Cette histoire commence lors de mon année de seconde à l'académie Hunter.
J'ai rejoint l'équipe de basket en début d'année et je m'occupe en même temps du club d'audiovisuel entre deux entraînements. Le premier choix a été influencé par mes parents et le second par pure passion.
Ainsi, j'ai acquis une certaine popularité depuis auprès des filles de mon bahut. Apparement, être un albinos bougon aux yeux bleus avec un peu de muscles, ça fait craquer ces dames.
De ce fait, je reçois souvent des tas de lettre d'amour directement dans mon casier. Mais pas que. Parfois ce sont des cadeaux bien niais que je me garde bien d'ouvrir.
Pourquoi ?
Une fois, j'ai reçu des gâteaux avec une lettre disant « Si je ne peux pas t'avoir alors personne ne t'aura». Par précaution, je les ai donné à bouffer à la gerbille du prof de science. Elle est morte le lendemain.
Glauque.
Mais, juste comme ça , tout a changé.
C'est la fin de la première période. Je sors d'un cours de maths comparable à une séance de torture médiévale.
Mes deux meilleures amies à mes côtés n'arrêtent pas de râler sur leurs activités de club tandis que j'essaie tant bien que mal de suivre le rythme de la conversation.
« -Le Kendo c'est pourri, je te jure ! En plus du cheerleading, je dois me taper deux heures chaque jour de ce club à la con juste parce que j'ai besoin d'une seconde activité et que c'était le seul où il y avait encore de la place ! »
Celle qui vient de parler c'est Kanaria. Une Afro américaine obsédée par la danse, les jeux vidéos et le combat. C'est une cheerleader, l'une des plus belles et des plus douées de l'académie.
Et si pour vous être cheerleader rime avec le fait d'être une salope imbue d'elle même, c'est vrai. Sauf que ça ne s'applique pas exactement à Kanaria non. Elle est douce et chaleureuse quand elle n'a pas de PomPom entre les mains.
« -Et le Karaté, tu crois que c'est quoi ? La moitié des meufs de mon club ont pas les bases ! Je me les brises après les entraînements de cheerleading ! »
Ainsi s'exprime Amane. Japonaise d'origine comme moi, au caractère bien trempé, aussi belle, dure et froide qu'une pierre précieuse.
Enfin une pierre précieuse qui pousse de la fonte et peut facilement vous mettre une raclée au corps à corps. Elle brille en arts martiaux mais est également la capitaine de l'équipe de cheerleaders du bahut et Kanaria est son adjointe.
Je connais ces deux là depuis l'époque où je portais des couches. Ma famille entretient des liens professionnels avec les leurs. À force de fréquenter les mêmes établissements et événements, nous sommes devenus inséparables.
Enfin, il reste une iniquité certaine dans notre relation...Ces deux-là me prennent pour leur bébé depuis que nous sommes petits...Elle me surprotègent à longueur de journée comme si j'étais fait de porcelaine...
On se dirige présentement vers nos casiers.
Pendant qu'elles piaillent encore à propos de leurs activités extra-scolaires, je fais la combinaison de mon cadenas. Et quand mon casier s'ouvre enfin, une lettre en tombe sous mon regard exaspéré.
Kanaria et Amane cessent immédiatement de parler et m'observent avec pitié.
« -Encore ? C'est la douzième cette semaine et on est que mercredi ! Franchement, on devrait retrouver les greluches qui font ça pour les buter. » Explose Amane en fusillant la lettre de son regard bleuté.
Kanaria se contente de soupirer avant d'ouvrir à son tour son casier pour observer son reflet dans le miroir qu'elle a fixé à la porte de celui-ci. Elle a jeté l'éponge depuis le coup des gâteaux empoisonnés.
Elle avait retrouvé la fille et lui avait mis un de ces coups de boule...
Cependant, les retrouver, les menacer ou les frapper n'avaient peu ou pas d'effet. C'est comme si ça les poussait à continuer...
Je ramasse la lettre et la regarde sous toutes ses coutures, en la triturant du bout de mes doigts. Un détail me chiffonne à propos de celle-là...
« -Elle n'est pas personnalisée... » Je marmonne pour moi-même.
Sauf qu'Amane m'entend et me la prend des mains pour faire le même constat.
C'est une simple enveloppe blanche avec mon prénom à l'arrière. Pas de cœur, pas de parfum, aucun artifice, tout ce qu'il y a de plus formel. Ce qui m'intrigue d'autant plus c'est que l'écriture de mon « admiratrice » du jour n'a rien de très féminin.
« -On va la brûler dans les toilettes ? » Demande Kanaria, toujours en train de s'admirer dans la glace.
« -Nan, j'ai envie de la lire... » Je lui réponds, surpris par mes propres propos.
Elles semblent aussi choquées que moi toutes les deux quand j'arrache la lettre des mains d'Amane pour l'ouvrir.
L'intérieur est aussi simple que l'extérieur. Une feuille de rame pliée en quatre avec quelques paragraphes inscrits dessus.
C'est un poème assez particulier, du moins si on peut appeler ça un poème.
« Bien que tu ne saches pas encore qui je suis, il y a quelque chose en toi qui m'attire irrésistiblement, comme une scène captivante d'un film inoubliable. Tu es pour moi comme cette rose mystérieuse qui émerge d'une mer de visages, un instant où le temps semble suspendu.
Chaque fois que je te vois, je ressens une connexion profonde entre nous, comme deux âmes qui se retrouvent après des années d'errance. Tu as cette capacité incroyable à transformer un simple moment en une mélodie parfaite, apportant une lumière nouvelle à chaque journée.
Il y a des jours où je me perds dans la pensée de ce que pourrait être notre histoire, une histoire d'amour sincère et inattendue. Chaque sourire que tu fais naître sur mon visage est un trésor que je chéris, chaque regard échangé une étincelle d'éternité.
Même si pour toi je suis encore un inconnu, sache que mon admiration pour toi est aussi puissante que la plus belle des histoires d'amour. J'aimerais tant que tu me donnes une chance de te montrer à quel point tu es spécial.
Alors je te mets au défi de deviner qui je suis. »
C'est..beau...
C'est sûrement la plus belle chose que j'ai lu depuis que je reçois ces lettres à la con. En plus il y a des tas de références aux films que je passe des heures à mater dans la salle du club d'audiovisuel.
« -Mec je crois que t'as trouvé le bon... » Murmure Kanaria le souffle court.
J'avais même pas remarqué que mes deux copines étaient en train de lire au-dessus de mon épaule tant j'étais absorbé par le contenu de ce papier.
« -Titanic, Quand Harry rencontre Sally, Love actually Eternal Sunshine of the spotless mind et même The Notebook...Que des réf aux films que j'adore... » Je m'émerveille presque là.
« -Il te connaît bien. C'est pas comme ces pétasses en chaleur qui rêve de toi en se doigtant. Il t'aime pour de vrai... » Ajoute Amane en me mettant une tape sur l'épaule. Enfin, une tape à l'épaule venant d'Amane c'est comme se faire tamponner par un bulldozer.
« -Qu'est ce que je devrais faire ? » Je leur demande, en proie au doute tout en massant ma pauvre épaule.
« -Ça te coûte rien de relever son défi. Mais, d'abord est-ce que t'en as envie ? » Me demande Kanaria.
Et c'est ça le hic. De quoi j'ai envie moi ?
