L'on avait décidé de s'arrêter très vite et de programmer une nouvelle réunion d'ici quelques jours. Une réunion du même genre – et toujours sans Scott. Derek continuait de garder cette raison-là pour lui et si les membres de la meute présents continuaient de s'interroger à ce sujet, aucun d'entre eux n'avait voulu lui demander quelque explication que ce soit. Sans doute Scott et Derek s'étaient-ils brouillés récemment… Enfin, qu'importe.
Le fait est que tout le monde s'en était allé sans un mot et que Stiles se demandait encore comment il avait réussi à s'en sortir. Personne ne l'avait ni menacé, ni attaqué… On s'était même écarté de lui pour lui laisser l'espace dont il semblait avoir besoin.
Ou alors, on le trouvait trop dégoûtant pour ne serait-ce que se rapprocher physiquement de lui.
Etonnamment, Stiles ne choisit pas la seconde option. Ni même la première. Il était juste complètement perdu, trop occupé à penser au fait qu'il était rentré en vie et sans que l'on se soit montré agressif à son égard. Un miracle sans doute unique qu'il n'essaierait pas de provoquer à nouveau. A trop chercher à obtenir quelque chose, on se sabotait généralement seul.
Stiles choisit de simplement retenir qu'il était rentré sans que l'on essaie de l'en empêcher. Conduire s'était toutefois révélé plus difficile qu'à l'accoutumée étant donné qu'il s'était senti vaseux tout le long du trajet et que son esprit réfléchissait à tout, sauf à la route. Sans doute avait-il eu du mal à mesure sa chance au point que celle-ci manque à plusieurs reprises de le faire sortir de la route. Enfin, l'hyperactif fit au mieux pour se détendre. Pour l'instant, il pouvait se considérer en sécurité.
Le problème se poserait dès lors qu'il serait obligé de retourner en cours.
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Stiles avait réussi à obtenir, sans trop savoir comment, deux jours de tranquillité supplémentaire. Impossible pour lui de dire si son père les lui accordait de bonne grâce car il continuait de garder une petite mine ou s'il était simplement las de lui rappeler que le lycée était important et sa présence en cours, indispensable. Le fait est qu'il pouvait continuer de monopoliser son lit – ce qu'il voyait comme une véritable chance. Puis de toute façon, Stiles ne pouvait pas ne pas profiter de cette sécurité bien réelle conférée par son absence au lycée. Car même si la réunion s'était étonnamment bien passée – il s'attendait à mourir ou simplement souffrir –, l'hyperactif ne se sentait pas du tout à l'aise à l'idée de revoir ses amis. Une fois lui avait suffi. Chaque fois qu'il pensait à un visage, c'étaient des gestes et des sensations bien particulières qui se rappelaient à lui, comme pour lui rappeler qu'il n'oublierait jamais cette funeste soirée.
Stiles organisa son temps en quelques divisions bien précises. Le matin, une douche, puis retour au lit. Le midi, il s'efforça à manger un peu avant de se glisser à nouveau sous les draps. En fin d'après-midi, nouvelle douche. Le soir, il se fit violence pour ne pas éviter le repas avec son père, mais il ne se força pas à avoir l'air jovial, au contraire. C'est sa petite mine qui continuait de le convaincre qu'il n'était pas en état de retourner en cours. Et si Noah commençait sérieusement à être inquiet, il ne lui posait pas beaucoup de questions et se contentait des quelques réponses qu'il lui donnait. Stiles l'avait convaincu qu'il n'était juste vraiment pas en forme et que la maladie qui le prenait n'était vraiment pas drôle. Il lui disait que c'était dû au froid, à un virus… A ce genre de choses, qu'il ne savait pas vraiment mais que ça s'arrangeait doucement. Puis son état général correspondait à ses mots : il avait la voix rauque, cassée, gardait le front un peu chaud, le teint pâlot, des cernes d'une grandeur incroyable… Il faisait peine à voir et cela arrivait si peu souvent que Noah voulait bien lui laisser le bénéfice du doute.
Stiles ressentit une sorte de soulagement lorsqu'il reçut dans l'après-midi un message de son paternel lui disant de ne pas l'attendre pour manger. Il disait être en manque d'effectif et devoir rester au bureau un bon moment. Il espérait rentrer en début de soirée mais n'en était pas certain. Pour Stiles, c'était du pain béni car même s'il ne faisait pas semblant d'aller bien en sa présence, il faisait toutefois en sorte… De limiter les dégâts, de ne pas l'inquiéter plus que nécessaire. Devant lui, impossible de se gratter sans arrêt cette peau qui le démangeait de saleté incrustée. Impossible de tenter ne serait-ce que la laver de ses maux sans attirer l'attention de son paternel. En sa présence, il n'avait d'autre choix que de garder ses manches baissées et sa veste zippée jusqu'à son cou. Tout pour cacher ses rougeurs et les traces de griffures – légères – qu'il s'infligeait pour faire taire cette démangeaison nerveuse.
L'hyperactif n'eut toutefois pas le cœur de manger beaucoup. Le moral ne lui revenait pas et l'envie de prendre soin de lui, non plus. En revanche, il se dit que prendre une nouvelle douche n'était pas une mauvaise idée. Peut-être qu'à force, il finirait par ne plus avoir l'impression d'être si sale. Peut-être viendrait-il finalement à bout de ces souillures qui le marquaient en profondeur depuis plusieurs jours déjà. Stiles ne pensa absolument pas au fait qu'il utilisait une quantité d'eau considérable et qu'à tant se doucher, il en gaspillait plus qu'autre chose. Idem pour le gel douche : sa peau commençait à montrer quelques signes d'irritation, mais qu'importe. Il se sentait sale.
Ce n'est qu'une bonne trentaine de minutes plus tard qu'il osa sortir de la douche. Ses griffures se voyaient un peu plus malgré leur grande superficialité. La rougeur de sa peau malmenée les faisait ressortir. Et puisqu'il en était parfaitement conscient, Stiles enfila rapidement son pyjama, histoire de ne pas croiser dans le miroir ce reflet détestable qu'il ne supportait plus, encore davantage depuis qu'il se faisait subir ce genre de traitement. C'était involontaire, mais… Les stigmates ne s'effaceraient que d'ici quelques petits jours. Quant à sa peau en elle-même, il lui faudrait un peu plus de temps pour retrouver un aspect parfaitement lisse et sans aucune rougeur suspecte. D'ailleurs, il devrait l'hydrater – mais Stiles ne tenait pas à toucher son corps plus que nécessaire. Se laver était à ses yeux amplement suffisant. Ce qui se rapprochait d'un bon traitement qu'il s'accorderait le débectait et pas seulement parce qu'il pensait ne pas le mériter.
Stiles se sécha rapidement les cheveux en occupant son esprit uniquement à cette activité. Il ne s'autorisa pas un écart, pour la simple et bonne raison qu'il se savait capable de faire une connerie. L'idée, morbide, commençait à faire son chemin dans sa tête et… A grandir. S'il n'était pas pour la mettre en œuvre, rien n'indiquait qu'une pulsion n'irait pas s'emparer de lui un jour prochain. Stiles résistait et ne voulait rien si ce n'est accorder la responsabilité de son avenir à ceux qu'il avait probablement détruits. Une sorte de moyen d'expier ce qu'il considérait comme sa faute. Il n'avait strictement rien retenu des mots qu'on lui avait adressés : pour lui, il ne s'agissait rien de plus que de paroles en l'air. On avait été perturbé par son abandon soudain, son absence totale de combativité… Alors on n'avait su comment réagir. C'était tout. Il y avait fort à parier que ses amis se montrent finalement… En colère, si l'on décidait effectivement d'une nouvelle réunion. Le fait est qu'il n'avait pas la moindre envie de se retrouver à nouveau au milieu de tout ce monde… Entouré par cette meute qu'il avait l'impression d'avoir trahie.
L'hyperactif étendit sa serviette, se saisit de son téléphone et prit le chemin de la chambre. Au programme ? Dormir. Stiles se sentait éreinté par ses propres réflexions et n'aspirait qu'à l'inconscience. Il n'avait trouvé que ce moyen pour manger le temps sans avoir à penser. S'il avait de la chance, aucun songe-souvenir ne viendrait s'immiscer dans sa nuit à rallonge.
Enfin, pour cela faudrait-il qu'on le laisse aller se coucher.
Stiles ouvrit la porte de sa chambre et sursauta violemment : le cri de terreur qu'il aurait instinctivement poussé en temps normal mourut dans sa gorge.
