Chapitre 3 - Ne pas déranger


Hermione se réveilla le lendemain matin à la voix de Malfoy qui lisait la Gazette du sorcier et pressa une main contre son front.

« À quel moment as-tu pensé que lier ton esprit avec quelqu'un était une bonne idée, exactement ? » lança-t-elle.

« À aucun moment, Granger. Je ne suis pas complètement stupide. »

« Je peux savoir ce que tu essayais de faire dans ce cas ? »

« Mais bien sûr, tant qu'on y est, tu veux un peu de thé pendant que je te dévoile mes projets ? »

Il reprit sa lecture de la Gazette. Hermione s'habilla donc en écoutant les nouvelles du monde magique. Tous les gros articles parlaient du Tournoi des Trois Sorciers, établissant des pronostics sur les futurs épreuves et champions, contant les anciens exploits, décrivant les impacts internationaux du tournoi. Avant de descendre, elle déposa une nouvelle soucoupe d'eau dans le tiroir de sa table de chevet pour le Vivet.

Harry et Ron l'attendaient déjà dans la salle commune.

— Tu n'es pas rentrée hier soir ? demanda aussitôt Ron.

— Si. Un peu tard c'est tout. Je me suis installée dans une salle de cours quand la bibliothèque a fermé et je me suis endormie. Je voulais réviser dans le calme, ajouta-t-elle.

Ron ne posa pas plus de questions, mais fronça les sourcils quand elle annonça qu'elle retournait à la bibliothèque après le petit-déjeuner.

— Même toi tu profites des week-ends d'habitude. C'est encore pour cette histoire de sale c'est ça ?

— S.A.L.E. Ron ! Pas sale.

— Tu ne veux pas laisser les elfes de maison un peu tranquilles ?

— Bien sûr. Quand ils auront conditions de travail convenable, répliqua-t-elle en se levant.

Elle comptait bien poursuivre ses activités concernant la S.A.L.E. au plus tôt, mais la santé du Vivet doré venait avant. Elle parcourut le rayonnage de la bibliothèque consacré aux créatures magiques et nota tout ce qui le concernait. Ils se nourrissaient principalement de petits insectes capturés au vol et du nectar des fleurs, ce qui ne demandait que de l'eau et du sucre à fabriquer.

Elle regagna sa table avec quelques manuels de soin aux créatures magiques et ses notes. Malfoy n'était nulle part.

« Je ne peux pas m'enfermer à la bibliothèque avec toi un samedi matin, Granger. Tout le monde trouverait ça suspect. Qu'est-ce que c'est, cette histoire de S.A.L.E. ? »

Elle l'ignora. Il ne lui restait plus qu'à trouver où cuisiner le nectar. Une fois de plus, Malfoy s'en mêla.

« À tout hasard, les cuisines ? »

« Ce n'est pas comme si les élèves avaient le droit de s'y rendre, Malfoy. »

« Si, on a parfaitement le droit, figure-toi. »

Après quelques réticences, Hermione finit par suivre ses indications. Il la mena aux sous-sols du château, dans un couloir où les torches éclairaient des tableaux chargés de nourriture.

« Va devant la coupe en argent. Chatouille la poire. »

« Tu te fiches de moi. »

« Oui, plutôt souvent, mais là ce n'est pas le cas et je suis occupé donc dépêche-toi. »

Après avoir vérifié qu'aucun professeur, fantôme ou élève ne la surprendrait, et avec l'impression d'être une parfaite idiote, elle gratta la poire peinte. Celle-ci… gloussa. Puis une poignée aussi verte que l'était le fruit se matérialisa. De l'autre côté du tableau se trouvait une immense pièce aux proportions de la Grande Salle, elle aussi traversée de quatre longues tables autour desquelles s'affairaient des petites silhouettes maigres habillées de toges. Plusieurs paires d'yeux globuleux se braquèrent sur elle et les elfes s'agglutinèrent peu à peu, chacun lui proposant de goûter à un plat ou une confiserie maison qu'elle refusa maladroitement.

— Je venais dans l'espoir de pouvoir préparer du nectar ?

Les elfes s'empressèrent d'allumer un feu sous une marmite, y faisant bouillir l'eau où ils versèrent le sucre. Hermione proposa plusieurs fois son aide qui fut poliment déclinée, avec à chaque fois un lot de petits gâteaux en guise d'excuse. Quand le tas posé sur la table à côté d'elle lui arriva au coude, elle arrêta d'essayer d'aider.

Au moins le Vivet aurait un vrai repas bientôt, mais même cette bonne nouvelle apportait son lot d'inquiétudes. Si le minuscule oiseau retrouvait ses forces et l'envie de voler, elle aurait bien du mal à le garder caché dans son dortoir.

Elle passa le reste du samedi à arpenter le château à la recherche d'un coin discret. La voix de Malfoy s'insinuait sans cesse dans son esprit, parfois pour se moquer des pensées qui la traversaient, parfois en proie à ses propres préoccupations.

« J'espère que tu avances sur l'antidote. » lança Hermione en poussant une porte grinçante dans la tour d'astronomie.

« J'ai récupéré quelques livres. Pour me dire ça, tu as trouvé un endroit où le préparer sans être vu ensemble ? »

Elle fit un pas dans une salle sombre. De lourds rideaux masquaient la lumière orangée du soir. En en écartant un, elle découvrit les bureaux repoussés contre les murs et les chaises empilées dessus. La fine couche de poussière témoignait que même les elfes de maison ne venaient pas nettoyer souvent.

« J'ai quelque chose, Malfoy. »

Par chance, ni Ron ni Harry ne se trouvaient dans la salle commune de Gryffondor et elle put ramener le Vivet dans la salle de classe abandonnée sans soulever de question. Elle déposa le chemisier qui enveloppait toujours le minuscule oiseau puis déposa un dé à coudre de nectar à côté de lui. Le Vivet ne réagit pas, pas plus lorsqu'elle poussa un peu d'eau près de lui.

Son inquiétude pour la fragile créature se mêla à celle de perdre sa seule chance de concevoir un antidote, une pensée bien égoïste quand la vie de cet oiseau ne tenait plus qu'à un fil, en partie par sa faute.

La porte de la salle s'ouvrit. Hermione faillit renverser l'eau dans son sursaut.

— S'il refuse de manger, force-le, lança Malfoy en refermant derrière lui.

— Comment veux-tu que je fasse ça exactement ? dit sèchement Hermione.

Avec un claquement de langue agacé, Malfoy récupéra un peu de nectar sur son index. Hermione se tenait prête à l'arrêter, guettant le moindre geste susceptible de blesser l'oiseau. Il se contenta d'approcher son doigt du bec en forme d'aiguille.

Le Vivet resta immobile, sa petite cage thoracique se soulevant rapidement, puis il ouvrit son bec et récupéra une perle de nectar. Malfoy haussa un sourcil en direction d'Hermione qui leva les yeux au ciel.

Après avoir goûté le nectar, le Vivet consentit à aspirer un peu d'eau puis se blottit dans les pans de la chemise. Comme le laisser s'éveiller et piailler dans le dortoir risquait de le faire découvrir, ils décidèrent de le laisser là pour la nuit.

Même si personne n'utilisait la salle, Hermione en scella la poignée par précaution avant de se tourner vers Malfoy.

— Bon…

— Attends avant de redescendre, dit-il simplement.

Restée seule au milieu du couloir, Hermione frotta ses bras comme pour se réchauffer. Elle n'avait pas froid, juste cette sourde angoisse à l'idée que Malfoy entendait tout. Comme si plus rien ne lui appartenait. Elle l'entendit penser qu'ils avaient bien fait de ne pas descendre ensemble, sans doute parce qu'il venait de croiser des élèves. Comme il le faisait pour elle la plupart du temps, elle l'ignora.

Harry et Ron se trouvaient dans leur salle commune à son retour, face à face dans une partie d'échecs version sorcier.

— Tu travaillais encore ? demanda Ron. Tu sais, même toi tu as le droit de te reposer de temps en temps.

Elle secoua la tête en tirant une chaise près d'eux. Que diraient-ils s'ils apprenaient tout ce qui s'était passé depuis la veille ? Peut-être auraient-ils des idées différentes des siennes ? Des conseils sur comment gérer la situation ?

« Personne ne doit savoir, Granger. J'espère que tu n'as pas oublié. Ça vaut pour tes petits copains, sinon notre accord ne tient plus. »

Son espoir retomba alors qu'elle observait la reine noire détruire une tour adverse.


C'est vrai qu'avec la Coupe de Feu ils ont déjà un paquet de problèmes à gérer pendant leur quatrième année, et on rajoute Malfoy haha