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2/ Spooky Dreams

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"Il faudrait que je me réveille,

Et d'oublier le rêve,

Au bord du Monde, aux bornes du ciel,

Arrive un pays aux merveilles..."

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F.B.I Headquarters "The J. Edgar Hoover Building" - Washington, D.C.

20 Mai 1994 :

Voilà plus d'un an que je travaillais assidûment avec mes collègues Fox Mulder et Dana Scully, dans les sous-sols du FBI. Mais voilà aussi plus d'un an que j'étais coincé dans le passé. Et, cette fois-ci, l'année 1994 ne me rappelait pas rien. Non, je me souvenais parfaitement de la fête de Noël en 1994. J'avais quatre ans, et ma jeune sœur n'en avait que deux. Disons que cette ligne temporelle n'est pas toute joyeuse dans mon Palais Mental.

De toute façon, ce n'est pas le propos, car je me retrouvais certes, dans le passé, mais à l'autre bout de mon pays natal.

Physiquement, j'étais semblable au chapitre précédent. Je portais toujours une robe sombre, des souliers noirs, mes longs cheveux châtains étaient noués en une épaisse tresse qui cascadait dans mon dos et mon médaillon "M" argenté pendait sur ma poitrine.

Il était 8h du matin, lorsque j'ai clopiné à l'aide de ma canne jusqu'au hall du bâtiment fédéral, pour ensuite appuyer sur les boutons carrés et gris de l'ascenseur. Une fois les portes ouvertes, je me suis glissée à l'intérieur pour cliquer sur le chiffre négatif de l'étage souterrain. La musique d'attente de la cabine résonnait avec étrangeté.

Ou alors, c'était encore la musique qui passait sur "Radio Alisone"...

Allez savoir...

"Mais quand tu m'attendras,

Et comment tu brilleras,

Dans quelle vie tu m'attendras,

Dans quelle nuit tu brilleras."

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Non, ce n'était pas réel.

Impossible qu'un ascenseur des États-Unis diffuse une chanson Française.

Et, qui plus est, une chanson Française qui n'existe pas encore ! Puisque "Sweet Dreams" fait partie de l'album "Alice & June" du groupe Indochine, sorti en 2005 !

Encore une fois, j'ai fermé les yeux en me pinçant l'arête du nez. J'ai entendu un "ding" et j'ai quitté la cabine métallique pour me diriger machinalement vers le bureau de mon collègue. J'étais tellement dans le coaltar, que je n'ai même pas eu le réflexe de toquer à la porte, je suis rentrée comme si ledit bureau m'appartenait.

Néanmoins, il en fallait bien plus pour effrayer le seul homme capable de travailler dans un endroit si petit, sans fenêtre, et rempli de dossiers en tout genre.

L'Agent Fox Mulder semblait comme hypnotisé en écoutant une vieille bande sur un magnétophone à cassette, tout en grignotant ses étranges graines de tournesol.

Lorsque je suis entrée dans son antre, il s'est tourné vers moi, tout en retirant son casque des oreilles.

- morning'.

- Hi... répondis-je, encore dans le brouillard.

De toute évidence, je devais paraître maladive, puisqu'un voile d'inquiétude traversa les yeux de Mulder. De profonds et magnifiques yeux bleus, d'ailleurs...

J'ai secoué la tête pour tenter de remettre mes idées en place. J'ai frotté mes paupières avec violence, jusqu'à voir des étincelles de toutes les couleurs virevolter dans tous les sens.

Trois secondes plus tard, mon collègue se trouvait déjà debout devant moi, en me demandant, toujours très soucieux :

- Hey, Alisone, tout va bien ?

Je dus me concentrer pour ne pas chavirer. Mulder était clairement plus grand que moi, ce qui n'était pas difficile en fait, même Scully était plus grande que moi ! Mais... Par les sept Démons des Internets, le fait que Mulder soit aussi près de moi ne m'aidait pas du tout. Je voulais lui hurler dessus, lui dire de partir loin, de ne plus parler et encore moins de me toucher.

Ma bouche refusa de bouger et l'homme posa une main amicale sur mon épaule.

Eh merde...

Mon cœur rata un battement.

J'entendis le Maître ricaner dans mon Palais Mental. Sachant que c'est lui le Gardien du Temps et qu'il pilote la Salle de Contrôle des Lignes Temporelles, je savais que tout ceci était sûrement de son fait.

Ou pas.

Impossible de savoir avec le Maître.

Ma tête tournait et je sentis un vertige envahir tout mon corps. Heureusement, ou malheureusement, je ne sais pas trop, avant que je ne tombe par terre, Mulder me rattrapa de justesse. Désormais prisonnière de ses bras musclés, son visage à quelques centimètres du mien, je pouvais plonger dans le bleu de ses yeux, respirer son doux parfum, sentir sa chemise blanche sous mes doigts...

- Alisone, tu fais un malaise, assieds-toi sur ma chaise.

Il me posa délicatement sur cette dernière et se tourna vers un coin de son bureau pour remplir un verre d'eau et me l'offrir, tout en questionnant :

- Qu'est-ce qu'il se passe ?

Je bus goulûment quelques gorgées du liquide tiède avant d'esquisser un sourire pour avouer, nonchalante :

- Rien. La routine. Je dors mal. Quand j'arrive à dormir. Je fais toujours des cauchemars. Des terreurs nocturnes. Parfois des paralysies du sommeil. Bref, des petites choses bien sympathiques.

J'essayais de paraître désinvolte malgré ma fatigue.

Mulder tira un vieux tabouret de sous un meuble pour s'installer en face de moi et me dire, toujours aussi perturbé :

- Depuis quand ? Quand est-ce que tout ça a commencé ?

- Ma naissance.

Tandis que je terminais mon verre d'eau, Mulder attrapa le combiné du vieux téléphone couleur parchemin qui reposait au milieu de la pagaille de son bureau.

- J'appelle Scully. Elle est Docteur. Elle doit sûrement être à l'Académie, mais...

- Non. Non, ne l'embête pas avec ça.

Il raccrocha en me jetant un regard anxieux :

- Qu'est-ce que je peux faire alors ?

... "Arrête d'être aussi mignon" pensais-je. Puis, j'ai frotté mes paupières sèches et lourdes.

- Je suis censée faire un examen de sommeil à l'hôpital...

Mulder se leva et il attrapait déjà sa veste noire, en affirmant :

- Parfais, je t'y emmène.

- Non, non. Attends, je... Je ne peux pas aller à l'hôpital...

Il cherchait les clefs de son véhicule dans son capharnaüm, tout en demandant :

- Pourquoi ?

Mon cœur rata un battement. Je rougis, en avouant :

- Je... J'ai peur des hôpitaux... Comme toi avec le feu.

Il se tourna lentement vers moi et me considéra un long moment, sans ne rien dire. Une tristesse évidente traversa une nouvelle fois son visage.

- Je vois... Dans ce cas, je resterais avec toi le temps de l'examen. Toute la nuit, s'il le faut.

Je soufflais.

Comment lui dire que c'était justement ça le problème ?

Que c'était lui qui m'ancrait à 1994 ?

Eh merde...

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"Mais quand tu m'attendras,

Et comment tu brilleras,

Dans quelle vie tu m'attendras,

Dans quelle nuit tu brilleras."

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Our Lady of Sorrows Hospital - Washington, D.C.

20 Mai 1994 :

L'odeur de l'hôpital me retourna l'estomac. Mulder ne me lâchait pas, à quelques centimètres de moi, il marchait à mon allure d'éclopée au milieu des couloirs blancs et labyrinthique. Des patients et des Docteurs slalomaient tout autour de nous, des machines argentées se trouvaient parfois çà et là dans les corridors, le parfum aseptisé des antiseptiques me brûlaient la gorge. Mulder me retenait presque pour ne pas que je tombe. Nous cherchions le bureau du Neurologue qui devait s'occuper de moi :

Dr Sleepless.

Ouais, ça ne s'invente pas.

Tout était flou. J'avais l'impression d'être spectatrice de ma vie, de mon songe, parce que je savais que rien n'était réel. Dans un brouillard psychédélique, Dr Sleepless nous conduisit dans une immense salle grise, aux murs argentés avec, au milieu, un lit d'hôpital, éclairé par une lampe au plafond. Tout étant blanc.

Aussi blanc que l'hôpital.

Des dizaines de machines entouraient le lit.

Le Neurologue ordonna à Mulder de partir, personne n'était autorisé à rester lors des examens. Néanmoins, mon collègue sortit son badge d'Agent du FBI de sa veste noire pour le brandir, tel un multipass. J'ai pensé au "Papier Psychique" du Docteur et j'ai souri. Le Docteur, le Seigneur du Temps, ennemi du Maître...

Ce dernier grogna dans le Palais.

J'ai dû enlever mes chaussures, poser ma canne sur la table de nuit, tandis que Dr Sleepless réglait les machines autour du lit sur lequel je m'allongeais. Il m'annonça que je devais passer la nuit ici, reliée aux appareils, qui liraient mon activité cérébrale durant mon sommeil. Mulder ne me quittait pas du regard, tout en écoutant avec intérêt les explications du Médecin. D'ailleurs, ce dernier se tourna vers moi et montra mon collier du regard, en ordonnant :

- Pas de métal pendant l'examen, désolé. Tu pourras le remettre demain matin.

Mon cœur se serra et ma main gauche se posa sur mon médaillon. Sur le "M".

Mulder comprit ma peine, il savait ce que cette ancre représentait pour moi. Néanmoins, j'ai détaché la chaîne de mon cou et...

... J'ai donné le collier à mon ami.

Mulder le glissa précautionneusement dans la poche de sa veste en me souriant pour me remonter le moral.

J'avoue, son adorable sourire raviva mon petit cœur brisé.

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C'est toujours perturbant de dormir dans un cauchemar. Ça m'arrive souvent. Parfois, lorsque je réussis à me réveiller, je me retrouve dans une autre strate du songe. Je surnomme ça des "Inceptions" desquelles il est difficile de s'enfuir.

J'étais allongé sur le dos, sur le lit blanc. Le Dr Sleepless avait relié toutes les machines autour de moi à des électrodes scotchées à ma peau pâle.

L'examen n'était pas bien compliqué, il me fallait simplement dormir, puis les appareils liraient mon activité cérébrale durant mes cauchemars.

Même si, techniquement, il n'était pas autorisé à le faire, Mulder s'installa sur une chaise pour rester à mon chevet, près de mon lit.

Il me fallut des heures pour m'endormir. Déjà qu'en 2024 il me faut des heures, même en utilisant des vidéos YouTube sur mon IPhone, ici, sans rien du tout et sous le regard inquiet de Mulder, ce fut encore plus compliqué.

Puis...

"Mais quand tu m'attendras,

Et comment tu brilleras,

Dans quelle vie tu m'attendras,

Dans quelle nuit tu brilleras,

Et là, le monde est toi,

Et là, je suis pour toi."

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Our Lady of Sorrows Hospital - Washington, D.C.

21 Mai 1994 :

- Agent Mulder ?

J'ouvris les yeux avec difficulté. Le Dr Sleepless se tenait debout en face de mon collègue, qui s'était lui aussi endormi. Le Médecin reprit :

- Agent Mulder, je dois vous parler... En privé...

Inquiet, il se leva pour suivre l'homme. Je voulais faire de même, mais au moment où j'ai commencé à bouger, mon corps s'est emmêlé dans les dizaines de tubes et de câbles qui reliaient les électrodes aux machines.

Eh merde, j'avais oublié tout ça !

Malgré ma nuit de sommeil, j'étais épuisée, courbaturée et faible. Comme si je venais de courir un marathon ou de vaincre un dragon.

La routine, quoi.

Ma tête tournait encore, mais j'ai commencé à déscotcher les électrodes de ma peau, aux rythmes réguliers des "biiiip biiiip" des appareils.

J'avais soif et sommeil.

Des pages s'imprimaient via une des machines qui devaient servir d'électro-encéphalogramme. Une fois libérée des câbles, j'ai attrapé ma canne pour clopiner jusqu'à la salle de consultation.

- Mulder ? marmonnais-je, encore groggy.

Ma vision devint de plus en plus floue. Mes doigts se posèrent sur ma poitrine pour s'accrocher à mon "M", mais je n'avais plus mon collier.

J'ai continué ma marche lente, lorsqu'un violent vertige s'empara de moi.

Puis, tout est devenu noir...

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Drogheda - Ireland.

21 Mai 2024 :

Je me suis réveillée, perdue, sans réussir à savoir si ce que je venais de vivre était réel...

... Ou pas.

Puis, je me suis rendormie.

Pour faire un nouveau cauchemar...

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21.05.2024

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