Voici le Chapitre 16 que j'avoue avoir rédigé beaucoup plus rapidement que prévu.
J'espère qu'il vous plaira et je vous souhaite une bonne lecture !
Comme d'habitude, laissez moi un commentaire ou un MP afin que j'améliore toujours plus mon style d'écriture ou si vous avez le moindre conseil.
Petit rappel: je travaille sans Beta, veuillez donc pardonner les fautes qui, je suis sûre, sont présentes.
Chapitre 16
Jarka, la dernière et plus grande île de l'archipel printanier s'étendait face aux yeux ébahis d'Isaya. En effet l'île entière n'était qu'une seule et même ville tout en relief ! Aucune trace de végétation, d'espace vide ni même la moindre plage, n'était visible. La dragonnière n'avait jamais rien vu de tel.
L'optimisation de chaque mètre carré semblait avoir été poussée jusqu'à son paroxysme challengeant toujours plus les limites des lois et de la logique architecturale. Les habitations étriquées étaient montées les unes sur les autres dans des hauteurs vertigineuses comme des châteaux de cartes déstructurés afin de palier à la surpopulation. Mais ce n'était tout de même pas assez car des pontons s'avançaient sur l'eau et menaient à des plate-formes en bois sur lesquelles reposaient de nouveau des échoppes, commerces, restaurants et bars en tout genre.
On aurait dit une entité vivante et grouillante croulant sous son propre poids et étendant ses bras difformes sur la mer dans l'espoir de se soulager. Et autour de cette masse, tout type de bateaux s'y amassaient. Cela allait de la simple barque, au chalutier de pêcheur en passant par le galion jusqu'au navire moderne, le tout dans un ballet incessant. Certains étaient amarrés aux pontons, d'autres plus imposants avaient simplement jeté l'ancre, les équipages rejoignant sûrement la ville en chaloupe.
D'ailleurs de ce qu'elle avait comprit, il n'y avait pas de port, celui-ci ayant été engloutit par les constructions depuis bien longtemps. Le seul rescapé était celui de la marine derrière l'autre versant de l'île et où toute entrée était strictement prohibée.
La ville en elle-même se distinguait par trois zones bien définies sur plusieurs quartiers : celle des habitants fortunés ou d'une quelconque importance résidant près de la zone militarisée, celle commerciale et du peuple en général, grouillant de vie et d'activités et enfin la zone de non-droit , libre, regorgeant de pirates et voyageurs de tout horizon où on pouvait y retrouver les affaires bien moins légales.
La jeune femme se demandait sincèrement comment tous ces gens pouvaient cohabiter ainsi dans ce chaos et ambiance désorganisée. Mais surtout comment allait-elle pouvoir trouver le moindre fragment ici ?
Une fois débarquée dans la zone commerciale, sur l'un des pontons, les sens de la jeune femme furent très vite assaillis. Un brouhaha composé de discussions, appels, chants, musique et bruits des travailleurs y évoluant. Le pire fut l'odeur. C'était un mélange de poisson pourri, fumée, tabac, nourriture, alcool et embruns marins, lui donnant une légère nausée.
Ses lèvres s'étirèrent dans une fine grimace de dégoût alors qu'elle cherchait dans la myriade d'enseignes un endroit où trouver de plus amples informations à propos de la ville.
Ne trouvant rien et se sentant vite dépassée par toute cette agitation, la dragonnière interpella un marin affairé sur des amarres, non loin de là. Après quelques secondes il lui indiqua du doigt un large panneau en bois à quelques mètres seulement mais qu'elle n'avait pas vu de prime à bord à cause de toute cette foule pressée. Là elle y trouva un plan plus ou moins détaillé et regroupant les informations les plus importantes des lieux. Elle repéra rapidement l'endroit contenant les auberges et lieux de résidences temporaires pour les voyageurs de passage. Ceux-ci se trouvait pile entre la zone commerciale et celle de non-droit, desservant les deux quartiers. Des hôtels se trouvaient bien dans le quartier plus chic de l'immense cité mais elle les écarta rapidement, sûrement trop coûteux. La jeune femme tenta de se faire une carte mentale et reteint les points les plus importants avant de se glisser dans la foule.
Tout en essayant de se frayer un chemin dans la cohue affairée en ce milieu d'après-midi, Isaya détaillait les passants. La foule était extrêmement hétéroclite et semblait venir de tout horizon mais ce qui la soulagea fut le fait que personne ne semblait se soucier d'elle voire l'occultant totalement et la bousculant régulièrement sans même un regard ou excuse. Au moins elle passerait inaperçu, c'était déjà ça.
Slalomant dans les rues assez étroites, la dragonnière croisait des pirates ivres, marins parlant fort entre eux, travailleurs pressés, enfants se bousculant et criant, mendiants et bien d'autres personnages fort en couleur et tous plus différents les uns que les autres.
Seulement au bout de presque une heure de marche, l'étonnement et la découverte firent place à une certaine irritation et sensation d'étouffement. C'était trop d'un coup pour ses sens, Isaya n'avait qu'une hâte : trouver un lieu de repos avant la fin de l'après-midi afin de souffler un peu.
Heureusement que les murs des rues étaient balisés par des plaques indiquant les directions sinon elle se serait perdue malgré le plan qu'elle avait essayé de retenir tant bien que mal. Et c'est après d'autres longues minutes qu'elle arriva aux abords des auberges animées de vie.
La jeune femme aux cheveux blancs passa s'en s'arrêter devant les premiers bâtiments se doutant bien qu'ils seraient bondés car au plus près des commerces. Continuant sur une centaine de mètres et bifurquant dans quelques rues parallèles à la principale, pour un premier tour de repérage elle se stoppa. En effet elle croisait de moins en moins de personnes lambda et de plus en plus de mines patibulaires ainsi que de femmes de charmes. Elle s'approchait trop de la zone de non-droit.
Isaya rebroussa chemin tout en passant sa capuche sur sa tête mal à l'aise par les regards torves de certains hommes. Évitant quelques flaques douteuses sur le sol, elle trouva enfin une auberge un peu à l'écart de l'accès principal sans avoir l'air trop malfamée. Malheureusement aucuns des établissements croisés servaient uniquement de gîte, tous comprenaient également des bars.
Le début de soirée commençant et n'ayant pas plus de choix, la dragonnière jeta un dernier coup d'œil derrière elle et entra. La salle était déjà en partie remplie mais à part deux-trois regards personne ne prêta vraiment attention à sa présence. Seul un homme à sa gauche, derrière un comptoir de bar l'apostropha chaleureusement tandis qu'elle s'en approchait:
- Bienvenu ! Que puis-je pour toi ?
Ne relevant pas le tutoiement, la jeune femme lui demanda une chambre pour une durée indéterminée et paya d'avance la première nuit. Il lui tendit une clé et indiqua la direction d'un escalier dans le prolongement du bar plus loin.
Elle le chercha du regard et repéra les lieux au passage. La salle était assez vaste et de nombreuses tables en bois s'y trouvaient. Le bâtiment étant à un angle de rue, possédait deux pans de mur recouvert de grandes fenêtres en cul-de-bouteilles amenant un peu de luminosité naturelle, l'un dans son dos où se trouvait la porte d'entrée et l'autre sur sa droite. Sous les fenêtres, d'autres tables mais entourées cette fois-ci de banquettes et face à elle le long du seul mur en pierre, à droite de l'escalier, se trouvait une petite estrade qui devait accueillir sûrement des musiciens le soir.
Reportant son regard sur le tenancier, Isaya s'enquît des horaires ou règlement propre à l'auberge. L'homme l'informa que le bar fermait de trois à onze heures du matin. Par contre le gérant se relayant avec son associé, permettait une ouverture jour et nuit sans interruption. Elle pouvait donc aller et venir à n'importe qu'elle heure y comprit la nuit. Par contre ils ne faisaient pas de petit-déjeuner mais déjeuner et dîner pouvaient être servis à certains horaires.
L'homme dans la cinquantaine et souffrant d'un léger embonpoint lui demanda si elle voulait consommer quelque chose. Ce qu'elle refusa poliment avant de s'engager dans les escaliers en colimaçon, ne s'arrêtant qu'au deuxième étage où sa chambre se trouvait au bout d'un long couloir.
La pièce était toute simple car elle ne comportait qu'un lit double et une petite table avec deux chaises. C'était à peu près propre et heureusement les draps sentaient la lessive. Une fenêtre avec rambarde donnait également sur la rue et une alcôve comprenant une petite salle de bain était également présente.
Satisfaite Isaya s'enferma en scellant en plus la porte d'un sort, prit une légère douche puis se changea en enfilant (encore) un pantalon noir et une nouvelle chemise légère écru. Enfin la jeune femme s'écroula de tout son long sur le lit, épuisée de tant de stimulations d'un coup. Cette île était dingue. Elle décida donc de dormir quelques heures avant de choisir à son réveil si elle devait tenter une sortie de nuit afin d'esquiver les rues trop bondées en journée. De plus si les habitants dormaient elle aurait sûrement moins de difficulté à localiser le fragment parmi tant de sources d'énergies potentielles.
[...]
Trois heures et demi du matin, Jarka.
Isaya ouvrit subitement les yeux, une sensation venait de la réveiller ou plutôt un murmure se glissant sinueusement dans le creux de ses oreilles. Elle le reconnaissait, c'était l'appel d'un fragment de ses pouvoirs. Instantanément alerte, elle se redressa et enfila par automatisme ses cuissardes en cuir puis son manteau vert d'eau foncé. Contrairement à son habitude elle laissa son sac sur place mais s'équipa de ses armes.
Puis silencieusement, après avoir verrouillé la chambre, elle prit le chemin de la sortie. La jeune femme se stoppa quelques secondes au bas de l'escalier, observant les lieux. À cette heure-ci il ne restait que peu de personnes dans la grande salle, quelques soûlards dormaient bruyamment sur les tables et le patron était trop occupé à nettoyer les dégâts résultant de la soirée pour la remarquer.
Alors elle frôla le comptoir telle une ombre et sans un bruit se glissa dans la nuit refermant la porte sans un grincement derrière elle.
Elle se figea quelques instants à l'affût des bruits divers de la ville. On pouvait entendre ici et là quelques chants, musique ou éclats de voix et disputes mais la majorité provenaient de la zone libre encore animée à cette heure.
La dragonnière glissa sa capuche sur sa tête et boutonna jusqu'au col sa veste, ne laissant dépasser plus que son nez et sa bouche. Ses yeux, eux, devenus invisibles. Puis elle inspira profondément l'air nocturne avant d'ouvrir un peu plus ses sens et entendre de nouveau le murmure.
Alors à l'instar d'une apparition fantomatique elle se laissa guider par son instinct en disparaissant dans la pénombre des rues étroites et sinueuses comme si elle n'avait jamais été là.
Ses pas la menèrent dans les hauteurs vers le centre de la ville puis en direction des quartiers résidentiels des habitants fortunés. Au fil des marches et escaliers en tout genre, les rues se firent plus larges, mieux éclairées et croisant parfois quelques marines menant des rondes, la jeune femme se dissimulait alors à leur vue dans quelque recoin de sombre.
Elle se concentrait du mieux qu'elle pouvait afin de rester sur ses gardes et ne pas se laisser bêtement dominer par son instinct qui lui dictait d'allonger toujours plus le pas, ressentant plus fortement la présence du fragment. Isaya gardait à l'esprit l'image d'Izou et ce qui avait résulté de sa perte de bon sens la dernière fois qu'elle s'était laissé hypnotiser bêtement. Grâce à cette pensée elle se domina facilement.
Débouchant sur une rue joliment pavée elle tomba sur des habitations cernées de barrières en fer forgé mais l'une d'elle reteint son attention en particulier. L'effluve familier de magie provenant de son monde venait d'une maison décorée de végétaux.
La dragonnière l'observa plus en détail et son attention fut portée sur une fenêtre coulissante, entrouverte au premier étage. Une expression de stupeur dû apparaître sur son visage dissimulé quand elle se rendit compte qu'un fragment trônait tout simplement là sous une cloche de verre entre deux pots de fleurs, tel une vulgaire loupiote sur le rebord en brique. Elle ne pouvait croire que les propriétaires en avait fait une simple décoration à la vue de tous. C'était trop beau pour être vrai. Mais secouant vivement la tête elle se reprit et se félicita intérieurement car cela allait être bigrement plus simple qu'elle ne pensait pour le récupérer.
Se rappelant de l'endroit où elle se trouvait, la jeune femme activa sa magie afin de sonder les environs et l'habitation. Doucement elle chuchota :
- Occulis.
Ses yeux s'illuminèrent et les deux traits verticaux liés au sort, apparurent sous ses yeux.
Elle ne détecta que quelques flots de pensées, appartenant sûrement à une patrouille de marines et trop loin de sa position pour qu'ils représentent une quelconque menace. Mais la partie de la ville où elle se trouvait semblait profondément endormie, tout comme les deux seule énergies vitales qu'elle repéra au deuxième étage de la maison.
Tandis qu'elle coupait le sort, la jeune femme sauta souplement la barrière délimitant la propriété. Puis elle créa une bulle d'air se laissant flotter jusqu'au premier étage. Ainsi fait elle n'avait plus qu'à soulever un peu plus la fenêtre et tendre le bras vers la cloche de verre à portée de main. Se demandant tout de même comment les occupants avait pu conditionner son pouvoir ainsi sans l'absorber en le touchant.
Elle fut rapide et efficace et en à peine deux minutes elle était déjà en train de s'éloigner vers une rue plus étroite et moins bien éclairée. Résistant à l'envie presque irrépressible de toucher immédiatement le fragment, elle se força à trouver un passage étroit et plongé dans le noir entre deux bâtiments.
Là elle s'assit en tailleur et tenant l'objet de sa quête par le socle, elle le déclocha prudemment. Ne résistant plus au murmure incessant et lancinant, la dragonnière entra en phase de méditation car c'était le seul moyen qu'elle avait trouvé pour commencer à maîtriser ses allers et venues entre les deux monde. Et d'un simple touché elle disparu dans un flash.
[...]
Isaya avait réussi son passage en Erevan et haut la main de surcroît. Cette fois-ci en se concentrant sur le lieu de son refuge de toujours, elle ne pensa qu'au saule pleureur perché en hauteur et c'est sur l'une de ses imposantes et larges racines qu'elle avait atterri lourdement. Par contre son estomac en avait prit un sacré coup, elle se pencha au dessus du vide et rendit le peu qu'il contenait. Décidément elle ne se ferait jamais à cette sensation atroce. Les oreilles sifflantes et épuisée elle se réinstalla à genoux en inspirant profondément pour faire passer la sensation de malaise.
Quand elle ouvrit les yeux, plus calme, un sourire étira ses lèvres face au paysage sous la clarté du soleil et un profond sentiment d'euphorie s'empara d'Isaya. Elle se mit alors à rire dans la brise, tout bonnement heureuse. C'est après quelques minutes de contemplation, qu'elle désescalada son perchoir pour atterrir souplement sur le sol. Elle s'y allongea alors afin de réfléchir.
La jeune femme à la chevelure de neige se demandait si elle devait se concentrer sur Arakum la prochaine fois qu'elle récupérerait un fragment, il lui fallait absolument réussir à contacter quelqu'un ici. Elle commençait presque à regretter de ne pas en avoir ouvertement parlé à la cheffe du clan Levan mais la politique instable du royaume en aurait sûrement pâtit. Les différents pouvoirs de ce monde se déchiraient déjà, grignotant les terres et richesses des uns et des autres après la guerre qu'ils avaient de justesse remportée.
La famille royale en place était déjà pointée du doigt et vivement critiquée suite à sa réaction tardive à s'impliquer dans le conflit et le résultat avait été la perte de nombreux fiefs, troupes ainsi que quelques alliances rompues. Les représentants du roi avaient déjà assez de mal à rétablir un semblant d'ordre et de confiance. De plus que la capitale reposait son pouvoir et malheureusement son orgueil sur sa fameuse Académie et sa puissance militaire dont la réputation n'était plus à faire.
Il était donc impossible d'avouer au grand jour que Jace Loksann, futur membre de l'Ordre des Dragonniers, avait trahit son pays tandis qu'il était sous la tutelle d'un membre éminent du Conseil des Sages. Alors rajouter à cela la disparition d'un de leurs précieux et peu nombreux dragonniers qui plus est aux pouvoirs maintenant plus que limités, revenait à ajouter de l'huile sur le feu. Finalement malgré le respect que la jeune femme éprouvait pour Miri Levan, elle avait bien fait de ne rien lui révéler.
Chassant ses sombres réflexions, Isaya se demanda quand son corps commencerait à assimiler la partie de pouvoir récupérée et surtout si cela arriverait avant qu'elle ne soit renvoyée de son monde. Car à choisir elle préférait largement que cela se passe ici plutôt qu'au milieu d'une île bondée. Elle attendit donc très longtemps, écoutant le chant des oiseaux et la brise dans les branches de l'arbre au dessus d'elle.
Puis la dragonnière laissa de nouveau ses pensées s'envoler vers son dragon qui lui manquait terriblement, Izou pour qui elle s'inquiétait toujours de l'état de santé, se demandant s'il s'était réveillé et enfin le phénix qu'elle n'arrivait pas à occulter totalement de son esprit, ce qui commençait à l'agacer.
Chassant Marco très vite de sa tête, Isaya se releva car la journée avançant, le soleil devenait de plus en plus fort et dardait ses rayons cuisants sur elle. Elle fit donc le tour du tronc de l'arbre plus que séculaire à la recherche de la fraîcheur de son ombre quand ses yeux accrochèrent soudainement un reflet métallique au sol.
Intriguée elle s'avança entre deux racines où, sous une rune discrète gravée à même le bois, une capsule reposait. Son cœur eut alors un raté et elle se figea quelques secondes avant de se précipiter en avant. Les mains moites et légèrement tremblantes, la jeune femme ramassa délicatement l'objet fait de verre et de métal. La décapsulant prudemment, elle récupéra le précieux parchemin et déroula la missive avant de commencer à la lire.
« Chère Isaya,
C'est empli d'espoir que je t'écris cette missive dans une dernière tentative désespérée et j'espère qu'elle te parviendra un jour. Sans nouvelles de toi depuis ton retour il y a de ça un mois puis de ta nouvelle et brusque disparition, je ne peux que commencer à redouter les affres d'un destin cruel et pernicieux.
Saches que nous avons bien reçu ton seul et unique message et comprit tout ce que cela impliquait. À cette pensée mon cœur gronde de tristesse mais tes actes face au péril, pour le bien de ce royaume, m'emplissent de fierté et de reconnaissance.
Nous ne pouvons que faire des suppositions quant à ton sort et espérons que tu réapparaisses prochainement en bonne santé.
Tu as été déclarée en mission officielle pour la couronne, sois donc prudente et discrète, nul ne doit savoir. Tu connais les enjeux politiques actuels.
Nous avons missionné Lance Aglion à ta recherche et il devra surveiller ce lieu qui t'es si cher afin d'entrer en contact avec toi et Ojutaï. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir afin de t'aider.
En ces heures dépourvues de la joie de ta présence, ce n'est pas le mage et encore moins le militaire qui te parle mais l'homme qui a élevée une jeune fille qui est devenue femme. Je suis fier de toi Isaya.
Tu as fait ton devoir, maintenant tâches de nous revenir saine et sauve.
Tendrement,
Ton Maître »
À la lecture du parchemin, une boule s'était formée dans sa gorge et des larmes menaçaient dangereusement de passer la barrière de ses longs cils blancs. Mais la jeune femme n'en avait cure, un poids venait de s'envoler de son cœur. Car son maître de toujours était un homme tempétueux de peu de mots et démonstrations émotionnelles alors de voir son affection envers elle couchée à l'encre noire sur cette lettre l'avait touchée au plus profond de son âme.
Bouleversée, Isaya serra la missive contre sa poitrine et sanglota comme une enfant, se laissant volontiers aller à un moment de faiblesse.
Elle n'eut malheureusement pas le temps de savourer ce moment intime qui lui réchauffait le cœur car ce chamboulement émotionnel déclencha l'assimilation du fragment dans son corps. Elle rangea alors précieusement la lettre dans la capsule hermétique et la glissa dans une poche interne de son manteau puis s'assit fébrilement sur le sol tout en ravalant ses derniers sanglots.
La dragonnière sentait la fièvre monter et pour se concentrer elle se ressassa en boucle, les paroles chaleureuses de son Maître. Elle tint bon même si cela s'avéra bien plus difficile que la dernière fois et après de très longues minutes de lutte acharnée pour ne pas laisser toute cette énergie jaillir hors d'elle et s'emparer de sa conscience, la crise cessa enfin. Pour une fois elle ne s'était pas évanouit. Épuisée elle s'étala au sol, le corps encore tremblant de spasmes et un rire fatigué s'échappa d'elle.
Isaya resta encore au sol quelques instants mais il fallait qu'elle reparte maintenant. Elle n'avait rien en sa possession pour répondre à la missive laissée là. Dorénavant elle se devait de toujours porter sur elle de quoi écrire mais surtout récupérer d'autres fragment le plus rapidement possible. Même si cela n'était pas raisonnable vu son état d'épuisement, l'impatience prit le dessus.
Se redressant alors en tailleur et soufflant profondément elle se sentit à peu près capable de tenter le voyage du retour. Forte de sa motivation, la capsule contenant le précieux message en sa possession, elle médita de nouveau et se concentra de toute ses forces sur sa chambre à l'auberge. Après quelques instants la sensation familière débuta et alors qu'elle se sentait basculer en arrière, une bourrasque de vent puissante balaya les environs et une voix étonnamment familière criant son nom, la déconcentra à la dernière seconde mais ce fut trop tard. Elle avait disparu de la surface de ce monde.
[...]
Un peu plus tôt, Erevan.
Lance Aglion fulminait, cela faisait maintenant un mois qu'il écumait le royaume après avoir déposé la missive du mage Iron Gawallel Oak au pied de l'arbre mais toujours rien, aucune trace d'Isaya et Ojutaï, nulle part. La seule chose qu'ils avaient trouvé était l'épée de celle-ci plantée profondément dans le sol à l'un des endroits où la jeune femme jouait enfant avec le traître, non loin de la capitale.
Le dragonnier y avait repéré il y a de ça deux semaines, quelques traces de lutte laissées par un dragon ainsi que des bribes de résidu de magie mais c'était tout. Le temps et les éléments s'étaient chargés d'effacer le reste de la scène. Il en avait fait part à Dame Cassandre qui de son côté avec le mage-guerrier commençait sérieusement à supposer que la dragonnière était probablement de nouveau coincée dans cet « autre monde ».
Tout cela commençait gentiment à lui taper sur les nerfs, il n'aimait pas tourner en rond. Le dragonnier était un homme d'action pas un limier. Tandis qu'il serrait ses mains sur le rebord de la selle de Roeg, celui-ci se moqua de son tempérament :
- « Si tu continues à t'agripper ainsi tu vas finir par l'abîmer. »
Il grogna en retour :
- Je n'aime pas tourner en rond Roeg et tu le sais très bien ! Ça fait un mois qu'on les cherche, je commence à me dire qu'ils méritent de se débrouiller seuls !
Le dragon argenté rigola et profitant de la vitesse tranquille de son vol à basse altitude, souffla un léger panache de fumée de ses naseaux afin que celui-ci revienne en pleine figure de l'homme sur son dos. Il ne prêta pas attention à sa réaction offusquée et luit dit :
- « Moi ça ne me dérange pas, je préfère ceci plutôt que de rester enfermé au « nid » toute la journée. Et puis j'aime bien Ojutaï et la petite humaine, j'ai envie qu'ils reviennent, on commençait à s'ennuyer ces derniers temps. »
Lance souffla bruyamment. Dans le fond il s'inquiétait quand même pour le duo. Il renchaîna :
- Sois honnête et dis plutôt que nos querelles avec Isaya t'amusent !
- « Je ne te contredirais pas. »
Cela avait toujours été ainsi, Roeg était de nature désinvolte et tranquille à l'opposé de son dragonnier qui lui était fougueux et parfois susceptible.
L'homme marmonna encore quelque chose d'intelligible tandis qu'ils se dirigeaient une fois de plus vers l'ancien volcan.
Mais alors que celui-ci était en vue, le cavalier sentit son dragon se crisper.
- Qu'y a-t-il Roeg ?
- « Je sens de la magie instable en contre-bas, c'est étrange. »
- Vite allons-y !
Alors que Lance se couchait sur le dos de sa monture, celle-ci accéléra en plongeant vers l'arbre titanesque. Il put alors vaguement distinguer entre deux racines une forme humaine. Les mètres entre eux et la silhouette se réduisant à une rapidité vertigineuse le dragonnier comprit à sa signature énergétique qu'il s'agissait d'Isaya.
Quand Roeg déploya de nouveau ses ailes d'argent pour casser sa vitesse afin de ne pas se fracasser sur le haut de la falaise, le dragonnier ne fut plus gêné par le vent cinglant et ouvrit de grand yeux stupéfiés.
C'était bel et bien de la dragonnière même si son apparence avait changée car ses cheveux étaient blancs. Il cria alors son nom à plein poumons:
- Isaya !
Un flash lumineux éclata et sous leur deux regards choqués, la jeune femme disparut en une fraction de seconde. Il ne restait plus rien au pied du saule pleureur.
{-}
Jarka.
Déboussolée, étourdie et subissant de plein fouet le contre-effet du passage entre les mondes, Isaya ne se rendit pas compte de suite qu'elle était sous l'eau en train de suffoquer. C'est quand elle sentit sa gorge, son nez et ses yeux subir l'assaut marin qu'elle comprit ce qu'il se passait. Son corps lui hurlait de chercher de l'oxygène si précieux à sa survie mais ses muscles tétanisés ne lui répondaient pas. Dans la pénombre de la mer glacée, elle ne savait même pas dans quel sens elle était ni même où était la surface. Une panique primale explosa alors dans ses veines.
Soudainement le salut vint de derrière elle quand un bras puissant s'enroula autour de sa taille et la tira vers le haut. Sa tête refit surface et elle tenta d'avaler goulûment de l'air malgré ses poumons contenant de l'eau salée. Elle toussa et cracha celle-ci de toute ses forces, libérant en grande partie ses voies respiratoires mais ça ne suffisait pas.
Des voix s'élevèrent dans son dos :
- Les gars un cordage, vite !
- Ross, attrapes !
- Vas-y passe la nous !
Toujours tirée en arrière, la jeune femme était dans l'incapacité de voir qui l'entraînait à sa suite. Soudain la pression autour de sa taille se retira et elle se senti hissée vers le haut par deux paires de mains. Dans une dernière impulsion on la traîna le long d'une surface dure, sur le dos. Là elle se roula sur le côté et expulsa difficilement ce qui lui restait d'eau salée dans le corps, ses yeux la brûlaient terriblement et de grosses larmes tentaient tant bien que mal d'évacuer l'excédent de sel dans un réflexe naturel.
Voyant toujours extrêmement trouble elle ne sut que distinguer quelques silhouettes s'affairant autour d'elle. À la luminosité elle comprenait seulement qu'il devait faire presque nuit, c'était donc le soir. Quelqu'un la replaça sur le dos et elle senti qu'on lui retirait son manteau pour enfin la remettre de nouveau sur le côté. Le poids du lourd habit imbibé d'eau en moins elle put bien mieux reprendre sa respiration. Une main sur son épaule la soutenait et l'autre chassait de son visage des mèches de cheveux collant sa peau. Son corps ayant des spasmes de tétanie, elle ne put rejeter le contact désagréable.
Après quelques minutes, elle s'apaisa enfin et la dragonnière se retrouva en capacité d'ouvrir les yeux. Ses larmes ayant correctement remplies leur travail de nettoyage. Entre l'adrénaline, l'effet du passage à un autre monde et la peur qu'elle avait ressentie, son cerveau tournait à mille à l'heure dans un flux incohérent de pensées. Essayant de se raccrocher à quelque chose de logique, elle observa l'homme accroupi à ses côtés et la surplombant.
Il devait avoir la trentaine, possédait des cheveux noirs - sûrement mi-longs - tirés en un chignon désordonné, des yeux plissés malicieux d'un vert profond et un sourire éclatant lui donnait de petites fossettes au dessus de sa barbe de quelques jours. Pieds nus, l'étranger avait un pantalon sombre qui était déchiré aux genoux. Portant une sorte de marcel blanc, elle put voir une peau tannée par le sel et le soleil, recouverte de nombreux tatouages. Il était également assez musclé. Le regard d'Isaya s'arrêta quelques secondes sur deux boucles d'oreilles en or qui pendaient sur chacun de ses lobes.
Étant tout aussi trempé qu'elle, elle supposa qu'il devait être son sauveur. La jeune femme ne lut aucune animosité dans son comportement et son instinct lui disait qu'il n'était pas malveillant.
Sûrement rassuré par son sort, l'inconnu la lâchant enfin, se laissa choir sur le ponton où on l'avait déposée, une troupe de curieux portant à peu près les mêmes vêtement que lui s'étaient massés en cercle autour d'eux. Il la pointa soudainement du doigt.
- C'était moins une. Tu sais qu'avec ta couleur de cheveux on pensait sauver une vieille mais en vérité c'tait une belle ! Pas vrai l'équipe ?
Le petit groupe s'esclaffa mais elle ne lui répondit rien, continuant juste de l'analyser. Alors tout en désignant du menton un bateau amarré à proximité, il renchaîna:
- On était tranquille avec les gars près d'notre goélette en train de faire péter quelques feux d'artifices pour l'anniv' de Jeff. On avait pourtant fait gaffe qu'il y ait personne avant. Mais on a dû te louper parce que d'un coup t'étais là mais l'pêtard était déjà parti. C'est pas passé loin. Après t'es tombée dans la flotte et j'ai sauté pour te r'monter. J'espère que tu nous en veux pas trop, on n'a pas fait exprès !
Devant le silence consternant de la dragonnière qu'il interpréta comme de la colère, son visage prit une moue inquiète.
- Hé la belle, on est vraiment désolés tu sais.
Poussant un soupir las de fatigue tandis que l'adrénaline quittait son corps, Isaya se redressa difficilement dans une position assise, son sauveur s'empressant de l'aider. Ses vêtements glacés lui collaient au corps dans une sensation désagréable. Maintenant qu'elle se calmait, elle analysa la situation.
Alors qu'elle s'apprêtait à basculer dans ce monde c'était la voix de Lance Aglion qu'elle avait entendu, elle en était sûre maintenant ! Alors déconcentrée c'était sur le ponton où elle avait débarqué la veille qu'elle s'était matérialisée devant ces marins qui par chance pour elle avaient couvert le flash lumineux de son apparition avec leurs feux d'artifices.
Finalement la jeune femme était chanceuse même si des frissons se déclarèrent à l'idée qu'elle aurait pu finir noyée. Elle releva son regard vers l'homme aux yeux verts, inconscient de ce qui se tramait sous la chevelure de neige, un air toujours inquiet et empli de remords sur son visage.
- T'es une locale ? T'as un p'tit nom ?
Plus à l'aise et ne le catégorisant pas comme une menace, elle passa sa main tremblante dans ses cheveux pour les plaquer vers l'arrière de son crâne, puis lui répondit :
- Non, de passage. Et Ellen, juste Ellen.
Rassuré un sourire refit apparition sur le visage basané. Il lui tendit la main pour la saluer, ce qu'elle accepta car il lui avait quand même sauvé la vie après tout.
- Et moi c'est Ross, la belle. Juste Ross. La goélette que t'aperçois là, c'est la mienne et cette équipe de bras cassés ce sont mes gars. On est convoyeurs de marchandises, on est arrivés aujourd'hui. Sinon parlons sérieux, jt'en dois une.
La dragonnière déconcertée par la tournure de la discussion, l'interrogea du regard.
- Bah, c'est notre faute si t'as faillit y passer et étant un homme d'honneur jt'en dois une !
- Non, c'est bon, tu m'as sauvé la vie alors on est quitte.
- Ah non ! Ça c'était la moindre des choses, ça ne compte pas. J'peux faire un truc pour toi la belle ?
- Ça va aller, vraiment. Je veux juste rentrer me doucher et dormir jusqu'à demain.
- Et moi, j'te redis que c'est pas possible. On a quand même faillit t'buter. Et puis où qu'on aille, on laisse jamais de dettes derrière. C'est la règle de notre groupe, un point c'est tout.
Comprenant qu'elle faisait face à un homme buté sur ses principes, Isaya tenta de se lever pour s'éloigner afin d'échapper à la situation. Mais ses jambes tétanisées par le froid la lâchèrent. Avec toute l'énergie qu'elle avait dépensée en moins de 24h c'était la goutte de trop, cette fois-ci son corps lui disait stop définitivement. La dragonnière sentait ses facultés physiques se déconnecter les une après les autres et le malaise arriver.
Ross la rattrapa prestement par la taille afin qu'elle ne tombe pas sur le ponton glissant.
- Belle Ellen, on verra pour la dette plus tard. Demain on n'est pas dispo' parce qu'on décharge mais après-demain on réglera ça. Là maintenant j'crois qu'en effet faut que tu dormes un peu. Tu crèches où ?
Comprenant enfin qu'elle ne réussirait même pas à faire un pas, elle se résigna. Au pire ce sera le règlement de sa « dette » qui en vérité n'avait pas du tout lieu d'être.
Le convoyeur enfila d'une main ses bottes qu'un membre d'équipage lui tendait, il glissa également un pistolet dans sa ceinture. Puis il ramassa le manteau de la jeune femme qu'il déposa sur son avant-bras avant de s'accroupir pour qu'elle se retrouve sur son dos. Il passa ses bras sous ses cuisses et lui jeta un regard interrogatif par dessus l'épaule.
- Alors, où ?
Avachie, se sentant vidée et oubliant complètement le contact physique beaucoup trop intime qui normalement l'aurait fait bondir, elle lui répondit difficilement :
- Quartier des auberges, entre zone libre et commerciale.
- Okay, j'connais très bien. Bon , les gars je reviens, à toute !
Pour la tenir éveillée pendant le long trajet, Ross parla de lui-même, son équipage, les choses dingues qu'il avait pu voir pendant ses voyage, les combats qu'il avait bien sûr d'après lui, tous remporté et tout un tas d'autres choses. Vers la fin Isaya n'écoutait plus, commençant doucement à somnoler, bercée par les pas de l'homme.
Elle entrouvrit difficilement ses yeux quand le convoyeur la secoua légèrement.
- Hé Ellen on est arrivé dans le quartier, t'es à quelle auberge ?
- Mmh ?
Commençant à refermer ses paupières beaucoup trop lourdes, elle ne lui répondit pas. Alors la sentant prête à repartir dans les limbes, il lui lâcha :
- La belle, t'as tellement froid qu'en plus de trembler, t'as les tétons qui pointent. Je les sens dans mon dos. Donc si tu veux pas dormir dehors, va falloir me répondre.
Cette simple constatation la ramena définitivement à la réalité et elle grogna d'indignation mais n'avait pas la force de le frapper. Il rigola quand il la sentit se tendre.
- Vas à droite, puis trois croisements plus loin à gauche. Le bâtiment qui fait l'angle.
- Oh t'es à l'auberge du Crabe Blanc ? Je connais bien le patron, tu pouvais pas le dire plus tôt ? Au lieu d'me laisser parler de tes tétons ?
Elle gronda faiblement de nouveau, décrochant un nouveau sourire à Ross.
- Je n'avais pas retenu.
- C'est pas bien malin ça. Allez, j'te dépose rapidement.
Quand ils entrèrent dans l'auberge, il y régnait une certaine cacophonie en ce début de soirée et qui agressa d'emblée les sens à vifs d'Isaya. Se redressant difficilement, elle se prépara à être déposée sur le sol mais le convoyeur n'en fit rien. Il se dirigea tranquillement vers le comptoir et apostropha le gérant.
- Bonsoir chef !
- Hey, bonsoir Ross ! Ça faisait un bail qu'on t'avait pas vu.
- Ouais, j'suis de retour dans ce coin de l'océan mais je repars dans quelques jours vers le nord-ouest pour d'autres livraisons. Dis, tu peux me dire dans quelle chambre loge la demoiselle ? C'est une livraison un peu spéciale, ha ha !
Tout en demandant il se tourna légèrement, exposant Isaya à la vue du patron. Celui-ci explosa de rire puis remarqua que les deux semblaient mouillés de la tête aux pieds.
La jeune femme fut extrêmement gênée et tenta de se dégager mais l'homme resserra encore plus sa prise sous ses cuisses, augmentant le malaise de celle-ci.
Le patron, se penchant au dessus du bar lui demanda :
- Rude journée ou début de soirée ?
Se sentant rosir, elle lui répondit tout de même faiblement :
- Les deux...
- Allez, je ne vous retient pas plus longtemps, tu sembles à bout. Ross, deuxième étage, tout au fond du couloir, porte de gauche.
- Super merci, prêtes moi donc le double des clés que je ferme derrière moi. J'sais pas si elle aura la force de l'faire elle-même.
La clé en poche (que le patron lui avait glissé), l'homme monta sans effort les escaliers jusqu'à la chambre. Là, d'un habille jeu d'équilibre et de technique tout en se penchant en avant, il réussit à se libérer une main puis déverrouiller la porte et la poussa du bout du pied.
Songeuse la jeune femme se demanda s'il avait l'habitude. Ce qui commença mine de rien et malgré la fatigue intense, à l'inquiéter. Après tout, même s'il lui avait sauvé la vie, elle ne le connaissais pas. Peut-être que son instinct avec l'épuisement l'avait trompé sur son compte. Semblant lire dans ses pensées Ross lui expliqua :
- T'inquiètes la belle, t'imagines pas le nombre de fois où j'ai dû traîner mes gars jusqu'à leurs plumards, j'ai des années d'entraînement. Et puis si j'voulais te faire quoi que ce soit, j'taurais ramené sur mon navire. C'est sûr que j'me serais pas cassé le cul à faire tout le trajet. J'te rappelle aussi que j'ai une dette envers toi.
Mêmes vulgaires, ses mots la rassurèrent un peu, il semblait vraiment être un homme droit avec un minimum respectueux envers la gente féminine. Bon, elle râla tout de même faiblement quand il la lâcha comme un bourrin sur son lit. Mais se radoucit quand il prit le temps de l'aider à retirer ses bottes, après lui avoir demandé son accord. Elle devait avouer qu'elle n'aurait jamais réussi seule. Mine de rien le cuir et l'eau de mer ne faisaient pas bon ménage.
Une fois sa tâche accomplie, il se redressa et tranquillement se dirigea vers la porte. Avant de sortir il lui dit :
- Pour le reste, tu te démerdes la belle.
- Ellen. Pas la belle.
- C'est c'que j'ai dit BELLE Ellen. Sur ce, bonne nuit et à dans deux jours.
Tellement accaparée par sa fatigue elle ne tiqua pas à la deuxième partie de la phrase.
Quand elle entendit le clic caractéristique d'une porte qui se verrouille à clé, Isaya lutta pour retirer ses armes et ses vêtements mouillés sans se relever. L'épreuve passée non sans difficulté, elle laissa le tout en boule au sol et se glissa nue dans ses draps faisant fi de ses cheveux encore bien trop humides. Chaque cellule de son corps la faisait souffrir, elle était frigorifiée et son crâne commençait à lui faire un mal de chien. Mais malgré tout ça elle s'endormit presque instantanément.
[...]
Le lendemain fut une torture. Chaque muscles de son corps n'étaient que courbatures, son crâne tambourinait en adéquation avec son rythme cardiaque et elle avait tellement faim qu'elle en avait la nausée.
Isaya hésita à se rendormir au moins 24 heures de plus. Puis elle remua dans son lit en grommelant, les draps lui collaient à la peau, elle était poisseuse et du sable mélangé à du sel la démangeait.
Elle poussa alors ce qu'elle pensait être le soupir le plus long de toute sa vie, avant de s'asseoir difficilement sur le rebord du lit. Elle ne pouvait rester ainsi.
Il lui fallut un combat mental acharné entre son cerveau et son corps pour se lever entièrement. Traînant des pieds elle ramassa ses affaires en boules, échouées sur le sol, les prenant avec elle dans la douche. Là, s'ébouillantant presque, elle se refit le fil des événements depuis son arrivée sur l'île. Tout s'était enchaîné à une vitesse folle.
Soudain elle se figea et jeta un coup d'œil paniqué à son manteau posé dans le lavabo avant d'y chercher la capsule dans une poche interne. Elle souffla bruyamment quand elle vit que celle-ci, hermétique, n'avait pas souffert de ses dernières péripéties. Soulagée, elle la déposa donc sur le rebord de l'évier puis s'en retourna à sa douche.
Après s'être savonnée plusieurs fois et avoir éliminé le moindre grain de sel ou de sable de son corps, elle fit de même pour ses vêtements excepté pour son manteau, trop grand et épais pour la petite salle de bain. Pour lui elle utilisa un sort de magie simple afin d'extraire l'humidité, sel et autre joyeusetés. À la suite elle fit de même avec ses cuissardes, qui au final n'avaient pas tant souffert que ça, ce qui arrangea fortement la dragonnière. Mais ces deux sorts pourtant très simples et ne requérant que peu d'énergie, l'avait anormalement fatiguée. Elle avait donc décidé qu'elle resterait à l'auberge aujourd'hui afin de se reposer.
Puis la jeune femme rangea la capsule contenant la précieuse missive dans son sac afin de ne pas l'égarer. Et enfin elle s'habilla comme à son habitude, c'est à dire, pantalon noir souple et fin ainsi que chemise en lin. Pas besoin de fioritures.
Rien que ça avait pris plus d'une heure de son temps et quand la jeune femme regarda ses armes qu'il fallait astiquer également, elle se décida à le faire plus tard. Il y avait plus urgent : son état physique.
Empoignant sa bourse elle se rendit péniblement au rez-de-chaussée pour le premier service du déjeuner. Elle n'avait pas mangé depuis son arrivée sur Jarka et il était grand temps de remédier à cela.
Tout d'abord elle alla payer le gérant pour la chambre pour trois jours consécutifs s'excusant du retard et préférant régler la journée du lendemain d'avance, au cas où. Il ne lui en tint pas rigueur mais ne pu s'empêcher de lui lancer une légère boutade à propos de la veille. C'était de bonne guerre.
Après avoir avalé deux repas, car un n'était clairement pas suffisant, elle remonta s'occuper de ses lames jusqu'à ce qu'une employée de l'établissement frappe à sa porte pour changer ses draps. Ce qui fut fortement bienvenu.
Quelques minutes plus tard, toutes ses tâches terminées, Isaya décida de se recoucher. Finalement passer une demi-journée ennuyeuse à ne pas faire grand chose lui fit le plus grand bien. Encore toute habillée, elle ferma les yeux en cette après-midi pour ne se réveiller que le lendemain midi tellement son organisme avait besoin de récupérer.
{-}
Erevan, au même moment.
Assis devant un feu et adossé à la pâte de son dragon, Lance était profondément pensif à ce qu'ils avaient vu. Il avait tellement de questions en tête et malheureusement pas la moindre réponse. Il leva la tête en direction du ciel étoilé.
Où avait bien pu disparaître Isaya ? S'était-elle téléportée ? Pourtant l'utilisation de ces sorts puissants et très coûteux ne pouvaient se faire sans dragon ou plusieurs mages de haut rang. Ils avaient même fini par être interdits car extrêmement instables, ils finissaient bien souvent par réduire en charpie leurs utilisateurs. Donc une dragonnière seule ne pouvait le maîtriser. Mais qu'était-ce alors ? Et si finalement elle voyageait bel et bien entre deux mondes ? Comme la théorie de Dame Cassandre le suggérait.
Il secoua vivement la tête afin de chasser ces questionnements. Se torturer l'esprit ne servait à rien. La seule personne qui pouvait apporter des éclaircissements, avait encore une fois, disparue mais cette fois-ci sous ses propres yeux.
Le dragonnier repensa alors à sa silhouette qui quelques heures auparavant se tenait en cet endroit. Ses traits lui avaient parus fatigués mais à cette distance il n'en était pas totalement sûr. En tout cas il n'avait détecté visuellement aucune blessure externe.
S'il n'avait pas remarqué l'absence de la capsule contenant la missive, il aurait presque pu croire à une apparition montée de toute pièce par son imagination impatiente de mener à bien sa mission. Alors il pensa de nouveau à ses longs et fins cheveux devenus blancs, flottants légèrement dans la brise, ce qui renforçait sûrement cette impression qu'elle n'était pas réelle. Elle lui avait semblé même presque paisible, assise là sur le sol, un léger sourire collé aux lèvres.
D'autres questions revinrent en force dans sa tête. Qu'avait-il bien pu lui arriver après son combat avec Loksann ? Qu'avait-elle vécu ces quatre derniers mois et surtout où était Ojutaï ?
Ils avaient décidé d'un commun accord avec Roeg de camper ici et attendre son potentiel retour. Ils craignaient tous deux de la manquer de nouveau. Lance savait que tôt ou tard il lui faudrait rentrer à Arakum pour faire part de ce qu'ils avaient pu observer. Mais pour l'instant un sentiment d'insécurité l'en empêchait.
Même si leur relation n'était pas au beau fixe voire explosive parfois, il s'inquiétait réellement pour la jeune femme. Elle restait tout de même quelqu'un de sa caste, qui comprenait profondément ce que voulait vraiment dire être dragonnier et les responsabilités parfois suffocantes qui en résultaient. Ils avaient grandis, découvert les horreurs de la guerre et combattu ensemble, côte à côté, se soutenant mutuellement et unis par le même objectif et devoir. Mais surtout, fut un temps, ils s'étaient livrés l'un à l'autre révélant leurs faiblesses et peurs. Ces temps étaient révolus depuis mais ce n'était tout de même pas quelque chose d'anodin que l'on balayait d'un revers de la main.
Ne voulant ressasser plus le passé qui le plongerait sûrement dans un état morose, Lance s'installa plus confortablement contre le puissant dragon sommeillant déjà et à son tour s'endormit tranquillement.
[...]
Auberge du Crabe Blanc, Jarka.
Isaya se réveilla en sursaut à cause d'un poing tambourinant la porte de sa chambre. Une voix s'éleva de derrière celle-ci :
- Debout là-dedans, belle au bois dormant ! On se lève, il est midi passé. Le chef m'a dit qu'il ne t'a pas vu depuis hier à la même heure. Va p'être falloir penser à graille.
Il continua de taper sans discontinuer quand il n'entendit aucune réponse.
- Hé, la belle ! J'vais aller chercher le double des clés si tu ne lèves pas ton p'tit cul bientôt.
La jeune femme essaya de garder son calme, soufflant doucement par la bouche. Mais pour son plus grand déplaisir, il continuait de maltraiter le bois non-stop.
- J'vais rester là toute la journée s'il le faut. Y'a quelqu'un de vivant là-dedans ? ALLEEEEEEEZ, DEBOOOUUT !
S'en fut trop pour ses nerfs. Excédée et d'une soudaine envie de meurtre, la dragonnière se leva furibonde. Elle déverrouilla la porte et l'ouvrit violemment devant un Ross malicieux qui aujourd'hui avait les cheveux détachés, lui arrivant tout juste aux épaules. Il lui offrit son plus beau sourire digne d'un enfant innocent, ce qui augmenta encore plus sa colère. Perdant patience et la voix emplie de colère elle lui cria dessus. Même Ace n'avait pas réussi à la faire autant sortir de ses gonds.
- Mais quel âge as-tu pour ce genre d'enfantillages, putain ?! C'est quoi ton problème ?
La jeune femme ne jurait que très rarement, la dernière fois devait être quand on lui avait retiré une flèche du mollet, donc c'est dire à quel point elle n'avait pas du tout mais pas du tout apprécié ce réveil brutal.
- J'ai 35 ans et toi la belle ?
Estomaquée par sa réponse calme et désinvolte, elle hésita un moment à lui claquer simplement la porte au nez ou faire ce que sa petite voix intérieure lui dictait: lui passer les lames de ses poignards au travers du corps pour le faire taire, définitivement.
Il dut capter dans son regard et à sa trop longue réflexion, qu'elle imaginait quelque chose de sombre le concernant et n'étant pas sûr d'apprécier, il battit en retraite.
- Je viens m'acquitter de ma dette.
- Mais ce n'est pas déjà réglé cette histoire ? Merde, on est quitte, tu m'as sauvé de la noyade ET ramené l'autre soir, point final !
Elle tenta de se calmer en battant en retraite dans la pièce, allant se passer de l'eau sur le visage.
- Et non belle Ellen, c'est pas comme ça que ça fonctionne. Avant-hier je jouais juste au gentlemen. Et puis bon, je m'inquiétais aussi un peu. Vu l'état dans lequel t'étais, c'tait pas beau à voir. Là t'as l'air RA-DI-EU-SE, me v'la rassuré.
Sortant de la pièce d'eau, elle le vit étalé sur son lit en étoile de mer et observant le plafond. Il se redressa tout même sur ses coudes et la regarda quand il entendit le bruit caractéristique de deux lames qui s'entrechoquent.
Se détournant de lui, la dragonnière était en train d'accrocher la ceinture et les fourreaux de ses armes sur son bassin et ses hanches. Elle sentait dans son dos que l'homme se retenait de dire quelque chose, de peur de passer rapidement de vie à trépas.
L'ignorant toujours, elle enfila ses cuissardes puis récupéra ses vêtement qui avaient fini de sécher sur le rebord de la fenêtre avant de les ranger proprement dans son sac.
Toujours dans le silence, elle dompta ses cheveux en une natte lâche avant de finalement se tourner vers lui, menaçante.
- Quitte à me répéter encore, écoute moi bien. Je suis tombée à l'eau et peut-être que c'était de ton ressort MAIS tu m'as sauvé la vie dans la foulée ET tu m'as ramené à l'auberge. Si tu ne l'avais pas fait, je serais peut-être décédée d'une hypothermie ou de je ne sais quoi d'autre. Ce qui fait que tu m'as potentiellement ENCORE sauvé. DONC techniquement tu as même fait plus que payer ta dette. Nous sommes QUI-TTE.
- Ellen, belle Ellen... Le sauvetage c'était par PO-LI-TESSE et au début j'ai crus que t'étais une vieille et qui ne sauves pas les mamies, hein ? Donc ça compte pas. Après quand je t'ai ramené, c'était de la GA-LEN-TE-RIE. Ça compte pas non plus, c'est juste du savoir vivre. J'espère que t'insinues pas que ma mère m'a mal élevé parce que t'as tout faux et j'vais mal le prendre !
Il prit un air faussement blessé, une main sur le cœur, comme si elle l'avait touché dans sa dignité.
Incrédule pendant quelques instant, la dragonnière se ressaisit et le pointa du doigt. Au vu de la réponse butée et sans queue ni tête de l'homme, il lui fallait éclaircir un point important.
- Tu es au courant que ton discours n'a aucun sens ? Non, parce que si ce n'est pas le cas, je m'inquiète pour tes facultés intellectuelles. Personnellement je me plairais plus à te penser inepte et obtus, ce serait tellement plus satisfaisant. Mais malheureusement je vais devoir rester sur le fait que tu as une autre idée derrière la tête. Même si je ne sais pas encore laquelle ni qu'elles sont tes intentions.
Le convoyeur leva un sourcil à la fois interrogateur et outré.
- Tu viens de me traiter de con là, non ? Parce que j'vais vraiment finir par mal le prendre, tu sais. J'ai un cœur qui bat et il est fragile le p'tit !
Isaya souffla profondément avant de mettre la main à sa hanche, sur le manche d'un de ses poignards. Elle se plaça en position de garde, se faisant elle durcit son regard et le fixa droit dans les yeux. Elle observait et analysait la moindre de ses réactions. Son ton se fit plus froid, plus dur.
- Ross, il va falloir que tu me répondes sérieusement cette fois-ci. Car même si je te suis reconnaissante pour ce que tu as fait et qu'étrangement tu ne sembles vraiment pas me vouloir de mal. Je n'hésiterai pas à te tuer s'il le faut. Maintenant dis moi la vérité, fini de jouer.
L'air fut soudainement plus dense dans la pièce, une tension palpable se créant entre les deux. La dragonnière se demandait s'il allait sortir son pistolet passé dans sa ceinture, le sondant profondément. Elle ne sentait réellement aucune animosité venant de sa part ni désir de nuire. Son instinct lui disait qu'il n'était pas dangereux mais cette histoire de dette était bien trop ridicule et grossière pour qu'elle s'y laisse prendre.
L'homme entama un mouvement qui tendit encore plus la jeune femme mais ce fut pour lever lentement les mains en l'air, bien en évidence et surtout loin de son arme. Cela se voyait à sa posture qu'il comprenait les enjeux de ce qui était en train de se passer mais ses yeux verts restaient exempte de toute mauvaise intention. La droiture même avec une petite touche tout de même agaçante d'espièglerie.
- J'le savais que t'étais pas une simple coupe-bourse et j'parle pas de berrys ! Nan, parce que j'en ai vu des nanas se balader avec des couteaux pareils et souvent c'était juste pour les grelots des obsédés mais rien de bien méchant.
Malgré la boutade Isaya sentait qu'il n'était pas tout à fait à son aise. Elle gronda sombrement :
- Ross, dernière chance. Il n'y en aura pas d'autres. J'ai nettoyé mes lames hier et je n'ai pas envie de le refaire aujourd'hui.
- Okay, okay, je capitule la belle ! J'suis vraiment pas un mauvais bougre et j'suis encore pas prêt à crever.
La dragonnière se détendit imperceptiblement et cassa sa position de combat avant d'aller s'asseoir sur la table derrière elle, ne le quittant tout de même pas des yeux. Dans le fond Isaya jubilait, elle savait qu'elle avait mit le doigt sur quelque chose mais elle ne savait juste pas encore quoi.
- Je t'écoute. Déballes tout.
Reposant ses bras sur le lit de part et d'autre de son corps, il se détendit complètement, ne voulant pas donner d'excuses à la jeune femme de se méfier encore plus de lui.
- Pfiou, c'était sexy et presque excitant, ce truc que t'as fait avec ton regard, ça m'a donné la chair de poule, brrr. Plus sérieusement Ellen, j'avoue que j'avais quand même une idée derrière la tête mais rien de chelou, j'te rassures tout de suite !
Isaya l'incita d'un mouvement de tête à développer.
- Eh bein, je sais que t'as un fruit du démon !
La dragonnière resta de marbre, ne le laissant pas voir ses émotions. Alors déçu de n'avoir eut aucune réaction de sa part il continua.
- Quand on tirait les feux d'artifices avec les gars ce soir là, en vérité je t'ai vu apparaître de nulle part dans un flash. L'équipe a rien capté mais moi si, tu t'es matérialisé là, soudainement ! Ça m'a choqué sur le coup et quand t'es tombée à l'eau mais que tu remontais pas, j'ai commencé à comprendre. Les utilisateurs de fruit du démon coulent comme des pierres, alors j'ai plongé parce que je savais que t'allais pas pouvoir nager et remonter seule. Après vu comment t'étais vidée d'énergie, j'pouvais que confirmer ma théorie. Et puis pour être honnête je t'avais vraiment tiré un pétard à la gueule donc je m'en voulais quand même un peu.
Derrière son masque de neutralité la dragonnière réfléchissait activement à ses propos. Ainsi il l'avait vu mais pensait que c'était l'un des pouvoirs de ce monde. Comment pouvait-il penser autrement d'ailleurs ? Et le fait qu'elle n'ai pas eu la force de remonter à la surface couvrait heureusement la réalité de ce qu'il s'était réellement passé.
Elle n'avait donc aucune raison de démentir, cela aurait été trop suspect. Même si l'idée qu'un inconnu pense qu'elle avait des capacités quelconques ne l'enchantait guère. Mais il l'avait réellement sauvée ce soir là, l'homme n'était vraiment pas menaçant de la moindre des manières. Par contre il n'avait toujours pas répondu à sa question initiale.
- D'accord mais que me veux-tu exactement ?
Il resta silencieux quelques secondes, cherchant sûrement les bons mots. Alors il reprit ses explications prudemment.
- Pendant que j'te ramenais à l'auberge, j'ai pas mal cogité sur le trajet. Comme tu sais, j'suis convoyeur de marchandises et je dois repartir dans quelques jours. J'fais souvent ce trajet mais cette fois notre marchandise est un peu plus précieuse que d'habitude. J'dois enrôler plus de monde mais sur une goélette c'est compliqué. C'qui fait sa force c'est sa rapidité et manœuvrabilité donc j'dois éviter de trop alourdir le navire avec trop de monde en plus. Du coup je cherche quelqu'un plus fort que 4-5 gars et comme les utilisateurs de fruits sont souvent bien plus balèzes, j'veux te recruter !
Cette fois-ci la jeune femme éclata de rire devant un Ross interloqué. Mais cela coupa tout reste de tension dans l'air. Isaya souffla un bon coup avant de s'adresser au convoyeur.
- Donc après seulement quelques minutes, un trop bref aperçu de pouvoir et ce dès la première rencontre, tu décides bêtement d'engager une parfaite inconnue dont tu ne sais absolument rien ? Tu me donnes beaucoup trop de crédit et de confiance Ross, ce n'est vraiment pas prudent de ta part.
Ce fut alors au tour de l'homme de rire se disant sûrement qu'elle n'avait pas tout à fait tort dans sa logique.
- Hé Ellen, te moques pas trop s'te-plaît ! Tu sais j'y ai sérieusement réfléchit pendant deux jours. Et t'as encore confirmé des trucs à l'instant ! Déjà j'ai la chance d'avoir un TRÈS bon instinct pour ce genre de chose. D'un, t'as un fruit du démon, c'est toujours utile, quel qu'il soit. De deux, quand j'tai sorti de l'eau j'ai vu des cicatrices et marques de combats, ça montre que tu te bats et que tu gagnes sinon tu serais tout simplement morte. Trois, t'es une femme qui voyage seule et bien armée donc ça confirme que tu sais te défendre. Quatre, t'as un bon instinct et vu ta posture de combat, comment t'étais prête à me découper en tranche, ça veut dire que t'as la niaque. T'as même pas pas flanchée alors que j'ai une arme à feu ! Cinq, si t'étais malveillante, je serai déjà mort à peine la porte ouverte. Six, recruter une seule personne au lieu d'au moins quatre va me coûter moins cher. Et sept, bah je t'aime bien, t'es marrante la belle !
La dragonnière soupira face à son sourire victorieux et sa trop longue énumération. Finalement il était plus fin et observateur que ce qu'il laissait paraître.
- Et c'est comme ça que tu comptes réussir à me convaincre ?
- Je comptais essayer aujourd'hui et pas te lâcher d'une semelle jusqu'à c'que tu dises oui ! Après j'ai plein d'autres arguments si tu veux. Je sais que t'es que de passage ici et il y'a qu'un seul chemin maritime pour aller vers le prochain archipel par lequel tout le monde est obligé de passer. Donc tu vas être forcée de l'emprunter alors j'te propose d'être payée pour faire le trajet et non l'inverse, c'est quand même vachement plus attrayant, non ? En plus mes gars et moi on n'est vraiment pas des mauvais bougres, on est très respectueux en plus d'être marrants. On part que dans quelques jours, ça t'laisse le temps d'apprendre à nous connaître. T'auras même ta propre cabine, je t'épargne le hamac. Alors qu'est-ce t'en dis, partante la belle ?
Le convoyeur arborait un sourire inviteur et éclatant, criant de bonnes intentions. Il avait également le regard presque suppliant.
En réalité il avait marqué des points, elle devait être objective et le reconnaître. Finalement son raisonnement n'était pas si illogique que ça et elle devait également avouer que sa proposition était alléchante. Elle gagnerait des choses de ce voyage et avait même le loisir de quelques jours pour se décider. Tout à sa réflexion, elle regardait la pointe de ses bottes mais sentait le regard curieux et impatient de Ross sur elle, se retenant de toutes ses force de l'interrompre tandis qu'elle pesait le pour et le contre.
Quand la dragonnière releva enfin la tête pour le regarder de nouveau, ce fut d'une façon déterminée.
- Je suis plutôt d'accord MAIS je me déciderai totalement la veille du départ après t'avoir observé toi et ton équipage. J'aurais également d'autres questions à propos du voyage et d'autres points à soulever. Tu devras être totalement honnête et -
Isaya fut coupée dans sa phrase quand Ross qui s'était levé rapidement, tenta de l'enlacer de contentement et de joie. Lui attrapant le bras rapidement, la jeune femme déplaça sa hanche le long de son corps dans une prise martiale et l'envoya rapidement et assez violemment sur le sol.
Tout en le relâchant comme si rien ne s'était passé, elle lui lança :
- Comme je disais, je veux une totale honnêteté et je DÉTESTE les contacts trop physiques. Est-ce assez clair ?
Au sol, il releva des yeux étonnés et heureux (?), un sourire de joie toujours fixé sur ses lèvres.
- Bien reçu M'dame, c'est clair comme de l'eau de roche !
Et voici la fin de ce nouveau chapitre, j'espère qu'il aura plu !
Je suis actuellement déjà en train de rédiger le prochain. Finalement je vais avoir pour l'instant un rythme de parution assez élevé mais celui-ci ne sera pas toujours aussi régulier.
En attendant la suite des aventures d'Isaya, je vous dit à bientôt !
AprilAwake
