CHAPITRE X

Le début des combats

Cela faisait quatre jours qu'Ogis Caral, Urtil Valderz et S'Looran résidaient en tant qu'invités de haute importance au QG du commandant en chef des forces de résistance de Mon Calamari, le général Delleyo. Au cours de leur séjour, les trois compatriotes avaient eu l'occasion de mieux connaître cet homme et le mouvement à la tête duquel il était placé. Il avait servi pendant six ans à bord du vaisseau-amiral de la flotte calamarienne en tant qu'officier des communication avant d'embrasser la cause de la Rébellion et de s'engager dans la résistance de sa planète natale lorsque celle-ci fut investie et pillée par l'Empire, sept ans plus tôt. Fin stratège et diplomate accompli, Delleyo s'était rapidement hissé au sommet de la structure de commandement du mouvement.

Les trois nouveaux arrivants s'étaient portés volontaires pour soutenir la résistance dans son combat. Ils attendaient dans une grande salle de conférence située au cœur du bâtiment principal. Ressemblant à une version agrandie de l'amphithéâtre de la Cité de Corail, où s'était scellé définitivement l'accord à propos des paquebots armés, cette pièce était néanmoins plus propre et les sièges de l'assemblée étaient tous fonctionnels. Assis au premier rang, Caral, Valderz et S'Looran observaient les innombrables soldats et officiers de la résistance pénétrer par les trois immenses portes desservant la grande salle. Le trio s'étonna de voir parmi les Calamariens et les Quarrens plusieurs autres espèces ; des humains, des Sullustains, des Elom ou encore des Wookies. Bientôt, une silhouette se profila derrière le pupitre installé sur un remblai métallique situé devant les rangées de sièges. Un projecteur déplaça de façon subtile son cône lumineux pour dévoiler le mystérieux personnage. Il s'agissait du général Delleyo.

- L'heure est venue pour nous de repousser l'Empire et de nous libérer de son joug, commença-t-il d'une voix calme mais puissante.

L'audience se tût, une réaction contraire à celle à laquelle Caral s'était attendue : un tel discours prononcé au Sénat aurait provoqué des applaudissements ou des huées.

- Nos premières attaques vont se concentrer sur les cités installées au fond de la mer, continua Delleyo. L'Empire y a une emprise moindre et nous aurons l'avantage tactique.

Le Calamarien poussa sur l'un des nombreux boutons de son pupitre et un plan holographique tridimensionnel apparut derrière lui. Il représentait un véhicule qui n'était pas connu de Valderz.

- Ceci est un TA-SM, Transport d'Assaut Sous-Marin, expliqua le major Natrlos, la femme qui avait sauvé Caral et ses amis des griffes du BSI.

Elle brandissait une baguette en duraplastique et pointait celle-ci vers l'étrange appareil.

- Il fut introduit il y a moins de deux mois par l'Empire pour contrer les rébellions dans les mondes aquatiques. Il est rapide et puissant mais il est loin d'égaler nos propres navires, continua la Quarren. Qui plus est, leur nombre est encore très restreint, elle fit un signe de tête à Delleyo. Celui-ci pressa sur un autre bouton et l'image du TA-SM fut remplacée par une série de graphiques et de chiffres.

- Voici le nombre de troupes, véhicules et appareils de l'Empire actuellement présents sur la planète, dit le général. Il est, bien sûr, en évolution constante mais nous pouvons quand même nous y fier.

Dans la salle, des droïdes distribuaient à l'assistance des datablocs remplis d'informations importantes. Caral remarqua que S'Looran était consternée par quelque chose. Avant qu'il n'ait pu demander quoique ce soit, la Calamarienne leva la main :

- Général, qu'avons-nous à craindre de notre flotte en orbite ?

Delleyo avait prévu que l'un de ses combattants lui demande cette question :

- Sur les vingt-cinq navires la constituant, six sont de notre côté. Ils feront en sorte de nous aider au maximum. Les autres, par contre, ne sont pas avec nous. Néanmoins, il est fort peu probable qu'ils cherchent activement à s'interposer ; ils préféreront ne pas prendre parti.

Après le briefing, les troupes se rassemblèrent dans les bâtiments abritant les sous-marins. Plusieurs d'entre eux avaient déjà quitté la base et les lumières émergeant de leurs hublots se reflétaient dans le lointain. Valderz, Caral et S'Looran attendaient patiemment que l'on leur assigne un navire. Bientôt, la major Natrlos apparut.

- Voulez-vous bien me suivre ? dit-elle.

Le trio ne répondit pas et se contenta d'emboiter le pas à l'officière quarren.

Ils traversèrent d'innombrables couloirs et coursives avant d'emprunter un turbo-ascenseur suffisamment large pour accueillir un Hutt adulte. À en juger par le temps que mit la cage pour compléter son parcours, Caral estima qu'ils étaient à présent au plus profond de la vallée sous-marine, sous la roche. Ses appréciations s'avérèrent justes lorsque les portes s'ouvrirent sur un long tunnel creusé à la va-vite, dans la matière calcaire qui constituait le fond de cette vallée. Le groupe marcha encore quelques minutes dans ce boyau avant d'atteindre une porte en duracier à double battant. Natrlos composa un code et ils pénétrèrent dans une petite pièce dont les seuls ornements étaient une dizaine de sièges disposés autour d'une table des plus simplistes.

Le major Quarren invita le trio à s'asseoir et se dirigea vers un interrupteur lui permettant de baisser l'intensité de la lumière. Elle se retourna ensuite et parla :

- Nous avons trouvé un moyen de vous faire quitter la planète, annonça Natrlos, mais il n'est ni confortable ni sûr.

Devant les regards perplexes des trois comparses, la femme s'expliqua plus en détail :

- Nous avons fait modifier des capsules de sauvetage récupérées à bord d'un navire impérial dont l'épave repose sur le fond marin non loin d'ici. Ces capsules sont équipées de propulseurs et de systèmes de survie leur permettant de traverser la mer puis le ciel et enfin l'espace.

- Quoi ! s'écria Caral, complètement abasourdi.

- Ne perdons pas de temps, le Krakana doit déjà être en train de vous attendre, dit la Quarren tout en ouvrant une porte donnant sur une baie de lancement à laquelle étaient arrimées les trois capsules.

- Le Krakana ? demanda Valderz tout en avançant avec prudence vers le véhicule le plus proche.

- C'est une frégate de la flotte calamarienne ayant rallié notre cause, expliqua Natrlos. Elle vous emmènera à Linuri. (Elle fit un signe de tête vers la porte d'une des capsules.) Ne perdez pas de temps !

S'exécutant sans un mot, le trio pénétra avec quelques réticences dans l'habitacle exigu de leurs transports.

Quelques instants plus tard, le fait que Caral soit littéralement plaqué à la paroi inférieure du véhicule lui indiqua que celui-ci s'était mis en route. Deux minutes passèrent ensuite avant que la capsule ne se stabilise et prenne une vitesse et une assiette plus soutenables.

Peu de temps plus tard, plusieurs Calamariens vêtus d'un uniforme médical de l'Alliance Rebelle ouvrirent prestement les différents sas les séparant des compatriotes. Ceux-ci furent emmenés à l'infirmerie du navire.

Le Krakana quitta l'orbite de Mon Calamari et se dirigea vers son point de saut lorsque, soudain, un croiseur léger de classe Carrack de l'Empire surgit derrière lui, encadré par une petite escouade de chasseurs Tie. Sur la passerelle de la frégate MC30, le commodore Yamarus ordonnait d'une voix quelque peu nerveuse :

- Levez les boucliers et préparez les batteries arrières !

Ses officiers s'empressèrent de relayer l'ordre.

Alors que sur l'écran du Calamarien, le point de saut était presque atteint, une explosion retentit et le navire tout entier trembla.

- Rapport des dégâts ! demanda Yamarus.

Une jeune officière quarren répondit d'une voix nerveuse.

- Impact direct de turbolaser sur les générateurs de boucliers auxiliaires ! Les déflecteurs sont à 60 % de leur puissance nominale.

- Ripostez immédiatement. Barrage de missiles à concussion sur les vecteurs six point quatorze et neuf point neuf !

- Bien reçu ! répondit l'officier artilleur.

Les boucliers du Carrack repoussèrent facilement les ogives mais l'impact de celles-ci eut pour effet de perturber quelques instants les systèmes d'alignements des déflecteurs. Les quatre batteries turbolasers à double affût situées à l'arrière du Krakana exploitèrent la faiblesse et démolirent deux batteries ioniques situées à l'avant du navire impérial. Celui-ci préparait sa riposte mais il était trop tard : la frégate calamarienne avait plongé dans l'hyperespace...

A bord du sous-marin Trésor des Fonds, les soldats calamariens et quarren observaient anxieusement le paysage corallien situé de l'autre côté de leurs hublots. Leur cible était sans doute la plus dangereuse et la plus périlleuse de toutes celles visées par les commandos du général Delleyo. En effet, le complexe abritant le générateur de bouclier chargé d'envelopper Mon Calamari d'une barrière énergétique impénétrable était défendu par une formidable garnison composée de troupes d'élites de l'Empire et de plusieurs véhicules des plus perfectionnés. Et pourtant, il y avait une faille, une faille que les hommes d'une guerrière calamarienne célèbre, la colonelle Slarsim, comptaient bien exploiter. Cette faiblesse prenait la forme de quatre énormes tours flottantes disposées tout autour de la petite île sur laquelle le générateur de bouclier était placé. La région étant régulièrement sujette à de violentes tempêtes, le Moff de Mon Calamari avait autorisé l'armée à installer ces dômes, dont l'intérieur renfermait une cellule énergétique capable de générer un champ de force invisible protégeant les infrastructures des intempéries. Trop sûrs d'eux, les Impériaux n'avaient équipé ces stations que d'une défense minimale...

Dans le cockpit du Trésor des Fonds, Slarsim commençait à distinguer la silhouette conique de l'une des tours flottant paisiblement à la surface des eaux transparentes de Mon Calamari. Elle vérifia l'écran de son sonar : «Aucune patrouille impériale...» se dit-elle en souriant. Elle activa le haut-parleur lui permettant de contacter ses hommes installés dans la grande soute ;

- Ici la colonelle Slarsim ! Nous approchons de l'objectif, préparez-vous à l'attaque !

Immédiatement, une alarme stridente parcourut le navire tandis que des lumières rouges clignotaient partout dans les coursives.

Bientôt, la Calamarienne arrima en douceur le sous-marin, long de cent mètres, à la station. Un tunnel flexible se déploya et le génie commença à forcer l'entrée. Lorsque ce fut fait, les troupes déferlèrent dans les couloirs exigus et se dirigèrent d'un pas rapide et excité vers le générateur de champ.

Soudain, sortant de nulle part, des dizaines de stormtroopers tirèrent sur la formation de Slarsim. Celle-ci, au beau milieu de son groupe, jura :

- Un piège ! Repliez-vous !

Les traits énergétiques écarlates déferlèrent sur eux et les compatriotes de la colonelle tombaient les uns après les autres. Bientôt, de violentes explosions se firent entendre dans le lointain : le Trésor des Fonds ne devait pas avoir fait long feu...

Lorsqu'il ne resta plus que Slarsim et quatre soldats, tous des Quarren, les stormtroopers leur ordonnèrent de se rendre. La Calamarienne fit la grimace avant de remarquer que la bataille les avait emmené juste devant une porte entrouverte menant au générateur de champ de force. Elle regarda ses hommes et lança un détonateur thermique par la petite ouverture.

Quelques instants plus tard, une aveuglante explosion illumina tout l'hémisphère sud de la planète tel un second soleil avant de disparaître en un champignon à la silhouette pittoresque. L'instant d'après, les éléments se déchaînèrent et engloutirent la garnison impériale en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. L'Huître Sage, l'autre sous-marin engagé dans l'opération, débarqua ses troupes dans le complexe du générateur de bouclier planétaire, et elles en prirent rapidement le contrôle.

De l'autre côté de la planète, une flotte bien plus imposante - dix sous-marins - convergeait à haute vitesse vers la Base Un, une large baie abritant le gros de la flotte maritime impériale. Bien que l'armée croyait sa position inconnue de la résistance, cela faisait quelques mois que les éclaireurs de Delleyo en avaient avéré l'existence. Bien défendue, cette installation serait difficile à prendre mais le colonel Gergos était confiant.

- La plus grosse menace viendra de leurs TA-SM, au nombre de treize. (L'homme pointa son doigt de calamarien sur un autre point de la projection holographique de la Base Un.) Ici sont installées les tourelles turbolasers. Elles ont une cadence de tir lente mais sont terriblement efficaces : un seul de leurs redoutables traits énergétiques peut facilement désintégrer un sous-marin de classe SMMC-40 comme ceux qui composent notre flottille. (Il releva les yeux et ajouta:) Que la Force soit avec nous.

Peu après, la base navale était en vue. «Il y a quelque chose qui cloche» se dit Gergos en étudiant les rapports des senseurs. Il se tourna vers son officier radar et demanda une confirmation, qu'il reçut peu après. Il fit une flexion faciale Calamarienne que l'on peut apparenter à un regard perplexe :

- Où sont donc les TA-SM ? se demanda-t-il tout haut. Et où sont passés les deux bombardiers Tie chargés de la lutte anti-sous-marine ?

Il eut vite une réponse à sa question : on entendait au loin le bruit d'objets volumineux entrant en contact avec l'eau, puis de titanesques détonations ne pouvant trouver l'origine que dans des bombes à protons de l'Empire. Trois navires calamariens se désintégrèrent dès le premier passage des Tie et deux autres lors du second. Leur troisième attaque fut moins fructueuse car Gergos avait ordonné de rompre la formation et de fuir dans toutes les directions possibles. Pourtant, leur calvaire n'était pas terminé : des silhouettes sombres et oppressantes se profilèrent devant le vaisseau-amiral de Gergos, le Cité Brillante.

- Des TA-SM ! cria-t-il à l'intention du navigateur. Repli immédiat !

Le sous-marin effectua un demi-tour précipité, arrachant une bonne partie des coraux situés sur les haut-fonds. Il avançait à pleine turbines mais les salves de torpilles déferlaient sur eux et bientôt l'officier des senseurs s'affola :

- Monsieur, une torpille file droit sur nous !

- Esquivez... Gergos ne finit pas sa phrase :

L'ogive transperça la coque du navire et avec le Cité Brillante sombra un fragment d'espoir.

Plus tard, dans le quartier général de la résistance, Delleyo regardait avec délectation ses hommes se faire annihiler par les forces de l'Empire. Cela faisait deux semaines qu'il avait pris la place de ce poisson et il se réjouissait à l'idée qu'il allait enfin pouvoir rejoindre Coruscant pour s'y faire retirer ses horribles prothèses le faisant ressembler à ces êtres répugnants. Son vrai nom était Lantis Reteross, né sur Commenor, il avait vécu dans une famille profondément dévouée à l'Empereur : son père était capitaine de destroyer stellaire, et sa mère était officière de la sécurité à l'ambassade impériale et son frère un pilote de Tie. Quant à lui, il avait décidé de rejoindre le BSI, malgré les protestations de son père : il lui avait une fois dit : «tu préfères poignarder dans le dos que de te battre vraiment, n'as-tu pas honte ?». Lantis l'avait ignoré et pensait avoir fait le bon choix. Alors qu'il souriait lorsqu'un autre point bleu, symbolisant sur sa projection holographique les forces de la résistance, la major Natrlos et une dizaine de soldats en arme pénétrèrent dans la pièce. Delleyo... Reteross les regarda d'un air interrogateur ;

- Mais que se passe-t-il ?

- Où est le général Delleyo, cria Natrlos, enragée comme une panthère corellienne.

L'agent du BSI sourit.

- Je n'en sais strictement rien et, à vrai dire, c'est mieux comme cela.

La Quarren régla son arme sur paralyser et tira. Lorsque le corps endormi de Reteross s'effondra sur le sol, elle fit signe à deux de ses hommes ;

- Mettez-le sous très haute surveillance dans une cellule à part, il ne faut pas qu'il s'échappe.

- A vos ordres.

Les soldats quittèrent la pièce et la major activa envoya le code de retraite à tous les résistants ayant survécu aux embuscades tendues par cet ignoble agent.