La pénombre constante à des centaines de mètres sous la mer ne permettait pas de rendre compte du moment de la journée, aussi lorsque Braalaka sortit du sommeil c'était à cause du bruit que ses camarades de voyage provoquaient. Elle n'ouvrit pas tout de suite les yeux, encore trop ensommeillée pour vouloir entreprendre la moindre démarche de se tirer hors de sa couette. Des éclats de voix lointains et des bruits de pas feutrés créaient un fond sonore qui s'ajoutait aux bourdonnements perpétuels des courants marins. Au moins quatre personnes étaient éveillées et s'activaient sur le pont avec moins de discrétion qu'à l'accoutumé, signe que le trajet toucherait bientôt à sa fin et que tout le monde voulait être présent au moment de l'amarrage. La jeune femme se tourna sur le dos et s'étira longuement, profitant de la sensation de confort de son lit sous elle ; seulement ensuite elle ouvrit les yeux pour jeter un regard au réveil sur son chevet. Les aiguillons fluorescents indiquaient presque sept heure. Braalaka referma les yeux ; Marco avait annoncé l'arrivée vers midi, et la prescience de cette heure pouvait bien expliquer l'agitation matinale des autres. Peu encline à se dépêcher après une nuit si profonde la brune préféra rester immobile encore un peu. Essayer de deviner qui était debout semblait être une activité intéressante et elle tendit l'oreille. Quelqu'un se déplaçait de manière fréquente le long des rambardes, elle imagina qu'il pouvait s'agir de Rakuyou ou de Marco s'il n'était pas parti faire une pause. Parmi les éclats de voix elle pensait avoir identifié celles d'Artie et de Namur, reconnaissables entre toutes. Ils semblaient avoir une conversation. Plus rarement un timbre grave s'ajoutait aux leurs, Braalaka en conclut qu'il ne pouvait s'agir que de Barbe Blanche, qui se tenait statique derrière le gouvernail. Sa pensée se figea sur l'image du capitaine. De longs instants passèrent où elle se remémora en détails leurs interactions de la veille. Elle avait encore la sensation de sa moustache sous son index. Sans compter celle de son bras autour d'elle dont elle souvenait même si elle était près de collapser. La jeune femme inspira profondément et leva un bras pour cacher son visage dans le creux de son coude. Qu'est-ce qu'il lui avait pris d'instaurer une telle proximité avec l'Empereur ? Elle savait que l'entraînement et la bonne entente commune ne suffisaient pas à expliquer l'élan de confiance qu'elle avait eu pour effleurer son visage. En vérité ce geste avait été motivé par de l'attirance, purement et simplement. Le Yonko était un bel homme à ses yeux; ses traits, son corps, sa voix, l'attitude qu'il dégageait étaient autant d'éléments qui plaisaient à la brune. C'était une réflexion qu'elle s'était déjà faite de manière distraite, lorsqu'elle l'avait aperçu quelquefois. Elle n'avait pas donné plus de crédit que cela à ces pensées qu'elle avait considérées comme de simples constats, surtout pendant les deux premières semaines de son arrivée où absolument tous les éléments autour d'elle la préoccupaient. Mais ces derniers temps, après qu'elle se soit acclimatée à la situation et que l'angoisse de celle-ci soit moins vive, elle devait bien s'avouer qu'elle attardait un peu plus son attention sur Barbe Blanche. Peut-être aurait-elle dû lui dire qu'elle le trouvait beau, sans détours, la veille, lorsqu'elle le dévisageait et que la remarque lui avait traversé l'esprit ? Braalaka souffla du nez, mi-amusée et mi-gênée. Elle décida de mettre fin à ses réflexions avant qu'elles n'aillent plus loin et elle se redressa sur son matelas pour tâtonner au pied du lit, à la recherche de ses vêtements.
Lorsque Braalaka fit quelques pas sur le pont sa route fut coupée par la cavale d'Inu-kun, qui slaloma brutalement entre ses jambes pour prendre la fuite en direction du salon commun. Rakuyou ne tarda pas à se montrer, courant à la suite de son arme. La brune tourna le buste pour lui laisser la place de passer sans la percuter, il lui manquait une botte et il hurlait au chien de la lui rendre.
« Mon dieu… soupira Braalaka.»
Ce genre d'agitation ne la surprenait plus et elle s'étonna même de trouver cela normal. Elle plissa les yeux d'un air accablé tandis qu'un grand fracas de chaises renversées et de tasses brisées se fit entendre. Quelques instants plus tard le commandant de la septième flotte revint à la porte à cloche-pied tout en enfilant sa botte couverte de traces de crocs.
« Bonjour ! lança-t-il tout sourire.
- Bonjour… Je vois que le bateau est bien surveillé, taquina-t-elle.
- Hé oh ! On est presque tous debout, ça va, ria-t-il.
- C'est vrai, c'est vrai.
La jeune femme balaya le pont du regard et aperçut, comme elle l'avait deviné, Namur à côté de Barbe Blanche qui semblaient discuter à la barre tout en désignant des points sur une carte. Izo sommeillait non pas dans sa cabine mais adossé au mur du salon, les jambes en tailleur et la tête penchant légèrement sur son épaule droite. Artie était appuyée sur la rambarde vers la proue du navire, Braalaka lui fit signe. L'infirmière ne répondit pas immédiatement, occupée, et la brune devina qu'elle avait un journal en main et en fabriquait quelque chose. Rakuyou suivit son regard.
- ...T'as fait une connerie aujourd'hui? demanda-t-elle en comprenant que la rousse était en train d'enrouler le papier sur lui-même de façon compacte.
- Euh, je viens de casser de la vaisselle…
- Aïe.
Braalaka sourit en voyant Artie traverser le pont en leur direction, rouleau à la main. Ce n'était pas la première fois qu'elle la voyait user d'un objet ou de sa main pour asséner un petit coup à un pirate, et cela arrivait assez souvent à Rakuyou. De tout l'équipage c'était à la fois un des plus agités et un des plus proches de l'infirmière, d'après ce qu'elle avait pu observer. Le commandant feignit de se cacher derrière la brune, d'où on voyait clairement sa silhouette dépasser, et se plaignit suffisamment fort pour que tout le monde entende :
- Oh non ! Elle veut me frapper ! Aide-moi Braalaka, que puis-je faire ?
La brune leva les yeux au ciel.
- Dis lui que tu aimes ça, peut-être qu'elle arrêtera.
Il ricana. Artie était à quelques foulées d'eux et secoua la tête, exaspérée.
- Et si j'aime vraiment ça ?
- Hm, dans ce cas ne dis rien…
Le rouleau de journal s'abattit promptement sur le crâne de Braalaka qui écarquilla les yeux de surprise.
- Hé ! Pourquoi ? fit-elle en portant les mains à son front.
Rakuyou semblait médusé de ne pas avoir reçu le coup, pour une fois, et lança un regard interrogateur à la rousse.
- Parce que le capitaine m'a demandé de tes nouvelles à propos de 'l'entraînement d'hier'… Je ne savais pas que tu t'étais entraînée hier, rapporta Artie avec un ton accusateur.
Braalaka leva les yeux vers l'Empereur. Celui-ci préféra ne pas se retourner, faisant comme s'il n'entendait rien à la conversation.
- Ah, oui… Il était tard et j'étais épuisée, désolé.
- Je m'en doute oui. Tu t'intégrerais bien dans sa division de casse-cous, sourit-elle en désignant le moustachu.
- Tu exagères, protesta-t-il.
- A peine ! Vous êtes en concurrence avec la deuxième flotte à ce niveau là.»
Braalaka sourit et secoua la tête. Elle proposa à son amie de petit-déjeuner ensemble et lorsque Rakuyou fit volte-face pour retourner à son poste Artie lui lança un regard empli de malice. Elle brandit à nouveau son journal et fouetta l'arrière du crâne du commandant qui rentra instinctivement le cou dans ses épaules; le motif de la vaisselle cassées n'égalant pas l'amusement qu'elle avait de perpétuer ce petit jeu entre eux.
Le navire approchait de l'immense bande de terre qui formait Red Line, on apercevait les formes du littoral, masse noire et infinie formant une barrière sombre au loin, dans l'océan. Les courants autour de cette zone étaient les plus dangereux et les plus cruciaux, passer sous le continent était l'unique moyen de naviguer de Grand Line au Nouveau Monde par voie marine. La violence des flots, qui formaient des courants ascendants et descendants difficiles à naviguer, était la source d'un grand nombre de naufrages. Tout le monde était présent sur le pont lorsque Barbe Blanche annonça qu'ils allaient emprunter le courant qui mène aux abysses, tout droit vers l'île des Hommes poissons. Marco se posta à côté du gouvernail, la carte devant les yeux, prêt à donner des indications à son capitaine. Rakuyou et Izou restaient de chaque côté de bateau pour guetter l'approche de quelconques serpents marins, réputés nombreux dans cette zone décisive en raison de toute la nourriture trouvable parmi les débris de navires coulés. Comme l'avait demandé le Yonko Namur se préparait pour le moment où il devrait nager pour emmener le bateau hors du courant habituel et amarrer à l'arrière du Palais Royal. Artie et Braalaka l'aidèrent à vérifier toutes ses cordes d'attache, après quoi la brune rejoignit Izo pour l'aider à observer l'océan. Ils sentirent le bateau pencher doucement en avant et le bourdonnement du courant autour d'eux se transforma en gargouillis plus puissant. La vitesse de l'embarcation se décupla tandis qu'elle se laissait entraîner par le souffle de l'océan qui la guidait en direction des entrailles de la terre. La pénombre ambiante se changea rapidement en obscurité totale, et la seule source lumineuse restante, les lanternes, se trouvait à l'intérieur de la bulle et ne suffisaient pas à éclairer l'océan. Braalaka se raidit et serra les mains autour du bastingage, être privée de la vision alentour et n'entendre que le borborygme du courant avaient quelque chose de terrifiant. Elle comprenait pourquoi le passage du Nouveau Monde ne s'ouvrait pas à tout le monde. Izo remarqua sa tension et posa une main rassurante sur son épaule.
« Ne t'inquiète pas bichette.
- J'essaie…
- Tu verras, ça vaut le coup de passer par ici.
- Ah ?»
Le commandant de la seizième flotte ne répondit pas et se contenta d'afficher un petit sourire pour attiser le mystère. Elle fouilla un peu dans sa mémoire pour essayer de deviner de quoi il parlait, en vain.
Une dizaine de minutes passèrent en silence, ponctuées parfois de quelques paroles échangées entre Marco et Barbe Blanche. La jeune femme n'avait pas bougé mais s'était légèrement détendue puisque qu'elle s'était habituée à la vitesse et au son du bateau. Rien n'avait encore menacé ou interrompu la trajectoire. Elle entendit le phœnix décompter 9700 mètres de profondeur et Izo attira son attention d'une petite secousse du coude. Il désigna le dessous de bateau d'un hochement de menton. Braalaka se pencha prudemment par-dessus le bastingage et écarquilla les yeux : plus profond dans l'abysse se découpaient des centaines de petites sphères lumineuses qui formaient comme un réseau de guirlandes autour d'un sapin. Une source de lumière plus grosse que les autres, avec des reflets plus colorés, semblait se trouver au centre de cette toile plus profond dans l'océan. L'embarcation fut bientôt au niveau des premières billes phosphorescentes et la jeune femme observa avec admiration les immenses racines d'arbres sur lesquelles elles étaient accrochées. Le commandant lui expliqua que cette variété d'arbres géants avait des racines qui poussaient tellement loin qu'elles traversaient Red Line et s'étendaient jusqu'aux abysses, leur extrémité relâchant des perles de sève luisante. La jeune femme hocha la tête tout en continuant son examen des fonds marins. Il ajouta qu'au bout de cette procession vers l'abysse on pouvait apercevoir le royaume Ryugu, à 10000 mètres de profondeur. La lueur qui s'en dégageait était constituée par l'éclairage public des quartiers du royaume, par le reflet des racines et par les différents coraux locaux qui poussaient à l'intérieur. L'entrée dans cette zone de l'itinéraire marquait la fin des principaux dangers de navigation. Plus de monstres agressifs, de courants contraires, de débris en mouvement ou d'explosions marines.
L'attention se porta sur Namur, qui s'apprêtait à sortir le bateau du courant principal pour l'emmener à un quai seulement accessible des Hommes poissons ou des embarcations tractées par des créatures marines : le port du Palais Ryugu. Lorsque le bateau était à une centaine de mètres au-dessus des points culminants du royaume, l'homme-requin bondit hors de la bulle et nagea avec force pour s'extirper du courant. Il tira sur les cordes qui le reliaient au navire, comme il l'avait fait plus tôt pendant le voyage, et guida l'embarcation à sa suite. Barbe Blanche l'assistait en adaptant le gouvernail tandis que tout le monde alla se coller à la rambarde de proue pour regarder le paysage qui se dessinait. Sur le point culminant de l'île trônait le Palais, le faisant paraître encore plus immense. Pour le moment seuls le gros d'œuvre était distinguable, à savoir la bâtisse principale et ses tours coiffées de faîts aux tuiles rouges, coniques et pointus. L'emblématique décoration du lieu, une immense statue de dragon jaune et vert à collerette rouge, serpentait entre les tours. Des jardins ornés de coquillages géants et de coraux aux ramures colorées ponctuaient les flancs des murailles. Tandis que Namur nageait en direction de l'arrière du Palais, invisible à tout le reste de l'île, il arriva au niveau de la première bulle, immense sphère qui protégeait le royaume. Il remarqua vite que derrière, d'autres hommes poissons attendaient et vinrent à sa rencontre en l'apercevant. Certains se dispersèrent autour du vaisseau, Braalaka les dévisagea et reconnut l'uniforme de la garde l'élite du pays. Namur serra la main de celui qui semblait être l'officier et ils semblèrent discuter brièvement, des petites bulles s'échappant de leurs bouches. Le commandant de la huitième flotte désigna le vaisseau d'un mouvement de la main. Les gardes l'aidèrent à mener l'embarcation jusqu'au port, et plus ils s'en rapprochaient plus l'équipage pouvait distinguer la large silhouette de Neptune entouré d'autres personnalités, qui attendaient au milieu de la plateforme. L'Empereur lâcha la barre, orienter le gouvernail n'avait plus d'utilité. A la place il se dirigea vers les locaux et s'y éclipsa. Namur et les gardes arrivèrent devant les multiples couches bulles qui enserraient le palais, et avec l'autorisation du roi ils les traversèrent avec délicatesse. Une fois le vaisseau à l'air libre ils le soutinrent par-dessous afin de le poser délicatement sur le quai, l'allongeant contre une charpente qui le maintenait droit, comme celles utilisées à Hand-Island pour faire les revêtements. Barbe Blanche réapparut avec Murakumogiri en main, son bisento, l'arme redoutable portant le statut de Meito qu'il avait acquise après ses premiers périples en mer. Braalaka observa le bisento avec de grands yeux, c'était la première fois qu'elle le voyait puisque le Yonko ne le portait pas au quotidien sur le MobyDick. La jeune femme se tourna vers Artie :
« Elle pèse combien cette lance tu crois ?
- Sûrement trop lourd pour que tu l'essaies.
- J'ai pas dit que je voulais l'essayer.
L'infirmière lui lança un regard de biais en haussant les sourcils.
-… Juste la porter, pour voir.
- Bah tiens ! C'est la même chose, pouffa-t-elle.
Barbe Blanche s'approcha du bastingage et d'un geste du bras il fendit la bulle qui entourait le bateau.
- On accoste, intima-t-il en descendant du bateau d'un bond.
- Oui cap'tain ! tonna joyeusement Rakuyou en le suivant de près.»
Braalaka pencha le buste pour évaluer la hauteur du saut, et elle estima qu'une entrée fantaisiste ne valait peut-être pas le prix de ses deux rotules. Elle agrippa le maillage de cordes qui tombait en cascade le long du flanc du navire et le dévala avec agilité, Artie et Izo descendirent de la même manière. Marco les rejoint peu de temps après en atterrissant agilement, ses cartes de navigation sous le bras. Neptune s'était avancé au-devant de sa suite pour saluer les arrivants, il ouvrit les bras d'un air enjoué :
« Edward ! C'était donc bien vrai que tu te dirigeais par ici.
Les deux hommes échangèrent une poignée de main, et l'Homme poisson salua aussi l'équipage du regard, imité par ses fils qui l'accompagnaient. Braalaka hocha silencieusement la tête en réponse. C'était déroutant de voir quelqu'un dépasser Barbe Blanche d'au moins trois têtes.
- Bonjour Neptune. Oui, comment tu as su ?
L'Empereur craignit un instant qu'un quelconque vaisseau pirate ou marine les ait repérés et donné l'information de leur voyage à tout l'océan. Le roi leva la tête et scruta les eaux à l'extérieur avant de pointer du doigt un monstre marin qui nageait entre les racines d'un arbre.
- C'est un animal de compagnie de Shirahoshi. Elle m'a dit qu'il vous a vu immerger un bateau.
Braalaka plissa les yeux. Le serpent était loin mais l'éclairage des gouttes de sève faisait luire sa peau écailleuse qui semblait très pâle comparée à celle d'autres créatures qui virevoltaient à côté. Selon l'inclinaison que prenait l'animal la brune avait l'impression de voir des reflets violacés sur son dos. Elle jura qu'il s'agissait du même monstre que celui qui lui avait fait peur à l'arrivée et au départ d'Hand-Island.
- Hm, acquiesça le Yonko qui reconnut lui aussi la bête qui avait frôlé le bateau quelques jours auparavant.
- Alors, qu'est-ce qui t'amène ?
- J'ai deux affaires dont je dois te parler et j'aurai sûrement besoin de ton aide.
- Bien sûr. Entrez donc, convia-t-il à l'intention de tout le monde.»
L'intérieur du Palais était dans les mêmes tons que l'extérieur, des parois bleu ciel et des décorations colorées très variées. Les halls étaient encore plus gigantesques que les salles communes du MobyDick, ce qui n'avait rien d'étonnant puisque des créatures marines apprivoisées pouvaient aussi y circuler. Des piliers ornés de perles et des coraux soutenaient les voûtes de pierre. Braalaka se tenait au milieu de la conversation entre les fils de Neptune et ses camarades, ces derniers s'étonnaient de la croissance rapide des jeunes princes qui étaient apparemment encore adolescents lorsqu'ils avaient visité l'île la dernière fois. L'Empereur bavardait avec le roi à propos des affaires récentes de son royaume, comme l'installation de marchands humains dans un quartier proche.
« Au fait, tu n'as pas lu le journal de ce matin ? demanda Neptune.
- Non.
- Crocodile a été destitué de son titre de Grand Corsaire. Il aurait tenté un coup d'état à Alabasta dans le dos du gouvernement mondial.
- Oh… Ce n'est pas étonnant, ce gamin a toujours couru après le pouvoir.»
Braalaka échangea un rapide coup d'œil avec Barbe Blanche. C'était une possibilité dont elle lui avait parlé pour mieux lui expliquer les ambitions proches de Teach d'après elle. Cette nouvelle ne fit que conforter le Yonko à poursuivre la démarche qu'ils menaient.
Ils entrèrent dans une salle de réception barrée d'une grande table ovale. Neptune les invita à s'asseoir et il prit place en face de son vieil allié.
« Alors, dis moi tout.
- D'abord, est-ce que tu connais une espèce de poisson qui serait capable de nager assez vite en transportant des lettres ?
L'homme poisson haussa brièvement les sourcils puis il croisa les bras sur son torse en commençant à marmonner dans sa barbe, attitude qu'il adoptait pour réfléchir.
- Hmm, fit-il pensif. Il y aurait bien quelques espèces capable de faire ça, oui. Mais qu'est-ce que tu veux faire exactement ?
- On a besoin de communiquer le plus discrètement possible. Pas d'escargophone ni d'oiseau apprivoisé, c'est trop facilement repérable.
- D'accord…
Le roi réfléchit encore quelques instants et afficha un rictus embarrassé.
- Je ne crois pas que les espèces que je connais soient suffisamment domestiquées. Porter des objets sans empêcher la nage ça irait, mais le soucis est de pouvoir l'emmener d'une personne à une autre.
Les lèvres de Marco se pincèrent et Rakuyou eut l'air déçu.
- Alors tu penses que c'est infaisable ?
- Je ne sais pas. Il faudrait demander à Shirahoshi si elle peut faire quelque chose pour ça, vous auriez une réponse dans la journée.
- C'est possible de le faire maintenant ? On en aura besoin assez rapidement, expliqua Barbe Blanche.
- Oui pas de soucis, acquiesça-t-il avant de se tourner vers ses fils. Vous savez où elle est ?
- Elle est allée se cacher dans sa chambre dès qu'elle a su que des invités arrivaient, renseigna Fukaboshi, l'aîné.
Le roi de Ryugu soupira sous sa barbe.
- Essayez de la voir et de lui expliquer.
- Que quelqu'un vienne avec nous pour lui donner les précisions, ne perdons pas de temps, proposa Ryuboshi en s'adressant aux pirates.
Les commandants eurent à peine le temps de se concerter que Rakuyou s'était déjà levé pour suivre les princes. Braalaka se doutait que le caractère craintif de la princesse n'avait pas changé vu ce qu'elle venait d'entendre et échangea un coup d'œil inquiet avec Artie, assise à côté d'elle. L'infirmière réagit immédiatement, partageant sûrement les mêmes pensées.
- Izo, tu devrais peut-être l'accompagner.
- Je pense que tu as raison, sourit-il.
Le commandant se leva et rattrapa le groupe, sa démarche de samouraï si particulière et fluide donnant l'impression qu'il flottait sous son kimono. Barbe Blanche reporta son attention sur Neptune et reprit la parole :
- Je vais t'expliquer le détail de ce qu'on fait ici.»
Le Yonko raconta l'objectif de leur déplacement : récupérer Ace en personne; puisqu'il était seul c'était trop risqué de l'appeler et courir le risque de dévoiler sa position. L'Homme-poisson hocha la tête au fur et à mesure du récit, il se souvenait bien de Poings-ardents, il en avait entendu parlé pour la première fois de la bouche de Jinbe qui le décrivait comme un rookie énergique et irréfléchi.
« A part ta famille et toi, est-ce que d'autres savent qu'on a quitté le MobyDick?
- Si tu me dis que vous n'avez croisé personne en route, non. Cette information ne sortira pas du palais. Par contre… Comment comptes-tu passer inaperçu sur Grand Line, Edward ? Il faudra bien naviguer en surface pour repérer Ace, et tu n'es pas… Discret.
Barbe Blanche étira un fin sourire sous sa moustache.
- Hm. Ce n'était pas prévu que je vienne à la base, mais je devais te parle d'autre chose en personne. Pour en revenir à la stratégie on prévoit d'envoyer une équipe réduite, dont des non-primés pour naviguer en public.
- Ça se tient, approuva Neptune en croisant les bras pour mieux appuyer son dos dans sa chaise.
L'Empereur se tourna vers le restant de son équipage.
- A moins que quelqu'un ait de nouvelles idées ?
La tablée échangea des regards et personne ne sembla vouloir proposer un changement de plan.
- Il faut qu'on décide avec quel bateau partir yoi, lança Marco en regardant Artie et Braalaka. Si vous vous retrouvez seules à naviguer pour garder notre couverture j'ai peur que le deux-mats avec lequel nous sommes venus soit compliqué à gérer, puisque les voiles seront actives.
Braalaka tiqua soudainement.
- Euh, j'y pense… Tu sais naviguer, Artie ?
- J'ai grandi dans une famille de pêcheurs, sourit la rousse en lui décochant un clin d'œil amusé.
- Ouf, ça aurait été compliqué avec mes deux ou trois jours de pratique, souffla-t-elle.
- Ne t'inquiète pas, on s'en sortira très bien si ça arrive ! Bon, il nous faudrait un bateau plus petit à mon avis. Comme un voilier de pêche. Et ce serait crédible comme couverture, on pourra prétexter qu'on travail, ça passe partout, proposa Artie.
- Bonne idée. Mais si on fait ça il n'y aura pas la place pour qu'on y aille tous, remarqua le phœnix.
- Ce serait quoi la limite d'effectif ? demanda Braalaka.
- En général il y a deux cabines dans ce genre de bateau, précisa Artie. On peut placer deux couchettes par cabines.
Marco hocha la tête.
- Si on reste bien discrets on ne devrait pas avoir à intervenir sur le trajet, mais si ça venait à arriver je pense que deux commandants à bord feraient l'affaire yoi.
- D'accord, donc il y aura Braalaka et moi-même. Qui d'autre ?
- Moi. Je repérerai les bateaux de loin même la nuit, et je peux convaincre Ace. Il me semble que Rakuyou aussi voulais venir.»
Le phœnix interrogea Namur du regard pour qu'il donne son avis même s'il n'était pas de nature très bavarde. L'homme poisson était d'accord et conseilla d'attendre le retour d'Izo et de Rakuyou pour déterminer qui serait la quatrième personne entre eux-deux. Les commandants se tournèrent ensuite vers Barbe Blanche qui était resté silencieux en écoutant son équipage délibérer. Il leur sourit faiblement et hocha la tête. Même si leurs idées étaient bien pensées et qu'ils faisaient partie des pirates les plus puissants du Nouveau Monde, il ne pouvait pas s'empêcher une petite pointe d'inquiétude pour eux.
« Il y a des fabricants bateaux qui vendent des bateaux de pêches dans le chantier de ton île ? s'enquit le Yonko en se tournant vers le roi.
- Ne vous embêtez pas à chercher au chantier, j'en ai à quai derrière le Palais. Mais il faudra peut-être remplacer les outils de chasse sous-marine par des filets.
- Merci Neptune.
- On s'en occupe? On peut tout préparer pour partir demain, si on a un verdict pour les poissons messagers entre temps ce sera parfait, proposa le premier commandant.
- Allez-y, demandez aux gardes ce dont vous avez besoin, approuva Neptune.
La brune se leva en même temps que les autres membres de l'équipe et commença à se diriger vers la sortie lorsque la voix de Barbe Blanche résonna à nouveau :
- Braalaka?
Elle s'arrêta et tourna la tête.
- Tu veux toujours continuer ton enquête ? C'est le moment d'avoir une discussion, on aura peut-être plus le temps après.
- Oui, bonne idée.»
Elle fit un signe de la main aux pirates qui partaient avant de faire chemin inverse jusqu'à la table. L'Empereur lui tira la chaise à côté de la sienne en souriant. Lorsqu'elle s'installa elle se sentit soudainement minuscule et elle n'osa pas s'adresser immédiatement au roi de Ryugu assis en face d'elle. A la place elle se tordit le cou pour rencontrer le regard de son voisin et y chercher une moindre aide sur la manière de commencer son discours. Tout ce qui lui traversa l'esprit en le voyant aussi proche fut le souvenir de la veille, et toutes les pensées qu'elle avait eues le matin lui revinrent en pleine figure. Braalaka tourna immédiatement la tête et fixa le marbre bleuté du plateau de table. Elle inspira rapidement pour se ressaisir et chasser ces distractions de sa tête. Barbe Blanche fronça imperceptiblement les sourcils. Il était certain d'avoir vu de l'embarras dans les yeux de la jeune femme. Était-elle intimidée par Neptune, ou était-ce à cause de lui et de son geste? Il eut envie de poser la question mais préféra s'abstenir, le moment était mal choisi pour la taquiner.
Du courage et des mots ne tardèrent pas à s'inspirer à la brune et elle abandonna la contemplation de la surface azure pour s'adresser au roi. Il écouta son récit. Le monde d'où elle venait, la manière dont elle s'était réveillée ailleurs, les liens qu'elle connaissait entre les deux, l'altercation avec Shanks, son pouvoir... Il décroisa un bras pour se frotter le bout de nez, pensif. Ce qu'elle disait collait avec les informations que lui et d'autres connaissances avaient des théories du passé.
« Shanks a sûrement raison, tu incarnes peut-être une arme antique. Les mythes colportent que les pouvoirs demande une contrepartie, la tienne aurait été de quitter ton monde. Ma fille, Shirahoshi, peut commander aux rois des mers mais elle ne peut pas parler à qui que ce soit sans vivre une crise d'angoisse.
- Et vous n'avez jamais pu… changer ça ? Annuler les effets ? demanda Braalaka.
- Non, et je n'ai jamais rien entendu qui indiquerait que c'est possible.»
Elle baissa à nouveau les yeux vers la table, cette fois par dépit. Barbe Blanche soupira doucement et se massa le menton. Depuis qu'il avait en tête la nature du pouvoir de la jeune femme il avait réfléchit à chaque détail qu'il connaissait de l'histoire de ce monde, mesuré chaque parole qu'il avait échangée avec Roger et repensé à chaque théorie qu'il avait pu tirer des vestiges du passé découverts durant sa vie de pirate. Il se doutait qu'il ne trouverait rien. Le sort des armes antiques était lié de la volonté du D, toujours inaccomplie depuis huit-cent ans. Il n'avait pas souhaité se prononcer avant d'avoir tout essayé, notamment demander son avis à Neptune qui aurait pu avoir d'autres éléments à mesure que sa fille grandissait et apprivoisait son pouvoir. Toutes ses idées était maintenant épuisées.
Les deux hommes discutèrent rapidement de derniers détails sur lesquels l'entretien se clôtura : l'Empereur et ses commandants restants séjourneraient au Palais le temps que l'équipe qui irait chercher Ace revienne. Le Yonko avait estimé que la meilleure chose à faire pour lui était d'attendre à Ryugu, passage clé connectant les mers de Grand Line et du Nouveau Monde, puisqu'il ne pouvait décemment pas s'éloigner de ses territoires au cas où ceux-ci se faisaient attaquer, et il ne voulait pas non plus s'éloigner de l'entrée de Grand Line pour être en capacité de réagir si le plan tournait mal. Braalaka et lui ressortirent de la salle et marchèrent en silence sur plusieurs dizaines de mètres. Barbe Blanche abaissa les yeux pour la jauger.
« Comment te sens-tu? finit-il par demander.
- Je ne sais pas trop… Je suis un peu déçue, même si j'ai commencé à me résigner depuis un certain temps.
Les pas de l'Empereur ralentirent et la jeune femme sentit ses doigts se déposer sur son épaule, invitant à s'arrêter tous les deux. Elle cessa d'avancer et leva des yeux surpris vers lui, des traits sérieux tendaient son visage. Il se pencha un peu pour lui parler.
- Si il existe une résolution je pense que tu en prendras conscience seulement lorsque le One Piece sera trouvé. Le monde attend quelqu'un depuis des siècles, je ne sais pas si ça aura lieu bientôt ou non, si tu seras concernée ou non. Je suis désolé de ne pas pouvoir faire plus.
La brune resta immobile quelques secondes le temps d'entendre pleinement ces informations dont elle s'était déjà doutée à mesure que le temps passait. Un fin sourire étira la commissure de ses lèvres.
- Je sais à quoi m'attendre maintenant et c'est le plus important. Merci d'avoir fait tout ça, murmura-t-elle.
L'Empereur hocha doucement la tête. Il était admiratif de la résilience de la jeune femme qui semblait différente de ce qu'elle était lorsque Vista et Marco l'avaient trouvée un matin dans les couloirs du MobyDick.
- Une dernière chose… Tu es sûre de vouloir embarquer sur Grand-Line demain?
- Oui, pourquoi?
- Naviguer en équipage anonyme n'est pas la même chose que naviguer sous le pavillon d'un Yonko. Il peut se passer beaucoup de choses sur les mers et je ne voudrais pas que tu regrettes d'y être allée, ni qu'il t'arrive quoi que ce soit.
Elle se sentit touchée de sa prévenance et baissa la tête pour se masser la nuque. En considérant ses propos elle pensa qu'il parlait d'affrontements avec d'autres entités. Les batailles, que ce soit contre des pirates ou contre des marines, ne faisaient effectivement pas partie de son palmarès et le manque d'expérience l'empêchait de savoir comment elle réagirait dans ce cadre. Elle savait que les commandants sauraient intervenir si la situation devenait plus chaotique pendant le voyage. Ce qu'elle redoutait le plus, en vérité, était qu'ils ne trouvent pas Ace ou qu'ils arrivent trop tard. Aller de l'avant, bouger, étaient des idées qui la soulageaient depuis qu'elle s'était un peu intégrée aux pirates.
- Je sais qu'il peut y avoir des imprévus et que je n'ai pas l'expérience des autres… Mais j'ai envie de prendre part jusqu'au bout. Et je ne peux pas abandonner Artie alors qu'elle est venue pour m'accompagner, plaisanta-t-elle pour alléger l'atmosphère.
- Bien… Promets-moi de faire attention à toi.
- C'est promis, sourit-elle.»
Barbe Blanche laissa échapper un léger grondement d'approbation et se redressa. Ils se remirent à marcher en silence, en direction du quai.
Dans la partie nord-est du château s'élevait la Tour Coquille, ancienne armurerie réaménagée en chambre forte pour la princesse, pratique pour lui permettre de s'isoler du reste du Palais tout en la mettant à l'abri des détracteurs de la famille royale. Les frères de Shirahoshi avaient guidé Izo et Rakuyou jusqu'à la porte et étaient montés en premier pour prévenir leur sœur. Celle-ci ne put s'empêcher de se recroqueviller derrière son canapé lorsqu'elle entendit le son des pas des commandants progresser dans l'escalier. Elle laissa échapper un petit cri de terreur lorsqu'ils entrèrent dans sa pièce à vivre, pourtant elle les avait déjà vu plusieurs fois et elle appréciait même certains d'entre eux. Après plusieurs grimaces infructueuses de la part du pirate moustachu pour la faire rire elle ne sortit pas de sa cachette ; c'est une approche patiente du samouraï qui la calma et elle fut en mesure d'écouter la requête sans paniquer. Elle connaissait une espèce marine parfaitement capable d'effectuer les tâches qu'attendaient les pirates. Elle attrapa un de ses livres de biologie et ouvrit une page en bégayant qu'on lui ramène un banc de ces poissons. Il s'agissait de créatures ressemblant à des espadons, plus petits et sans crête derrière la nageoire dorsale, avec un comportement grégaire. Il serait facile d'attacher une bouteille contenant un message sur leur dos, sans trop gêner la nage. Comme beaucoup d'animaux ils étaient sensibles aux énergies parcourant leur environnement, et ils maîtrisaient tellement ce sens qu'ils s'en servaient pour contourner des prédateur à l'avance, ou pour reconnaître un humain qu'ils avaient déjà vu. Pour Shirahoshi ordonner aux rois des mers demandait beaucoup de force et de concentration, mais inculquer une demande à une espèce moins volumineuse et moins puissante était plus simple, sans compter son talent pour s'y prendre avec les animaux. Quelques heures plus tard les princes ramenèrent un gros aquarium de cinq poissons, qu'ils confièrent à la princesse. Elle sortit tout le monde de son salon pour se concentrer. Enfin, elle plaça les deux mains sur les parois du bocal, observant les poissons d'un regard bienveillant et chuchotant des instructions. Lorsqu'elle eut terminé elle rappela les pirates auxquels elle laissa l'aquarium et elle lutta avec l'envie de déguerpir derrière un rideau. Sa voix tremblotante s'éleva tout de même dans la pièce et elle expliqua qu'il fallait que les poissons voient chaque membre de l'équipe pour mémoriser les hakis, et qu'au moment d'envoyer une lettre il suffirait de penser fort au récepteur pour que l'animal sente de qui il s'agit. Rakuyou s'exclama pour la remercier, enjoué comme un enfant en observant les espadons à travers la vitre. Shirahoshi osa faire un geste de la main pour adresser un bon voyage aux pirates avant qu'ils partent.
Les deux commandants accompagnés des fils de Neptune effectuèrent un dernier détour par une salle servant d'entrepôt où ils dégotèrent de petits flacons vides, de la cordelette et le nécessaire pour écrire. Ils apprêtèrent ainsi les poissons d'un harnais et d'une bouteille chacun, tout était en place pour faire un essaie. Izo et Rakuyou remercièrent les hôtes qui retournèrent à leurs tâches. Ils se dirigèrent vers le quai où on leur avait indiqué que le reste de l'équipage se trouvait. La fin d'après-midi était proche lorsqu'ils les rejoignirent.
« Hé ! Regardez ce qu'on ramène ! héla Rakuyou.
Barbe Blanche et Namur, qui étaient pied à terre en train de discuter, tournèrent la tête simultanément. Quelques secondes plus tard Marco, Artie et Braalaka apparurent sur le pont d'un voilier amarré plus loin et ils abandonnèrent les rangements qu'ils menaient pour descendre, impatients de savoir si l'idée des des poissons messagers avait fonctionné.
- Il faut que vous vous rapprochiez un peu pour qu'ils lisent vos énergies, expliqua Izo. D'après la princesse ils peuvent tracer le haki individuellement.
- Euh… fit Braalaka en plissant les yeux. Ça ne fonctionnera pas avec moi alors?
- Essayons quand même, peut-être qu'ils repéreront ton pouvoir aussi.
Elle haussa les épaules et s'avança d'un pas également. Izo termina de rapporter les consignes qu'avait données Shirahoshi.
- Namur, on peut leur mettre un cerceau de bulle pour faire l'expérience sans sortir du Palais ? demanda le phœnix. »
L'homme poisson hocha la tête et saisit l'aquarium pour s'occuper de placer des bulles circulaires autour des espadons, à la manière dont il était coutume ici pour permettre aux créatures marines domestiques de circuler dans les parties non immergées de l'île. Il se dirigea vers l'aile nord-est du château où la plupart des pièces utilitaires se trouvaient, notamment celle avec les machines à bulles. Rakuyou attrapa quelques feuilles de papier et de l'encre avant de se lança à la suite du commandant requin.
« Je vous les envoie, dispersez vous un peu, sourit-il par dessus son épaule.
Marco tendit les bras vers le ciel et activa son fruit du démon, des flammes bleues aux reflets jaunes les recouvrirent et ses pieds se changèrent en serres dorées. Il donna deux puissants battements d'ailes sous le regard médusé de Braalaka et se retrouva perché sur un rempart du Palais. Il quitta sa forme hybride et s'assit sur le bord en donnant un signe de la main aux autres en contrebas.
- Wow…
- C'est toujours impressionnant à voir, commenta Artie. Bon, je vais essayer de trouver un accès aux jardins de coraux qu'on voyait en arrivant.
- Je viens avec toi, ça m'évitera de me perdre si je pars toute seule. »
Les deux jeunes femmes retournèrent dans le Palais et commencèrent à arpenter les couloirs sud jusqu'à ce qu'elles trouvent une ouverture sur une cour intérieure remplie de coraux et de grands coquillages brillants. Elles s'y promenèrent un peu avant de s'asseoir sur un gros clams à la coquille couleur perle et aux décorations concentriques ambrées.
Barbe Blanche et Izo restèrent au port et continuèrent à aménager les locaux que le reste de l'équipe avait déjà investis. Les cabines étaient prêtes et il ne manquait plus que d'installer quelques outils de pêche pour parfaire la couverture. Ils vérifièrent que la cale contenait des harpons et des caisses de stockage et tandis qu'ils accrochaient des filets au bastingage de chaque côté du bateau un espadon arriva à leur hauteur. L'Empereur le réceptionna et il en aperçut un autre foncer plus loin, les écailles scintillantes, en direction des sommets du Palais.
Dans le jardin Artie et Braalaka sursautèrent quand un poisson déboula à toute vitesse en slalomant entre les coraux. Il s'arrêta net devant l'infirmière. Les deux femmes se concertèrent du regard et la rousse débouchonna le flacon attaché sur le dos de l'animal pour en extirper le papier. Elle le déroula et découvrit un dessin de cœur en plein milieu. Braalaka remarqua la mine étonnée de son amie dont les joues s'empourprèrent légèrement.
- Qu'est-ce que c'est? demanda la brune, intriguée.
Artie retourna la lettre pour qu'elle puisse la voir.
- Oh, c'est mignon ! s'amusa-t-elle.
- Tu parles, il essaie juste de me taquiner.
- Vraiment? J'ai l'impression que vous vous tournez autour depuis un moment moi…
L'infirmière ouvrit la bouche pour protester mais rien ne sortit.
- Hmpf… En fait j'en sais rien, tu as peut-être un peu raison.
- Ah? Tu en as trop dit pour t'arrêter là.
- Il faut que je te raconte des trucs pour que tu comprennes l'histoire… Mais plus tard, promis. Là ferait mieux de terminer les préparatifs, fit-elle en désignant l'espadon qui attendait à côté d'elle.
- Oui tu as raison... Ne t'inquiètes pas je te le rappellerai si tu oublies, sourit la brune avec un rictus complice.
- Je m'en doute ! sourit-t-elle en roulant des yeux.
Artie prit doucement le poisson entre ses mains pour l'orienter vers la sortie et elle pensa à Rakuyou pour le lui renvoyer. L'animal commença immédiatement à nager et quitta le jardin. Braalaka le regarda partir et lança un coup d'œil autour d'elles.
- On dirait bien que ça ne fonctionne pas avec moi.
- C'est dommage, c'était ton idée et tu ne peux même pas en profiter.
- Hm, tant pis.»
Elles glissèrent du coquillage et remontèrent tranquillement les couloirs pour retrouver le quai où le reste de l'équipage était déjà arrivé. A en juger par l'aquarium plein que Rakuyou avait ramené, tous les poissons étaient bien revenus. La jeune femme sourit, la mission serait plus simple et sécurisée avec cet avantage. En arrivant au niveau du groupe elle s'arrêta à côté de Marco :
« Tu as eu un dessin aussi?
- Oui.
- C'était quoi ? demanda-t-elle, curieuse.
- Un ananas.
Les deux jeunes femmes pouffèrent de bon cœur et le phœnix secoua la tête, épuisé. Sa coupe de cheveux lui avait valu d'être comparé à un ananas tellement de fois par ses idiots de frères qu'il ne prenait même plus la peine de s'en offusquer.
- Braalaka, j'en avais fait un pour toi mais il ne voulait pas partir, informa Rakuyou.
- C'était prévisible. Mais ça marche pour tout le monde, donc c'est une bonne nouvelle.»
Les préparatifs touchaient à leur fin. Les pirates vérifièrent une dernière fois que tout était en ordre sur le voilier et les membres de l'expédition transférèrent leurs affaires dans leurs cabine. Ils décidèrent de garder un aquarium de trois poissons à l'intérieur, tandis que les deux autres resteraient à Ryugu avec l'Empereur. Celui-ci énonça qu'il avait calculé au moins une semaine de navigation depuis l'archipel Sabaody jusqu'à l'île de Banaro, là où Braalaka avait indiqué qu'ils pourraient intercepter Ace.
- Une semaine ? répéta la brune en fronçant les sourcils. En sachant que Crocodile a été arrêté ça veut dire qu'ils ont déjà tous quitté Alabasta… J'espère qu'on arrivera en premier.
Barbe Blanche observa à nouveau la carte sur laquelle il avait fait les itinéraires. Alabasta était plus éloignée de Banaro que les Sabaody, mais avoir de l'avance était effectivement plus prudent.
- Hm… Depuis l'archipel je pourrais créer une vague pour vous avancer jusqu'au-dessus de la mer du Triangle. Il n'y a pas trop d'îles pour faire obstacle si la trajectoire reste droite.
Braalaka écarquilla les yeux. Était-il en train de proposer un tsunami pour les faire voguer plus vite? Marco jeta également un œil à la carte et hocha la tête de manière approbative, il commenta qu'il faudra faire attention à ne pas entrer dans le triangle, justement, et s'y perdre. La brune afficha un rictus paniqué et se tourna vers les autres pour les pour dévisager, mais personne ne semblait choqué.
- Ce n'est pas toi qui voulait voir mon pouvoir il y a quelque temps? sourit le Yonko d'un ton narquois en posant les yeux sur elle.
- Si, mais sans mourir après de préférence!
Un rire caverneux souleva le torse de l'Empereur. Le phœnix tapota le dos de Braalaka.
- On a déjà fait ça et c'est très navigable, yoi.
- Hmpf, si tu le dis…»
La journée touchait à sa fin lorsqu'ils avaient planifié tous les détails du voyage. Neptune revint trouver Barbe Blanche pour l'informer qu'il lui avait préparé des appartements ainsi qu'à ses commandants, pour le temps de l'expédition. Il également que son personnel établirait une bulle sur leur voilier, qui serait prête pour partir le lendemain. Les pirates passèrent la nuit au Palais. Aux aurores ils se retrouvèrent à nouveau sur le quai, l'atmosphère était plus pesante que la veille. La phase la plus cruciale du voyage allait commencer. Izo et Namur souhaitèrent bon voyage à leurs frères et aux jeunes femmes, puis Barbe Blanche s'approcha à son tour de Marco et Rakuyou pour poser une main paternelle sur leurs épaules en guise d'au revoir. Le phœnix sourit à son capitaine.
« On va vite ramener Ace, ne t'inquiètes pas, lui souffla-t-il.
- Je sais, Marco.
Le Yonko étira un sourire avant de se redresser. Il s'approcha ensuite d'Artie et Braalaka qui discutaient toujours avec Izo. Elles se tournèrent en l'entendant arriver et il les interrogea du regard.
- Allez, un câlin, plaisanta l'infirmière pour égayer l'ambiance.
Braalaka cessa de respirer. Barbe Blanche arqua un sourcil et décida de rentrer dans le jeu.
- Soit.»
Il s'agenouilla à côté d'elles pour être à peu près à leur hauteur, les pans de son manteau s'étendirent sur le sol. Il passa un bras derrière le dos de chacune et les attira doucement à lui pour une étreinte collective. Artie lui rendit quelques tapotements sur l'épaule, amusée, tandis que la brune se ressaisit et le serra comme elle put. Il se releva un instant après pour les laisser rejoindre le bateau, et il ne manqua pas de remarquer le léger fard sur les joues de Braalaka avant qu'elle se retourne. Il plissa les paupières, pensif.
Note de l'auteure :
Eh, j'ai réussi à faire le chapitre dans le mois, vous avez vu? XD J'espère que ça vous a plu! Maintenant il faut que je me concentre sur un autre type de rédaction : le mémoire universitaire ;.; Souhaitez moi bonne chance! Le prochain chapitre arrivera dès que j'aurai progressé sur ce devoir.
Bon été à vous toutes et tous, merci pour vos votes et n'hésitez pas à laisser un petit com ;)
