« Scott ne sera pas là. »
Il avait beau relire ce message et vouloir le croire, Stiles n'arrivait pas à se rassurer. Les mots de Derek, s'ils n'avaient rien de chaleureux, n'étaient pas non plus secs ou agressifs. Mais s'il se trouvait face à lui, l'hyperactif aurait sans doute plus d'informations sur ce qu'il pensait, sur une hypothétique émotion qui pourrait le traverser… Or, l'écrit limitait la compréhension si l'on ne connaissait pas très bien la personne avec qui l'on devait échanger et encourageait malgré lui le développement de l'imagination. Il y avait, par conséquent, matière à interpréter… Et c'était exactement ce que Stiles faisait.
Dans tous les sens. A s'en donner le tournis, la nausée, jusqu'à s'empêcher de réfléchir correctement. Puis, est venu un moment où il avait réussi à souffler, un peu. A se poser pour enfin penser, finir par enfin s'avouer qu'il avait peur. Pas de Derek, pas des membres de la meute en général. Il s'en méfiait désormais, ça c'était certain. Leur parler, il n'en avait pas envie.
C'était Scott qui le terrifiait. Parce qu'il était censé s'agir de son meilleur ami, le seul être – à part son père – à qui il pensait pouvoir confier sa vie sans aucun problème. La confiance qu'il plaçait en lui était aveugle… Jusqu'à ce jour. Bordel, Scott avait tenté de lui faire du mal ! En ce qui concernait ses intentions précises, il était clair qu'il valait mieux qu'il ne les connaisse pas. Pour être honnête, il n'en avait pas envie. L'idée de simplement le croiser lui foutait les jetons. Stiles n'avait pas pour autant développé une peur panique des loups-garous. Il n'avait juste, au final, plus confiance en grand-monde. Pour l'instant, il avait besoin de se laisser le temps de comprendre, de digérer pour mieux appréhender la suite.
Autant dire que plus il y pensait, plus il se croyait certain de refuser la demande de Derek, à savoir de venir au loft le lendemain en fin de journée, après les cours. Le jeune homme n'avait pas foncièrement envie de risquer, si ce n'est sa vie, le peu de confiance qu'il pensait encore accorder à certaines personnes.
Et en même temps, se pointer serait là le meilleur moyen de leur faire comprendre que ses paroles avaient un seul et unique sens : celui de la vérité. Il avait quitté la meute, ce qui signifiait qu'il n'y avait plus aucune raison de l'appeler à venir au loft. Quel que soit le motif, quelle que soit l'idée derrière cette demande… On n'avait plus à la lui faire. Encore une fois, il n'en voulait à personne, si ce n'est Scott et il était hors de question qu'il continue de le « servir », d'une façon ou d'une autre. Même aider ses amis, si ça concernait la meute… Non. Scott devait comprendre que ce qu'il lui avait fait, c'était violent. Grave. Peut-être difficilement pardonnable. En tout cas, il lui faudrait ramper s'il désirait récupérer son amitié. Pour l'instant, aux yeux de Stiles, elle était en pause, s'effilochait d'ailleurs à vue d'œil. Quoi de plus normal, avec ce qu'il lui avait fait ? L'hyperactif ne pensait même plus à une tentative, mais bien à un acte en lui-même. Car même si on avait empêché Scott de lui faire du mal, l'idée était là. Elle n'avait pas quitté les yeux de l'alpha jusqu'à son départ du loft.
Ainsi, ce soir-là, Stiles hésita, mais finit par partir du principe qu'il rentrerait chez lui après les cours, qu'il n'accèderait pas à la demande de Derek. Qu'est-ce que ça lui apporterait, de toute façon, à part des angoisses supplémentaires ? Il n'était pas remis de cette agression des plus inattendues et commençait à concéder l'idée qu'il lui faudrait bel et bien du temps pour accorder à nouveau sa confiance.
Cependant sa vision des choses changea, s'éclaircit dès son réveil. Oui, il irait. Cette demande, il devait y accéder. Pas pour faire plaisir au loup de naissance, simplement pour lui-même. Pour montrer sa position et, en quelque sorte, se mettre en sécurité. Plus tôt Stiles se montrerait ferme, plus vite on le laisserait tranquille. Puis peut-être qu'ainsi, il tournerait plus vite la page. Cela restait risqué, mais jouable et nécessaire, finalement. Il voyait ça comme un moyen de tirer un trait sur… Une période qu'il adorait, mais soit. Il n'était pas complètement fermé à l'idée de revenir un jour : il tenait juste à ce qu'on le respecte et que Scott se remette en question. Sinon, tant pis pour lui, pour eux. Stiles avait longtemps accepté qu'on lui marche dessus mais cette agression lui faisait progressivement comprendre qu'il avait… De la valeur, son mot à dire. Qu'il n'était pas une serpillère. Il écoutait toujours les autres et ne les jugeait jamais vraiment, alors pourquoi accepterait-il qu'on le traite différemment, qu'on le traite comme une merde ? Pour l'instant, seul Scott avait agi de cette façon avec lui, mais une meute avait tendance à suivre son chef et Stiles n'avait absolument pas l'intention que cela arrive. Pour une fois, il se considérait comme sa propre priorité.
Parce qu'il avait eu peur pour sa vie après coup et qu'il s'était rendu compte qu'elle était naturellement fragile. Un rien pouvait y mettre fin. C'était d'ailleurs un miracle qu'il soit encore en vie aujourd'hui : lorsqu'il se repassa le film de ces dernières années, Stiles se rendit compte qu'il avait été relativement stupide dans sa manière d'agir et de braver le danger. Le problème, c'est qu'il avait toujours eu de la chance – elle semblait lui coller aux fesses. Ainsi, elle lui avait fait oublier sa forte mortalité. Avec Scott aussi, cette fameuse chance lui avait souri.
Mais cette fois-ci, Stiles avait compris. Parce que l'agression, la violence venait de son meilleur ami. Un proche en qui il avait confiance et à qui il avait confié sa vie jusque-là sans jamais douter du fait qu'il puisse un jour chercher à la piétiner de la sorte.
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Son sac était plein de tout, sauf d'affaires de cours. Il n'y avait pas grand-chose d'utile à l'intérieur, si ce n'est quelques accessoires qu'il avait pris pour se rassurer. Stiles était passé faire un tour au cabinet de Deaton, juste au cas-où. Et si le vétérinaire l'avait regardé d'un air on ne peut plus perplexe, il avait accédé à chacune de ses demandes sans lui poser la moindre question – une retenue que l'hyperactif avait beaucoup appréciée et dont il ne manquerait pas de se souvenir. Au moins, tout ce qu'il avait en sa possession le rassurait et c'était peut-être le plus important actuellement.
Seuls trois « outils » pouvaient lui servir, dont un qu'il devrait utiliser dès son entrée à l'intérieur. Un moyen d'aussi bien se protéger que de montrer que sa méfiance n'était pas feinte. Il n'y aurait sans doute que Derek – peut-être Peter, l'éternel oncle collant, se joindrait-il à la fête –, mais c'était amplement suffisant pour lui faire peur. N'importe quel loup-garou pouvait le mettre à terre en un claquement de doigts. Dans la poche avant droite de son pantalon se trouvait une petite bombe, laquelle avait l'apparence d'une bombe au poivre tout à fait classique, mais qui contenait de l'aconit. Dans la petite encoche gauche de sa veste, un canif fermé dont il avait badigeonné de poudre d'aconit mélangée avec un certain liquide pour que le poison adhère.
Stiles se jetait dans la gueule du loup, mais pas n'importe comment. Il s'était préparé en partant du principe que la demande de Derek était un piège. Sans doute l'hyperactif était-il allé un peu trop loin dans son interprétation, mais… Au moins, il avait de quoi se défendre, ou de dissuader de l'attaquer.
C'était… Juste au cas-où.
