Chapitre 10 - Changement de plan


Malfoy écrivit pendant un moment et elle se raccrocha au grattement de la pointe sur le parchemin pour se calmer. Finalement, Malfoy glissa le devoir vers elle. Elle se redressa lentement, consciente de son nez et de ses yeux rouges, mais trop stupéfaite pour ne pas le dévisager.

Il venait de recopier son devoir tâché au propre.

Elle regrettait presque que la Salle sur Demande lui bloque l'accès à ses pensées.

— On a plus urgent que la belette et le cours de métamorphose actuellement, dit-il. Tu as demandé à être seule, qu'est-ce que la salle t'a donné ? Une potion ? Un sort ?

— C'est juste l'effet de la salle, dit-elle en reniflant. Je doute qu'il subsiste une fois dehors.

Malfoy se laissa tomber contre le dossier de sa chaise, fixant le plafond avec déplaisir. Ils passèrent le reste de la soirée à tenter des demandes plus précises, mais la Salle sur Demande se contentait de réitérer en boucle la pièce qui les isolait l'un de l'autre et à la seconde où ils mettaient tous deux un pied dehors, le lien revenait.

.*.

En descendant petit-déjeuner le lendemain, la vue de Ron beurrant ses toasts fit remonter tout le ressentiment de la veille.

— On a des cavalières, l'informa Ron.

— Très bien, et ?

— Un de nous y serait allé avec toi si tu n'avais pas fait toute une scène. Il ne restait plus beaucoup de temps et Harry avait besoin de quelqu'un pour ouvrir le bal.

— Qui te dit que je compte m'y rendre de toute façon ?

— Forcément, puisque tu n'as personne. Et c'est de ta faute.

Hermione lâcha la fourchette qu'elle mourait d'envie de lui planter dans la main. Le tintement quand elle tomba dans l'assiette fit se tourner les têtes autour d'eux.

Non seulement il ne lui proposait de l'accompagner qu'en dernier recours — ou plutôt d'accompagner lui ou Harry, vu que ça ne faisait aucune différence à ses yeux — après s'être fait jeter par les filles plus jolies qu'elle, mais en plus il présentait ça comme une faveur qu'il lui faisait ? Faveur qu'elle avait été trop bornée pour accepter ?

— Neville m'a invitée, lança-t-elle entre ses dents.

— Tu voulais qu'il invite qui ? Même toi tu as refusé.

Même moi ?!

Ron eut la décence de paraître coupable. Il se tourna vers Harry comme pour chercher un soutien et Harry secoua légèrement la tête.

— Tu sais que ce n'est pas ce que je voulais dire, Hermione.

Peu importait s'il voulait le dire ou non, il le pensait. L'odeur sucrée qui s'élevait du déjeuner l'écœura soudain. Elle voulait se lever, quitter la grande salle. Elle ne bougea pas. Un découragement épais l'enlisait sur sa chaise.

« Granger, tu viens au bal avec moi. »

— Quoi ?

— Quoi ? répéta Ron, les sourcils froncés.

Elle se reprit.

« Mais qu'est-ce que tu racontes ? »

« On réfléchira aux détails plus tard. Dis-lui que tu as refusé Neville parce que quelqu'un t'avait déjà invitée et que sa faveur, il peut se la mettre là où son imagination le guide. »

— Hermione écoute… commença Ron.

Son air penaud, ses oreilles rougies, tout la remplit brusquement de colère et un élan qu'elle ne maîtrisait pas la fit répliquer.

— Ne te fatigue pas. Puisque tu veux tout savoir, j'ai quelqu'un pour le bal, mais merci quand même pour ta sollicitude.

Elle attrapa un petit pain et se leva. En s'éloignant, elle entendit Ron murmurer :

— Attends, quoi ? Tu la crois toi ?

— Laisse-la un peu tranquille, répondit Harry.

Tout le reste de la journée, Hermione tâcha d'oublier la décision irresponsable qu'elle venait de prendre. Un coup de colère et un brin d'encouragement de Malfoy avaient suffi pour qu'elle affirme avoir un partenaire, sauf que jamais Draco Malfoy n'irait au bal avec une « Sang de bourbe ».

Les mots de Ron raisonnaient encore : Tu la crois toi ?

Après tout ça, si elle ne s'y rendait pas…

Par moment, elle entendait des bribes de mots, signe que Malfoy réfléchissait au problème lui aussi.

Elle ressassait encore la nuit venue, alors qu'ils profitaient de l'obscurité pour déménager le Vivet et leur matériel de potions dans la Salle sur Demande.

Les murs circulaires et couverts de livres n'étant pas idéaux pour un oiseau, la Salle sur Demande traversa les étagères de branches qui se rejoignaient au centre en un plafond vert parsemé de pétales blancs. Derrière, le bleu d'un ciel se mit à briller et les murs s'écartèrent pour agrandir l'espace. Hermione sursauta quand le plancher se déroba sous ses chaussures, remplacé par un sol en terre battue où naissaient de fausses touffes d'herbe.

Cerise sur le gâteau, aucun de ces changements n'altéra la barrière qui la coupait de Malfoy.

— Pas mal, dit-il en hissant le chaudron sur la table.

Le liquide bouillonnant avait pris un doux violet prune d'où s'échappaient des étincelles. Hermione plissa le nez. L'odeur amère lui rappelait le café, en cent fois plus fort. Elle consulta sa montre. Encore une poignée de minutes et l'antidote serait prêt.

— À quoi est-ce que tu pensais en m'invitant au bal ?

— À apprendre à Weasley qu'il vaut mieux réfléchir avant de parler. C'est ton tour de tester l'antidote.

Malfoy récupérera une fiole et la remplit à la surface.

— Attends un peu, dit Hermione en tendant sa main. Comment ça ?

Il versa une goutte sur sa peau. Elle se tendit quand le liquide étincelant pétilla contre le dos de sa main. Contrairement au précédent, il ne la brûla pas au sang. Au moins il ne la tuerait pas instantanément. Malfoy sortit sa baguette. Elle contempla la potion puis prit une microscopique gorgée. L'amertume submergea son palais.

— Explique-toi, dit-elle avec une grimace. Beurk. Arf. C'est infect.

— Bois le reste avant. Je ne voudrais pas que tu recraches tout.

La fiole au bord des lèvres, Hermione suspendit son geste pour l'observer, méfiante. Que mijotait-il cette fois ?

Rassemblant son courage, elle avala d'une traite. Son visage se tordit de dégoût. Elle se concentra vite, guettant le moindre signe anormal.

— Alors ? demanda Malfoy. Merlin cette partie était plus simple quand je ressentais tout en même temps que toi.

Au moins, cela conservait un peu de suspense. Comme elle ne tombait pas dans les pommes, Malfoy lui ouvrit la porte de la Salle sur Demande. Elle sortit dans le couloir et se tourna vers lui, les doigts croisés. Il posa un pied dehors à son tour.

« Quelle bouse de scroutt. »

Il envoya un coup de pied dans la porte et rentra dans la Salle sur Demande en boitillant.

— Tout va bien Malfoy ? dit-elle en refermant derrière eux. Ce n'est pas notre premier échec.

— On t'a déjà dit que tu étais douée pour réconforter ?

— Non.

— Tu m'étonnes.

Elle roula des yeux et récupéra une nouvelle fiole dans le chaudron.

— Peut-être que tu dois en boire aussi pour que ça fonctionne.

Sauf que ça ne donna pas plus de résultats. Comme la réponse concernant Ron et le bal se faisait attendre, elle sortit ses devoirs. Ignorant son regard désapprobateur, Malfoy passa sa frustration sur un des livres qui les entouraient.

— Et donc ? dit-elle d'un ton sec lorsqu'il s'assit à côté d'elle.

— Et donc, répondit-il en arrachant une page, la bêtise de Weasley me tape sur les nerfs. Vu que je le subis à travers toi, je ne vois pas pourquoi je me gênerais quand j'ai une occasion de le remettre à sa place.

N'y tenant plus, elle lui arracha le pauvre livre des mains.

— Donc tu comptes le remettre à sa place en venant au bal avec moi. Toi ?

— Ne sois pas stupide, je ne vais pas y aller en tant que Draco Malfoy. Avec tous les élèves de Durmstrang et Beauxbâtons, personne ne s'en rendra compte si je prends l'apparence de quelqu'un d'autre.

— Mais pourquoi je t'ai écouté ? À ton niveau tu ne sais toujours pas qu'il faut un mois pour préparer du Polynectar ? Il nous reste moins de deux semaines !

Malfoy se fendit d'un sourire.

— Et les sixièmes années sont en train d'en étudier. Tout s'achète, tu sais.

— C'est une mauvaise idée. De toute façon tu perds ton temps, parce que je doute que Ron en ait quoi que ce soit à faire de qui m'accompagne.

— On verra bien. Mon objectif, c'est que son regret soit plus amer que cette abomination, dit-il en pointant le chaudron. Ce week-end, on va aller à Pré-au-Lard, toi et moi.


Prochain chapitre : « Opération secrète. ».

A vendredi prochain !