Chapitre 34 - Héritage
— Que comptes-tu faire exactement ?
Ils étaient de retour devant la Salle sur Demande. Harry fit glisser le tissu vaporeux de la cape d'invisibilité entre ses doigts puis releva la tête.
— Lui parler, pour commencer.
Il entra en premier et Hermione poussa Ron dans un coin de la pièce pendant que Harry s'avançait vers Draco. Assis dans un fauteuil, un livre à la main, il continuait de lire comme s'il n'avait pas remarqué leur entrée. Il tourna une page.
— Je suppose que si tu te tiens planté là dans un silence gênant, c'est que tu as une faveur à me demander, Potty ?
Harry abaissa son livre et ils se toisèrent.
— Non.
— Dommage. Qu'est-ce que tu me veux alors ? Tu n'es pas Granger, donc je suppose que tu n'es pas juste là pour m'admirer.
Il adressa un sourire en coin en direction d'Hermione avant de reporter son attention sur Harry et elle leva les yeux au plafond. Sur une des branches, le Vivet émit une note joyeuse.
— J'ai une solution pour toi, reprit Harry. Pour vous. Pour que tu puisses quitter ton dortoir et venir ici sans te faire voir.
— Encore ce plan ? Oublie. Je finirais par être surpris.
— Et alors ? intervint Ron d'un ton agacé. Tu n'auras qu'à mentir, tu sais très bien le faire non ?
Draco se leva.
— J'ai déjà fait trop de faux pas cette année. Le cours d'Hagrid, mon absence au bal, arrêter de vous insulter. Ils l'ont tous remarqué. S'ils se rendaient compte que je m'absente en pleine nuit, seul, et qu'ils décidaient de fouiner du côté de mes parents ? S'ils apprenaient que Granger a passé les vacances chez eux sous prétexte d'un travail de groupe qui n'a — oh mais attend un peu — mais oui, qui n'a jamais existé, il se passera quoi à ton avis ?
Il y eut un silence. Hermione frôla son bracelet. Les Serpentards avaient remarqué son changement d'attitude et son absence au bal ? Il ne lui en avait rien dit.
— Tu peux être tranquille, ça n'arrivera pas, dit enfin Harry en lui tendant la cape d'invisibilité.
Au contact du tissu, Draco referma la bouche pour l'examiner. Il le fit glisser entre ses doigts, la soupesa, puis releva la tête, l'air interdit.
— Une cape d'invisibilité ?
— Pas de celles qui s'abîment avec le temps, dit Ron. Celle-là est à part.
— Je sais, j'en ai déjà vu passer, répondit Draco en l'enroulant autour de son bras qui disparu entièrement. Prodigieux. Je peux savoir qui te fournit, Potter ?
— Elle appartenait à mon père.
Draco se figea un instant, puis récupéra la cape en le fixant, les sourcils froncés. De longues secondes s'écoulèrent ainsi avant qu'il ne dise d'un ton lent :
— Je ne te suis pas. C'est un héritage de ta famille que tu proposes de me confier ?
— Oui. Et j'ai aussi un moyen de garantir que tu ne seras jamais pris par surprise, ajouta-t-il.
Harry se tourna vers Hermione et sortit un morceau de parchemin de la poche arrière de son jean. Elle entrouvrit la bouche, comprenant où il voulait en venir. Avec une pointe de culpabilité de le déposséder du seul autre bien ayant appartenu à son père, elle accepta la carte du Maraudeur. Draco ne dit pas un mot lorsqu'elle étala le parchemin sur la table devant lui, y pointa sa baguette et récita : « Je jure solennellement que mes intentions sont mauvaises. »
L'encre dessina alors le château sous leurs yeux. Draco replia lentement la cape et se pencha sur les points représentants les différents professeurs et élèves.
— Puisque toi et Hermione pouvez communiquer, elle sera capable de te prévenir si quoi que ce soit cloche lorsque tu retourneras à ton dortoir.
— Mais d'où est-ce que tu...
— Mon père, répéta Harry.
Draco replongea dans son observation. Même sans le lien, Hermione savait ce qui le traversait à cet instant : si des objets magiques aussi puissants lui avaient appartenu, jamais il ne s'en serait séparé. Draco se détacha de la carte.
— Et ?
— C'est suffisant pour que tu puisses rejoindre la Salle sur Demande, non ?
— Pour ça oui, répondit Draco d'un ton trainant. Ce qui m'intéresse c'est ce que tu attends en échange.
Harry le dévisagea un instant.
— Que tu... en prennes soin ? Je te préviens, Malfoy, si tu l'abîmes...
— Épargne-moi les évidences et viens-en au fait, Potter.
— Qu'est-ce que tu veux que je te demande d'autre exactement ? Je ne suis pas en train d'essayer de te louer ma cape.
Draco se tourna vers Hermione.
— Par Merlin, les Gryffondors sont tous aussi niais ou c'est juste lui ?
Après l'avoir dévisagée, puis Ron, il poussa un soupir exaspéré.
— Très bien Potter, mais par pitié, la prochaine fois que tu rends un service qui te coûte aussi cher à quelqu'un qui est dans l'incapacité de refuser, réalise le pouvoir que ça te donne. Tu aurais pu me demander n'importe quoi. C'est trop tard, bien sûr.
— Je n'avais pas l'intention de te faire du chantage.
— Du chan... Par pitié, Potter, qui te parle de chantage ? C'est une négociation.
— Du chantage.
— Pour un enfant peut-être, répliqua Draco en lissant la cape d'invisibilité.
Pour la seconde fois, il les jaugea tour à tour. Le silence s'étira mais ni Harry ni Ron ne dirent un mot. Eux aussi avaient remarqué que Draco hésitait à se lancer.
— Il y a quelque chose dont moi, je dois vous parler, dit-il enfin. Et vous n'allez pas aimer ça.
— Qu'est-ce que c'est ? l'encouragea Hermione.
— J'ai de bonnes raisons de croire que le Seigneur des Ténèbres tente de revenir.
Hermione sentit un léger froid la parcourir, mais Ron se contenta de renifler.
— Oui, entre Quirrell et la pierre philosophale en première année, le journal de Jedusor que ton père a collé à ma sœur en seconde année et tout le monde qui nous met en garde parce qu'il y a des rumeurs et des signalements étranges dans tout le pays, je crois qu'on s'en doutait un peu Malfoy.
— Toi, tu l'ouvres toujours exactement quand il faudrait te taire, répliqua sèchement Draco. C'est un talent à ce stade.
Hermione posa une main sur l'épaule de Ron avant qu'il ne rétorque et se tourna vers Draco.
— Qu'est-ce que tu as entendu ?
— J'ai surpris une discussion de mon père et d'anciens Mangemorts quand on était au manoir. Ils parlaient de la marque des Ténèbres, le symbole avec lequel le Seigneur des Ténèbres marque le bras de ses partisans.
— Ton père discutait avec des Mangemorts, répéta Ron. C'est drôle, présenté comme ça, on pourrait presque croire qu'il ne fait pas partie de leur groupe.
— Weasley, c'est mon dernier avertissement.
— Quoi ? Si je me souviens bien, à la coupe du monde tu...
Hermione lui écrasa le pied.
— Ça n'a vraiment pas d'importance pour le moment. Qu'est-ce qui se passe avec leurs Marques ?
— Elles redeviennent visibles. Quand on voit les moyens que le ministère a déployés autour de la Coupe de Feu, je ne peux pas croire qu'un de vos petits Gryffondor soit parvenu à embrouiller les règles au point de créer une quatrième maison. Vous n'avez pas un dixième de la puissance requise. Ce qui m'inquiète, c'est que quelqu'un ait réussi ça, à Poudlard, sous la surveillance du ministère et celle de Dumbledore. Peu importe qui était le coupable, pour prendre un risque pareil, il doit avoir une sacrée motivation en tête.
En même temps, qui croirait qu'un quatrième année ait pu embrouiller la Coupe de Feu... hein, Ron ?
