtemps… Éluda Serena.
- Juste ça ? Rien de neuf sous le soleil ?
- Rien de neuf. Je risque pas de repartir en couilles, t'inquiète pas pour moi. Sourit Serena
- Toujours décidée à l'aimer pour toujours ?
- C'est pas que je puisse décider de quoique ce soit. C'est comme ça.
- Bon. Tu reveux du gâteau ?
- Pitié, non.
*o*
Le lendemain matin, Edward arriva au bureau avec des valises sous les yeux. Il avait passé la journée d'hier au gymnase de la Caserne. Son petit frère avait commencé par lui donner du fil à retordre au cours d'une baston de qualité. Puis Sayuri avait débarqué, cherchant son apprenti avec humeur. Elle avait fait contre mauvaise fortune bon coeur et s'était proposée pour un combat alchimique arbitré par Alphonse. Edward avait découvert à quel point la japonaise de moins en moins timide pouvait être effrayante. Pour finir, Izumi Curtis avait débarqué et les avait tous fait travailler plus que de raisons. Il avait quitté le gymnase complètement vidé et s'était effondré dans son lit en rentrant. Malgré tout, on ne pouvait pas dire qu'il avait passé une bonne nuit.
- Salut Ed ! S'exclama Serena alors qu'il arrivait dans la salle commune.
Elle était encore et toujours sublime, dans sa longue robe fluide et à demi transparente qui laissait entrevoir la silhouette de ses jambes. Elle pouvait pas avoir l'air un peu moche de temps en temps, pour lui rendre service ? Il grogna un truc et la regarda préparer sa théière.
- Tu voudras une tasse ? Demanda-t-elle, courtoise
- Nan. Je vais avoir besoin de café. De beaucoup de cafés.
- C'est vrai que t'as une sale tête. Ça va pas ?
- Mal dormi.
Il avait passé la nuit à se tourner et se retourner dans tous les sens. Et quand il avait dormi, il avait été assailli de cauchemars perturbants où il fuyait devant toutes une série de portes qui refusaient de s'ouvrir, poursuivi par quelque chose d'horrible qu'il ne devait surtout pas regarder.
- T'as passé une bonne soirée toi ? Demanda-t-il d'un ton qu'il essaya de rendre léger
- Meilleure que la tienne visiblement. Je suis rentrée pas trop tard pour une fois. J'ai eu le plaisir de manger un gâteau que Léna a cuisiné avec Alicia. C'était au chocolat, à la coquille d'oeuf et au liquide vaisselle, visiblement.
Un rire s'échappa de la poitrine d'Edward, le libérant d'une forme de tension. Elle avait passé la soirée chez elle, avec ses soeurs. Il l'observa attentivement tandis qu'elle reprenait la préparation de son thé. Rien ne semblait indiquer, dans ses mouvements ou son attitude, qu'elle avait passé du bon temps en compagnie d'un type aux bras mous récemment. Elle était comme d'habitude. Il essaya de se rappeler d'à quoi elle pouvait ressembler, quand ses matins étaient les mêmes que les siens. Il se souvint qu'elle avait eu l'air plus détendue, plus heureuse peut être, plus amoureuse sans doute. Il se morigéna et enferma ses souvenirs dans son coffre avec discipline. Alors que son café coulait, il mit la tête dans ses mains. Malgré tout, il sentait encore les effets de sa rage mal contenue de la veille. Il sursauta quand il sentit une main chaude se poser sur son épaule.
- Franchement, Ed, ça a vraiment pas l'air d'aller…
Elle avait retiré sa main rapidement mais il pouvait encore la sentir contre sa peau. Elle l'avait touché au même endroit que la première fois, sur son épaule droite. Ce jour là aussi, il avait senti pendant longtemps la trace de ses doigts sur sa peau. Il était déjà amoureux d'elle à ce moment là, sans en avoir encore conscience…
- J'ai juste mal dormi… Murmura-t-il
- Ben abandonne l'idée de te perfuser au café et va dormir. Personne n'est encore arrivé. Tu fermes ta porte, tu mets un mot comme quoi tu veux pas qu'on te dérange parce que t'es dans une phase critique de tes recherches et tu pionces. Au pire, si quelqu'un pose des questions, je te couvre. Mais va dormir. Reste pas dans cet état.
- Tu crois ? Sourit-il
- Puisque je te le dis. Va te coucher mon pote, tu me fais de la peine.
Il hocha la tête, la remercia et suivit le plan qu'elle lui proposait. Il sentit le regard de la jeune femme le poursuivre jusqu'à ce qu'il ferme la porte. Il se verrouilla à l'intérieur, baissa les stores, enleva ses chaussures et s'allongea avec reconnaissance sur le canapé. Contrairement à la nuit dernière, il sentit directement qu'il allait dormir comme un bébé. Alors qu'il allait tomber dans les bras de Morphée, la petite voix qui vivait dans le coffre de son esprit revint l'embêter :
- T'es dans le déni, Ed. Tu t'es convaincu d'un coup qu'il ne s'était rien passé avec ce type. Mais tu te bases sur quoi ?
Signe que sa santé mentale n'allait sans doute pas si bien, il se répondit à lui même, à voix basse :
- Rien. Je suis dans le déni, t'as raison. Mais ça me va bien. Ça me va même très bien.
- Mais dis moi pourquoi t'es si soulagé à l'idée qu'elle n'ait plus rien faire avec ce type ? Tu devrais être content qu'elle puisse prendre du bon temps. Qu'elle puisse tourner la page.
- Non. Il ne la mérite pas.
- C'est pas lui le problème. C'est toi. Tu te prives pas, de ton côté, pour prendre du bon temps…
- Ces derniers temps, tu remarqueras que ça n'est plus tellement le cas
La voix eut un rire cruel et continua de l'embêter :
- Et tu t'imagines que Winry n'a pas remarqué que tu ne la touchais plus ?
- Laisse la en dehors de ça, elle va très bien en ce moment !
- Moi, je sais pourquoi tu n'as plus envie de Winry. C'est parce que tu te souviens de ce que c'était avec Serena. De la brûlure qu'elle faisait courir sous ta peau, jusqu'à cette merveilleuse explosion. Winry est si tiède. Ça n'a rien à voir.
- Laisse Winry tranquille. Et laisse moi tranquille aussi, je veux dormir
- Souviens toi, Ed. D'à quel point tu l'aimais ! D'à quel point tu la désirais ! D'à quel point tu savourais le fait d'être le seul à pouvoir profiter de tout ce qu'elle t'offrait. Alphonse t'a dit qu'elle n'avait toujours pas tourné la page. Elle doit t'aimer encore. Tu pourrais aller la chercher, lui dire que tu l'aimes toujours et retrouver tout ça à nouveau.
- Non, je peux pas et je le ferai pas.
- Donc tu refuses de la reprendre mais tu ne supportes pas l'idée que quelqu'un d'autre puisse le faire ? Elle t'appartient ? Personne d'autre que toi ne devrait avoir le droit de l'aimer ?
- Non. Personne. Personne d'autre que moi. Hors de question.
La voix éclata de rire et lui murmura :
- T'es un salopard, Ed…
- Je suis en paix avec cette idée. Maintenant, laisse moi dormir !
Il se mentait à lui même. Il détestait l'idée d'être si égoïste. Mais là, tout de suite, il voulait juste dormir…
*o*
Il fut réveillé en début d'après midi par la sonnerie de son téléphone. Il trébucha jusqu'à lui et décrocha pour entendre la voix de Winry à l'autre bout du fil
- Je commençais à m'inquiéter de te croiser nulle part dans la Maison.
- Ça va, je bosse sur quelque chose de… compliqué.
- C'est ce que Serena raconte mais… Je sais pas, j'étais inquiète. Je t'ai senti t'agiter toute la nuit alors je me demande…
- Tu t'inquiètes trop. Ça arrive de mal dormir.
- Toi, c'est rare. T'es sûr que ça va ?
- Je vais être honnête avec toi.
- Ah…
- J'ai pas du tout passé la matinée à travailler. J'ai pioncé comme jamais.
Il entendit Winry rire à l'autre bout du fil.
- Bon, paradoxalement, ça me rassure. T'as mangé ?
- Non pas encore Maman ! Grinça Edward
- Sois pas désagréable.
- T'as vu comme tu me couves ?
- T'as raison, je suis trop bonne avec toi. Je vais avoir encore moins de scrupule à sortir ce soir !
- Tu sors ? Tu vas où ?
- Monsieur Garfield m'a fait la surprise de venir me voir avec des amis de Rush Valley. Paninya est là aussi. On va aller manger au restaurant et elle voudra sans doute faire un tour dans la grande ville après ça.
- Montre lui donc la civilisation.
- Ça te va du coup ? Je risque de rentrer tard !
- Ben oui, Win… Profite de tes amis. T'en a besoin, tu bosses beaucoup toi aussi…
- C'est sûr que je peux pas me permettre de dormir au boulot moi !
Edward eut un rire très sincère et souriait encore quand il sortit de son bureau pour se rendre à sa boulangerie habituelle pour se chercher quelque chose à manger. Il traina un peu dans les rues et à la Bibliothèque, passa quand même saluer Winry et Malo qui travaillaient dans leur labo. Il se sentait léger. Soulagé. Il avait bien dormi et sentait encore les effets de son déni miraculeux. Ce dernier ne devait pas durer longtemps. Comme il se trouvait à l'étage des Chercheurs, il croisa Marcel. Ils se regardèrent à peine, ne s'adressèrent pas la parole. Mais on pouvait sentir toute l'animosité réciproque qui suintait de tout leur être. L'euphorie post sieste d'Edward fut un peu altérée mais il parvint à se concentrer sur son travail pendant deux bonnes heures. Jusqu'à ce que ça finisse par reprendre un peu trop de place à nouveau. Alors, il se leva et se dirigea vers le bureau de Serena. Il la trouva seule, penchée sur son cahier de travail avec un gros morceau de brioche dans la bouche :
- Salut…
- Chalut. Kestuveux ? Demanda la jeune femme, en avalant son goûter
Il regarda dans la pièce, comme si il craignait de voir Eiselstein sortir d'un tiroir tel un démon.
- Il est pas là ton pote ?
- Marcel ? Non. Je crois qu'il est au premier, il discute avec des chercheurs qui partagent son champ de compétence. Pourquoi, tu veux lui demander un truc ?
Je lui demanderai bien si il veut pas aller se faire foutre et si possible, le plus loin possible de toi… Mais il se contenta de hocher la tête et de dire :
- Pas spécialement. Il fait de la catalyse, c'est ça ?
- C'est ça. Un petit génie dans le domaine, comme la plupart des membres de sa famille si j'ai bien compris
- Si tu savais.
- C'est à dire ?
- T'inquiète. C'est toi qui lui a demandé de venir ?
- Oui, on s'est connu à l'École. C'est le principe des Maisons des Alchimistes, non ? Permettre la collaboration, surtout avec les chercheurs. On peut pas être un spécialité de tout et je t'ai déjà dit que j'aimais pas la catalyse.
- Ça t'a pas suffit, le résumé que je t'ai fait ?
- C'était très bien, Ed mais j'avais besoin de quelqu'un de pointu et il est vraiment brillant à ce sujet… Et il est venu tout de suite… Donc bon…
Il retint une comparaison ironique sur un chien qu'on siffle et se contenta de dire :
- Il est brillant. Et toi, t'aimes bien les mecs brillants…
- C'est pas à toi que je vais l'apprendre. Mais t'avais quelque chose à me dire du coup ou…
- Ouais. Je pensais à la transformation des énergies et à leurs sublimations. Ça, ça rendrait peut être les cercles plus autonome…
- L'autonomie est un sujet que j'ai abandonné et ça fait au moins vingt fois que je te le dis. Tu sais quoi ? Je vais te ressortir ce que j'ai fait à ce sujet, question que tu me lâches enfin parce que ça commence à m'énerver…
En soupirant, Edward s'assit sur sa chaise habituelle et l'écouta lui résumer un an de recherche et commença à débattre avec elle sur tout un tas de détails. Ils perdirent un peu toute notion du temps, comme souvent dès qu'ils parlaient d'alchimie et entendirent à peine Marcel arriver dans le bureau de la jeune femme. Il se figea sur le pas de la porte, son regard alternant entre Serena et Edward, qui s'étaient enfin interrompus.
- Euh… Ben… Salut… Balbutia Marcel.
Le coeur d'Edward rata un battement douloureux et il se sentit à nouveau légèrement fébrile de rage, encore plus quand Marcel s'adressa directement à lui d'un ton agressif :
- Qu'est ce que tu fais là toi ?
- Je travaille ici. Tu sais, rapport au fait qu'on m'a donné une Montre en Or. C'est ma Maison et c'est mon étage. Et toi, on peut savoir ce que tu fous là ? Il me semble que vous aviez terminé non ? Répondit Edward d'un ton tout aussi agressif
Serena haussa les sourcils et les regarda d'un air confus à tour de rôle. Si il se passait ce qu'elle pensait qu'il était en train de se passer… C'était bizarre et elle aimait pas tellement ça.
- Ça te regarde pas, Fullmetal. Excuse moi de te déranger Réna…
Marcel avait pris un ton bien plus mielleux qui résonna très désagréablement aux oreilles d'Edward. Serena, elle, se sentait un peu sidérée.
- Je voulais savoir si t'avais un truc de prévu ce soir. On me rappelle au QG Sud donc je vais devoir repartir dès demain.
- Ah… Oh, je suis désolée Marcel mais j'ai accepté une proposition de bagarre pour ce soir. Ma soeur s'est pris la tête avec ses adjoints, elle a besoin de décharger un peu. Donc…
- C'est cool que vous ayez maintenu cette tradition ! Je dois admettre que depuis que j'ai été déployé dans le sud, je suis plus négligeant concernant mon entrainement. Le répète pas à Maël ni à Izumi mais…
- Je suis pas une balance mais tu devrais pas négliger de t'entrainer !
- Ça va durer toute la soirée ta bagarre ? On peut se rejoindre après si tu veux. Je suis hébergé à la Caserne de toute façon… On pourrait reprendre notre… conversation d'hier.
- Et ben… Écoute, je sais jamais vraiment combien de temps ça dure. Ni dans quel état je termine. Je peux rien te promettre. D'ailleurs, ça me fait penser que… je devrais peut être y aller.
Elle se leva et les observa tout les deux d'un air concerné. Elle n'était pas si pressée mais elle commençait à se sentir vraiment très mal dans cette pièce et comptait fuir le plus vite possible.
- Je pourrais vous laisser éteindre les lumières et fermer la porte derrière vous ?
- Pas de soucis, Réna. Sourit Marcel en la regardant partir d'un pas vif.
Il tourna le regard vers Edward, qui était figé sur sa chaise. C'était brûlant. Brûlant brûlant brûlant, de la pire des manières. Quelque chose de brûlant, d'acide courrait dans ses veines et abimait tout sur son passage. Le sous entendu avait été limpide. Pour qui il se prenait ? Cet espèce d'ado attardé au corps de lâche, au front trop large et aux mains fragiles ? C'était avec ça qu'il se permettait de toucher à la peau nacrée de Serena ? Pour qui il se prenait à lui faire des propositions pareilles ? Il n'avait pas le droit. Pas le droit de la toucher, pas le droit d'en demander encore. L'idée qu'il ait pu respirer le parfum mystérieux des cheveux de Serena le rendait dingue.
- Puisque c'est soit disant ta maison, j'imagine que tu sauras fermer derrière toi…
Edward tourna son regard vers Marcel et allait lui répondre quand il vit son expression. Quelque chose le heurta soudain, comme une illumination. Ça crevait les yeux. Marcel était amoureux d'elle. Il le percevait très bien à présent. C'est pour ça qu'il avait débarqué à toute vitesse, la queue entre les jambes, dès qu'elle l'avait sifflé. Mais Alphonse avait raison. Serena n'avait pas tourné la page. Marcel était amoureux d'elle et il ne serait jamais rien d'autre qu'une passade qu'on pouvait peut être qualifiée d'hygiénique. Voilà sans doute pourquoi il le regardait de travers depuis hier. Il devait savoir que lui, il avait pu entendre la voix de Serena lui murmurer qu'elle l'aimait. Edward avait pu connaitre, ressentir et obtenir ce que lui crevait d'avoir et il le détestait pour ça. Cette révélation aurait peut être pu faire naitre une once d'empathie chez Edward mais il ne ressentit rien d'autre qu'une satisfaction sauvage. Ce type était déjà indigne de recevoir une étreinte de la part de Serena et elle était déjà trop généreuse de les lui offrir, comment pouvait-il espérer son amour ?
- Ouais. C'est ma Maison. Mon étage. Ma collègue. Rien qu'à moi. Et toi, t'es condamné à être de passage.
La pique toucha juste. Mais Marcel se redressa vite et, enveloppé d'une dignité ampoulée, il répondit :
- Moi au moins, je sais rester à ma place et ne pas m'imposer là où on ne veut pas de moi. Je sais faire preuve d'un minimum de délicatesse, de respect et de courtoisie.
- C'est ça. T'es à ta juste place. Celle du chien qu'on siffle.
Il le bouscula légèrement en sortant et éteignit les lumières du bureau. Alors qu'il rejoignait le sien, il se mit à espérer à moitié que Marcel le rattrape pour s'en prendre à lui. Rien que pour la satisfaction de le foutre à terre, lui et ses bras maigres. Mais il entendit le chercheur quitter l'étage. Il souffla de frustration. Il aurait bien eu besoin à nouveau d'une douleur physique salvatrice. Pour faire disparaitre la douleur plus interne, plus ancienne qui remontait dans son ventre.
*o*
- Jaloux ?
- Ben ouais. Jaloux. Je vois pas ce que ça peut être d'autre.
Le menton dans la main, Serena racontait à sa petite soeur la scène à laquelle elle avait échappé. Alicia l'écoutait, ignorant de fait la bataille épique entre Malo et Sayuri qui se déroulait devant leurs yeux.
- Tout de même. Ils sont gonflés tout les deux ! S'agaça Alicia
- Que Marcel puisse être jaloux d'Edward, je peux comprendre. Nuança Serena
- Ouais, ouais, ouais…
- En plus, j'avais complètement oublié l'histoire entre la famille de Marcel et Edward. Peut être qu'il lui en veut aussi par rapport à ça. Ajouta Serena
Alicia soupira bruyamment et dit :
- C'est fou que tu puisses être si brillante et si obtuse à la fois. T'es capable de faire le lien maintenant que Marcel en veut à Edward par rapport à ce qu'il s'est passé à New Hissengard mais t'es pas capable de faire le lien entre le fait que Marcel ait commencé à s'intéresser à toi au moment où il a apprit que t'étais sorti avec Edward…
- Malo m'a déjà fait part de cette théorie et franchement, j'y crois pas ! Ça a rien à voir ! S'énerva Serena
- Je te l'ai dit, tu l'idéalises beaucoup trop. C'est juste un type avec le complexe du sauveur, qui se voit comme une victime du grand méchant Fullmetal et qui te voit aussi comme une victime à secourir. Si un jour tu finis par lui donner soit disant ce qu'il veut, il sera content deux minutes puis il passera à autre chose. Il ira soit disant sauver quelqu'un d'autre et jouer les chevaliers blancs. Il se prend pour Lancelot, c'est ridicule et je comprends pas que tu t'en rendes pas compte !
- Je pensais pas t'entendre défendre Edward avec autant d'enthousiasme. Ironisa Serena
- Je le défends rien du tout ! Je dis juste ce que je pense de ton Marcel. Je trouve aussi que l'attitude d'Edward est déplorable. Comment il peut se permettre d'être jaloux, celui là ? Il se croit où ? Il se prend pour qui ?
Serena sourit et tourna son regard vers le combat, qui semblait proche de se terminer. Malo hurlait au scandale, tandis que son bras mécanique se couvrait d'une fine couche de givre, rendant ses mouvements bien plus lent
- On avait dit pas d'alchimie ! Protestait-il
- Fais. Moi. Un. Procès ! Clama Sayuri en ponctuant chacun de ses mots d'un nouvel assaut
Le dernier finit par toucher sa cible et envoya valser le médecin à l'autre bout du tatami, sous les applaudissements des soeurs Wolfe.
- Je demande la VAR ! S'offusqua Malo
- Allez, arrête un peu. C'est mon tour ! S'exclama Alicia
Sayuri et Malo se replièrent très vite, laissant Serena face à sa soeur. L'ainée sourit à sa cadette et dit :
- Allez, à nous deux, frangine !
Les combats entre les deux soeurs étaient toujours épiques et elles comptaient toujours les victoires et les défaites. Alicia avait toujours une longueur d'avance mais sa soeur avait pu prendre une expérience supplémentaire en combattant en situation réelle, ce qui lui permettait de prendre de plus en plus de victoire à sa soeur adorée. Mais ce soir n'était pas son soir et elle termina à terre à son tour, après avoir pris un coup de pied retourné des plus acrobatiques derrière la nuque. Tandis qu'Alicia exultait et saluait sous les applaudissements de son petit public, Serena fixait les lumières vives du plafond. Une douleur sourde était en train de naître à l'arrière de son crâne. Mais elle l'ignorait complètement. Une idée venait de naitre de nulle part dans sa tête et prenait toute la place dans son cerveau génial. Elle souffla :
- J'ai trouvé…
- De quoi tu parles ? Railla Malo
- Putain. J'ai trouvé. J'ai trouvé. Ça peut marcher. J'AI TROUVÉ !
Et sous le regard pantois de ses amis, elle se releva et s'enfuit à toute vitesse.
