Chapitre 2 : Le prétendant
Le lendemain matin, Valaena eut du mal à sortir un pied de son lit. Elle avait une myriade de questions. Avec qui son auguste mère souhaitait elle la marier ? Avec quel seigneur finirait-elle ses jours ? Il y a longtemps, ses parents voulaient qu'elle épouse Vaegon. Ils avaient compris tardivement que les deux ne seraient jamais un couple, Valaena et Vaegon, eux, l'avaient toujours su.
Sans Alya qui la traîna jusqu'à sa coiffeuse, sa mère aurait pu attendre un long moment. Alors qu'elle était assisse à se faire tresser les cheveux, Valaena songea à ses sœurs cadettes, sa belle Viserra, son impétueuse Saera et sa douce Daella. Daella subirait le choix de leurs parents, mais ses petites sœurs si volontaires se soumettraient elles à leurs destins ?
Ce n'est que la main d'Alya qui la sortit de ses pensées sombres. Elle décida d'en finir et se rendit devant les appartements de sa mère. Quand Valaena entra, Alysanne déjeunait avec ses dames. La princesse attendit donc patiemment que sa mère l'invite à s'asseoir avec elles, tout en prenant place elle refusa la nourriture offerte par les serviteurs, ne pensant pas pouvoir avaler quoi que ce soit, tant que sa vie future restait si incertaine. Elle attendait donc que ces femmes finissent de roucouler, de parler et de rire. Heureusement, rapidement, sa mère mit fin au spectacle et leur demanda de sortir.
Quand elles furent seules, Alysanne observa sa fille avec un œil critique. Valaena se soumit à cette inspection et étudia de même sa mère. La bonne reine avait vieilli, ses multiples grossesses l'avaient affaibli, des cheveux blancs commençaient à apparaître et les rides autour de ses yeux devenaient plus prononcées. Devant le silence, Valaena se demandait ce que sa mère pensait elle ? Le dirait-elle, si elle osait demander ? Valaena répondit immédiatement à sa question. Non, elle ne le ferait pas. Il n'y avait aucune place à la vérité dans cette famille. Il était plus simple de mentir et d'omettre.
- Tu as grandi ma chère. Tu es devenue une magnifique jeune femme… Ton père et moi avons réfléchi, à propos de ton mariage et nous pensons que le meilleur parti pour toi serait un grand seigneur. Nous avons donc décidé, dans le but de renforcer nos relations avec le nord, de proposer ta main au seigneur Edric Stark. Nous avons reçu sa réponse hier. Il a accepté.
La reine souriait, Valaena non. Alors c'était le nord froid qui l'accueillerait. Ce n'était pas une nouvelle si terrible, Edric Stark devait avoir vingt ans et selon les rares témoignages qu'elle avait entendu, il était plaisant à voir et il vivait selon un certain code d'honneur, mais par les sept, que le Nord était loin de sa famille.
— Tu ne sembles pas heureuse. Nous avons longuement discuté avec ton père et…
— Vous voulez vous débarrasser de moi ?
La question échappa à Valaena avant qu'elle n'ait pu l'arrêter. C'était l'enfant en elle qui s'exprimait, celle qui avait manqué de la chaleur de ses parents, la présence de frères et de sœurs, d'un foyer aimant.
— Valaena ! Le ton de la reine monta. Tu as 16 ans ! Tu n'es plus une enfant ! Tu es une femme désormais ! Tu ne pensais quand même pas finir tes jours ici ? Toi, comme tes sœurs devaient servir le royaume !
— Mais je n'ai jamais rencontré Edric Stark. Si… Si c'est un homme méchant, s'il me fait du mal, si…
— Que tu le veuilles ou non, tu épouseras Edric Stark dans trois lunes ! Valaena ouvrit la bouche pour répliquer, mais sa mère leva la main. Le seigneur Stark vient à Port-Réal, une fois mariés et le mariage consommé, tu partiras pour Winterfell et tu deviendras lady Stark. La chose est réglée ! rugit presque la souveraine.
Valaena était au bord des larmes, de frustration, de tristesse, de colère ou de désespoir elle l'ignorait, mais elle voulait pleurer.
— Oui majestée, répondit la jeune femme d'une voix étranglée en essayant de maîtriser ses émotions.
— Bien, très bien, sourit la reine apaisée par la soumission de sa fille. Nous avons commencé à te confectionner une robe, mais nous avons besoin de tes mensurations.
La reine dernière se lança dans l'explication des préparatifs du mariage. Si Valaena n'en entendit pas un mot qui aurait pu lui en vouloir.
Trois mois passèrent ainsi. Valaena se rendait chaque matin dans les appartements de sa mère, qui critiquait chacun de ses choix et imposait les siens. Puis, les dames cousaient et prenaient des mesures. Quand son estime d'elle-même était au ras du sol, sa reine la libérait de sa présence et Valaena pouvait prendre son repas avec ses sœurs cadettes. Vaegon avait juré de revenir pour son mariage, mais en attendant, il était reparti à la citadelle. Son absence lui pesait chaque jour un peu plus. Combien de fois s'était-elle imaginée se vêtir comme un homme et s'échapper du Donjon Rouge pour le rejoindre à la Citadelle, ou même voler un dragon et faire comme leur cousine Aerea. Elle avait pu être libre, voler vers Valyria et voir les merveilles que leur monde renfermait. Hélas, ce n'était qu'un rêve.
L'après-midi, elle se rendait incognito en ville pour superviser les travaux de son nouveau projet : une maison pour les femmes et les enfants sans ressources. C'était l'une de ses dernières idées, après la création de deux orphelinats pour fermer les combats d'enfants qui se déroulaient dans la rue de la soie. Son père et ses frères ne s'en souciaient pas, mais comment pouvait-on laisser une telle chose se produire. Ce n'était que des enfants !
Son allocation de 500 dragons d'or par mois lui permettait d'envisager un autre avenir pour son peuple et elle serait damnée si elle ne donnait pas une chance aux chasseurs de rats des rues de sa ville. Si ses parents apprenaient comment elle dépensait son argent, jamais elle n'en entendrait la fin, car le domaine de la charité était l'apanage de la reine et non celui de la princesse, surtout la troisième fille du couple royale.
Une fois rentrée au Donjon Rouge, la jeune femme devait encore endurer le repas de famille. Ce fut un de ses soirs ou sa patience, déjà mise à l'épreuve par sa mère, se brisa en mille morceaux.
— Valaena aura droit à un dragon après son mariage ? demanda Viserra avec une adorable mimique.
Alyssa éclata de rire en donnant un léger coup sur l'épaule de Baelon qui sourit gentiment à son épouse et narquoisement à sa cadette.
— Non Viserra ! jaillit de la bouche du roi.
Le ton amena des larmes aux yeux de la fillette qui retourna à son assiette. Valaena, assit à côté d'elle lui serra la main, mais le mal était fait et la future mariée se tourna brusquement vers son père.
— Sa question est pertinente père. Alyssa a eu le droit de prendre un dragon après son mariage avec Baelon. Valaena vit son père commencé à lever les yeux au ciel. Oh, je sais, la différence entre Alyssa et moi, inutile d'essayer de me l'expliquer. Valaena se tourna vers Viserra et releva son menton pour la regarder dans les yeux. Un dragon est une arme et les seuls autorisés à la manier sont les Targaryen. Un homme de préférence, car une femme est incapable de réfléchir par elle-même. N'est-ce pas père ? C'est bien pour cela que vous poussez Jocelyn et Aemon à essayer d'avoir un garçon, alors que les mestres ont dit qu'un autre enfant risquait de tuer Jocelyn ? Il est inenvisageable que notre futur souverain soit une femme. N'est-ce pas ce que vous pensez ô mon gracieux souverain ? L'air doux et gentil de la princesse contrastait avec l'éclat de ses yeux améthyste qui lançaient des éclairs.
Pendant une seconde, Jaehaerys eut l'image de sa grand-tante devant lui, Visenya le jugeant d'outre-tombe. Et ça, il ne pouvait le supporter. Le roi se leva d'un bond. Son énervement soudain surprit toute la pièce. Daella se couvrit les oreilles, Viserra et Saera se reculèrent dans leurs chaises et les ainés du couple fixèrent le spectacle sans comprendre.
— Qui crois-tu être pour juger un roi ? Jamais tu n'auras un dragon ! Jamais ! Vivement que ton sauvage de seigneur t'emmène ! Sors de cette pièce ! Hors de ma vue !
Valaena observa son père avec stupeur, avant de serrer la mâchoire de s'incliner et de sortir. Ce n'est que dans ses appartements qu'elle s'autorisa à pleurer. Alya fit de son mieux pour la réconforter, mais le pont étaient définitivement brisés, plus jamais elle ne pourrait regarder son père, pardon son roi et ne pas penser à sa rebuffade. Elle n'était qu'une poulinière, une pièce détachable qui pouvait être expédiée au bon plaisir de sa famille. Elle n'avait jamais eu sa place à Port-Réal.
Avant de fermer les yeux, la princesse se demanda si les propos de Jaehaerys étaient vrais. Edric Stark était-il un sauvage ? Aurait-elle droit d'être elle-même, ou serait-elle réduite à n'être qu'une ombre derrière son seigneur époux ?
PS : 1- Jaehaerys et Alysanne n'ont pas dit à leurs enfants ce qui était arrivée à Aerea, pour eux, Aerea est partie à Valyria. Quelques temps après, elle est revenue de son voyage, mais est morte d'une fièvre.
2- Valaena est la troisième fille, vivante, elle n'a jamais connu Daenerys.
