Pansy posa son doigt sur la bouteille en plastique et sentit son nombril être tiré vers l'arrière. Elle connaissait cette sensation par cœur désormais. Elle n'était plus déstabilisante, ni même annonciatrice d'un moment difficile. Elle la chérissait, cela signifiait qu'elle voyageait, qu'elle prenait du temps pour elle, pour ses amis. C'était bien.

Elle lâcha le portoloin lorsque les murs de la maison Granger apparurent autour d'elle et, bientôt, ses pieds touchèrent enfin le sol. Elle reconnut bien vite la décoration vieillotte du salon d'Hermione.

Le papier peint démodé et mal posé par endroit, les canapés abimés qui semblaient capables de nous engloutir entre les coussins, ou encore le parquet grinçant. Il y en avait pour tous les goûts. Pansy était incapable de dater ce style de décoration, on aurait dit un mélange de plusieurs époques chez un antiquaire peu réputé. Mais cela lui plaisait. Elle préférait de loin ce genre d'habitations qui semblaient vivantes plutôt que les répliques parfaites des magasins de mobilier sorciers qui transpiraient la propreté et la perfection. Elle aimait la perfection, mais pas à ce point.

Elle se tenait debout face à la télévision et cela lui donna envie de regarder une énième fois Mary Poppins. Elle n'avait jamais voulu voir un autre film. C'était le meilleur, elle en était certaine. Et Pansy ne voulait que le meilleur.

Elle commença à retirer son manteau, peu étonnée de n'être accueillie par personne. Elle ne les avait pas prévenus de sa visite, une chose qu'elle n'aurait jamais osé faire si Drago ne lui avait pas promis qu'elle le pouvait. D'après lui, il fallait tout de même qu'ils s'habituent à recevoir chez eux, que cela soit leurs amis ou non. Une grande avancée pour lui. Elle s'était sentie si fière de l'entendre dire ça. Elle n'avait plus aussi peur pour lui qu'avant. Il allait mieux. Bien mieux.

Elle n'avait fait aucune remarque sur le fait qu'il parle de la maison comme de chez eux. C'était bien là une autre chose nouvelle. Son envie de s'ouvrir, la manière dont il s'exprimait pour Hermione et lui – et inversement – ou encore le fait qu'il parle d'elle dès qu'il en avait l'occasion. Pansy en était satisfaite. Ils étaient heureux, et c'était bien tout ce qui comptait.

La seule chose qui venait ternir toutes ces bonnes nouvelles était la distance que son mari avait pris avec leurs amis. Blaise s'était renfermé sur lui-même depuis Noël. Contrairement à elle, il n'avait pas sombré, mais s'était éloigné de tous les autres. Si au départ il avait clamé qu'il ne s'agissait là que d'un moyen de laisser du temps à Drago et Hermione, Pansy réalisait que c'était désormais bien plus que ça. La seule personne avec qui il échangeait régulièrement était Harry, qui l'aidait dans la plupart de ses missions professionnelles.

Autrement, Blaise n'envoyait plus de courrier à Drago ni à Théo, pas plus qu'il ne leur rendait visite. Ce n'était pas faute d'être poussé à le faire, cependant. Pansy tentait chaque semaine de le motiver à l'accompagner en France, que cela soit en Dordogne ou dans les Pyrénées. Il refusait chaque fois, prétextant des impératifs pour son travail ou de la fatigue. Pansy était pourtant consciente que, malgré le temps qu'il passait au travail, tout cela n'était que prétextes.

Il avait peur. Tout comme elle avait été terrorisée de perdre ses amis. Il avait peur de comment son retour serait pris, du moins cela avait été le cas les premiers mois. Désormais, Pansy soupçonnait qu'il pense que cela soit trop tard. Il ne voulait plus prendre de risque, il préférait superviser les choses de loin, les aider comme il le pouvait, sans que leur relation n'en pâtisse encore plus.

Il ne réalisait pas que c'était en restant aussi silencieux que c'était le cas.

Elle essayait de le soutenir comme elle le pouvait, et il en faisait tout autant pour elle, mais elle ne parvenait pas à l'aider sur ce point. Elle doutait pouvoir faire quoi que ce soit, de toute manière.

Alors elle se contentait d'être aussi présente que possible pour lui, de l'écouter lorsqu'il s'ouvrait à elle pour en parler, et d'agir comme l'épouse qu'elle était : aimante. Elle l'aimait tellement.

Elle se demandait parfois ce qu'elle serait sans lui, ce qu'elle ferait s'il n'était pas là chaque jour pour l'accompagner. Elle n'avait pas le souvenir d'une seule journée en dix ans, où il n'avait pas été là pour elle d'une manière ou d'une autre.

Le matin-même, il avait posé un congé pour être présent à la première vente caritative qu'elle avait faite sur le Chemin de Traverse.

Il s'agissait d'un événement qu'elle et son assistante, Pia, préparaient depuis des semaines. Elles avaient contacté des tas de familles sorcières pour les pousser à adhérer à la fondation et les rejoindre pour une sorte de brocante sur la rue sorcière la plus connue de Grande-Bretagne.

Pansy avait eu cette idée grâce à Hermione, qui lui avait un jour parlé de son amour pour les vide-greniers lorsqu'elle était enfant.

Pia et elle avaient dû obtenir une multitude d'autorisations auprès du Ministère pour pouvoir réquisitionner le Chemin de Traverse pendant une matinée complète. Leur fondation n'étant pas à but lucratif direct, elles avaient pu faire valoir leurs droits pour éviter le moindre refus de la part des membres du Ministère prêts à les saboter. Blaise avait été d'une grande aide pour toute la partie légale.

Après cela, elles avaient contacté tous les adhérents pour leur expliquer le principe. Puis le bouche à oreille avait fait le reste. Chaque famille, sorcier, sorcière, cracmol ou même créature, pouvait s'installer ce jour-là à un stand prévu par la fondation et vendre aux prix qu'ils souhaitaient leurs biens et vieilles affaires. Tout cela, pour la modique somme de deux Gallions.

Pansy et Blaise avaient réservé leur propre stand et avaient, eux, donné tout l'argent récolté à la fondation. De plus, Pia s'était chargée de tenir un stand de glaces avec Florian Fortarôme, dont tous les revenus avaient été versés à la fondation.

Certains adhérents avaient eux aussi fait don d'une partie de leurs revenus à la caisse de la fondation, ce qui avait encouragé grandement Pansy à refaire ce genre d'événements. Elle considérait ceux-ci tout aussi importants que les grandes réceptions réservées à la Haute-Société Sorcière. Cela popularisait tout autant leur projet et cela permettait même de rencontrer du monde prêt à s'investir pour leur cause.

Car bien que les plus riches des sorciers soient prêts à déverser des centaines de Gallions pour la fondation – ou bien pour leur image – aucun d'entre eux n'avait un jour souhaité participer activement aux projets organisés par celle-ci. Les récoltes de fonds étaient certes primordiales, mais pas centrales.

Durant la matinée, plusieurs personnes étaient venues voir Pansy pour proposer leur aide, ou pour demander comment soutenir la cause de la meilleure façon possible. C'était bien là une chose qui avait redonné espoir à la jeune femme. Elle se sentait de moins en moins seule pour ce projet.

Les choses avançaient.

– Drago ? Hermione ? lança-t-elle après avoir accroché son manteau dans l'entrée.

– Dehors ! répondirent-ils d'une seule voix.

Pansy sourit et traversa la cuisine en direction de l'extérieur. Elle les trouva accroupis dans le potager, les mains protégées par des gants de jardinage verts et des bottes en caoutchouc qui leur montaient jusqu'aux genoux.

– Non, je crois qu'il faut plutôt la planter à cinq centimètres sous terre, fit Hermione en attrapant la pellette que Drago tenait.

– Je t'assure que c'était écrit qu'il ne fallait pas recouvrir la graine, répliqua-t-il en fronçant les sourcils.

– Drago, je plante des carottes depuis des années, je t'assure que…

– Et donc le livre aurait tort ? l'interrompit-il avec un sourire amusé.

– Non ! Je dis juste que ça fonctionne aussi ! répondit-elle en lui donnant un petit coup de coude.

– Essayons les deux et nous verrons quelles carottes poussent le mieux, dit-il avec un regard de défi.

Elle le regarda les yeux plissés, avant d'accepter.

– Que le meilleur gagne, fit Drago en lui tendant la main.

– Promets moi de ne pas pleurer si tu perds, fit-elle en attrapant sa main pour la serrer.

Pansy finit par se racler la gorge pour signifier sa présence. Elle était encore dans l'encadrement de la baie vitrée et les observait avec amusement. Ils levèrent tous les deux la tête vers elle et sourirent en la voyant.

– Je ne savais pas que tu venais, fit Hermione en se levant.

Elle retira ses gants et les laissa tomber près des affaires de jardinage.

– La brocante s'est finie plus tôt que prévu, expliqua-t-elle. Je me suis dit que je pouvais en profiter pour passer, il me restait un portoloin.

– Comment ça s'est passé ? demanda Drago en se levant à son tour.

– C'était génial, sourit Pansy, des étoiles plein les yeux. Nous avons enregistré une cinquantaine de stands et la caisse de Pia a dépassé les trois cents Gallions !

Drago sourit doucement. Un sourire fier, qu'elle n'avait pas vu depuis des années. Cela lui fit bien plus chaud au cœur que la matinée qu'elle venait de passer.

Étrangement, impressionner Drago avait toujours eu de l'importance pour Pansy. Que cela soit lorsqu'ils étaient encore à Poudlard ou maintenant qu'ils étaient adultes, elle ressentait toujours cette sensation si agréable de le voir fier d'elle. Cela avait une saveur particulière.

Drago n'était pas facilement impressionnable, il ne l'avait jamais été. Il était même dur avec les autres, avec lui-même, il ne laissait pas passer les erreurs et était du genre à ne pas pardonner tout de suite. Il faisait ramer ceux qui l'entouraient, ne les laissant pas gagner ou penser qu'ils avaient facilement sa confiance. Et le temps et ses vices n'avait rien changé à cela. Qu'il ait perdu beaucoup de ses compétences sociales et qu'il souffre encore de son passé n'avait pas modifié ses exigences.

Mais avec elle, les choses étaient différentes, elles l'avaient toujours été. Il avait toujours eu ce regard fier, cette attention particulière envers elle qui lui laissait penser qu'elle avait une place spéciale dans son cœur, dans sa vie. Cela avait une saveur agréable.

Alors elle se donnait toujours pour mission de le rendre fier. Ses parents, son mari, ses autres amis ? Elle n'en avait pas grand-chose à faire, ou beaucoup moins. La fierté de Drago était différente, précieuse.

– Un thé ? proposa-t-il en la dépassant pour entrer dans la cuisine. Il reste des financiers que j'ai faits hier.

– Avec plaisir, répondit-elle en le suivant à l'intérieur. J'ai à peine mangé.

– Il reste des lasagnes dans le frigo, si tu préfères, dit Hermione. Drago en a fait pour cinq personnes.

– Je me suis trompé de recette, grogna celui-ci en mettant de l'eau à bouillir.

– Il y a quand même une grande différence entre un plat pour deux personnes et pour cinq, pouffa-t-elle avant de se tourner vers Pansy. Tu en veux ?

– Pourquoi pas, acquiesça celle-ci avec un sourire amusé.

Drago marmonnait derrière sa casserole d'eau chaude, alors que Hermione sortait le plat du frigo. Cette dernière passa derrière lui et l'embrassa furtivement sur la joue, sans cesser de rire.

Pansy resta figée en la regardant faire. Quand les choses avaient-elles changé à ce point entre eux ? Elle n'avait jamais été témoin d'une telle proximité. Elle les savait amis, elle les avait observé des tas de fois échanger et se parler naturellement. Mais jamais, jamais ne les avait-elle vus tactiles l'un envers l'autre.

Le regard que Drago lança à Hermione était doux, il souriait avec tendresse. Elle n'avait jamais remarqué ça entre eux. Jamais.

Ils étaient si calmes, détendus. Ils étaient à l'aise dans un environnement qu'ils avaient fait le leur. Pansy n'avait jamais vu Drago agir aussi naturellement dans cette maison. Il vivait enfin ici. Avec Hermione.

Elle sentit un poids tomber de ses épaules. Un poids qu'elle n'avait jamais eu conscience de porter. Ils n'étaient pas seuls dans une grande maison. Ils étaient ensemble, ils se soutenaient. Et d'après ce qu'elle voyait, c'était même bien plus que ça.

Pendant longtemps, Pansy avait eu cette peur inconsciente que cette loi immonde et déshumanisante les prive des plaisirs de la vie. Elle avait craint qu'ils ne découvrent jamais l'amour, l'intimité, le plaisir de se livrer à un autre et d'être prêt à lui confier sa vie.

Elle s'en était souvent voulu de les imaginer finir leurs vies seuls, bien qu'ils la partagent. Elle s'était même demandé si Hermione avait eu quelqu'un avant d'accepter, sans jamais oser lui poser la question. Elle réalisait avec le temps que cela aurait été impossible. Hermione avait été dans un état déplorable lorsqu'elle avait accueilli Drago. Et elle était encore loin d'aller bien.

Quant à Drago, elle avait beaucoup culpabilisé de lui interdire de découvrir les plaisirs de l'amour, des relations éphémères ou durables. Il n'avait jamais connu tout ça, il n'avait jamais cédé aux avances de quiconque pendant leurs années à Poudlard. Il s'était contenté de laisser croire aux jeunes filles qui lui tournaient autour qu'elles l'intéressaient. Il ne connaissait rien de l'amour, de celui qui prend aux tripes et qui nous oblige à secouer toutes nos habitudes. Et Pansy s'était rongé la tête avec la culpabilité.

Or, les choses semblaient bien différentes de ce qu'elle s'était imaginé. Ce besoin de protection, de vérifier régulièrement que tout allait bien et qu'Hermione était toujours là… Elle le voyait dans le regard de Drago. Il jetait des coups d'œil rapides à Hermione, comme pour s'assurer qu'elle n'avait pas le moindre problème, qu'elle se sentait bien. Une sorte d'hyper vigilance qui, pour une fois, n'était pas concentrée sur lui-même.

C'était singulier, pur. Ils avaient découvert seuls ce qu'ils étaient capables de partager ensemble.

– Alors, raconte ! Je veux tout savoir, fit Hermione en déposant une assiette de lasagnes réchauffées devant elle.

Pansy cligna plusieurs fois des yeux, sortant de ses pensées, et esquissa un sourire. Drago et Hermione la regardaient attentivement, suspendus à ses lèvres. Elle n'aurait pas pu espérer mieux.

oOo

J'ai assisté au procès de mon père dans une salle d'audience à huis-clos, à la fin de ma cinquième année. Il avait été enfermé provisoirement à Azkaban pendant un mois après les incidents du Ministère et ils ont attendu juillet pour le faire passer devant le Magenmagot. Je savais déjà que c'était foutu. Je l'espérais un peu, au fond. J'avais tellement souffert de sa pression toute l'année que je n'espérais qu'une chose : être tranquille. Je ne me rendais pas compte que les choses ne feraient qu'empirer après cela.

Ce jour-là, dans le public, il n'y avait que ma mère, Albus Dumbledore et moi. Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi il était venu. Il a passé une grande partie du procès à me jeter des coups d'œil. Je me souviens avoir baissé la tête la majorité du temps.

L'audience n'a pas duré longtemps, à peine une trentaine de minutes. Ils ont énoncé tous ses crimes un par un, ils ont jeté des sorts à sa baguette pour prouver qu'il avait lancé des Impardonnables, puis les témoins et les victimes sont rapidement passés à la barre. Il n'y avait pas grand-chose à dire. Il était coupable, il allait être enfermé et ma mère et moi serions trainés dans la boue par les médias.

Je me souviens avoir été pris en photo par des dizaines de photographe pendant de longues minutes après le procès. C'était bien la première fois de ma vie que je le vivais mal.

L'été qui a suivi fut l'un des pires de toute mon existence. En fait, tous ceux qui ont suivi ont été affreux. C'était le début de mon enfer personnel. Tout ce que j'avais vécu jusque-là, et que je pensais déjà affreux, ce n'était rien.

Drago reposa son stylo et se passa une main sur le visage.

Il n'avait pas envie de continuer pour le moment. Il suivait les conseils d'Hermione : écrire étape par étape, pour ne pas se laisser submerger. C'était pour le mieux.

La première fois, ses cauchemars avaient été bien plus longs, bien plus douloureux. Il avait écrit toute la première partie de son récit d'une traite. Il y avait passé des heures et se replonger dans de tels souvenirs, en connaissant les conséquences de tout cela, n'avait pas été bon. Pas bon du tout.

Aujourd'hui, c'était plus simple. Il dormait de mieux en mieux. Ses cauchemars venaient parfois le hanter, une à deux fois par semaine, mais ce n'était pas comparable. Et puis, Hermione était là. À chacun de ses réveils, elle était à son chevet. Elle le prenait dans ses bras, elle lui souriait. Elle lui changeait même parfois les idées en parlant de littérature, en le titillant juste assez sur ses opinions littéraires pour qu'ils se lancent dans un débat qui durait jusqu'au petit-déjeuner. C'était bien.

Drago se leva du bureau de la bibliothèque et referma son carnet. Il reprendrait l'écriture plus tard, ou peut-être pas. C'était l'une des choses si simples dont il profitait : sa liberté. Il n'avait pas d'obligation, il pouvait faire ce qu'il voulait de ses journées. Il ne s'imposait rien.

S'il n'avait aucune envie d'écrire, ou bien si l'inspiration ne venait pas, il ne le faisait tout simplement pas. S'il n'avait pas envie de cuisiner, ou du moins de passer trop de temps sur les repas, il se contentait de réchauffer des restes ou de préparer quelque chose de simple. Simple, oui, c'était simple.

Personne ne lui courrait après, Théo n'avait pas de délai pour l'envoi de son texte, Hermione ne le poussait pas à quoi que ce soit et personne ne lui demandait la moindre chose. Il était libre. Et c'était si agréable.

Il quitta la bibliothèque et se rendit dans l'entrée de la maison pour récupérer ses chaussures de marche. Il en prenait grand soin depuis qu'Hermione les lui avait données. Il ne voulait pas risquer de les abîmer et les nettoyait après chaque sortie en forêt.

Hermione s'amusait souvent de le voir faire. Elle répétait que les chaussures de marche étaient vouées à être pleine de terre et à s'abîmer avec le temps, mais il n'en avait rien à faire. Elles étaient précieuses à ses yeux.

Il les enfila et les laça avec précaution. Il se vêtit ensuite de son manteau et d'une longue écharpe, avant de rabattre sa capuche sur sa tête. Il pleuvait depuis environ une heure, mais cela ne l'empêcherait pas de sortir se promener.

Il passa par la cuisine pour se rendre à l'extérieur. C'était la porte la plus proche de l'écurie et il rendait toujours visite aux chevaux sur le chemin vers la forêt. C'était son petit rituel à lui.

Hermione lui avait déjà suggéré de les monter pour aller se promener, mais il répondait toujours qu'il n'était pas prêt. Il avait peur, en réalité. Il s'agissait d'une nouvelle étape, encore. Et pour l'instant, son esprit était concentré ailleurs. Il y avait tant de choses à penser…

En sortant de l'écurie, Drago se décida à emprunter un chemin différent des autres jours. Il avait l'habitude de se diriger vers la forêt mais, voyant qu'un petit sentier dissimulé derrière des hautes herbes menait vers le reste de la vallée, il opta pour un changement. Un changement.

Il n'eut pas à marcher très longtemps avant de tomber sur une petite rivière, quelques mètres plus bas. Il haussa les sourcils avec surprise, heureux de trouver un endroit aussi joli près de la maison.

Malgré le mauvais temps, il s'approcha de l'eau jusqu'à pouvoir y plonger le bout de ses doigts. Il s'accroupit près d'un rocher et observa l'eau s'écouler entre les rives et par-dessus quelques algues qui s'étaient formées avec le temps.

Il se demanda s'il y avait des poissons, quelque part dans les alentours. Là où il se trouvait, l'espace était trop étroit pour que des animaux puissent y vivre, mais il se douta que la rivière s'élargissait quelque part plus haut.

Il espérait qu'il y ait des lacs dans la région. Il se promit de le demander à Hermione plus tard.

Quelques dizaines de minutes plus tard, il se redressa et continua son exploration. La rivière l'empêchait de continuer plus loin dans la vallée et semblait rejoindre la route qui menait au village à quelques centaines de mètres. Il n'avait plus grand-chose à voir ici et il faisait bien trop froid pour qu'il essaye de traverser le cours d'eau. Il reviendrait un jour de beau temps, il trouverait un moyen de continuer sa promenade au-delà.

Alors qu'il faisait demi-tour, il aperçut à quelques mètres un grand arbre courbé sur le côté du sentier. En arrivant dans l'autre sens, il ne l'avait pas remarqué.

Il s'en approcha en prenant garde à


ne pas plonger l'un de ses pieds dans une flaque de boue – il serait dommage de ruiner tous ses efforts à garder ses chaussures les plus propres possible – et retira sa capuche une fois abrité par les nombreux feuillages de l'arbre.

À vue d'œil, il s'agissait d'un grand chêne. Il mesurait environ quatre mètres de haut, mais semblait avoir perdu sa hauteur d'antan à cause d'un orage qui avait brisé son tronc. Seulement, avec les années, celui-ci avait appris à repousser dans cette forme peu commune, de quoi créer un petit abri et une forme amusante à son écorce.

Le plus amusant dans tout cela fut la découverte que fit Drago ensuite. En faisant un tour du tronc, il découvrit avec merveille qu'une balançoire y avait été accrochée à l'aide d'une corde rouge et d'un pneu de voiture.

Il fut transporté plusieurs années en arrière, lorsqu'il n'avait que cinq ans et que ses deux parents étaient encore habitués à le promener de partout. Son père avait un jour conjuré une balançoire – bien plus élégante que celle-ci, bien sûr – sur la branche d'un grand pommier du domaine Malefoy. C'était son moyen de transmettre un minimum d'amour à son fils. Il ne parlait pas souvent, il se contentait de regards et de quelques actes de bonté.

Drago se souvenait y avoir joué des années durant, malgré les remontrances de son père quand celui-ci avait considéré qu'il était bien trop grand pour cela. Il avait fini par arrêter de s'y rendre après une crise de colère de Lucius, lorsqu'il avait neuf ans.

Il s'approcha de la balançoire de fortune et vida l'eau qui s'y était accumulée. Il essuya ensuite les quelques gouttes qui restaient avec le bout de sa manche, avant d'enfin s'y installer. Il se balança d'avant en arrière pendant quelques minutes, un sourire doux aux lèvres.

Il se permit de lever les yeux vers le ciel, nuageux ce jour-là. Ses yeux s'étaient remplis de larmes sans qu'il ne puisse rien y faire.

– Je vais bien, Maman. Tu te rends compte ? murmura-t-il au milieu des vents d'avril et de l'averse.

Au loin, un éclair traversa le ciel gris.


Merci à Lyra et Damelith !