Heyloo !
Un chapitre plutôt long, comme le précédent. On dépasse les 10k ! J'espère qu'il va vous plaire.
La rencontre entre Allen et Kanda se rapproche doucement, et je me suis permise d'intégrer à l'histoire des personnages de BSD pour le fun, pour les connaisseurs.
Par contre, TW : scène de châtiment corporelle punitive dans le premier passage.
Le rating M se justifie aussi par une scène smut, cette fois consentie.
Bonne lecture !
[Chapitre 3]
Plaquant fermement ses mains derrière sa tête, le goût salé de larmes en bouche, Allen ne put se retenir d'hoqueter de douleur quand la canne rencontra ses fesses une autre fois. Ça faisait mal. Ça faisait vraiment trop mal. Il ne savait pas depuis combien de temps Link le frappait comme ça, mais il souffrait. À côté de lui, Timothy recevait la même punition. C'était comme quelque chose qui mourrait en lui chaque fois que l'enfant à ses côtés pleurait et que les coups le frappaient. Il s'en voulait même de souffrir car ça ne devait être rien à côté de ce que Tim ressentait. Jusqu'à présent, Allen avait toujours réussi à lui éviter les coups, il s'était même jeté aux genoux de Link en le suppliant de le punir à la place de l'autre, faisant fi de toute fierté, mais d'après lui, Luberrier était intraitable et voulait qu'ils subissent la punition tous les deux. Ainsi, l'alpha avait été intransigeant : les ordres étaient les ordres. Selon lui, Luberrier avait été si furieux qu'il avait voulu les faire battre en public au départ, et bien qu'ayant réussi à l'en dissuader, il ne pouvait pas prendre trop de liberté.
En encaissant un nouveau coup, Allen se dit que les marques mettraient plus de temps à partir que la dernière fois.
Il avala une nouvelle fois sa salive dans sa gorge nouée et entendit un soupir, le genre de soupir frustré, teinté d'irritation que le blond produisait toujours à chaque fois qu'il arrêtait. Enfin, le son de la canne se posant sur le bureau retentit à ses oreilles. Link parla sévèrement :
« Décroisez les bras et remontez vos pantalons. »
Tremblant, Allen obéit. Il grimaça, toujours en larmes, en se penchant et lorsque le tissu frotta contre ses fesses blessées. Timothy faisait la même chose que lui, et Allen n'osait pas le regarder dans les yeux.
Tout ça, c'était à cause de lui.
Comme s'il le savait, l'homme de main de Luberrier en rajouta une couche :
« À ton âge, faire ce genre de bêtises… Walker, tu aurais pu éviter ça. Tu aurais pu vous éviter ça, à tous les deux.
—Je te déteste, Link. »
Le blandin s'était retourné, les larmes aux yeux. Il foudroyait l'alpha du regard.
« Je te déteste vraiment. »
Une ombre passa sur le visage du plus vieux.
« Je comprends. » Allen eut un mouvement de recul malgré ses larmes, ne s'attendant pas à ça. « Mais je n'ai pas le choix. Si je suis trop laxiste avec le petit, il finira comme toi et tu risques d'aggraver ton cas… Tu es dans une position périlleuse, Walker. J'espère que tu le sais. »
Allen ressentit un regain de haine…. Ah bon, il était en mauvaise posture ? Sans déconner ? Il faillit rire jaune.
Luberrier voulait faire de lui une pute. Allen l'avait très bien compris. Il n'y avait pas besoin d'y aller par quatre chemins. Il voulait monnayer son corps contre la vie du chef de clan adverse, en lui demandant de se mettre en danger. Un espion et un oméga des bas quartiers, voilà ce qu'il voulait qu'il devienne. Il aurait des entraînements avec Tyki pour le former à l'art de l'assassinat, certes. Il affinerait ses techniques de combats, certes. Mais ça lui semblait cuit d'avance. Contre un chef entraîné au combat, habitué des Raids, que pouvait-il faire ? Oh, il n'avait pas reçu de date limite – en théorie il pouvait s'améliorer à loisir – ni d'ultimatum quant aux moyens de séductions, il n'était pas obligé d'aller jusqu'au bout, mais le speech sur l'attrait que Kanda Yû avait pour les omégas et sur le gonflement de l'égo d'un alpha aux côtés d'un oméga inexpérimenté… Il avait compris les sous-entendus, ça ne laissait que peu place aux doutes.
Entre son angoisse, Allen se demandait comment c'était possible que ce chef de clan se promène dans les rues alors que beaucoup voulaient sa tête, encore plus pourquoi il l'avait accosté lui, pourquoi il lui avait semblé digne d'intérêt, alors qu'il n'était rien de plus qu'un oméga qui faisait mauvais genre avec ses fringues trop petites et usées.
Timothy se rapprocha de lui pour lui prendre la main, il pleurait toujours, de grosses larmes qui rendaient son visage rougi. Comme lui, il expérimentait l'humiliation, la tristesse et la trahison de se sentir abandonné, relégué de côté à cause de son statut. Tout à fait ce que l'oméga aurait aimé que le plus jeune ne vive pas.
Il ne répondit pas, se contentant de serrer les dents. Link soupira encore – cette foutue teinte d'irritation, de frustration, qu'Allen détestait.
« Rien de ce qui se passe me fait plaisir. Mais tu sais comment c'est ici. Que tu le croies ou non, je fais ça pour ton bien. Pour votre bien à tous les deux. »
Il engloba Timothy du regard.
« Vraiment, Link ? » demanda Allen avec une voix froide. « Tu te soucis vraiment de mon bien ? Alors pourquoi tu ne me soutiens jamais ? Je dois te rappeler ce qu'il s'est passé avec Chaoji ? »
Tremblant, le maudit n'avait pas pu s'empêcher de l'attaquer sur ça. Il avait l'impression que la colère bouillonnait en lui depuis des lustres et qu'enfin, enfin, elle sortait. Il serrait la main de Tim dans la sienne tandis qu'il mitraillait l'alpha de ses iris furieuses. Link eut un mouvement de recul, pour la première fois, il semblait se sentir désavantagé.
« On ne va pas revenir là-dessus. J'ai essayé de t'aider.
—En disant que c'était de ma faute ? Que c'est moi qui aurais dû faire attention ? »
Son ton était monté et sa voix s'était étranglée dans sa gorge malgré lui.
« Walker, ça suffit. »
S'arrêtant, Allen se mordit la lèvre. Timothy était là, il ne pouvait pas aller plus loin. Link aussi zyeutait l'enfant avec appréhension.
L'alpha s'approcha de la porte, reprit cette foutue canne et secoua la tête.
« Je suis désolé que ça se soit passé comme ça. »
Pas tant que moi, pensa Allen en baissant les yeux, les larmes lui brûlant la rétine.
La porte claqua.
« Allen, je suis désolé, c'est de ma faute tout ça, c'est de ma faute.
—Non, Timmy, non, ce n'est pas de notre faute, à aucun de nous deux. »
Allen se força à dire ça, repoussant sa culpabilité. S'il n'avait pas perdu son temps à parler à ce chef de clan – à ce putain de type qu'il devait tuer – ils seraient rentrés à temps, et n'auraient pas été punis. Le cœur gros, il se passa la langue sur les lèvres :
« On a rien fait de mal, on a juste voulu s'amuser. Si on est punis, c'est injuste, c'est parce qu'on est des omégas et qu'ils veulent nous brider. Mais on doit pas baisser les bras et se battre ensemble. » Allen déglutit. « Timmy, je suis désolé de ne pas t'avoir protégé, tellement désolé… »
Et il éclata en sanglots.
Les deux omégas pleurèrent longtemps l'un contre l'autre, jusqu'à ce que Timothy s'endorme dans les bras d'Allen. L'oméga le souleva pour le mettre au lit et se coucha à côté de lui. C'était vraiment une sale journée.
Un gémissement de plaisir retentit dans la chambre d'un des rares hôtel de ville, où deux silhouettes s'enlaçaient entre des draps coûteux. Un alpha et un oméga qui ressemblaient à s'y méprendre à un couple mais qui n'étaient rien de cela. L'un contre l'autre, ils se caressaient et s'embrassaient. L'alpha, de type Asiatique, avec une puissante musculature et de longs cheveux, enserrait le corps plus frêle mais pas moins masculin de l'oméga, un garçon aux cheveux gris. Ils échangeaient paisiblement leurs odeurs, le plus âgé faisant ça pour calmer le plus jeune après la scène qu'ils venaient de faire. L'oméga avait encore des marques de la fessée administrée précédemment, et il se remettait doucement dans une séance d'aftercare revigorante. Ils étaient des adeptes de ce qu'on appelait communément le BDSM : Bondage, Discipline, Sado-Masochisme. Plus concrètement, il s'agissait de jouer sur le plaisir reçu et infligé dans la douleur, la restriction physique et les jeux de domination via l'autorité. Un principe pour lequel le consentement était une condition sine qua non. Bien sûr, l'accord des deux parties, les négociations et la confiance étaient de mise.
Un nouveau baiser, le corps de l'oméga glissa contre celui de l'alpha, de sorte qu'il soit à demi-couché sur son torse. L'Asiatique aux cheveux longs regarda l'oméga dans les yeux, sentant le désir réchauffer ses entrailles.
« Suce-moi. »
Le garçon gémit, son visage prenant une teinte rosée largement visible même avec la lumière tamisée des petites lampes de chevets.
« O-oui, tout de suite, monsieur.
—Atsushi, regarde-moi. » Le susnommé obéit, étonné d'être rappelé à l'ordre. « Il y a un problème ? Tu es plus soucieux que d'habitude. »
L'oméga se mordit la lèvre.
« J'ai la permission de parler librement, Alpha ?
—Accordée. »
Se détendant, Atsushi hocha la tête.
« Eh bien, pour être honnête avec vous, Kanda-san, je… je suis un peu déboussolé. Je vous ai dit que je comptais me marier, c'est la dernière fois que nous nous voyons, et je me sens… nostalgique, je ne sais pas trop comment qualifier ça. Vous allez me manquer. »
L'oméga était cramoisi.
Kanda Yû, qui sous ses airs revêche et sa voix sèche traitait toujours bien ses omégas, esquissa un rictus. Il fut de courte durée et son front se plissa avec sérieux.
« Ton futur mari, cet Akutagawa… Il va bien s'occuper de toi, tu en es sûr ?
—Oh, tout à fait, monsieur. » Il rougit. « Il est un peu dur et très possessif, mais il est aimant, il a compris que j'aie besoin d'un au revoir avec certains clients… Vous vous êtes tellement bien occupés de moi que-
—Tch. C'est normal, » le coupa Kanda.
Il attrapa une carte posée sur la table de chevet, l'observant un court instant avant de replonger son regard sur son compagnon de jeu.
« Il fait partie du clan Millénaire, c'est ça ? Les mafieux ? »
Atsushi opina. Kanda lui tendit la carte, l'oméga la prenant à moitié entre deux doigts hésitants. Durant un court instant, elle les relia tous les deux.
« Appelle-moi pour être sûr que tout se passe bien. J'ai entendu que les omégas de ce clan étaient bien traités, mais on ne sait jamais.
—Merci, monsieur. Mais n'ayez pas peur, je sais qu'il ne me fera aucun mal. »
Kanda lui sourit, avec un peu plus de sincérité.
Atsushi était un oméga qui se prostituait depuis bientôt un an. Âgé de dix-neuf, foutu dehors par un orphelinat de la ville basse, il avait dû faire ce qu'il fallait pour survivre et sous ses airs innocent, il en avait vécu de belle. Tous les alphas qui avaient croisés son chemin n'avaient pas été aussi respectueux qu'Akutagawa et lui. L'un de ses hommes l'avait sauvé d'une bagarre de rue et lui en avait touché un mot, inquiet au vu de son jeune âge. Kanda n'avait pas pu entièrement le libérer du joug de son mac, pas sans s'attirer de très grosses emmerdes au sein d'un milieu avec lequel il ne voulait pas être affilé, mais il avait pu lui offrir de côtoyer un milieu plus aisé. Et plus civilisé. L'un des bars où il effectuait parfois des soirées BDSM accueillait en son sein des prostitués de luxe, qui disposaient du droit de choisir leurs clients, de réguler les actes sexuels avec lesquels ils étaient favorables ou peu favorables. Surtout, ils étaient payés au prix fort.
Le mac avait donc accepté qu'Atsushi y participe, si une grande partie des gains de l'oméga lui était versée. Ce qu'Akutagawa avait fait, c'est user de ses relations pour proposer au maquereau de racheter l'oméga, sa liberté.
Une bonne action, en quelque sorte. Mais tous n'avaient pas la chance d'Atsushi.
Kanda pensait encore à ce gamin aux cheveux blancs, qui devait être à peine plus jeune, qu'il avait croisé en ville. Avec la cicatrice qu'il avait, c'était sûr, il était maudit. Il avait bien entendu des légendes, mais c'était la première fois qu'il en voyait un. Il avait une odeur d'oméga très douce, très pure, c'était rare d'en sentir un comme ça. Il n'allait pas mentir, ça lui avait plu. Il ne serait vraiment pas contre lui faire partager sa couche s'il parvenait à remettre la main dessus. Il n'était pas idiot, il avait bien vu que l'attraction était réciproque, au vu des rougissements de l'autre et de ses phéromones qui s'emballaient. L'oméga n'avait pas l'air de venir d'un trop mauvais milieu, il semblait être nourri décemment, peut-être faisait-il un peu déprimé et pauvre, mais c'était courant en bas. Il se demandait d'où il venait et ce qui avait pu lui arriver. C'était surtout son attirance pour lui qui l'avait marqué, il fallait l'avouer.
Qui sait, il le recroiserait peut-être dans les quartiers populaires. En espérant que les Akumas n'aient pas eu raison de lui.
Sur place, Kanda avait pu intervenir et buter quelques-unes de ces charognes, mais ces salopards du clan de Luberrier l'avaient gêné dans sa tâche. Seul, il avait dû être prudent. C'était on ne peut plus frustrant pour le jeune chef de clan qu'il était de devoir se terrer comme un rat parce qu'une bande de fouille-merde arrivait sur le terrain pendant qu'il était là. Il savait que ces enflures voulaient sa peau et qu'ils n'auraient pas hésiter à le tuer s'il s'était montré.
Heureusement pour son égo, c'était lui qui avait eu raison de la plupart des Akumas, ne laissant à ces sales rats que ceux qui avaient eu le bon goût de ne pas le suivre. Ça pour rentrer se faire copieusement engueulé par Lavi, son homme de main, mais bon. Rouquin, borgne, l'homme bêta, à peine plus âgé que lui, pensait qu'il avait une trop grosse tendance à foncer dans le tas. Si ça pouvait réussir au clan, faisant d'une part que Kanda était craint et respecté pour son potentiel de combattant, Lavi trouvait que ça pourrait lui porter préjudice personnellement un jour ou l'autre.
Bien sûr, Kanda lui disait merde avec un grand plaisir, toutefois, il devait bien admettre que ce n'était pas faux. Il avait une tendance, ô combien fâcheuse, à être au mauvais endroit au mauvais moment. Sans être trop impulsif, étant majoritairement réfléchi et calme, il avait un côté bourrin qu'il ne niait pas, faisant surtout confiance à son instinct. Pour les combats, il n'était pas penseur, il suivait sa lame, était un homme d'action. Pour autant, il avait été élevé de manière à peser le pour et le contre, à être juste. Si, dans sa jeunesse, il avait eu une tendance à être un peu idiot et à ne faire pas seulement confiance à ses instincts qu'uniquement pour le combat, il avait appris à s'assagir. La vie l'y avait un peu forcé avec des événements dont il n'aimait pas se remémorer. Ça avait aussi contribué à son élection en tant que chef de clan, et à ses premières prouesses de guerrier.
Un mal pour un bien, on pourrait dire, mais Yû avait un avis quelque peu particulier là-dessus.
En ces instants, ce n'était de toute façon pas son instinct de guerrier qui fonctionnait, mais un autre, plus… primal. Il voulait cet oméga. Ce petit maudit qu'il avait rencontré en ville. Il le voulait vraiment. Allen, qu'il s'appelait. C'était très beau, très doux, un beau nom pour un oméga, et il le gardait sur le bout des lèvres comme une caresse. Il lui faisait un peu penser à une pousse de Soja, et il aurait adorer lui susurrer des Moyashi à n'en plus finir au creux de l'oreille en le prenant jusqu'à la garde.
Toutefois, ça devrait attendre. Il n'allait pas faire injure à Atsushi qui s'offrait courageusement à lui une dernière fois. Leur relation avait été particulière, ce qui renforçait l'importance de ce moment. Il savait qu'hormis lui et Akutagawa, même lorsqu'il travaillait encore, Atsushi avait fait en sorte de diminuer drastiquement les clients. Il n'en avait que quatre réguliers, dont eux. Atsushi se limitait aux fellations, aux scènes BDSM, mais il y a peu, il lui avait confié qu'il avait franchi le pas et couché avec Akutagawa. Kanda avait été surpris de cette confidence, cependant, il s'était enquit que tout se soit fait dans les règles – Akutagawa avait beau ne pas être de son clan, il restait un chef et l'autre un subordonné, ça ne lui aurait pas dérangé de remettre les pendules à l'heure, ainsi que de casser un nez. Comme il était apparent qu'un respect ainsi qu'une affection mutuelle avait lié les deux hommes – pour avoir croisé Akutagawa, Kanda avait remarqué qu'il agissait en alpha jaloux en sa compagnie, comme il devait le faire avec ses autres rivaux – Kanda validait leur relation.
D'ordinaire, il ne payait pas un oméga pour faire l'amour, il était plutôt contre la prostitution. Tous ses omégas, à l'exception d'Atsushi qu'il avait essayé d'aider à son échelle en lui fournissant de l'argent, étaient libres, parfaitement consentants. Autant dire que l'alpha était content de la tournure des événements, surtout que cette fois-ci, si Akutagawa se révélait être un mauvais alpha, il ne se mettrait pas un sous-groupe de la mafia locale à dos et pourrait négocier directement avec Adam, avec qui il conservait une relation assez bonne. Adam, du fait de son affection reconnue pour son époux Neah, ne tolérait pas qu'un alpha soit maltraitant avec son oméga. Il savait que ça ferait des étincelles et qu'Akutagawa aurait chaud au cul s'il dépassait les bornes.
Tranquille, Kanda se sentait tranquille. Surtout que ce soir, Atsushi était encore à lui… Il comptait immortaliser ça.
« Atsushi, qu'est-ce que j'ai le droit de te faire ? Tu as des limites ? Ton alpha a dû t'en mettre. »
Le garçon aux cheveux gris rougit encore plus. Il tenta, dans un geste timide, de remettre sa frange droite, coupée de manière inégale, finissant par déglutir un peu.
« Il ne veut pas que tu me pénètres, encore moins que tu te noues à moi. Ça lui est réservé. Il a dit que pour le reste… C'était bon. Il a eu du mal à me croire quand je lui ai dit qu'on ne s'est jamais noué, mais il me fait confiance. Il sait combien j'ai eu peur du nouage pendant longtemps… »
Un rire nerveux secoua la pomme d'Adam de l'oméga dénudé. Kanda sourit. Encore une fois, le pauvre gamin en avait vu de dure, il ne fallait pas être un génie pour comprendre que des traumatismes plus ou moins sévères découlaient de ses premiers mois de prostitution.
Kanda avait essayé de l'aider à reprendre confiance en devenant l'un de ses clients, et en lui fournissant assez pour compenser le petit nombre d'amant qu'Atsushi avait accepté. Il avait fait son possible, le reste, c'était le gamin qui avait géré. Atsushi s'était relevé.
L'alpha était, en réalité, très fier de lui.
« Je le comprends. Je ne compte pas prendre la voie privilégié de ton homme. En revanche, j'ai un jouet à te faire essayer. Considère ça comme un cadeau de mariage. »
Atsushi écarquilla les yeux.
« Un jouet ?
—Je te montre. »
L'alpha retira le draps qui obstruait son corps, l'envoyant sur Atsushi qui ricana en le réceptionnant, et dévoilant son corps nu. Savoir que l'oméga suivait des yeux la courbe de son dos, le creux de ses hanches jusqu'aux dessins de ses cuisses lui rehaussait l'égo. Kanda était un séducteur, il aimait plaire, aussi avoir quelqu'un qui lui plaisait à ses côtés.
Il se pencha, attrapant une boîte en carton rectangulaire, le coffre étant noir et le couvercle blanc avec une inscription dorée, qu'il ouvrit sans ménagement, dévoilant un amas de tissu violet qu'il écarta avec habilité. À l'intérieur du carton se trouvait un curieux appareil assez long, courbé, avec un bout aplati, en forme d'une fleur aux pétales déployées, juste avant la poignée. Cela permettait de masser les contours de l'anus de l'oméga, souvent sensibles, en même temps que le reste se chargeait de ce qui se trouvait à l'intérieur. Un tel appareil était la dernière gamme faite exprès pour les omégas, afin de leur apporter un plaisir optimal, et c'était assez cher. Autant dire que Kanda avait investi pour s'en procurer un.
Atsushi déglutit, semblant se demander comment ça pouvait marcher.
« Vous voulez me le mettre… dedans ? »
Kanda sourit.
« Je ne le ferai pas, ton alpha a dit aucune pénétration. Mais on va bien l'utiliser. » Atsushi hoqueta, ne comprenant pas, Kanda le coupant en levant la main. « Ne parle pas. Je veux qu'on s'échauffe, et tu auras ta récompense. Mot de passe, Oméga ?
—Vert, monsieur. Vert. »
L'alpha opina.
« Bien. Mets-toi sur moi, Oméga, » ordonna-t-il, puis, voyant qu'Atsushi se redressait pour grimper sur lui, il ricana, « non, pas dans ce sens-là. À l'envers.
—Oh… Vous… Mais comment on va faire avec le jouet…
—Tu es trop innocent. » En soi, au vu de ce qu'il avait subi, cette innocence méritait d'être chérie. « Obéis, sinon, tu retournes sur mes genoux et je te fesse jusqu'à ce que tu ne tiennes plus debout.
—Tout de suite, Alpha. »
Avec un sourire, Atsushi obtempéra. Il savait que la menace était à demi-sérieuse, mais à demi seulement. Kanda n'était pas violent, encore moins abusif dans ses punitions. Il était juste… ferme. Et pour avoir un alpha, son alpha, qui l'était au moins autant si ce n'est plus, il savait s'en accommoder et appréciait ça.
Ainsi, Atsushi se coucha sur Kanda, jusqu'à être face à son sexe semi-irrigué, l'alpha ayant le visage devant ses fesses. Il frémit en sentant les mains du plus âgé les palper gentiment, ça faisait un peu mal à cause des fessées – et il savait qu'Akutagawa lui en ferait voir de belle aussi histoire de marquer son territoire une fois qu'il ne serait qu'à lui, ce, tant que leur union perdurerait. Kanda, lui aussi, se doutait de cet état de fait. Franchement, il n'allait pas dire qu'il ne s'en amusait pas. Plus l'oméga sentirait l'allégresse, le sexe, le plaisir, le soulagement, plus son alpha voudrait en être la cause. Faire mieux que lui. Surtout avec ce que Yû avait entrevu de sa personnalité. Un certain instinct compétiteur, une quelque peu stupide course à la performance, il le reconnaissait, le poussait à vouloir pousser l'autre dans ses retranchements.
Puis, il connaissait le corps d'Atsushi. Même sans l'avoir pris, il l'avait eu en tant qu'apprenti suffisamment de mois pour savoir ce qu'il aimait et comment lui faire du bien. Ses doigts massèrent l'entrée moite de l'oméga, encore une fois, les glandes qui s'y trouvaient répondirent à la stimulation, l'oméga gémissant en prenant son sexe en bouche. Les glandes pouvaient s'apparenter aux fonctionnements du clitoris chez la femme, et pour en avoir eu quelques-unes entre ses draps, Kanda avait pu remarquer que la sensibilité de ces organes ne dépareillait pas vraiment, si ce n'était pas tout à fait la même chose. Les omégas possédaient eux aussi un utérus, rangé juste au-dessus de la prostate dans le rectum, et le col s'ouvrant naturellement d'entre 3 et 6 centimètre pendant la pénétration chez eux, afin que le nœud d'un alpha puisse s'engager à l'intérieur. Bien entendu, un oméga inexpérimenté pouvait peiner à atteindre le bon degré d'ouverture, et le nouage, qui se produisait à la fin de chaque rapport sexuel entre un alpha et un oméga, était particulièrement douloureux la première fois. Les chaleurs aidaient.
Cela ne signifiait pas nécessairement qu'un oméga était obligé de coucher avec un alpha. Le corps s'adaptait naturellement en vue de cette opportunité, mais certains omégas se trouvaient des bêtas, ou se mettaient ensemble entre eux, si cela générait des incompréhensions dont Kanda n'avait que faire, étant personnellement d'avis qu'une bonne partie de baise était toujours la bienvenue, femme, homme, alpha, bêta, oméga… Il avait déjà couché avec d'autres alphas, ainsi que quelques bêtas. C'était différent, requérait beaucoup de lubrifiant et il était préférable de se retirer avant l'orgasme sous peine que le nœud ne fasse des lésions interne chez le partenaire – c'était rare, ce pourquoi certains alphas comme quelques bêtas étaient friands de recevoir un nœud, toutefois, si la préparation avait été bâclée, il pouvait y avoir des dégâts. Cela étant, comme c'était faisable, Kanda ne voyait donc pas en quoi ce serait répréhensible. Tant que c'était entre adultes consentants, après tout…
Ainsi, Kanda tendit sa langue, prêt à joindre des caresses buccales aux stimulations manuelles. Atsushi en était terriblement friand, tellement sensible que c'était amusant. Il se rappelait comment il avait procédé tout en douceur pour les premières caresses, l'oméga apeuré prenant confiance, jusqu'à ce qu'il le supplie lui-même de le bouffer en se tordant entre les draps sous ses coups de langues habiles. C'était une torture délicieuse, Atsushi le lui avait révélé en rougissant.
Il était fier de lui faire tant d'effet, il comptait bien s'amuser de son jeune amant en lui faisant des merveilles, à l'aide ce joujou... Ce serait inoubliable. Autant pour Atsushi que pour lui.
L'oméga l'avait pris en bouche jusqu'à la garde. De la sienne, Kanda épousait les contours de son anus, sa langue se mêlant aux caresses, sans le pénétrer. Il se réjouissait de sentir les moindres sursauts d'Atsushi, ses moindres tressautements, son cul moite et ouvert pour lui, témoin de son excitation. Bien sûr, ça flattait son égo. Mais surtout, il était content qu'ils prennent du plaisir tous les deux dans l'acte. Atsushi se dévouait pour la fellation, il savait parfaitement comment Kanda aimait être pris en bouche et il le léchait tout en le pompant, s'arrêtant pour reprendre son souffle et gémir parallèlement.
D'une main, l'autre écartant les deux joues de chairs, Kanda s'amusa à tapoter ses fesses. Atsushi sursauta légèrement, puis se calma. L'alpha sourit en dépit de sa bouche occupée.
Le plaisir ne tarda pas à l'étreindre, vif, et violent, de même que les sursauts de l'oméga se multipliaient.
Il poussa un soupir rauque et souffla :
« Je vais jouir, Oméga. Tiens-toi prêt à avaler. »
Atsushi n'eut aucun sursaut, il continua sa besogne avec d'autant plus d'ardeur.
Bientôt, Kanda sentit le nœud qui prenait forme au bout de son sexe, devant pousser dans la gorge d'Atsushi qui tressaillit légèrement, ses fesses s'enfonçant davantage sur son visage avec son mouvement de recul. Il s'ajusta, et, bientôt, Kanda éjacula. L'oméga resta docilement en place, recueillant sa semence, Kanda multipliant les attentions de son appendice. Il frémissait légèrement tout en avalant, et se retira précautionneusement, pour ne pas blesser son nœud ou se blesser lui-même en l'extrayant.
Il toussa, Kanda s'étant arrêté pour l'observer, s'inquiétant de son état :
« Tu vas bien ?
—Oui, monsieur. Ne vous en faites pas. »
Il y eut un silence.
Atsushi, qui n'avait pas encore joui, se tourna vers lui :
« Vous allez me finir… ?
—Figure-toi que j'ai une autre idée. »
Une brève déception s'afficha sur le visage de l'oméga, Kanda souriant.
« Ça va te plaire, crois-moi. Mot de passe ?
—Vert. »
Kanda hocha la tête. Il donna une tape amicale sur le cul d'Atsushi, le poussant sur la place à côté de lui, l'oméga s'y laissant tomber avec confiance. Il se remit dans le bon sens par rapport à celui du lit et observa l'alpha reprendre la boîte où se trouvait le fameux jouet de tout à l'heure, qu'ils avaient délaissé avec leurs petites gâteries.
Il lui tendit l'appareil, Atsushi l'observant avec circonspection. Il se doutait qu'il s'agissait d'un sex-toy, il en avait entendu parler et ses clients d'ici – riches, dans le monde dans lequel ils vivaient, ce type de bien ne se trouvaient certainement pas à tous les coins de rues – lui avaient proposé d'en utiliser mais ça l'avait toujours intimidé. Akutagawa aussi s'était montré enthousiaste à l'idée de jouets, Atsushi hésitant un peu. Kanda était le premier à lui en présenter un, et à lui en offrir un.
« Tu l'essaieras comme il se doit avec ton alpha, mais en attendant, je veux que tu le testes devant moi. »
Atsushi déglutit.
« Devant vous ?
—Oui. » Kanda le saisit, touchant l'embout plus petit. « Cet appareil sert à la masturbation. Tu es censé l'insérer en toi, jusqu'à ça rentre dans ton col, et ensuite, cette fleur que tu vois ici va remplir le même rôle que ma bouche tout à l'heure. Crois-moi, tu auras du plaisir et ça ne fait pas mal. »
L'oméga était perplexe, c'était totalement nouveau et étrange, mais il n'allait pas dire que ça ne l'excitait pas.
« Regarde, s'amusa Kanda, il vibre. »
Il appuya sur un bouton, et en un clin d'œil, le sex-toy se mit à vibrer. Atsushi déglutit, tendant la main pour le toucher. Il fit un léger bond en arrière devant la puissance de la vibration.
« Touche ici, » ordonna Kanda en lui montrant la fleur, « les pétales sont amovibles, ils épouseront tes formes.
—C'est… très perfectionné… et ça vibre fort.
—Ce n'est que la première intensité. Il y en a cinq autres. »
Atsushi hésita. Puis saisit l'objet.
Kanda l'encouragea du regard, se passant la langue sur les lèvres. L'oméga éteignit le bouton et le présenta à son entrée. Il inséra la première partie, la guidant précautionneusement à l'intérieur de son anus, tremblant quelque peu. Il gémit en le guidant jusqu'à l'entrée du col, toisant Kanda avec circonspection :
« Je suis supposé tout mettre dedans ?
—Ce n'est pas plus gros que le nœud d'un alpha. N'aie pas peur. Si tu as mal, si ça te brûle ou si tu dois forcer pour que ça pénètre, par contre, retire-le immédiatement. Tu peux faire une allergie ou avoir besoin de davantage de lubrifiant.
—Compris. »
Atsushi obéit. Kanda l'observa grimacer avec délectation, le moment de l'insertion paraissait intense mais Atsushi ne souffrait visiblement pas. Lorsqu'il l'eut mis entièrement, le reste du gode était niché au plus profond de lui et les pétales de la fleur embrassaient son entrée mouillée.
« Je le sens juste contre ma prostate, tout au fond de moi…, » gémit Atsushi, « c'est tellement intense, monsieur.
—Et à l'intérieur du col ? Ça ne te brûle pas ? »
Le gris secoua la tête.
« C'est simplement gênant, un peu moins que le nœud. Vert, monsieur, ça reste vert.
—Parfait. Allume-le, maintenant. »
Atsushi lui coula un regard avant de s'exécuter et d'activer la vibration.
Tout de suite, son expression se modifia et il lâcha un cri. Il s'agrippa rudement aux draps d'une main et à la poignée du jouet de l'autre, respirant difficilement, faisant de son mieux pour maintenir le sex-toy en place tout en semblant se retenir de l'enlever sous l'intensité.
« Oh, monsieur, » gémit-il, « c'est tellement fort…
—Tu veux arrêter ? Tu n'aimes pas ? »
Atsushi secoua la tête. Il frissonnait de la tête aux pieds.
« C'est bon. C'est tellement bon.
—Quelque chose me dit que ce cadeau plaira aussi à ton alpha, n'est-ce pas ?
—I-Il va l'adorer, monsieur -Aah ! » susurra Atsushi, au supplice, « il va m'en faire voir de toutes les couleurs. »
Kanda se marra.
« Bien, et si tu mettais la deuxième vitesse de vibration ? »
Atsushi rit.
« Oh, je ne sais pas, monsieur, c'est très fort… Je crois que je la réserve pour mon alpha, sinon, je n'arriverai pas à me contrôler. »
Opinant, l'alpha acquiesça.
« Le choix t'appartient, Oméga. En revanche, tu aimeras peut-être tester un petit bonus…
—Un bonus ? »
Atsushi ferma les yeux, les vibrations semblant l'amener au bord de l'extase.
« Si tu appuies sur le deuxième bouton, juste à côté, l'embout qui est tout au fond de toi peut bouger. Apparemment, ça décuple les sensations.
—Je veux bien essayer. »
Curieux, Atsushi enclencha le bouton.
Encore une fois, son expression se modifia du tout au tout, la luxure prenant clairement possession de lui. Il se rua en avant, sa main se crispant sur les draps, l'autre sur le sex-toy, cherchant à optimiser le contact entre son intérieur et l'objet qui remuait en lui, semblant lui apporter des sensations exquises. Kanda caressa mollement sa propre érection qui reprenait vie avec tout ça.
Désireux de pousser plus loin le plaisir de son jeune protégé, il enroula sa main libre autour du sexe de l'oméga et le masturba en un rythme synchronisé avec le sien.
Atsushi vint en un cri aigu, s'écroulant entre les draps, sortant lentement le sex-toy de son antre, coulant sur un Kanda un regard à la fois dubitatif, embarrassé et empli de gratitude.
« Je crois que c'était l'un de mes meilleurs orgasmes. Merci, monsieur, merci. »
Kanda eut un rictus.
« Te voir te tordre dans tous les sens et gémir m'a refait bander. Termine-moi.
—Tout de suite, monsieur. »
Ils échangèrent un regard complice.
Atsushi semblait heureux.
Kanda était content de savoir qu'il le cédait à un mec bien.
Allen esquissa un rictus de douleur en s'asseyant à table, ce jour-là. Timothy avait le même. Toma leur avait adressé un regard compatissant. Il savait que les omégas se faisaient souvent battre quand ils désobéissaient aux ordres. Bien qu'étant un bêta, d'une position donc supérieure à la leur, il n'approuvait pas ce comportement mais ne pouvait rien faire. Tyki était venu s'excuser en personne auprès d'Allen plus tôt dans l'après-midi pour ne pas avoir réussi à les couvrir. Il avait l'air contrit, comme s'il craignait qu'Allen en lui en veuille, et ce dernier lui avait assuré que ce n'était pas le cas. C'était la vérité. Il connaissait Tyki, savait qu'il faisait de son mieux. Depuis cinq ans, l'alpha était à peu près la seule personne sur qui il pouvait réellement compter. Contrairement à Link, il était bien le seul qui ne lui avait jamais fait de mal.
Déprimé, Allen appréhendait. Il savait que Luberrier et Link le convoqueraient de nouveau. Dans combien de temps ? Ça, il l'ignorait. Et ça le bouffait. Il allait forcément falloir qu'il se prépare, qu'il prépare une approche. Ils allaient le forcer à…. Rien qu'à l'idée, Allen était mal. Il avait peur et il était pétrifié.
« Tes odeurs sont bizarres, » lui fit remarquer Timothy.
En tant qu'omégas, ils étaient moins sensibles à leurs odeurs que les alphas, mais naturellement proches, ils savaient s'il y avait des perturbations. L'enfant sentait sa détresse et Allen ne voulait pas lui communiquer. Il se força à sourire.
« Ça va, Timmy, c'est juste ce matin…
—Oui, moi aussi je suis pas très bien. »
À mieux y regarder, Allen n'était pas le seul à ne pas toucher à son assiette. Le garçonnet avait perdu son entrain, il avait été travaillé avec Link dans l'après-midi, et Allen ne savait pas ce qu'ils s'étaient dit ou si l'adulte avait tenté d'expliquer quelque chose au petit, mais un air vraiment morne s'était empreint du visage de l'enfant. Il avait tenté de le faire parler, sans succès. Il connaissait suffisamment Timothy pour savoir qu'il était têtu. Mais il se confiait toujours à lui, et ça le perturbait qu'il ne le fasse pas. Doucement, Allen tendit la main vers celui qu'il considérait comme son petit-frère et lui prit la main sous la table. Timothy se laissa faire et lui sourit.
Cela soulagea brièvement Allen, avant que le sourire du gamin ne s'évanouisse et qu'il le lâche en se concentrant sur sa nourriture.
Il avait l'impression que tout l'équilibre précaire qu'il avait construit autour de ses années ici s'effondrait.
Toma avait bien essayé de raconter des blagues, Allen de distraire Timothy de ses tourments en lui parlant, mais ça n'avait pas suffi à égailler l'ambiance du repas.
C'était très déprimé qu'Allen quitta la table, se préparant à aller se coucher pour un lendemain des plus mornes.
Tyki l'avait prévenu que Luberrier voulait qu'il commence à l'entraîner de manière régulière, le blandin ignorait s'il l'avait mis au courant du pourquoi de ces entraînements, mais ça le stressait que Tyki ne le juge. Allen savait qu'on ne lui avait pas donné le choix, que, rationnellement, il ne pouvait pas être blâmé de ce qu'il allait faire.
Mais jouer les espions et les prostitués… Il savait que beaucoup de gens l'auraient regardé de travers, avec mépris.
Déjà qu'il était un oméga, en étant rabaissé à l'état de traître et d'objet, l'accumulation de ces statuts aurait achevé de le mettre en disgrâce.
Ou alors, peut-être était l'image, terrible, qu'il se forgeait de lui-même à cet instant précis.
Allen esquiva un coup d'épée habilement envoyé, la sueur au front.
Il n'arrivait absolument pas à attaquer et il était pétrifié. Il ne s'attendait pas à ce qu'ils passent si vite à de vrais armes, pour un premier entraînement. Mais visiblement, c'était ce que faisaient les autres lorsqu'ils se préparaient à partir en Raid, lorsqu'ils exerçaient leurs Innocences, et si Allen était content d'avoir l'opportunité de prouver sa valeur, d'être traité comme les autres, il ne pouvait pas s'empêcher d'avoir peur. Chaque fois que la lame de Tyki le rasait, chaque fois que sa main lui semblait moite sur la poignée de l'épée, qu'il agrippait désespérément des deux mains parfois pour se protéger – manquant presque de la lâcher en joutant, il se disait qu'il n'avait absolument pas le niveau et qu'il ne pourrait jamais affronter un chef de clan. Pas sans y rester, du moins.
Ce Kanda avait une réputation de fou-furieux, mais aussi de stratège brillant.
Allen se souvenait du récit des batailles que Link lui avait faites quand il était un tout jeune adolescent. Kanda était un adversaire redoutable, sans pitié, qui n'épargnait nullement ses opposants. Ses coups d'épées étaient toujours bien placés, il éventrait les assaillants et tranchait des gorges sans ciller. Selon les dire, sa précieuse Mugen, son Innocence, était aussi belle que monstrueuse : elle envoyait des illusions aux Akumas, mais aussi aux malchanceux qui défiaient son propriétaire. S'il en croyait d'autres rumeurs, elle venait directement des Enfers, du même endroit que ces créatures. C'était pour ça que les clans étaient aussi respectés que craints : le peuple pensait qu'ils étaient des sortes de démon, de diables déchus, pour qu'ils soient capables de combattre les monstres. Ils les vénéraient mais en quelque sorte… ils leur faisaient presque aussi peur que les Akumas.
Toujours selon les dires, des légendes que Link avait dit ne pas approuver, les Innocences auraient une autre forme, une forme démoniaque, et elles absorberaient la vie de leur porteur en échange des aptitudes dont elles les faisaient maître. Allen n'avait jamais su quoi en penser. Ça semblait ridiculement effrayant, et tangible…. Sans cesse, il fixait son bras avec un mélange de dégoût et de scepticisme. Cette Innocence qu'il ne savait pas utiliser, que se cachait-il à l'intérieur ? Un monstre ? Quelque chose d'hideux ? Oh, hideux, son bras l'était. Allen le savait et ne se posait aucune question quant la possibilité qu'il en soit autrement, qu'il puisse seulement être perçu différemment. Sa cicatrice, c'était la même chose…. Elle était laide. Elle le défigurait, scindait son œil gauche, le pentacle était boursouflé, rougeâtre…. Son apparence l'écœurait.
Alors, pourquoi n'aurait-il pas un monstre enfoui en lui ? Ça semblait… curieusement à propos.
Avant les Akumas, il avait toujours entendu dire que des forces obscures existaient dans l'autre monde. Des forces que la plupart des gens ne savaient pas apprivoiser.
Il n'avait pas le temps de se lamenter sur son sort.
Tyki attaqua plus vite, plus fort, si bien qu'Allen perdit l'équilibre en reculant sous ses assauts. Perdant son épée et lâchant un cri, il chuta sur ses fesses, mettant sa main devant son visage pour se protéger en réflexe.
En face de lui, l'alpha cessa immédiatement de le menacer. Quand Allen baissa les bras, il le dévisageait avec agacement.
« Qu'est-ce que tu me fais, gamin ? »
Allen se mordit la lèvre. Toujours au sol, il baissa la tête, honteux.
« T'étais absolument pas dans le combat, tu foutais quoi ? »
Toujours, l'oméga avait honte. Il sentait presque les larmes lui monter aux yeux.
S'en apercevant, Tyki s'excusa :
« Je sais que les derniers jours ont été rudes pour toi, désolé. Seulement, tu te débrouilles super bien d'habitude, qu'est-ce qui t'a bloqué ? Si ça va mal, il aurait fallu me le dire !
—Je… » Allen déglutit, « Je crois que c'est le passage aux armes qui m'a perturbé et… Je ne suis pas très bien… Tyki, Luberrier t'a dit pourquoi il voulait que tu m'entraînes ? »
Malgré lui, le blandin éclata littéralement en sanglots.
Tyki laissa tomber son arme et s'agenouilla à sa hauteur. Avant qu'Allen ne comprenne, il l'avait entouré de ses bras forts. Son odeur musquée envahit ses sens.
« Il m'a expliqué, pour la mission. Je suis au courant. C'est pour ça que j'ai été dur, je suis désolé. J'aurais dû comprendre que ce n'était pas le moment. Pardon.
—Ne t'excuse pas, » entre ses larmes, Allen secoua la tête, s'agrippant à lui, désespéré, « je ne me suis pas bien battu, j'ai mérité tes réprimandes. »
Tyki le repoussa gentiment et lui caressa le crâne.
« Tu veux en parler ? On est seuls, et je suis tout ouïe. »
Allen hocha la tête. Ils se repoussèrent contre le mur, Tyki lui tendant une gourde d'eau dont Allen s'empara avec une avidité non feinte.
Il mourrait de soif, et il avait besoin de se remettre de ses émotions.
« Attends, souffla Tyki, je vais t'en mettre sur la tête, tu permets.
—Vas-y. »
En se sentant trempé, Allen gémit. Ça faisait du bien. Il avait l'impression que l'eau avalait une partie de ses tourments. Les pensées glissaient des gouttes jusqu'au sol où elles s'échouaient, formant de petit sillon qui s'évanouissaient et se répandaient sur le terrain. Ses larmes ne tardèrent pas à couler davantage.
Tyki saisit sa main.
« Relâche la pression, gamin.
—C'est facile à dire pour toi, » s'écria Allen malgré lui, littéralement à bout, « c'est pas à toi qu'on demande de jouer les… »
Les mots se bloquèrent dans sa gorge. L'alpha se tut. Il plongea ses prunelles dans les siennes, le dévisageant, Allen ayant eu l'impression qu'il cherchait à sonder le fond de son âme.
Tyki soupira.
« Je sais, mais Luberrier ne changera pas d'avis. C'est très dur à dire et ça me débecte, mais il faut l'accepter. Tu n'as pas le choix. Je ne dis pas ça pour t'enfoncer, Allen. »
C'était une des rares fois où Tyki l'appelait par son prénom, et ça l'aida à s'apaiser. Brièvement. Il se remit à pleurer.
« Crois-moi, ça me dégoûte, » poursuivit un peu maladroitement le basané, qui était visiblement peu à l'aise pour réconforter, « c'est injuste et j'aimerais pouvoir faire quelque chose. Mais c'est ta mission. »
De nouveau, le blandin le sentait sincère. Il n'avait toujours pas lâcher sa main.
« Je sais que tu as raison et ça me dégoûte d'autant plus. Tyki, si cet alpha me... »
Sa voix chevrota. Le brun fronça les sourcils.
« On t'a demandé de le séduire, pas nécessairement de coucher avec lui. Je sais, tu vas me dire que Luberrier n'en serait pas dérangé, » fit l'autre en voyant qu'Allen allait objecter, « et qu'il t'avait fait sentir que c'était nécessaire. Mais tu peux jouer sur la séduction et la subtilité sans aller jusqu'au bout. C'est complexe, mais c'est possible.
—Je n'ai aucune expérience, » rugit Allen, au comble de la honte, « aucune. Je ne sais pas comment…
—Je t'expliquerai. »
Cette fois, il se sentit cramoisi. Tyki était du genre séducteur, il le savait très bien. Lui était, merde, totalement vierge – il n'aimait pas le phraser comme ça, étant agacé par toute les injonctions à propos de la pureté d'un oméga. Pourtant, c'était le cas. Et il ne savait pas du tout comment s'y prendre, comment réagir à ce genre de choses. Il ne réussirait jamais cette mission. Il n'avait même pas envie de la réussir, en fait. On le lui imposait. Il n'était pas pour, ne voyait pas la nécessité de le faire. Créer une guerre, encore plus de grabuge, de morts, voilà ce à quoi le manège de Luberrier ouvrirait la porte. Ils allaient tous périr, partir en fumée, faire brûler jusqu'à leurs cendres.
Et il y avait Link. Il l'avait encore déçu, ce matin. Il avait été tellement dur avec lui et Tim'…. Putain, Allen était en colère. Il avait vraiment la hargne, un sentiment d'injustice qui lui collait au cœur et au ventre.
Le basané lui coula un regard.
« Y'a quelque chose qui s'est passé en plus de ça, non ? » Allen regarda ailleurs. « À chaque fois que tu fais cette tête, c'est quand tu es confronté à…
—Link, » chuchota Allen, le regard assombri, « Link nous a battu, Timothy et moi. »
Cette fois, la réaction de Tyki différa. Le blandin le vit serrer les poings.
« Cette espèce de couille molle ne paie rien pour attendre. » »
Allen secoua la tête.
« Il suit les ordres de Luberrier, tu ne peux rien faire.
—Nan, mais un coup de poing dans la gueule lors d'un entraînement est vite arrivé. »
Là, ça le fit sourire. S'il aurait pu s'en réprimander, Allen se sentait en outre…. Content à l'idée qu'il lui mette une droite. Oh, il ne s'en blâmait pas, en fait. Toute la gentillesse du monde ne rendait pas nécessairement bienveillant envers quelqu'un de profondément injuste et méchant.
« Il l'aurait pas volé.
—À peine un peu. »
Ils rirent, le blandin se calmant.
Tyki relâcha alors sa main, la portant à son visage, de manière douce, pas du tout intrusive ou insistante, juste, un contact affectif agréable.
« Tu vas devoir être fort, gamin. Je vais t'entraîner du mieux que je peux, mais pour le reste… Accroche-toi.
—J'ai peur de ne pas y arriver. »
Le basané eut un autre soupir. Il paraissait comprendre que la situation était trop complexe pour que s'accrocher soit facile, mais en même temps, que faire d'autre ? Allen lui-même le savait.
« Tu vas devoir te battre. »
Se battre ou périr sous la pression, la honte, et la peur. Un dilemme bien cruel.
« Est-ce que tu t'es préparé, Walker ? »
Une semaine s'était passée, Link et Luberrier n'avaient pas trainé.
Allen déglutit. Bien sûr qu'il ne s'était pas suffisamment préparé. Bien sûr que non. Son cerveau lui rabâchait les mêmes pensées empreintes de colères : Comment se préparer à être utilisé comme un pion, se voir réduit à l'état d'objet, juste à cause de son second-sexe ? Allen ne pouvait s'empêcher de ressentir une bouffée de haine lui serrer l'estomac. Il ne voyait pas ce que Link voulait qu'il prépare pour commencer. Il y avait tellement de choses qui demandaient préparation, en fait. Beaucoup trop. Lui, son apparence, qu'il se donne l'air attrayant en passant de son visage à ses vêtements, jusqu'à son cul pour au cas où l'alpha voudrait le violer – et il le ferait sûrement. Ses discours, sa stratégie de repli – de combat, en cas d'échec. Et quand aurait-il pu s'y résoudre, psychiquement ? Lui avait-on laisser le temps, à défaut d'un pouvoir de décision ? C'était trop dur. Surtout pour son mental… il ne parvenait pas à accepter ce qui était en train de se passer. Il n'y arrivait absolument pas. Il avait la trouille, il en tremblait rien qu'à y penser, et il avait envie de vomir. Toutefois, il faisait face à Link. Car il était obligé d'être là, car se défiler n'était définitivement pas une option.
En entrant dans la pièce, il avait toqué à la porte, le ventre noué, sentant le bois rêche, en acajou prononcé, abimer ses phalanges blanchies à force qu'il serre les poings. Quand Link avait ouvert, il s'était tout de suite braqué intérieurement. Il avait senti sa bouche se sécher, son menton le lancer tant il serrait sa mâchoire. Tout son corps n'était que tension accumulée dans les muscles prête à l'explosion. Ils savaient tous deux qu'ils avaient énormément de choses à régler avant le rendez-vous avec Kanda Yû. C'était effrayant, vraiment effrayant.
Link avait un dossier entre les mains, assis derrière le grand bureau au centre de la salle. Plusieurs tenues étaient posées sur une chaise tournée à sa vue. Oh, c'était visiblement parti pour une séance d'essayages. Un paravent se trouvait au coin de la pièce, à côté du poêle à l'âtre brûlante. Le grand hublot aux rideaux transparents délivrait une vue bien terne sur la ville grisâtre et les ruines d'un ancien haut bâtiment qui paraissait proche de s'écraser dans l'eau environnante tant il penchait. La catastrophe ne devrait réellement pas tarder à avoir lieu, si Allen se fiait à son impression systématique qu'il s'affaissait de plus en plus. Les pierres lourdes feraient des dégâts. Il avisa les habitations de malheureux qui n'avaient guères d'autres endroits où se mettre juste au pied de cette bâtisse branlante. Ce genre de spectacle, cette misère humaine, lui serrait le cœur.
« Walker ! »
Il se passa la langue sur les lèvres, sursautant. Il avait rêvassé.
« Je… Je suis prêt. »
Un mensonge éhonté mais qui le débarrassait de remontrances dont il ne voulait guère être l'objet. Il ourlait ses orteils dans sa chaussure, mal à l'aise au possible.
Link soupira.
« Je sais que non, mais ne t'inquiète pas, ça ira. »
Allen leva ses perles grises sur lui, son homologue s'enfuyant immédiatement. Link avait parfois cette étrange tendance à vouloir le rassurer tout en l'ignorant royalement la minute d'après. C'était consternant à ses yeux. Au fond, l'autre homme faisait preuve d'une maladresse potentiellement non-blâmable. Toutefois, au vu de leur passé commun, ce n'était pas quelque chose qu'Allen pouvait regarder d'un œil neutre. Il avait eu trop mal. La douleur parlant à sa place, elle se transformait en agacement. Il ne supportait pas quand Link agissait comme ça.
Le blandin se ressaisit. Le visage neutre, rembruni, il demanda simplement :
« Qu'attends-tu de moi ? »
Link le sonda, dramatiquement mortel.
« Tu viens de me dire que tu es prêt sans même savoir de quoi il est question, Walker. Un conseil, pense à poser les bonnes questions au bon moment. Ça te sera utile à l'avenir. » Les joues en feu, le blandin voulut rétorquer, piqué au vif par la froide moquerie qu'il crut sentir dans ses paroles, celui-ci enchaînant : « On a fixé un rendez-vous avec Kanda Yû, pour demain soir. »
Sa respiration se coupa.
Comme s'il n'y avait plus d'air dans la pièce, comme il n'y en avait plus dans ses poumons.
Le vide en lui.
Lentement, l'information faisait son chemin dans ses synapses.
Déjà… ?
Non… ça ne peut pas…
Allen blanchît. Il resta planté, idiot, coi, Link en ligne de mire. Il avait la tête qui tournait. Ce n'était que des symptômes nerveux qui le montraient durement affecté.
« Mais… Link, tu ne m'as même pas mis au courant de comment je devais procéder, je ne suis pas du tout préparé !
—Tu viens de me dire que tu étais prêt.
—Je suis prêt à faire le nécessaire, mais pas pour le rencontrer demain soir ! »
Allen s'étranglait avec ses mots. Il avait les larmes aux yeux. En face de lui, Link lâcha un profond soupir, et releva les mains dans le but de l'apaiser.
« Assieds-toi, s'il te plaît, et écoute. On ne prévoit pas de te faire passer à l'action tout de suite, Walker. Cette opération va prendre du temps. Mais tu dois initier rapidement le contact pour que le plan fonctionne. Je dois convenir avec toi d'une stratégie ainsi que t'apprêter, cet alpha a des goûts de luxe. Regarde tous les ensembles que Luberrier m'a fourni. »
Allen n'obéit pas. Il ne posa qu'une main tremblante sur le dossier de la chaise, enfonçant ses doigts entre les barreaux et serrant. Il toisa les habits avec circonspection.
« Vous comptez m'exposer comme un objet dans une vitrine avec toute ces fanfreluches.
—Ne sois pas aussi mélodramatique, Walker. Si tu réussis cette mission, le clan sera fier de toi et crois-moi que ça se ressentira sur la manière dont tu seras traité. »
Le blandin n'y croyait pas. Et puis lui, dans tout ça ? Sa dignité, on en faisait quoi ? À part la jeter en pâture aux chiens, pas grand-chose. Alors oui, peut-être qu'il était dramatique. Mais il aurait bien aimé voir Link à sa place. Il aurait aimé voir quiconque dans sa situation lui souffler de ne pas réagir ainsi. Tardivement, il contourna le dos du meuble pour y poser ses fesses, tremblant. Son visage se renfrogna, il se contenta de fixer le plus âgé dans l'attente de ses consignes.
Link planta son regard dans le sien.
« Nous te déposerons à 21 heures. Les premiers temps, un de nos agents sera là pour vérifier comment se passe ton arrivée au club, et comment les choses avancent dans leur globalité, ce jusqu'à tant que tu réussisses à faire en sorte d'être sous sa protection. Tu ne seras pas le seul oméga, mais les omégas non-accompagnés sont rares et il faut être très prudent. Tu comprends ? »
Allen comprenait. Ils voulaient qu'il protège son pucelage pour passer à la casserole au moment où ils l'auraient choisi. Rien que l'idée de ce qui pourrait arriver dans une éventualité comme dans l'autre l'effrayait. Mais son visage ne refléta rien. Il avait appris à être fort.
« Tu auras carte blanche pour lui parler et te faire apprécier de lui. Tu sais comment tu vas faire ? »
Le blandin hocha la tête. Il se passa la langue sur les lèvres, hésitant. Il ne voulait pas dire à Link qu'il avait déjà rencontré Kanda. D'une part, il avait peur de son jugement, de l'autre… c'était un moment qui n'appartenait qu'à lui. Ça ne regardait personne. Alors il rougit, sentant sa tête chauffer jusqu'à ses oreilles alors qu'il bredouilla, affichant intentionnellement l'expression la plus blasée possible :
« Je suppose que je vais lui rentrer dedans… quelque chose comme ça, » l'adolescent se sentit ridicule et baissa la tête. « Peut-être que j'irai lui parler, je ne sais pas si c'est une bonne idée… »
Il avait envie de s'enterrer, là, tout de suite. Il n'aurait rien pu dire d'aussi cliché mais en même temps, il ne savait rien faire d'autre. Ça allait être cramé d'avance. Ce Kanda allait le tuer à peine il ouvrirait la bouche. Bon dieu.
Link ne sourit pas.
« La méthode la plus efficace est d'abord de te placer au bar. Il y aura des alphas, tu risques d'avoir des propositions, mais n'aie pas peur, encore une fois, tu seras surveillé de loin, si quelque chose se passe, on intervient. » L'estomac d'Allen se serra douloureusement. « Généralement, il s'y met. Ne te mets pas trop prêt, mais pas trop loin non plus, reste dans son champ de vision et sois subtile. Rencontre son regard, et une fois que c'est fait, va au contact.
—Et si je ne lui plais pas ? »
La question murmurée de l'adolescent fit rire Link.
« Un oméga, tout seul, et avec une odeur comme la tienne ? Tu lui plairas, Walker. Sois en persuadé. » Il s'autorisa un sourire. « Je vais te montrer que tu peux être séduisant. »
Allen se sentit rougir en même temps que sa mâchoire se contractait. Il était partagé entre sa colère bouillonnante et un embarras manifeste. Le blond sortit une palette de maquillage, que le blandin toisa d'un œil horrifié. Il détestait ça. C'était destiné aux femmes et aux omégas, certains omégas mettaient énormément de maquillages, se créant un faux air de naturel lisse et pur, juvénile, parce que ça plaisait aux alphas. Allen n'était pas fan de ce genre de procédé. Ça lui rappelait quand il devait se déguiser en Clown au cirque, il n'aimait pas tellement ça. Mais c'était comme ça, de nouveau. Le plus âgé lui intima de se tenir bien droit et sortit un pinceau sur lequel il étala une poudre épaisse. Blêmissant, le jeune homme fut obligé de se soumettre.
Il se regardait dans la glace tandis que Link appliquait une couche généreuse de correcteur sur son visage. Il avait quelques rougeurs dû au froid, et cette cicatrice… lorsque Link approcha le pinceau, il chassa sa main, l'alpha interceptant son geste. Il ne dit mot, s'appliquant à en faire le tour, pour la réduire au moins un peu. Laissant retomber sa main, Allen se voyait progressivement prendre l'apparence d'un autre garçon. Qui lui ressemblait, mais qui n'était pas tout à fait lui. Il prenait une apparence un peu plus efféminée qui renforçait les rondeurs de son visage d'adolescent. L'espace d'un instant, il envisagea de profiter de cela pour s'enfuir. Partir loin, quelque part, faire ses preuves. Il caressa l'idée comme un mirage, et l'abandonna bien vide, la mine maussade. Réussir la mission était son seul moyen de parvenir à un tel objectif.
Lorsque Link eut fini de le maquiller, son visage étant pur de toute imperfection et la boursoufflure de la marque moins visible, Allen le vit sortir un collier d'un boîtier. Il fronça durement les sourcils. L'alpha l'approcha de son cou. C'en fut trop pour l'oméga.
Il recula vivement, ses hanches se cognant à la chaise qui oscilla dangereusement. Link le toisa d'un œil réprobateur.
« Tiens-toi tranquille, veux-tu. Les alphas aiment les omégas qui sentent bons. Ce collier servira à rendre ton odeur plus douce.
—J'ai déjà l'odeur douce naturellement. »
Allen déglutit en toisant Link avec hostilité. Il aimait encore moins ça. Visiblement, même sur des détails comme ça, il n'avait pas son mot à dire. Le plus âgé le lui attacha donc. C'était un pendentif près du cou qui l'étranglait. Bon sang, il avait envie de de l'arracher !
Link recula, l'admirant. Allen se mirait lui aussi dans la glace et bien qu'il fallût l'avouer, son apparence l'arrangeait vachement par rapport à l'ordinaire, il se trouvait carrément plutôt beau comme ça, c'était si dégradant dans ces conditions. Le gros nœud dans son estomac s'intensifiait.
« Ça te va bien, penses-tu ?
—… Assez… En effet. »
De toute façon, il aurait dit non, ça aurait été la même. Link hocha la tête.
« Bien. Je vais t'enlever le maquillage et le collier, nous allons procéder à des essayages. Comme je te l'ai dit, Kanda a des goûts de luxe. Le club est assez chic, tu dois te fondre dans le décor. Hors de question de te laisser déambuler vêtu de tes haillons.
—Il ne faut peut-être pas exagérer, mes fringues ne sont pas aussi dégradées…
—Langage, Walker. »
Allen jura entre ses dents. Comme si 'fringues' était le pire mot qu'il aurait pu employer. Encore une fois, l'alpha l'ignorait.
En voyant tout l'attirail posé sur le lit à côté, à savoir une ribambelle de tissus informe qui ressemblaient vraiment à des fanfreluches ignobles, Allen se dit que ça allait être très long. Le regard désespéré qu'il envoya à Link fut de nouveau dédaigner. Il allait passé toute l'après-midi à serrer les dents, il le craignait fort.
Conformément à ses présages, cela avait duré toute la journée. Après quoi, Link l'avait libéré, avant de recommencer après son entraînement jusqu'au soir venu… Ils s'étaient arrêtés sur un costume blanc, les pourtours de la veste portant une douce couleur bleu roi, un nœud papillon de même couleur et un blazer gris foncé par-dessus une chemise blanche. Link lui avait mis une broche dorée, qui lui donnait l'air de venir d'une bonne famille, selon ses termes. Il l'avait même obligé à se montrer à Luberrier qui avait vivement approuvé. Aux pieds, il portait des chaussures blanches vernies, si neuves qu'Allen n'en avait jamais porté de sa vie et était persuadé qu'il aurait des ampoules. Le costume choisi, les discussions closes, le moment tant redouté se profilait.
À présent, le blandin serrait les jambes et stressait comme jamais dans la voiture qui roulait jusqu'à la partie bourgeoise de la ville. Son maquillage coulait tant il avait chaud, son visage le grattait, c'était réellement horrible…
Allen n'était jamais monté dans une voiture, il était donc doublement anxieux quand le véhicule cahotait et les grondements du moteur lui semblaient bien trop forts. En route vers ce bar, où l'alpha avait l'habitude d'aller, il ne cessait de se poser les mêmes questions : bon sang, dans quoi s'embarquait-il ? Dans quel piège obscur Luberrier le jetait ? Il n'était absolument pas prêt, pour la énième fois. Il savait que cette approche était cruciale, Link avait discuté avec lui tout au long de la journée, en même temps qu'il vérifiait qu'il restait « le plus beau possible ». Il avait même été mis au contact de l'alpha qui le surveillerait, celui-ci l'ayant rassuré sur le fait qu'il veillerait à sa sûreté. Allen n'avait que moyennement confiance. Il avait une boule au ventre si grosse qu'elle lui donnait l'impression qu'il allait vomir, là, sur son costume neuf et dans ce que le blond avait appelé « la limousine ». Quel nom pompeux.
Lorsque le grondement du moteur cessa et qu'ils se garèrent, l'on vint lui ouvrir la portière. Il regarda l'espace entre son siège et le sol avec circonspection. Puis, il descendit, posant son pied sur l'asphalte. Il faisait nuit noire, dehors. Un doux pléonasme qui définissait pourtant une obscurité particulièrement intense. En lui, c'était carrément les ténèbres. Allen imagina la silhouette de Kanda, engloutie parmi les ombres, et il ignorait s'il parviendrait à l'atteindre.
À suivre...
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À une prochaine guys, merci d'avoir lu !
