Note : Hello ! Je pensais pas finir ce chapitre si vite. Je pensais pas non plus que le chapitre 8 serait en 3 partie mais je suppose que cette fic fait ce qu'elle veut de moi D:.

Ce chapitre se concentre encore sur le développement relationnel entre Allen et Kanda. Attendez vous à pas mal de moments doux (ce chapitre, c'est majoritairement de la douceur), mais aussi l'habituel mention de violences passées et des conséquences pour les personnages.

TW pour description détaillée d'une crise d'angoisse.

Bonne lecture !


Partie 2

Allen s'endormit lentement contre Kanda suite à un énième baiser. Sa respiration berça l'alpha, calmant son corps bouillonnant de sensations douces.

Kanda ne croyait pas ses sens. Il n'avait pas pensé que ça se déroulerait ainsi. Allen l'avait surpris. La part de son être la plus précautionneuse le poussait à prêter une intention singulière à l'autre jeune homme. Il ne voulait pas qu'Allen ressente une pression qui le pousserait à ce type d'échange. Bien entendu, Kanda n'irait pas jouer les hypocrites : il devait avouer qu'il aimait ce qu'ils avaient partagé et qu'il se réjouissait de la tournure des événements. Du haut de ses 21 ans, ce qui restait fort jeune, Kanda se sentait comme un adolescent, ça lui procurait un sentiment nostalgique bienfaisant. Ça le faisait marrer, en vérité. Il n'aurait pas cru non plus autant apprécier retrouver l'insouciance, les maladresses de l'inexpérience, encore visible chez l'oméga.

Il était loin d'en être indisposé, ou de ne considérer Allen comme attrayant qu'à cause de ça - s'ils en venaient au sexe, l'idée d'être le premier lui plaisait et le flattait pour la confiance placée en lui, certes, mais c'était surtout celle de l'aisance que prendrait Allen avec le temps qui l'attirait.

L'envie de voir quel genre d'amant il deviendrait. Il ne pouvait pas le deviner d'un simple coup d'oeil et Allen n'en avait aucune idée lui-même.

Pour ce qui serait de leur relation, ils l'apprendraient ensemble. Kanda avait beau être expérimenté de son côté, ça ne signifiait en rien qu'il ne s'avançait pas vers des découvertes, des choses à en améliorer en lui, que l'oméga n'aurait pas non plus à l'instruire sur son propre fonctionnement. Tout ça serait important pour connaître Allen.

Kanda se persuadait qu'ils prendraient leur temps quoiqu'il arrive, pour tout ça. C'était ce que dont Allen avait besoin. Que leur relation prenne un aspect physique le rendait heureux, il refusait de le brusquer pour autant. Ce qu'ils avaient suffisait. Si l'adjectif aurait pu être moqueur, ridicule ou simplement péjoratif, Kanda ne pouvait s'empêcher de juger tout ça comme mignon. Il se revoyait, lorsqu'il avait quinze ans et des brouettes, avec Alma. Malgré toute la tristesse qu'il ressentait, Kanda laissait cette douce mélancolie envelopper son coeur.

L'amertume était là, tapie. Il semblait qu'elle apprenait à rester à sa place, celle d'une émotion passée, qui ne devait plus avoir cette emprise. Kanda ne la laisserait pas faire.

Allen remua contre lui. Il avait le sommeil agité, visiblement.

Kanda le serra entre ses bras, l'oméga posant sa tête contre son torse avec un abandon caractéristique. Il se détendait.

En entendant sa respiration sifflante, Kanda succomba à son tour. Il perdit conscience sur un sifflement du Moyashi, le sommeil le fauchant avec adresse. Il n'ouvrit les yeux qu'au petit matin, réveillé par Allen qui tentait de s'extraire de son étreinte sans le déloger de celle du repos... preuve que c'était un échec.

Allen se mit à rire lorsque Kanda émergea dans un grognement, un petit air désolé sur le visage.

« Hmm... je voulais seulement aller aux toilettes. Ça fait longtemps que j'attends que tu te réveilles.

—Ouais, pardon. J'ai pas dormi aussi profondément depuis un bail. »

Kanda avait l'habitude d'être sur ses gardes. Il ne quittait jamais son épée la nuit, si c'était plutôt l'inverse. Mugen était toujours posée contre sa table de nuit. Un rapide coup d'oeil lui montra qu'hier soir, il avait négligé de l'y déposer, trop occupé à bécoter Allen. Pathétique. Il redevenait vraiment comme un ado, il avait même oublié où il l'avait foutue. La cuisine, sans doute.

Il irait la chercher plus tard.

Allen souriait, loin de s'imaginer sa contrariété pour un détail d'apparence si mineure.

Kanda remua entre les draps. Il libéra Allen, lequel resta appuyé sur son bassin et sur son coude, en l'observant. Kanda glissa sur son séant, froissant les draps en se redressant. Il se passa une main sur le visage, s'essuyant les yeux. Il était encore à un peu endormi, mais bien reposé. Allen n'avait toujours pas bougé. Comme s'il ne savait pas quoi faire, ni ce qui était indiqué entre eux. Ça amusa évidemment Kanda. Cela dit, lui non plus ne voulait pourtant pas indisposer Allen en prenant son contact pour acquis.

Les regards se mêlèrent sans se dérober.

Ils hésitaient, l'un comme l'autre. Kanda trancha : il attira le premier Allen contre lui. Il déposa un baiser sur ses lèvres, pressant délicatement pour lui faire ressentir son affection. Le maudit se recula, le visage en feu. Kanda rit.

« Tu es adorable quand tu rougis.

—Cesse de te moquer de moi... »

Joueur, mais désireux de le garder en confiance, Kanda secoua la tête.

« Je dis ça si je veux, Mo-ya-shi. Combien de fois faut que je te répète que c'est pas pour me moquer ? Tu dois apprendre à accepter les compliments. »

Allen haussa les épaules. Il avait une petite moue, qui affichait à elle seule qu'il était dubitatif quant à ce propos, et qu'il était aussi gêné.

« Pardon. Je n'ai pas l'habitude de tout ça. »

Sa moue timide fit fondre Kanda. Il tombait dangereusement sous son charme. Ce mélange détonnant chez lui, entre un ange tombé du ciel et un petit couillon... c'était plaisant. Tout à fait son type, s'il devait en avoir un.

« Putain, tu vas pas aimer, mais t'es encore plus mignon quand tu es comme ça... Cette moue que tu fais. Tes yeux gris sont magnifiques. »

Allen ne s'était pas attendu à l'intensité dans la voix de Kanda à la façon dont il sauta, puis il bégaya, son visage reprenant des couleurs. Kanda put constater qu'il avait raison. Pas sa faute, ses yeux étaient vraiment beaux. Il rit malgré lui. Allen tempêta en réponse.

« Ose me dire que tu te moques pas ! Tu joues à m'embarrasser ! Bakanda ! »

Haussant un sourcil, le susnommé posa sa main sur la hanche du plus jeune. Il colla son front contre le sien, le provoquant délibérément. Il était prêt à se reculer à tout moment si Allen montrait un quelconque signe de malaise quant au jeu qu'il voulait instaurer entre eux.

« Non, du tout. Par contre, il y en a un qui cherche la merde, j'ai l'impression, Moyashi. Je t'ai dit que j'aimais pas ce surnom. »

Se mordant la lèvre, Allen ne chassa pas sa main. Il frotta son nez contre celui de Kanda, ayant bien compris où ils allaient. Kanda en fut soulagé. Allen commençait à lui faire confiance.

« Mouais, j'ai l'impression que tu aimes me faire rougir. »

C'était peut-être le cas, mais pas par moquerie. Allen était simplement adorable avec ses réactions, Kanda désirait qu'il l'accepte.

« Puis, t'es gonflé de râler pour le surnom, à la fin... Je t'ai dit que j'aimais pas le mien non plus, il me semble. »

Vrai. Il continuerait à l'appeler Moyashi. Ça lui plaisait bien trop.

« Il te va bien.

—Le tien aussi, dans ce cas. »

Oh, monsieur le provoquait. D'accord... Décollant son front de celui du maudit, Kanda vola ses lèvres à nouveau. Il aimait l'embrasser. Allen gémit dans le baiser, montrant qu'il ne s'y était pas attendu, aussi, Kanda s'éloigna, de peur de l'avoir trop surpris. Il caressa ses cheveux, marmonnant une excuse.

« C'est bon, » dit Allen, le retenant par la main. « Tu peux continuer. Mais il va vraiment falloir que j'aille aux toilettes, alors pas longtemps. Je ne sais pas jusqu'à quelle heure on s'est embrassé hier... j'ai l'impression que ça a duré. »

Il était devenu cramoisi, tout comme il évitait son regard. Kanda faillit en rire à nouveau, parce que c'était si adorable. Toute son attitude montrait qu'il découvrait tout ça et qu'il y prenait goût - c'était l'essentiel, mais il ne le fit pas. Allen se montrait vulnérable. Il ne voulait pas le bousculer trop vite alors qu'il s'ouvrait. Les petites taquineries viendraient plus tard, avec plus de confiance. Quand bien même dans le privé, Kanda n'avait pas un tact absolu, il n'était pas con et sentait bien quand il pouvait y aller et quand il ne le pouvait pas. Ici, c'était encore trop nébuleux. Allen avançait mais se rétractait très vite. Il était plus intérieur dans sa manière de manifester ses réelles émotions. Ce qui était paradoxal car contrairement à Kanda qui n'était pas expressif pour deux sous, son comportement parlait souvent pour lui.

Allen avait un livre ouvert sur la tronche, ce n'était pas dur de voir quand il était gêné, surpris, indisposé, ou fâché. Beaucoup plus de savoir pourquoi, ce qui n'allait pas. Il était expressif en étant quelqu'un qui se retenait énormément de s'exprimer. Ses sentiments transparaissaient sans qu'il n'en fasse état sincèrement ou n'agisse en fonction. Ça n'aidait pas forcément Kanda à percer le mystère.

Il y avait des choses qu'Allen ne disait pas. Ça viendrait avec le temps.

Il l'espérait, car ce comportement aurait pu énerver Kanda, et à la longue, ça le ferait sans doute si ça ne disparaissait pas un peu. Il comprenait toutefois qu'Allen semblait avoir vécu des choses difficiles. À en juger par ce qu'il lui avait dit, c'était le cas. Il ne pouvait pas en attendre autant de lui tout de suite. Il fallait se montrer patient. Il était prêt à le faire, quand bien même la patience n'était pas sa qualité la plus grande dans beaucoup de domaine. Si Kanda avait un partenaire, il savait cependant se mettre à sa portée. C'était important.

« Ça t'a déplu ? demanda-t-il, prenant la main du plus jeune. Que ça dure aussi longtemps. »

Allen se mordit à nouveau la lèvre. Il secoua la tête, évitant le regard de Kanda.

« Du tout. C'est même l'inverse... »

Kanda eut un rire joyeux, cette fois.

« Alors vas-y d'abord, et reviens par là. On va commencer la journée avec un bon câlin. »

Allen eut encore une expression incompréhensible pour Kanda. Comme de la surprise, comme s'il ne croyait pas ce qu'il entendait et dans ces cas-là, il ne savait pas si Allen appréciait ou si ça allait trop loin pour lui.

« En tout bien tout honneur, ajouta Kanda. Je te veux dans mes bras, rien de plus. Tu es libre de ne pas en avoir envie.

—J'avais compris. C'est pas ça. »

Allen déglutit pourtant, les joues chaudes. Kanda le sentit en venant lui donner une caresse du revers des doigts. Allen ne se déroba pas au contact.

« Ça... m'étonne seulement que tu sois aussi... affectueux ? Je ne sais pas, ça ne me dérange pas du tout, mais je ne m'y attendais pas. »

Kanda secoua la tête. Il ne put s'empêcher de le taquiner :

« Tu croyais quoi, au juste ? Que je préférais rester à distance de bras avec mes omégas ? »

Si Allen écarquilla les yeux à l'implication qu'il était son oméga, Kanda crut avoir merdé. Ils n'avaient rien officialisé, ils ne savaient pas vraiment où ils allaient. Pourtant, ça semblait... logique. Kanda ne voulait pas penser qu'il avait comme gagné quoique ce soit et qu'Allen désirait automatiquement la même chose que lui. Il l'espérait pourtant.

« C'est vrai que dit comme ça, » le maudit eut un petit sourire contrit, se sentant idiot. « C'est surtout que mon manque d'habitude qui parle, pardon. »

Kanda ne s'en vexa pas. Il savait aussi que ça surprenait d'autres de ses conquêtes, parce qu'il ne donnait pas l'air du gars le plus fin et le plus romantique du monde. Pourtant, dieu sait qu'Alma et lui pouvaient passer des heures à se câliner. Ça lui manquait. Il tenta de ne pas y penser.

« Tu la prendras, si c'est ce que tu souhaites. »

Son propre sourire était doux, un moyen de tâter le terrain sans entrer dans le vif.

« À ce propos, oui... je pense qu'on doit en parler.

—Va donc pisser, Moyashi, vu comme tu te tortilles, et on en parle après ou pendant le câlin. »

Allen éclata de rire.

« Tu es surprenant, Kanda. Dans le bon sens. »

Il se leva, se rendant aux toilettes avec un sourire aux lèvres. Kanda espéra que c'était de bon augure. Il arborait le même genre de sourire qu'Alma quand il était content d'un truc qu'il lui avait dit. Content, ou plutôt charmé. Kanda avait une facette séductrice, parfois même involontairement. Ça lui rendait service quand il souhaitait impressionner un oméga, ou gagner son affection. Allen n'avait pourtant rien à voir avec les autres relations qu'il avait pu avoir. Il n'était ni un coup d'un soir - il avait pu en avoir quelques uns, avant de réaliser que ce n'était pas son truc, ni un soumis avec qui il entamerait une relation certes suivie mais sans attachement romantique avec pour seul objectif la pratique du BDSM et un lien amical.

Ça créait un attachement, bien sûr, mais jamais de romance. Ce n'était encore une fois pas l'objectif et Kanda n'avait jamais vraiment ressenti cet attrait. Allen lui inspirait quelque chose de particulier. Il voulait se laisser porter. Ce qu'il désirait était pourtant clair, même pour lui. Si Allen le suivait... il n'aurait vraiment pas été contre une relation romantique.

Il ne tarda pas à entendre le bruit de la chasse d'eau. Ça produisit un grincement des canalisations, capricieuses. Ils auraient de la chance si l'eau de la douche restait chaude le long de leur séjour.

Allen se lava les mains et le rejoignit, s'essuyant sur le short pendant qu'il revenait de la salle de bain. Il se coucha à ses côtés, encore hésitant. Puis, avant que Kanda ne tente un geste, Allen rapprocha son corps du sien et fut celui qui l'embrassa. Il avait cette façon d'y regarder à deux fois, d'avoir des gestes qui montraient qu'il n'osait pas se lancer, comme lorsqu'on hésitait sur un rebord pile avant d'opter pour un plongeon dans le vide. C'était un peu drôle. Kanda n'avait plus l'habitude d'une telle timidité. Qu'il ose prendre l'initiative, c'était tout de même plaisant. Kanda lui rendit le baiser. Il blottit ensuite Allen dans son étreinte, prenant garde à ne pas le mettre trop proche de sa nuque.

L'échange d'odeur se produisait lorsque l'oméga et l'alpha étaient proches comme ils l'étaient actuellement, mais les phéromones ne commençaient en principe à n'avoir une emprise sur l'oméga que s'il mettait son nez dans la nuque de l'alpha de manière appuyée. Lorsqu'Allen se tenait plus haut que son téton, il montrait les signes d'atteintes qu'on remarquait chez un oméga qui s'était laissé imprégner depuis quelques secondes déjà.

Ça ne signifiait qu'une chose : personne ne s'était embarrassé à lui en faire suffisamment, enfant et adolescent, ce que les parents faisaient habituellement pour désensibiliser un jeune oméga, en plus de lui donner de l'affection. Comme Allen avait révélé être orphelin, ce n'était pas étonnant. Ceux qui s'occupaient de lui ne l'avait pas fait correctement. Il avait aussi, probablement, une extrême sensibilité naturelle aux phéromones des alphas. C'était dangereux, ça pouvait du moins le devenir avec de mauvaises personnes. Kanda avait de plus en plus l'intuition, et la peur, que quelque chose soit bel et bien arrivé à Allen, comme il l'avait soupçonné, avec la façon dont il continuait à se tendre - ça aurait pu aussi être la peur de perdre ses facultés qui était déjà terrifiante en soit, mais son instinct ne le trompait que rarement.

Pour sa part, le moins qu'il puisse faire était d'éviter de l'enfumer délibérément et d'être prévenant.

Allen lui jeta un regard de reconnaissance dans le câlin, le front contre sa poitrine. Il pouvait ainsi sentir ses phéromones sans qu'elles ne l'affectent, ou pas autant que s'il était plus haut. Il semblait moins sous emprise aussi lors des baisers, qui liait leur visage et avait lié leurs corps cette nuit, sans qu'ils ne soient directement au contact des phéromones l'un de l'autre. Elles flottaient quand même. Sans doute que leur concentration sur autre chose aidait. Si les phéromones remontaient, bien sûr, l'épicentre de leur concentration était toutefois le cou, la zone sous la clavicule. Allen en ressentait sans doute les fragrances, avec sa réactivité, s'il était déjà affecté en ayant la tête juste sur sa poitrine. Tant qu'il arrivait à garder le contrôle, ils feraient avec.

Pendant que Kanda caressa ses cheveux, Allen se mit à toucher le torse de Kanda au travers du t-shirt, mimant ses gestes avec une maladresse montrant qu'il n'était pas habitué à montrer ou recevoir une telle tendresse.

« Hm, je sais que c'est moi qui t'ai demandé ça... mais qu'allons-nous faire, maintenant qu'on s'est embrassé ? Je veux dire, qu'est-ce que ça fait de nous ? »

Kanda aima qu'il prenne les devant. Il fixa le plafond, sans cesser ses attentions. Il se concentra sur la nuque d'Allen. L'oméga ferma les yeux, signe que c'était apprécié.

« On fera ce que tu décides. On avait convenu que je t'aidais à te couvrir pour ne pas que tu te prostitues. On peut en rester là si tu le souhaites, ou on peut essayer quelque chose ensemble. »

Allen se mordit la lèvre.

« Comme une relation ? C'est que ce que tu veux, toi ? »

Kanda rit de sa candeur, l'oméga fronçant les sourcils.

« Si c'est ce que tu veux aussi. On n'est pas obligés de le définir tout de suite. Si tu ne veux pas, on peut en rester là. »

Allen secoua la tête, aussi nerveux que confus.

« Je... ça me semble évident, même si je préfère te demander ce que tu veux, » sa voix était plus basse, signe qu'il était désarçonné. « Si je t'ai demandé de m'embrasser, c'est parce que je t'aime bien et que tu me plais. Donc... j'aimerais bien, oui. »

Ça, leur attirance physique mutuelle, Kanda l'avait bien perçue. L'entendre dire qu'il l'aimait bien, évidemment, ça changeait tout.

Kanda remarqua bien qu'Allen s'inquiétait, et s'il ne sut pas très bien pourquoi, il craignit tardivement de s'être mal fait comprendre. Il expliqua patiemment :

« Ce que je dis, c'est que je ne veux simplement pas t'imposer quoique ce soit, Allen. Ça ne veut pas dire que je n'ai pas envie, moi aussi, d'être avec toi si c'est ce que tu souhaites. On peut conclure sur ça. »

Allen se passa la langue sur les lèvres.

Une ombre passa dans son regard. Le genre de moment qui faisait tiquer Kanda. Comme si quelque chose le retenait. Kanda ignorait quoi. Il pouvait s'en douter pour certaines choses, sa panique lorsque les odeurs l'enfumaient était si parlante, et oui, ça tournait toujours autant dans sa tête parce qu'il n'espérait pas avoir raison sur ce qu'il soupçonnait. Il avait aussi le sentiment qu'il y avait une autre couche enfouie qu'il ne saisissait pas. Allen déclarait vouloir une relation, pourtant, que ce soit par peur des odeurs ou de la sexualité, que Kanda avait certes bien perçu, ou de quoique ce soit d'autre dans cette fameuse couche, il se montrait hésitant avec son langage corporel. Kanda savait qu'il devrait, encore, faire preuve de patience. Il était plus que prêt à le faire pour ces questions autant que pour la liberté qu'Allen prenait avec sa manière de s'exprimer, évidemment.

Il espérait seulement que le maudit lui parlerait de ce qui serait nécessaire, pour ne pas qu'il fasse un faux pas par accident.

Ils apprenaient à se connaître, ils nouaient quelque chose d'encore fragile. Ce genre de tâtonnement, surtout dans la situation d'Allen, était inévitable.

Allen se rasséréna finalement :

« Concluons sur ça, je suis d'accord... » Il rougit de nouveau. « Je suis content. »

Kanda fut satisfait.

« Moi aussi. »

Avant qu'Allen ne dise quoique ce soit, Kanda se tourna vers lui et posa son pouce sous son menton, relevant très doucement son visage vers le sien. Il déposa un baiser sur son front. Il le libéra ensuite.

« On ira doucement, ne t'en fais pas. Prenons le temps de mieux nous connaître ces deux jours, et profitons sans nous inquiéter. D'accord ? »

Allen se passa la langue entre les lèvres, comme s'il voulait l'embrasser encore. Il parut ne pas oser. Kanda caressa sa joue, se penchant, et cela l'aida. Maladroitement, Allen alla une énième fois chercher les lèvres de Kanda. Ils n'étaient définitivement pas avares, l'un comme l'autre, en démonstration affective. Il y avait le côté nouveauté, la découverte du contact de l'autre, qui donnait lieu à des embrassades répétées. Ils se cherchaient, se trouvaient, et s'appréciaient... ça se calmerait. Ils ne s'embrasseraient pas toutes les deux minutes éternellement comme des enfants. Pour le moment, ces échanges avaient toujours ce quelque chose de mignon qui était agréable.

Dire que Kanda en était satisfait était un euphémisme. Il aurait eu peur qu'Allen soit plus... coincé, sans aucun jugement péjoratif derrière ce propos, dans sa manière de chercher le contact physique, au début. Ce n'était pas le cas, ce qui voulait dire que Kanda lui inspirait assez confiance pour qu'il ose se rapprocher de lui ainsi. Idiotement, il en était conquis. Ça ressemblait à un bon indicateur pour leur relation.

« Je te remercie pour ta considération, c'est... très rare, pour moi, d'avoir quelqu'un de si soucieux de moi. »

Il tremblait en disant ces mots. Quelque chose en Allen était remué par tout cela.

Kanda sentit son sang ne faire qu'un tour dans un réflexe protecteur : il était désolé d'avoir de plus en plus de preuve qu'Allen n'était pas bien traité. L'oméga dut voir le durcissement sur son visage, puisqu'il eut un rire nerveux en s'excusant.

« Désolé, je reconnais que c'est ridicule de dire ça... Je veux pas faire pleurer dans les chaumières, ni rien de ce genre.

—C'est pas pour ça que je fais la gueule, le coupa Kanda. C'est que tu devrais pas me remercier pour ça. »

Allen fronça aussi les sourcils, aussi, Kanda s'adoucit.

« Je ne t'engueule pas. Loin de là. Ça m'énerve juste qu'on t'ait fait sentir que c'était quelque chose de spécial, alors que ça ne l'est pas. Et parlant de tout ça... N'hésite pas à me dire, s'il y a des choses que je dois savoir. Comme des trucs qui te mettent mal à l'aise, qui t'effraient. On a le temps, mais au moment où tu sens que c'est important, sache que tu peux m'en parler. Je ne te rejetterai pas. »

Allen eut un léger mouvement de tête, son visage vint comme s'éblouir, montrant qu'il n'en croyait pas ses oreilles. Il opina pourtant docilement. Quand Allen alla chercher les lèvres de Kanda, ce fut avec cette fois plus d'adresse.

« Laisse-moi te remercier pour ça si j'en ai envie.

—Et laisse-moi dire que tu es mignon, dans ce cas. »

Allen rit.

« J'accepte pour cette fois. On peut continuer le câlin ? Tu peux... m'embrasser ?

—J'attends que ça. »

Allen se laissa faire lorsque Kanda le poussa sur le côté et le serrant contre lui tout en mettant ses paroles à exécution. Ces moments étaient délicieux. Kanda avait oublié ce que c'était, que d'avoir cette sensation de bien-être dans l'estomac, comme si tout était apaisant, comme si tout était apaisant. Comme si tout était fait pour que ça se passe comme ça. Allen lui faisait vivre quelque chose de magnifique en cet instant. C'était encore trop tôt pour qu'il puisse parler de sentiment, encore moins d'amour, mais il y avait quelque chose, une envie de donner une chance à ce quelque chose. C'était bien et bon, sans même que ce soit sexuel. Il n'y avait pas besoin que de moment sexuel pour que les actes romantiques apportent du plaisir.

Kanda retrouvait cette sensation naturelle qui lui avait tant manqué.

Il n'allait plus laisser partir Allen. Bien sûr, il le ferait. Mais si ça continuait comme ça, les sentiments pourraient venir. Il aimait cette aisance et cette spontanéité - encore trop entachée à son goût, mais ils la trouveraient, ils empruntaient ce chemin, Allen l'arpentait joyeusement lui-même. Ça le séduirait à coup sûr.

« Laisse-moi sentir tes odeurs, murmura-t-il en embrassant la joue d'Allen. Ta nuque. Je peux ? »

Il voulait y plonger, bordel.

Les baisers l'enhardissaient. Kanda avait toujours laissé Allen le sentir, mais il n'avait pas, de lui-même, senti Allen. Les omégas aussi émettaient des phéromones qui apaisaient les alphas. Sans l'effet indésirable.

Allen parut étonné. Comme s'il ne savait pas que ça arrivait dans l'autre sens. Kanda eut envie d'en rire, ou encore de s'en agacer : qui était le connard qui s'était occupé de lui ? Ne lui avait-on jamais montré l'affection qui aurait lui être donnée ? Il ressentait l'envie de réparer ça. Parce qu'il se projetait un peu trop, il en avait conscience. Il avait fait pareil lorsqu'Alma avait perdu ses parents, si, dans son cas, Alma allait le chercher pour avoir son affection. Ils n'étaient pas encore ensemble, à l'époque, n'étant que des amis d'enfance. Il avait fait pareil lorsqu'il avait appris le calvaire que vivait Lenalee. Calvaire dont il se sentait en partie responsable. Mais il ne voulait pas penser à ça, pas maintenant.

« Tu... pourquoi ?

—Lorsqu'on fait un échange d'odeur, il y a échange, dans le mot. »

Il se moquait un peu, et Allen bouda. Kanda continua, ignorant sa moue. Il lui colla une petite pichenette sur le bout du nez. Allen sursauta, et Kanda parla sous son regard désapprobateur :

« On ne te l'a jamais appris ? »

Sa voix était douce. Il se remit à caresser la hanche et le visage du plus jeune.

Allen hésita.

« Ça... fait longtemps. À part mon père de son vivant, personne ne m'a senti.

—Si je rencontre tes tuteurs, j'aurais deux mots à leur dire... »

Kanda avait des envies de meurtres. Allen rit.

« C'est rien. Sinon, j'accepte, je te laisse faire.

—D'accord. Je vais y aller, dans ce cas, tiens-toi prêt. Tu ne devrais pas être trop affecté par les miennes, même si elles vont se libérer. Ça va aller ? »

Il ne cessait pas ses caresses.

Allen pivota sa nuque sur le côté, un imperceptible tremblement, en opinant.

Il sembla hésiter, avant d'ajouter en se pressant contre lui.

« Tu... n'as pas besoin de prendre autant de gants, tu sais. Ni de me demander la permission pour ça. Je suis prêt. J'aime échanger mes odeurs avec toi, tu sais. »

Kanda déposa un baiser sur le bout de son nez, touché de son abandon. Allen ferma les yeux en le recevant.

« C'est pas prendre des gants que de m'assurer de ton consentement, Moyashi. Je veux que tu te sentes bien. Alors je continuerai à te demander, c'est important. »

Allen rosit brusquement. Il s'enfouit contre lui, avant que Kanda n'ait pu faire quoique ce soit.

Il se pressa maladroitement contre son torse, son visage s'y enfouissant totalement. Kanda ne comprit pas tout de suite cet élan d'affection soudaine. Lorsque son t-shirt commença à devenir mouillé et que les épaules du blandin se soulevèrent, le chef de clan réalisa qu'il pleurait. Ce n'était pas des larmes silencieuses, par petit écoulement, non. Il se tapait une vraie crise de larmes qu'il ne gardait sous silence que parce qu'il se retenait de sangloter entre ses dents serrées. Ses poings se serraient aussi contre lui, et Kanda put l'entendre murmurer un "fait chier" d'une voix nouée. Son corps devint fébrile contre le sien.

Il était humilié de son craquage soudain, et Kanda dut avouer qu'il ne comprenait pas bien ce qu'il avait dit pour qu'Allen réagisse ainsi.

J'ai fait mon putain de faux pas beaucoup plus tôt que voulu, bordel. Je suis le roi des cons, parce que je bite rien.

« Allen, parle-moi, » dit maladroitement Kanda, sans savoir ce qu'il fait faire pour apaiser Allen. « Qu'est-ce qui se passe ? »

Il avait l'habitude des gens traumatisés, et il comprenait que c'était une réaction de déclenchement traumatique. Il avait déjà vu ce comportement chez Atsushi, chez Lena, chez d'autres personnes, y compris lui-même. Bien que dans son cas, il réagissait à ses traumatismes d'une manière différente. Il savait que des phrases, des actes, somme toute banals pouvaient avoir des effets dévastateur, beaucoup plus que des mots crus. Il ne fallait pas être con pour ne pas faire une addition, ça devenait clair, mais... il ne pouvait pas parler à la place d'Allen, pour comprendre ce qu'il y avait.

Allen secoua la tête.

« Je suis vraiment désolé, murmura-t-il dans un reniflement. Je ne suis pas comme ça, d'habitude. Je ne sais pas ce qui me prend. »

Kanda secoua la tête, irrité malgré lui. Il le maintint contre son corps, les mains dans son dos le caressant. Il lui murmura de respirer.

« C'est pas le problème. Je veux savoir pourquoi. C'est à cause de ce que j'ai dit ? »

Ça semblait plausible. Allen secoua la tête, encore. Kanda ne sut s'il devait le croire.

« C'est... pas ça. Pas vraiment. »

Donc un peu.

Il essuya ses larmes, repoussant doucement Kanda pour mieux respirer. Kanda le laissa faire.

« J'ai... Je vais pas arriver à parler, je suis désolé, il faut que j'aille dans la salle de bain. Tu n'as rien dit de mal, Kanda, pardon. »

Les larmes remontaient à ses yeux. Il partit comme une flèche, ne le regardant même pas, et Kanda ne tarda pas à entendre le bruit de l'eau. Ses sanglots étaient quand même audible. Il craquait sans pouvoir se retenir.

Kanda resta sur le lit, à se remettre en question, ne pouvant s'empêcher de culpabiliser.

Il avait voulu verbaliser le fait qu'il n'en avait carrément pas rien à foutre qu'Allen soit à l'aise avec ce qu'ils faisaient, pour le mettre en sécurité, mais il en avait peut-être trop dit, ou trop fait. Allen n'était pas habitué à ce genre de considération, ça le brusquait. Kanda avait appris à être précautionneux - merci Alma qui l'engueulait s'il était trop brusque, dans sa fougue adolescente, et merci à ses pratiques sexuelles qui nécessitaient de séparer ses pulsions de ses actes. Il savait que ça aidait à instaurer une bonne ambiance, de dire ces choses-là, ça rassurait le partenaire et Kanda le faisait naturellement, sans y penser à deux fois. Ce n'était pas seulement de les dire qui importait, c'était de les mettre en application. Allen avait visiblement du mal à l'accepter sans se sentir submergé. C'était quelque chose sur lequel ils devraient discuter avec du temps.

Kanda aurait bien aimé le consoler, mais l'oméga avait besoin d'intimité.

Il se sentait con. Il devrait être prudent, trouver un moyen de prendre en compte que tout ça - ici, l'aspect de la bienveillance de leur relation - était nouveau pour Allen, et à l'amener doucement à comprendre qu'il pouvait être traité correctement. Il était vraiment frustré de se dire que ce type avait été tellement maltraité toute sa vie qu'il fondait en larmes dès qu'on lui montrait une affection saine et sans détour. Kanda ne voulait pas l'étouffer avec ça, cependant. Ce serait compliqué, mais pas impossible à gérer.

Allen était brisé, et vu les circonstances de leur rencontre, c'était à prévoir. Kanda ne pourrait pas le réparer à sa place, mais il pourrait être là le temps qu'il le faisait lui-même et l'aider à trouver sa voie pour y arriver. Il compatissait pour sa fragilité, dont Allen devait être le premier humilié. Si, à ce stade de leur relation - qui n'avait de toute façon pas commencé de manière classique, ça aurait pu être un frein, Kanda préférait que ça ressorte au début que plus tard par mégarde.

Il s'embarquait certes dans quelque chose qui n'était pas facile. Ça ne voulait pas dire qu'il comptait abandonner.


Allen s'en voulait. La culpabilité s'était assise sur ses épaules, l'affaissant au sol de tout son poids, et ses sanglots appuyaient sur sa gorge comme une épée pointue.

Il gâchait un moment parfait avec Kanda, un moment dont il aurait dû profiter sans se soucier de quoique ce soit, exactement comme Kanda l'avait suggéré. Il venait d'avoir la pire réaction possible alors qu'ils décidaient d'essayer une relation. Il aurait du bol si, avec ça, Kanda n'était pas refroidi. Ses baisers étaient doux, son étreinte, le fait qu'il fasse attention à lui, qu'il demande son avis avant de le toucher d'une manière précise, ou qu'il soit si doux dans ses gestes... Allen ne se sentait pas oppressé, malgré ses mains sur lui. Il les désirait et cette sensation le troublait.

En revanche, que Kanda soit si gentil... ça n'aurait pas dû être un problème. Ça réveillait sa culpabilité et ses blessures enfouies d'avoir l'impression que c'était la première fois qu'il était traité comme un être à part entière, pas une charge, pas un juste oméga. Ça le faisait exploser. Il perdait les pédales en cédant à ses pulsions. Il se demandait vraiment ce qu'il était en train de foutre depuis hier.

Inutile de se voiler la face, Allen prenait la décision consciente d'accepter de donner à son attirance pour Kanda un aspect romantique. Il ne savait pas si c'était sain à proprement parlé, et il était loin d'être idiot, dans sa situation, ça ne pouvait pas l'être entièrement... Il aimait seulement tellement l'affection que Kanda lui montrait. Il était désespéré d'être sincèrement aimé par quelqu'un comme ça, et Allen se détestait pour ça.

Depuis quand était-il devenu si stupide, si ridicule ? Il n'était pas si faible. Il n'était pas misérable et geignard comme ça. Ses sanglots le tuaient.

Oh, il avait toujours voulu être aimé, ça, ça ne l'était pas. Il n'aurait même pas pensé ça de quelqu'un d'autre. De lui-même, en revanche... Il ne pouvait pas ne pas se blâmer. Quand il pensait à ce vers quoi il allait, le double-jeu auquel il succombait, il ne pouvait pas non plus s'empêcher d'être écoeuré de sa propre faiblesse morale.

Allen avait pris une décision, mais il ne savait pas si c'était la bonne. Elle aurait pu l'être. Tout aurait pu rester doux comme ça, et innocent. C'était merveilleux, jusqu'à maintenant.

Mais Allen venait d'avoir cette vision soudaine du passé, cette sensation encore plus grande, qu'il avait déjà expérimenté hier lorsque Kanda avait dit mot pour mot que ce n'était pas normal qu'un alpha profite d'un oméga diminué. Allen savait déjà que ce que Chao Ji avait fait n'était pas normal. Que quelqu'un d'autre le dise, sans lui dire "c'est tes odeurs, aussi", "c'est la façon dont tu es affecté qui donne envie aux alphas", ça lui avait donné envie de pleurer de joie et de pleurer de colère, de tristesse. Kanda, sans le savoir, l'aidait vraiment à prendre conscience que sa vie au clan ne pouvait vraiment pas continuer comme ça... Et Allen détestait ce dilemme, cette situation, les sentiments que ça lui apportait.

Cette haine, cette rage, cette faiblesse omniprésente... c'était à lui maintenant, et il n'en voulait pas. Il n'avait jamais été comme ça. C'était comme se voir disparaître, englouti par des affres qu'il ne maîtrisait pas. Ça restait enfoui en lui depuis quelques années, avant d'exploser avec la goutte de trop, aussi sucrée soit celle-ci.

Avant d'être agressé par Chao Ji, de voir son monde s'effondrer et de se rendre compte qu'il ne pouvait pas compter sur qui que ce soit, lui qui avait cru trouver en Link un allié, Allen était relativement joyeux malgré son vécu qui avait ses conséquences. Il avait toujours été inquiet, mais ça ne le bouffait pas comme ça. Il savait qu'il ne pouvait pas être trop dur avec lui-même, entre cette mission, les conséquences de cette foutue agression, Allen avait du bol de conserver un minimum de santé mentale.

Il ne savait pourtant plus comment avancer correctement, comme il l'avait promis à Mana, cette promesse à laquelle il s'accrochait. Il ne le pouvait pas en étant pieds et poings liés. Sa vie virait petit à petit à la descente aux enfers. Allen voulait voir le positif, il avait longtemps pensé et continuait de penser que c'était un choix. Pas le plus facile. Surtout maintenant, pour lui. Mais celui qu'il fallait. Il pensait pouvoir y arriver en se donnant l'occasion de vivre ça, de vivre cette romance, quitte à ce que ce soit éphémère. Son plan restait le même, bien qu'il soit clair qu'il ne se mettait pas du tout en disposition de tuer Kanda. Trouver un moyen de se dérober, et de tout recommencer. Fuir quand ce serait le moment.

Alors il voulait profiter de ça... cette occasion ne se représentait pas, il savait qu'on le traquerait et qu'il ne survivrait ni à la colère de Luberrier, ni à Kanda quand il découvrirait - parce que ça éclaterait un jour - la raison de sa fuite. Ce serait peut-être en voulant se défendre qu'il arriverait à ce qu'il refusait.

Oh, il n'avait pas envie d'y penser aussi, de s'imaginer devoir se battre pour s'enfuir. Mais tout ça tournait dans sa tête, en dépit de son besoin de se laisser aller au bien-être. C'était devenu trop pour lui. Ce bonheur qu'il ressentait avait un goût si amer qu'il se rua sur les toilettes pour vomir. Rien ne sortit, si ce n'est un haut le coeur puissant. Allen pleura de plus belle, s'étouffant avec ses larmes. Kanda cogna à la porte à ce moment-là. Il demanda si ça allait.

Il fallut un temps pour qu'Allen réussisse à se ressaisir pour parler.

« Je vais bien. »

Allen mentait.

Sanglotant silencieusement, il ne pouvait s'empêcher de trembler.

Kanda avait tout d'une bonne personne. Pourquoi ne pouvait-il pas être à sa hauteur ?

Il souffla, et s'administra une claque plutôt violente. Il devait se reprendre. Il se remit à pleurer, la seule différence étant que sa joue le lançait.

Allen s'arracha les vêtements qu'il portait. Il sauta dans la douche qu'il laissait déjà couler depuis un moment, restant recroquevillé sous l'eau chaude. Kanda n'insistait pas, il respectait son souhait d'être seul, et même ça, ça le touchait.

L'eau finit par l'aider à se calmer.

Lorsqu'il ressortit de la pièce, évidemment, l'alpha l'attendait. Il avait un petit carnet dans la main, son tiroir avec la clé apparente étant ouvert, il y notait quelque chose. Si, d'ordinaire, Allen étant curieux, il se serait montré intrigué, il n'en dit rien. Il était trop penaud et honteux. Kanda rangea le carnet au moment où il fit irruption dans la pièce. Allen se tenait en retrait, l'eau mouillé dévalant son dos. Allen avait vraiment la sensation de s'être humilié devant lui. Il avait peur du rejet, maintenant. Que Kanda veuille en rester là avec lui. Il aurait compris. Il s'y prépara.

Kanda ne toucha pas à la clé, pas plus qu'il ne verrouilla le tiroir en le refermant. Il faisait confiance à Allen.

À la place, il tapota la place à côté de lui sur le lit, et jeta un regard appuyé à Allen.

Le maudit s'approcha timidement.

« Tu vas mieux ? » demanda Kanda au moment où il s'assit.

Allen hocha la tête. Il se tritura la lèvre inférieure entre ses doigts, ne sachant pas comment parler de tout ça ou rebondir. Il avait si honte.

Kanda ne parut pas se satisfaire de sa réponse. Bien normal. Allen aussi se serait posé des questions si les rôles étaient inversés.

« On peut en parler, si tu veux. »

Allen haussa les épaules.

« Je ne sais pas quoi dire, » c'était vrai, « je... je m'en veux d'avoir réagi comme ça. Je suis désolé. »

Kanda secoua la tête.

« Allen, c'est pas le problème. Je te l'ai dit. On a décidé d'essayer une relation, toi et moi. Tu peux me faire confiance. Et tu dois me dire si quelque chose te fait peur, ou te met mal. Je te l'ai dit aussi. Crois-moi. »

Allen se mordit la lèvre. Plus facile à dire qu'à faire, et pour ces sujets, il avait beaucoup de mal. D'autant qu'il ne pouvait pas parler librement. Au moins Kanda ne remettait pas en question sa décision, et sa façon de se montrer humain avec lui... merde. Allen voulut faire un effort. Il ne pouvait pas tout dire, impossible, ni même mentionner ce qui était arrivé, c'était trop tôt pour lui et il n'arrivait pas à en parler. Il sourit à la place.

« Je te remercie. » Comme Kanda allait râler, il se reprit : « Je sais, tu dis que faut pas te remercier... mais laisse-moi le faire. Disons simplement que j'ai... pensé à des choses qui sont difficiles pour moi. Je te parlerai peut-être de ça un jour, mais pas maintenant. Je peux te dire que tu n'as rien à voir avec ça, et je suis désolé de t'avoir montré une facette de moi si peu... reluisante. »

Il eut un rire nerveux. Allen se passa la main dans les cheveux. Kanda acquiesça. Il tendit la main vers lui, Allen acceptant son contact.

« Ne t'excuse pas. Tu m'en parleras quand tu le sentiras. Je dois juste savoir ce que je peux faire pour éviter de te mettre dans cet état. »

Allen eut des remords en comprenant que Kanda culpabilisait aussi. Il en fut énervé, contre lui-même. Il fallait vraiment qu'il arrive à maîtriser ces montées d'angoisse intempestive.

« C'est pas toi, je te jure. Je vais faire en sorte que ça n'arrive plus.

—Allen, c'est toujours pas ce que je te demande. Que tu te sentes submergé par les odeurs, et peu importe ce que tu as pu vivre, c'est normal chez les omégas qui manquent d'affection. » Allen baissant les yeux, Kanda ajouta : « Je dis pas ça pour t'enfoncer, mais pour te rassurer. Tes réactions sont normales, j'ai pas à t'en vouloir. Qu'est-ce qui t'aiderait ? »

Son acceptation l'aurait bien fait pleurer à nouveau s'il n'avait pas déjà usé toute ses larmes. Allen déglutit. Il ne savait pas, en vérité. Il n'avait pas pensé réagir aussi violemment. Devant son expression perdue, Kanda eut un sourire indulgent. Sur son visage, c'était vraiment étrange. Mais beau. Son regard qui le couvait avec tant de bienveillance... Allen se sentit réconforté par ça.

Comme, perdu, Allen haussait les épaules, n'ayant aucune idée de quoi dire et de ce qui pouvait l'aider - faire l'autruche était sa solution habituelle. Pas la meilleure devant une montée d'angoisse qui gagnerait de toute manière. Kanda soupira.

« Bon, alors on va faire un truc. Si tu sens que ça monte, tu me préviens, et tu me dis si tu veux que je m'éloigne, ou si au contraire, je dois faire un truc, ok ? »

Allen sentit son coeur s'emballer. Ça semblait être une excellente idée. Il en était tout de même choqué. Sa poitrine se nouait, mais pour une toute autre raison que de l'anxiété.

« Comment tu fais pour être aussi... bon à ça ? Tu es...,» il ne voulait pas flatter son égo en disant parfait, « si gentil, et tu ne me fais pas me sentir comme si j'étais ridicule, ou difficile, même quand j'ai des réactions comme ça... Tu trouves quoi faire... Tu fais comment ? »

Kanda éclata de rire à son visage éberlué, sa tête qui s'agitait et ses yeux grands. Allen croisa les bras, bougonnant pour la forme et attendant qu'il réponde.

« J'ai bien le droit de rire avec la tête que tu fais, rétorqua Kanda sous son air accusateur. Et pour te répondre, je suis pas... "bon". J'ai juste connu pas mal de gens qui en ont bavé. Atsushi, par exemple. Et j'ai une très bonne amie qui a subi quelque chose d'horrible. On a grandi ensemble, j'ai vu les effets que ça eu sur elle. Aujourd'hui, c'est la personne la plus forte que je connaisse. Elle en a chié avant d'en arriver là. »

Allen écouta patiemment. Ceci expliquait cela. Encore une fois, tout ce qu'il apprenait montrait que Kanda était une bonne personne. Allen n'était pas prêt à se confier, pour autant, c'était difficile, de parler de ces choses quand ça concernait soi. Il savait au moins que ce serait bien accueilli, s'il y arrivait.

Ça le rassurait, au fond. Pareillement, il avait beau ignorer ce qu'avait vécu l'amie de Kanda, il était soulagé de se dire que certaines personnes pouvaient devenir plus fortes après des événements horribles. Il espérait en faire partie. Allen déglutit encore.

« Je vois. J'aurais quand même besoin de temps, avoua-t-il, pour t'en parler. »

Kanda ne chercha pas à l'y forcer.

« C'est pas un problème. Tant qu'on met en place que je t'ai demandé, ça me va. »

Allen eut un sourire joyeux, cette fois. Comment ne pas l'être ? La gentillesse de son... partenaire - il ne savait pas comment le nommer -, s'y prêtait.

Ressentant, malgré lui et malgré tout bon sens, la sensation qu'il devait se faire pardonner, Allen se passa la langue sur les lèvres. Ce n'était toutefois pas négatif, il avait juste envie que Kanda et lui reprennent où ils s'étaient arrêtés.

« Est-ce que tu peux faire ce que tu disais tout à l'heure ? Me sentir ? »

Kanda marqua un arrêt, comme s'il l'analysait pour vérifier que tout allait bien. Allen en fut vexé intimement, tout en sachant que c'était aussi une forme de bienveillance.

Il n'avait pas envie que Kanda pense qu'il était trop vulnérable, plus qu'il ne l'était vraiment. Il espérait qu'avec le temps, Kanda se rendrait compte qu'il n'avait vraiment pas besoin de le couver autant. Car Allen saurait exprimer son malaise lui-même. Et d'un autre côté, Allen était rassuré de tout les signes montrant que Kanda était respectueux. Il voulait juste que Kanda lui fasse aussi confiance.

Il était encore trop maladroit et trop perdu pour arriver à le dire, ou le faire comprendre. Ça le frustrait. Il espéra qu'il y arriverait plus tard.

« Comme tu veux. Après ça, je te ferai visiter et je nous ferai à manger. J'ai la dalle. »

Allen hocha vivement la tête. Son ventre gargouilla à ce moment-là. Les deux jeunes hommes rirent, venant d'abord s'embrasser avant que Kanda ne se glisse dans le cou d'Allen.

Le maudit eut du mal à ne pas rire sous la sensation de chatouillis à avoir la tête de quelqu'un d'autre ici, surtout le nez pointu de l'alpha qui l'inhalait sans vergogne - c'était si gênant, ça faisait des années que ça ne lui était pas arrivé, d'être senti comme ça, et de sentir quelqu'un d'autre à son tour. D'autant que venant de l'alpha, les sensations qu'il ressentait étaient... différentes. Allen se sentait tout bizarre, ce n'était pas déplaisant, mais il était entre l'envie de rire et une sensation de bien-être singulière. Kanda l'avait laissé se plonger dans ses odeurs à sa demande. Allen n'avait pas du tout paniqué, cette fois. Il avait mis de côté le malaise. Il était toujours aussi sensible, mais ça commençait vraiment à... lui plaire ? Il caressait l'idée sans en être réellement sûr. Toujours est-il qu'il ne ressentait plus autant de détresse, juste cette sensation qu'il apprivoisait et qu'il ne connaissait pas.

Pour le reste, aussi illusoire soit cette pensée, Allen espérait que ce craquage humiliant serait un épisode qu'il pourrait mettre de côté et qui leur aurait peut-être, paradoxalement, fait du bien. Allen comprenait à quel point il pouvait vraiment avoir confiance en Kanda. Et sa culpabilité en dansait de plus belle, car lui n'était pas si fiable, il se contentait du soulagement égoïste de se dire que leur relation partait d'un pied qui n'était pas si bancale. Elle serait au moins sincère, quoi qu'ils arrivent à en faire à cause des impératifs d'Allen.

Allen fut content, en dépit de l'amertume. Il trouverait un moyen de ne pas blesser Kanda, et de se sauver lui-même. Il y avait toujours un moyen.

En embrassant Kanda, cette fois, Allen fut plus aventureux.

Il osa tendre timidement sa langue, le plus âgé répondant à son geste. Ils se taquinèrent sans aller plus loin. C'était juste sympa, une envie d'explorer sans foncer pour autant. L'oméga avait tendance à rigoler quand Kanda passait sa langue sur ses lèvres - ça chatouillait, ça aussi. C'était bon enfant.

Allen fut sûr d'une chose : il aimait embrasser et être embrassé.

Il ne savait pas vraiment quel était sa préférence, ni s'il avait une préférence. Le résultat était le même. Les lèvres de Kanda contre les siennes, c'était ce qu'il désirait.

Lorsqu'ils se séparèrent, Allen ne ressentit que du regret que le contact soit fini. En aucun cas l'affliction qui l'avait cloué au sol tout à l'heure. C'était bel et bien passé.

« Allons manger, il doit être aux alentours de midi. Après ça, je te fais faire le tour. »

Allen opina.

« Tu pourras me dire où on est, aussi exactement ? Et me montrer les alentours, dehors ? »

Si Allen s'attendait à ce que Kanda refuse ou soit réticent, à cause de la situation, ce ne fut pas le cas. L'alpha lui fit un sourire amusé, qu'Allen ne comprit pas trop.

« Ça devrait pouvoir se faire. Y a pas grand-chose à voir, le détour sera vite vu, mais si t'y tiens, on peut se balader, oui. »

Allen fut ravi. Se promener dans un endroit où il n'y avait personne, ça changerait des excursions impromptues aux marchés où il était toujours sous le risque de se faire choper et d'être retrouvé par un membre du clan.

La liberté de marcher en toute solitude avec Kanda le séduisait.


Note : On s'est concentré sur la relation naissante de nos deux protagonistes, j'espère que ça vous aura plu !

Un avis ?

J'attends vos retours sur ce chapitre, n'hésitez toujours pas à me communiquer vos impressions, ça m'encourage mine de rien vachement dans mon écriture de savoir si ce que je fais est apprécié :).

À très vite pour la suite, la prochaine partie sera assez différente et pas mal d'événements doivent se passer, on verra si je parviens à nous épargner une partie 4 xD.

Merci de votre lecture !