Chapitre 2 - Hermione Granger, sorcière aux deux FitBits

Le sort de Malefoy n'était qu'un Lumos qui se dissipa sans mal dans les vêtements d'Hermione, mais son choc n'en fut pas moins réel. Avait-il besoin de l'attaquer pour évacuer la frustration de son ignorance face à l'ordinateur ? Finalement, peut-être que quinze ans n'étaient pas suffisants pour se passer de baguette en présence de Malefoy.

"Ce n'était pas nécessaire," haleta-t-elle, une main sur la poitrine, l'autre agrippant sa baguette dans sa poche.

Malefoy se dirigea avec nonchalance vers le bureau d'Hermione en disant : "Je t'assure que d'autres sorts ne seraient pas aussi inoffensifs."

"Personne ne va me jeter de sort sans raison," dit-elle, agacée. À part les Aurors à l'ego surdimensionné frustrés de s'être fait berner. Elle le suivit dans son bureau.

"Ils n'ont pas de raison pour le moment, mais si ta Grande Découverte est aussi importante que le pense Shacklebolt, et si - quand - ça se saura, alors-"

Il se tourna à nouveau vers elle, baguette levée. Serrant sa baguette dans sa poche, elle eut le temps cette fois de jeter un Protego.

"Mieux," dit Drago. "Comment résistes-tu à l'Imperium ?"

Hermione se tendit face à la menace, la main de nouveau crispée sur sa baguette pour faire léviter les fioles de Sanitanem d'un sort informulé.

"Si tu me jettes ce sort dans mon propre laboratoire, je vais te noyer dans la Sanitatem et en apprécier l'ironie," dit-elle.

Malefoy leva la tête, impressionné malgré lui par sa démonstration.

"Je t'accorde que tes recherches sont plus ou moins en sécurité, du moins d'un point de vue matériel, contre la plupart des intrus sorciers," admit-il.

Elle remit les fioles à leur place face à cette capitulation, bien qu'elle soit teintée de mauvaise foi - en voilà un qui portait bien son nom.

"Mais tout est dans ta tête et peut par conséquence être lu - ou arraché par la torture - dans ton esprit ou de ceux de ton équipe."

"Je suis la responsable de la recherche sur ce projet. Mon équipe est constituée de cinq étudiants de premier cycle et de huit étudiants diplômés dont la somme des compréhensions de ce projet doit avoisiner les quinze pour-cents, répartis dans treize cerveaux. Ils ne sont pas vraiment un point faible."

Malefoy lui adressa un regard dur. "Alors c'est toi, le point faible."

Il avait repris son air arrogant, posant devant elle avec ses cheveux ridiculement impeccables. Sa remarque la piqua au vif mais avant qu'elle n'ait pu manifester son offense il reprit son agression.

"Comment tu t'en sors, en Occlumancie ?" demanda-il en tentant de s'introduire dans son esprit. Elle le repoussa immédiatement d'une claque mentale et considéra sérieusement l'idée d'ajouter une claque bien réelle en répression. Elle aurait dû prendre le temps d'ajouter ce sort de Métamorphose en fouine.

Malefoy posa un doigt sur son front, semblant aux prises avec un début de migraine. Il ne l'avait pas volé.

"Je croyais que c'était mon laboratoire, qu'on évaluait, pas moi," dit Hermione en le foudroyant du regard.

"On évalue l'exposition aux risques," dit Malefoy. "Et il devient vite évident que tu en es un majeur. Ta maison est-elle protégée ?"

Pas du tout. Mais il était hors de question qu'il débarque chez elle pour évaluer quoi que ce soit.

"Modérément. Je peux améliorer les protections."

"Je vais les améliorer moi-même," dit-il. Avant qu'Hermione ne puisse protester, il enchaîna. "Quels moyens de transport utilises-tu ?"

"La poudre de Cheminette, le transplanage…"

"Ces transports sont traçables, tu sais. Et le balai ?"

Très peu pour elle. Elle souffrait d'un vertige très prononcé et avait renoncé aux balais dès sa première année à Poudlard.

"Je déteste voler," dit succinctement Hermione. "Depuis quand peut-on pister le transplanage, en dehors de la Trace ?"

Elle n'avait jamais entendu parler d'une chose pareille. Elle allait bientôt avoir de nombreux déplacements à faire dans le pays pour son projet et devoir éviter le transplanage allait sérieusement l'handicaper.

"Confidentiel," dit Malefoy, qui se mettait à présent à fouiller dans le bureau d'Hermione. En vain évidemment. N'apprenait-il jamais ses leçons ?

Après avoir passé en revue les papiers sur le bureau d'Hermione, Malefoy fixait à présent son ordinateur avec un air qui oscillait de la vexation à la résignation. Il foudroya l'objet du regard, ce qui laissa l'appareil de marbre.

Hermione profita de ce moment pour enlever ses robes de Guérisseuse (en gardant sa baguette à portée de main) et se laisser tomber avec lassitude sur une chaise, exténuée.

Malefoy se détourna de sa frustration informatique pour l'observer. Elle le vit regarder son legging d'un air mi dubitatif, mi intrigué, puis son regard dériva lentement vers son visage.

"A quoi ressemble ton emploi du temps, Granger ?" demanda-il.

Elle agita sa baguette vers son bureau et son emploi du temps lévita jusqu'à Malefoy. Il observa les différentes activités sans commentaire et utilisa sa baguette pour entourer certaines choses. Il pointa une journée marquée d'un astérisque.

"C'est quoi ?"

Ce sont les jours où je dois récolter des ingrédients spécifiques pour fabriquer une potion de Sanitanem particulièrement puissante pour servir de base à mon traitement pour la lycanthropie, mais ceci étant particulièrement confidentiel je ne compte pas partager cette information avec toi, Malefoy était la réponse exacte.

"... Des vacances," mentit-elle à la place.

Le regard d'acier de Malefoy la transperça. "Ton Occlumancie est peut-être passable, mais pas tes mensonges"

Qu'il la perce à jour si facilement l'irrita. Elle s'emporta.

"Ce sont des jours de congés. Et je ne divulguerai pas plus de détails sur ma vie privée que ce que j'ai déjà dit, merci."

Malefoy laissa tomber l'emploi du temps sur le bureau d'Hermione et reprit ses recherches. Cela n'en finirait donc jamais. Il s'intéressait à présent à ses diplômes sur le mur.

"Jolie mosaïque," dit-il, se croyant drôle.

Elle le laissa observer son mur à satiété, luttant contre le sommeil. Elle avait besoin d'un thé. Elle s'excusa dans l'intention d'aller faire chauffer de l'eau. La pensée dérangeante que l'étiquette demandât qu'elle en propose à Malefoy s'insinua dans son esprit. La mâchoire serrée, elle lui demanda s'il voulait du thé, ce qu'il refusa commodément.

Elle sortit de la pièce, trop lasse pour s'inquiéter de laisser Malefoy sans surveillance. Elle récupéra son mug à côté de l'ordinateur du laboratoire, le remplit d'eau au robinet d'une des paillasses et y jeta un sort chauffant. Elle revenait dans son bureau avec le mug fumant quand Malefoy sembla être frappé par une révélation.

"Attends un peu !"

"Quoi ?" demanda Hermione.

"Cet endroit a tellement l'air moldu que je n'ai même pas pensé à demander, mais - comment ces ordinateurs font pour fonctionner ? On est dans un bâtiment magique."

Pour travailler efficacement et s'extraire des méthodes archaïques des sorciers, elle avait développé un Champ de force anti-magie qui lui permettaient d'aménager des zones où faire fonctionner téléphones et ordinateurs dans les bâtiments magiques. Elle avait mis au point des petits palets métalliques qui émettaient des ondes anti-magiques, délimitant un périmètre où placer ses appareils électriques.

"Ah, ça," dit-elle en haussant les épaules le plus nonchalamment possible - ses Champ de force anti-magie n'étaient pas forcément très légaux. Elle éluda. "J'ai trouvé un moyen de contourner le problème."

"Comment ?"

"Un moyen," dit-elle.

"Quel moyen ?" demanda Malefoy, insistant irrespectueusement - pour changer.

Elle le dévisagea, se demandant s'il irait la dénoncer. Il semblait plutôt être du genre à se mettre lui-même dans l'illégalité. Leurs regards se croisèrent et elle Occluda par méfiance.

"J'ai trouvé une solution," dit Hermione avec un geste vague. "Je ne pouvais certainement pas travailler avec seulement des plumes et du parchemin ; c'est absolument archaïque. Sans mentionner les centaines de milliers de calculs et de projections que j'ai eu besoin de faire… Bref, tu n'as pas besoin de t'en préoccuper. Je peux t'assurer que ce n'est rien de dangereux."

Malefoy observa les différents éléments de l'ordinateur et son regard finit par se poser sur les trois petits palets métalliques qui l'entouraient, vecteurs du Champ de force anti-magie. Il s'éloigna soudain à grand pas dans le laboratoire. Hermione le suivit, curieuse de voir s'il allait découvrir ce dont il s'agissait. Il s'arrêta devant le bureau des ordinateurs et remarqua également les palets. Il tendit une main vers l'un d'entre eux.

"Je serais prudent avec ces choses, si j'étais toi," dit Hermione.

Il recula la main.

"Ce n'est pas dangereux, mais tu n'aimerais pas la sensation."

Elle vint à côté de lui et en prit un. Comme il avait compris ce dont il s'agissait, elle continua : "J'appelle ça un Champ de force anti-magie, à défaut d'un meilleur nom. Plutôt compliqué à créer, mais ça remplit son rôle."

Malefoy la dévisagea avec stupeur. Était-il enfin en train de prendre la mesure de ses capacités ? Elle poursuivit son explication.

"Je me suis inspirée des bornes Wifi dans les cafés et les aéroports, sauf que, bien sûr, c'est le contraire."

Elle lui jeta un coup d'œil et vit qu'elle l'avait perdu avec les mots Wifi et aéroport.

"Oublie ça," dit-elle, trop lasse pour se lancer dans des explications plus poussées.

"Je ne suis vraiment certain que ça soit légal," dit Malefoy, observant les palets.

"Il vaudrait mieux me dénoncer à Shacklebolt," dit-elle.

Elle croisa son regard, défiante. Elle était presque certaine qu'il ne le ferait pas. Il sembla réfléchir un instant puis il retourna dans le bureau d'Hermione.

"Il me faut une copie de ton planning," dit-il.

Hermione ramassa l'emploi du temps sur son bureau. Elle y jeta un rapide Duplicatus combiné à un sortilège Protéiforme pour s'assurer que les changements de la version originale se refléteraient sur la copie.

"Bien. Je vais préparer un beau petit rapport avec des recommandations visant à assurer la sécurité permanente et le bien-être de la Guérisseuse Granger," dit Malefoy en griffonnant quelques notes. "Je vais aussi voir ce que je peux faire pour rassurer Shacklebolt sur le fait que tu ne vas pas te faire assassiner demain et que je n'ai pas besoin de faire le garde du corps au quotidien."

"Un soulagement pour l'ensemble des parties," dit Hermione.

"Guette mon hibou d'ici quelques jours. D'ailleurs, arrête de lui donner de la tarte à la mélasse, s'il te plaît, ça le rend intenable."

"Compris," dit Hermione, peu repentante. "L'évaluation est terminée, alors ?"

"Oui."

"Enfin," dit-elle. Elle s'installa sans transition à son bureau pour achever son article. Malefoy avait été relativement efficace. Si elle se débrouillait bien, elle allait pouvoir profiter de quelques heures de sommeil quand même.

Malefoy, comprenant qu'il était congédié, se dirigea vers la sortie. Dans un élan de générosité, soulagée de ne pas être forcée à une nuit blanche, Hermione décida de lui épargner son dernier piège.

"Attention au carreau de carrelage juste devant la porte - un Maléfice de Sable mouvant," dit-elle tout en relisant l'introduction de son article. "C'était pour pour attraper les méchants à la sortie."

"J'avais remarqué, Granger."

"Évidemment que tu avais remarqué."

ooo

Hermione profita des jours libres de tout Malefoy qui suivirent pour organiser la journée d'Imbolc. Elle avait pour projet de recréer une proto-Sanitanem, pour servir de base à son remède. Il s'agissait d'une potion Sanitanem faite à partir d'ingrédients similaires à ceux de la potion initiale mais possédant une puissance magique significativement plus élevée.

Tout au long de l'année, elle avait prévu de récolter ces ingrédients à travers le pays les jours des fêtes païennes, qui augmentaient encore la puissance des ingrédients.

Elle avait trouvé la trace de cette proto-Sanitanem dans des manuscrits pluri-centenaires dans des états de décrépitude variable. Le plus exploitable - ce qui était un grand mot au vu de l'état du livre - était un manuscrit d'une herbologue-philosophe, nommé Révélations. L'auteur avait pris un malin plaisir à décrire les sites sacrés où les ingrédients étaient récoltés uniquement par leur flore et leurs champignons, ce qui donnait du fil à retordre à Hermione pour identifier les endroits potentiels.

Elle avait prévu de récolter le premier ingrédient, celui qui tenait lieu d'eau bénite, lors de la fête d'Imbolc au mois de février - qui approchait à grand pas. À force de recoupements et de comparaisons croisées des plantes les plus rares à laquelle l'herbologue faisait référence, elle était quasiment certaine qu'elle avait besoin de l'eau d'une source aux alentours de Glastonbury, dans le Somerset.

Elle se rendit à Poudlard pour consulter la bibliothèque à ce propos. Les informations sur la flore britannique se trouvaient facilement en ligne, ce qui n'était pas le cas de celles qui concernaient les sources magiques, inconnues des Moldus. Il était tard et la plupart des élèves étaient déjà couchés, mais elle pouvait sentir dans l'air du château des effluves adolescentes révélatrices de leur présence alors qu'elle traversait les couloirs pour rejoindre la bibliothèque.

Mme Pince l'accueillit aussi chaleureusement que d'habitude et la laissa consulter librement les livres. Elle apprit qu'il existait une source appelée la Source Verte dans Les sources magiques de Grande-Bretagne, origines et propriétés, par Claire Fontaine. Cette Source Verte se trouvait dissimulée dans un lieu connu des Moldus, les Jardins des Puits du Calice. Elle fit quelques recherches complémentaires sur les Gardiennes du Puits mentionnées dans le premier livre dont elle retrouva la trace dans différents manuels sur l'ancienne magie classés dans la Réserve.

Ayant rassemblé tous les renseignements dont elle avait besoin, elle salua Mme Pince et quitta le château par Cheminette. Elle émergea au Mitre, le bar relié au réseau de Cheminette le plus proche de son cottage, et de là transplana directement dans son salon.

Hermione allait donc se rendre à la Source Verte le jour d'Imbolc. Il lui faudrait cependant vérifier la végétation alentour avant de faire son prélèvement.

Elle passa le reste de cette soirée là à répertorier toutes les plantes qu'elle allait devoir chercher, puis en recopia soigneusement la liste. Elle afficha la carte du Somerset sur l'écran de son ordinateur. Elle repéra un sentier de randonnée prometteur, le Chemin de Mendip. Par acquis de conscience, elle en lista deux autres au cas où elle n'arrivait pas à repérer toutes les plantes sur le premier.

Satisfaite, Hermione ferma tous les onglets, qui contenaient également des illustrations de ces fameuses plantes et s'étira. Pattenrond, couché sur le tapis à ses pieds, l'imita en baillant à se décrocher la mâchoire. Hermione déposa son ordinateur portable sur la table basse devant le canapé et se dirigea vers la cuisine.

Elle sortit un plat préparé du frigo - endives au jambon - et l'enfourna dans le micro-ondes.

"Je vais devoir passer à Gringotts la semaine prochaine," dit-elle à Pattenrond. "J'ai finalement découvert comment acheter les Gardiennes du Puits Vert, il faut de l'or, du grain et des abats."

Le chat suggéra que, puisqu'elle allait sur le chemin de Traverse, elle pourrait peut-être lui ramener cette pâtée de rat qu'ils vendaient à la Ménagerie Magique. Pour changer des boîtes de thon.

"Je n'aurais sûrement pas le temps pour un détour, mais quand je passerai à la boucherie pour acheter les abats, je te ramènerai du mou, promis."

Cette alternative sembla satisfaire Pattenrond, il sauta sur le plan de travail et se roula en boule pour regarder Hermione manger.

Ce qu'elle fit, un œil sur sa fourchette, l'autre sur son téléphone. Il y avait une bibliothèque dans le Somerset qu'elle avait envie de visiter depuis des années. Elle planifiait d'y aller après avoir récupéré l'eau de la source. Le site disait que l'orangeraie qui entourait la bibliothèque était aussi charmante que le bâtiment lui-même. Voilà qui promettait une conclusion idéale après une journée de randonnée dans le froid de février.

ooo

"Mes recommandations," dit Malefoy en claquant un rouleau de parchemin sur le bureau d'Hermione. "Des mesures tout à fait standards pour des vulnérabilités tout à fait évidentes. Je les ai passées en revue avec Shacklebolt. Il est d'accord pour retirer la demande de garde rapprochée si tu t'y conformes."

Hermione leva les yeux vers lui. Il venait de faire irruption dans son bureau, toujours vêtu de ses robes d'Auror impeccables, son insigne brillant sur son torse. Ignorant son ton hautain, Hermione reporta son attention sur le parchemin et le déroula pour découvrir qu'il atteignait le sol. Elle cligna lentement des yeux face à la nouvelle tâche qui se présentait à elle. Il allait lui falloir un temps fou pour décrypter les centaines de lignes de pattes de mouche de Malefoy.

"Des choses en particulier sur lesquelles tu voudrais attirer mon attention, histoire de gagner du temps ?"

"Oui," dit Malefoy. "Le point cinquante-six."

Hermione parcourut la liste jusqu'à la ligne en question. "La Cible doit accepter de porter la Bague à tout moment, jusqu'à complétion du Projet," lut-elle à voix haute.

"C'est bien ça," dit Malefoy.

"Quelle bague ?" demanda Hermione.

"Celle-ci," dit Malefoy en lui lançant une bague. Le petit anneau d'argent atterrit sur le parchemin, tournoya une fois, puis s'immobilisa.

Hermione, qui après son attaque de leur dernière visite était plus que méfiante à son égard, observa le bijou sans le toucher.

"Je n'ai pas envie de t'entraîner à résister à l'Imperium ou au Véritaserum, ou à la magie de self-protection, ou à l'Occlumancie avancée, ou de te coacher sur l'autodéfense (Dieu nous en préserve ; on dirait que tu pourrais au mieux affronter un moucheron) - et pas plus que, je pense, tu ne veuilles subir tout ça."

"En effet," dit Hermione en reportant son attention sur Malefoy. Cette introduction, bien qu'offensive, était prometteuse.

"Pas plus que je n'aie envie de faire la sentinelle à ta porte comme un glorieux garde du corps, à attendre que se produise le truc que Shacklebolt pense qu'il se produira."

"Oui," dit Hermione, de plus en plus enthousiaste. "Continue."

"J'ai donc présenté cette option à Shacklebolt, qui me permettra - en gros - d'être alerté si quelque chose t'arrive, et de transplaner instantanément près de toi. Je pourrai faire un meilleur usage de mon temps, et toi, tu pourras suivre ton emploi du temps habituel - péniblement chargé, au passage - sans être embêtée."

Ce qui semblait être une solution idéale. Excepté cette bague. Hermione la tapota de sa baguette. Le dernier bijou qu'elle avait vu Malefoy offrir était le collier de Katie Bell qui l'avait menée à Sainte Mangouste pendant des mois, ce qui n'augurait rien de bon.

"Elle ne va pas te tuer," dit Malefoy, l'air exaspéré par sa méfiance.

Hermione croisa gravement son regard. "Mes données sont, certes, plutôt limitées, mais j'ai vu les conséquences du dernier bijou donné par Drago Malefoy, et c'était - alarmant. Tu devras m'excuser si je ne la mets pas immédiatement. J'aimerais l'analyser."

"Je suis heureux de voir que tu possèdes un instinct de survie," dit Malefoy après un temps d'arrêt. Il fit un geste vers la bague. "Vas-y, analyse."

Hermione lança quelques sorts de détection, qui firent briller la bague de magie tournoyante et translucide. "Alors - à quoi correspond tout ça ?"

"Te le dire ne serait pas marrant, tu ne penses pas ? À toi de me dire," dit Malefoy.

Et là-dessus, il se réinstalla dans la chaise dans une pose qui se voulait détendue mais son air très snob le faisait surtout paraître guindé. Il avait cependant l'air ravi de pouvoir l'observer à son tour résoudre une énigme. Qu'il observe, les diagnostics n'avaient rien de sorcier pour une Guérisseuse.

Elle parcourut les sorts un par un, repérant rapidement les plus critiques. Elle énuméra ses trouvailles. "Un charme de localisation, diverses runes protectrices (merci pour l'attention), une balise de détresse, un capteur de fréquence cardiaque..."

Finalement, ça ressemblait assez au FitBit qu'elle utilisait quand elle faisait du yoga le matin. Il était amusant de voir que Malefoy avait réinventé à la mode sorcière un objet moldu.

"Qu'est-ce qu'il y a de drôle ?" demanda Malefoy en la voyant sourire.

"Tu as inventé un FitBit pour sorciers."

"Je te demande pardon ?" demanda-il, l'air d'avoir avalé un citron entier.

"Oublie ça. Qu'est-ce que c'est que ce truc pas fini, là ?" demanda Hermione, pointant de sa baguette un nœud vert fantomatique de calculs d'Arithmancie. Elle n'avait jamais rien vu de tel, et pourtant elle s'y connaissait en Arithmancie.

La question sembla irriter Malefoy. "Je n'ai pas encore terminé ça."

"Qu'est ce que c'est censé être ?"

"Un Portoloin. Au cas où tu ne pourrais pas transplaner ou que tu te retrouverais piégée dans un champ anti-transplanage. Je n'ai pas résolu les équations."

Ce nouvel éclairage sur le nœud d'équations lui fit comprendre ce qu'il avait essayé de faire. C'était assez impressionnant, elle n'aurait jamais pensé qu'on pût utiliser l'Arithmancie de cette façon pour en faire un Portoloin.

"Un Portoloin sur demande, ce serait quelque chose," dit-elle.

"Portus est une saloperie d'enchantement," dit Malefoy, légèrement boudeur.

Elle le comprenait, il était frustrant de s'attaquer à un problème complexe sans réussir tout à fait à le résoudre.

En tout cas, elle ne pouvait pas dire qu'il prenait les choses à la légère, il avait réellement essayé de trouver une solution au problème de sa sécurité, poussant les choses jusqu'au bout de ses capacités. Un nouveau respect commença à émerger en elle.

"Tu as déjà pensé à faire d'autres bagues dans ce genre ? Tu pourrais facilement en vendre," dit Hermione en tenant l'anneau en l'air.

"J'ai l'air d'avoir besoin d'argent ?" demanda Malefoy.

Le ton la fit revenir à la réalité. Elle leva les yeux vers lui, se raidissant. Ils avaient été dangereusement près de basculer dans une conversation civile et elle avait oublié à qui elle parlait. Malefoy, peut-être efficace mais toujours aussi snob. Elle renifla pour toute réponse.

"De toute façon, je ne peux pas fabriquer la bague en série," dit Malefoy.

"C'est ça." Hermione soupesait l'anneau dans la paume de sa main, sentant qu'il s'agissait d'un objet ancien. "Parce que ce n'est pas une simple babiole sur laquelle tu as ajouté quelques charmes."

"Non."

"C'est un Artefact."

"En effet."

"Un bijou de famille, si je devais deviner."

Elle avait repéré le charme de dissimulation qui cachait la véritable apparence de la bague.

"Oui."

Elle tapota la bague de sa baguette pour révéler son apparence originelle - un ouroboros d'argent ouvragé, dévorant sa propre queue à l'infini. Sur la face intérieure, il était inscrit : Sanctimonia Vincet Semper. Pureté toujours victorieuse. Ecoeurant.

"Tu es certain que cette bague ne va pas immédiatement essayer de m'amputer le doigt ? Je ne suis pas pure, après tout," dit Hermione froidement.

"Est-ce que tu as vu la moindre trace de magie noire ?" demanda rapidement Malefoy, sur la défensive.

Elle n'en avait effectivement pas détecté lors de son analyse. Mais Malefoy rimait avec méfiance.

"S'il y avait de la magie noire, elle a disparu," admit Hermione.

Elle tapota à nouveau la bague, la faisant revenir à l'état d'anneau d'argent. Elle réfléchit. Si la bague n'était pas maléfique, la solution que proposait Malefoy était brillante. Elle pourrait continuer ses recherches en sécurité - bien qu'elle persistât à croire qu'il n'y avait pas de danger pour le moment - , voir Malefoy le moins possible - voire pas du tout, puisque pas de danger - et satisfaire Kingsley. Il faudrait juste qu'elle examine en détail les deux cent points de la liste de Malefoy avant de se décider.

"Je vais avoir besoin de temps pour éplucher cette liste incroyablement complète de recommandations," dit-elle finalement.

"Prends le temps dont tu as besoin," dit Malefoy. "Mais sache que l'alternative de Shacklebolt, c'est d'installer un lit de camp pour moi, pour passer la nuit dans ton laboratoire."

Elle le dévisagea, cherchant une trace d'humour sur ses traits aristocratiques. Il resta imperturbable. Y avait-il une chance pour que ça soit la vérité ? Ou faisait-il dans l'humour pince-sans-rire ? Oui, ça pourrait bien être son genre.

"J'ai besoin de réfléchir au point cinquante-six en particulier.," dit-elle finalement, éludant la remarque. "Veux-tu reprendre la bague en attendant ?"

"Garde-la," dit Malefoy. "Fais-la analyser par tes amis - il n'y a pas un frère Weasley qui est censé être bon dans ce domaine ? - et quand tu n'auras plus de doutes, envoie-moi un hibou, et nous pourrons reprendre le cours de nos vies."

Cette pensée réconfortante lui donna un peu de courage et d'espoir. Elle n'allait pas se coltiner Malefoy à longueur de journée, de soirée, de nuit - horreur.

"Je le ferai," dit-elle.

Deux étudiants d'Hermione frappèrent à la porte, tous excités. Elle leur avait confié la tâche de synthétiser des antigènes GP100 à partir de levure de Bièreaubeurre, opération délicate, qu'ils avaient dû réussir.

Elle enfila sa blouse pour les rejoindre dans le laboratoire alors que Malefoy se levait pour partir. Elle était un peu mal à l'aise de voir qu'il s'était démené pour elle alors qu'elle n'avait pas cherché la moindre solution face à la demande de protection de Kingsley. Elle aurait dû le remercier et admettre que son idée était excellente, mais c'était Malefoy dont il s'agissait, son niveau d'arrogance était déjà très élevé, et elle avait sa fierté. Voyant qu'elle tergiversait, Malefoy haussa un sourcil dans sa direction.

"Je suppose que je dois te remercier. Pour avoir travaillé sur le sujet comme tu l'as fait. Je n'ai pas exactement fait ma part pour trouver une solution à la requête de Shacklebolt. La bague est une bonne idée."

"Je pense que tu fais plus que ta part ailleurs," dit Malefoy en partant.

Elle médita sur cette réponse surprenamment aimable en marmonnant un au revoir.