Hellooo !
Voici un nouveau chapitre pour Honeymoon. Ça fait un moment, encore une fois, bon, j'étais plus occupée que je ne l'aurais voulu mais les projets continuent, celui-ci notamment :p.
Pour un petit résumé du chapitre précédent ; Allen a rencontré Kanda au club dans la ville en ruine. Ils ont dîné, Allen a mis en place sa couverture en racontant qu'il se prostituait contre son gré et quand Kanda lui a proposé de monter, il a paniqué, croyant que ça voulait dire qu'ils allaient avoir des rapports sexuels. Kanda l'a rassuré, lui promettant qu'il cherche plutôt à l'aider, et ça a plutôt bien marché, mais il est encore très méfiant et toujours aussi tiraillé entre assurer sa propre sécurité lors de la mission et accomplir celle-ci. En même temps, il découvre un nouveau monde, celui du luxe et des privilèges.
Ce chapitre risque d'être un peu dans la même veine, avec du character development. Warnings, il y a une vague mention à des TCA (trouble compulsifs alimentaires), des violences sexuelles et sexistes, et des ruminations venant d'Allen, qui risque de se répéter pas mal dans ses craintes : pas mal d'angst psychologique, donc.
Merci aux reviewers, notamment lae guest Akane et les utilisateurices Angicat et Hinatanatkae pour leurs retour ! La suite est là, j'espère que ça vous plaira :D
Bonne lecture !
[Chapitre 5]
Une porte claqua, un jeune garçon sortant précipitamment. Il zigzagua, mal à l'aise, dans une tenue trop pimpante pour sa démarche honteuse, au milieu de passants qui marchaient tranquillement sur un trottoir encore propre. À quelques rues de là, les détritus, les ruines et les immeubles effondrés étaient légion. Il sentait le poids du contenu de son estomac comme un privilège ignoble. Ses pieds sur l'asphalte, le garçon méditait à sa vie. Une fois dans la rue, l'air vif et violent qui avait tapé contre ses joues paraissait prêt de le faire décoller comme ses entrailles tempêtaient des interactions précédentes. Il ne se cessait de se répéter qu'il s'en était sorti. Qu'il n'était pas mort. Et que, bordel, il avait bien joué son coup contre toute attente.
Sa morale criait à l'outrage, son instinct de survie le félicitait. Allen n'aimait pas se retrouver dans un tel paradoxe.
Allen était fatigué, il fallait avouer que ses craintes n'avaient pas rendu son sommeil reposant. Il était arrivé à se calmer dans les bras de Kanda. Livré à lui-même, c'était plus compliqué. Il ne pouvait pas faire autrement que de s'inquiéter des conséquences. Kanda ne le jugeait pas, il n'avait montré que de la bienveillance, il voyait seulement un gosse extrêmement paumé. Oh, qu'Allen l'était. Pourtant, il l'avait manipulé. Qu'on tourne la chose comme on le voulait, il s'était joué de lui d'une manière atroce, perverse. Le plus dur était de rentrer chez lui discrètement maintenant. Il sentait l'alpha et il puait la crainte. Encore. Ça lui éviterait d'attirer des éventuels prétendants agressifs. Les curieux, non.
On l'approcherait, voudrait vérifier s'il était oméga ou alpha en le questionnant, analysant ses paroles, les fragrances qui pouvaient émaner de lui… Allen sentait que la route, les regards, les mots, seraient lourds. Il avait bien dormi, pourtant il se sentait épuisé comme jamais. L'alpha lui avait donné rendez-vous pour dans 10 jours devant ce même bar, et lui avait donné de l'argent pour qu'il joue la comédie devant ses pairs… Il avait été gêné d'accepter. Parce que son histoire était fausse, il n'avait même pas besoin de cet argent. Cela pourrait tout de fois lui être utile. Avec honte, il décida d'en cacher au moins la moitié, voire la totalité selon ce qu'il pourrait faire croire à Luberrier. S'il arrivait à se sauver de tout ça, un jour, il… il pourrait se reconstruire, vivre, sans avoir à monnayer son corps ! Alors il économiserait. Sa culpabilité serait lourde, mais son péché lui sauverait peut-être la vie.
Il crut devoir rentrer à pied, mais à peine eut-il changé de quartier, écrasant l'asphalte défoncé, qu'il reconnut Tewaku. La bêta lui fit discrètement signe de tourner à gauche, dans une rue ombragée, ce que le maudit fit sans hésiter. Devant une sorte de carcasse géante de container, une voiture, celle qui l'avait déposé la veille, l'attendait. Il monta, Link lui faisant face à l'intérieur. Les vitres teintées les cachaient. Il se sentit soulagé, Kanda ne risquerait pas de le voir par mégarde. Mais il eut quand même peur, si malgré tout, on l'avait vu, s'il s'était fait repérer par les espions de l'autre clan… c'était risqué. Il devrait plonger la tête la première dans la gueule du loup, et prier pour ne pas se faire mordre.
« Alors Walker, quel est ton rapport ? »
Direct. Sans demander comment il allait, comment il se sentait, si tout s'était bien passé. D'un côté, ça paraissait logique, il était vivant. De l'autre, il aurait bien pu s'être fait battre, violé, et manquer de tapisser les sièges cuivrés de la voiture de son sang à tout moment, qu'il avait l'impression que Link aurait réagi de la même façon. Il savait de toute façon qu'il n'avait rien à attendre de lui. Il se mordit la lèvre.
« Le plan a fonctionné. J'ai réussi à établir le contact avec Kanda Yû. Il veut me revoir. »
Link esquissa un sourire, croisant les jambes.
« Comment t'y es-tu pris ? »
Allen hésita à tout raconter. Il jugea sage de ne pas trop mentir, mais de ne s'appesantir que sur ce qui était nécessaire.
« Il croit que je me prostitue. Il m'a proposé une nuit… Et on doit se revoir.
—Tu ne sens pas l'alpha, » Link fronça les sourcils, « vous avez eu des rapports sexuels ? »
Évidemment, l'autre mettait les pieds dans le plat. Allen serra les jambes, déglutissant discrètement.
« Non. J'ai… joué l'oméga en panique, dit-il, sachant très bien qu'il n'avait pas du tout joué la comédie. Il ne m'a pas touché.
—T'as-t-il donné de l'argent ?
—Non. » Devant le regard de Link, plutôt circonspect, il développa. « Je n'ai pas donné beaucoup de détails sur qui m'employait, juste assez pour être crédible, il a sans doute pensé que j'étais un vagabond qui avait réussi à pénétrer chez les riches avec sa belle gueule.
—Langage, Walker. »
Mais Link acquiesça. Il eut un sourire narquois, tandis qu'Allen le fixait, lèvres pincées.
« Tu as ça dans le sang, Walker. C'est dommage que l'on ne soit pas servi plutôt. Ta capacité à manipuler m'étonnera toujours. »
Allen se tut. Il ne se montrerait pas outré. De plus, ce n'était pas réellement faux. Les accusations de Link ne lui plaisaient toutefois pas. Jamais il n'avait menti chez Luberrier, ou avec lui. Jamais. Surtout qu'il se doutait à quel événement faisait allusion l'alpha… Sa colère, il n'eut pas la force de la déclencher. Il reçut les mots comme si ça ne le touchait pas. Ça ne faisait que le blaser. Il ne s'habituerait jamais à ne pas être cru, à être humilié. Mais il pouvait ignorer.
La voiture démarra en trombe. Link exigea d'autres renseignements, qu'Allen broda rapidement. La pluie se mit à tomber, et un éclair zébra le ciel.
Une journée d'orage n'était que rarement bon présage.
De retour au bercail, Allen vit se dessiner la silhouette sombre et délavée du bateau du clan Luberrier. La voiture se gara en contrebas au niveau du quai. L'eau croupie dans laquelle nageaient des détritus luisait dans la lumière. Ils ne mirent que peu de temps à descendre, monter par la planche branlante et se séparer à l'intérieur. Link argua qu'il ferait lui-même son rapport à Luberrier, qu'il pouvait aller se reposer, qu'il avait bien travailler pour cette nuit. Qu'ils ne lui en demandaient pas plus pour le moment, que les progrès qu'il avait fait lui suffisait amplement. Il le félicita encore pour son succès. Allen s'angoissait tout de même. Luberrier ne serait peut-être pas du même avis, ce qu'il attendait de lui, Allen n'en savait rien, mais si Link le pensait, ça le tranquillisait. Il s'était, à bien des égards, humilié la nuit dernière. Que cette humiliation ne soit pas vaine et qu'il n'ait pas à gérer les reproches en plus de ça lui semblait un bien doux mirage. Il voulait toutefois y croire.
Là, debout sur le ponton, il sentait le vent soulever ses cheveux et des relents de sueurs s'élever de ses vêtements classes. Il voulut prendre une douche, s'effondrer dans son lit et oublier jusqu'à sa propre existence. Il fut vite rejoint par la figure de Timcanpy, qui sortit de la porte menant à la cale et se jeta contre son visage.
Allen rougit lorsqu'il vit apparaître également Tyki Mikk. L'alpha était sorti fumer sa clope, pile au moment où ils rentraient. Link et lui s'étaient échangés un regard froid, un signe de tête hypocrite. Ils ne s'aimaient ni l'un ni l'autre. Tyki pour des raisons qui semblaient évidentes à Allen ; son comportement avec lui. Link pour des motifs qu'il ignorait. Sans doute une histoire d'apriori. Link était du genre méfiant. Il avait beaucoup de mal à apprécier les autres, et à part Luberrier, il méjugeait nombres de leurs camarades. L'ignorant par la suite, Tyki s'accouda au bastingage. Il émit un soupir en allumant sa cigarette. Allen resta planté, hésitant à suivre Link à l'intérieur ou à s'approcher de Tyki. Il n'avait pas envie d'affronter son regard, il savait que Tyki devait forcément être au courant de la nuit dernière. Affronter ses questions, ses possibles jugements —bien que Tyki ne l'ait jamais fait, ça le mettait mal à l'aise.
D'un autre côté, il avait besoin de se confier. Il aurait tout donné pour avoir une présence.
Tandis qu'il fixait ses pieds, laissant le vent un peu trop froid s'engouffrer sous sa veste de costume, le bouclé lui fit signe. Cela mit un terme à ses atermoiements. Hésitant, le maudit y répondit et marcha d'un pas lent vers le plus âgé. Timcanpy se fourra dans son col de chemise, ce qui le fit ricaner. Il faisait certes frais quand l'air se vivifiait mais plutôt bon par rapport à d'habitude, il n'avait pas envie de s'enfermer dans sa cabine tout de suite.
Tyki inspira une longue latte avant de relâcher la fumée qui s'effilocha dans l'air gris de cette matinée.
« Tout va bien, Allen ? T'as l'air un peu pâle.
—Pas plus que d'habitude. »
Pour la première fois, Allen aurait eu envie de fumer aussi. Il avait l'impression que Tyki oubliait tous ses problèmes en le faisant, il aurait bien oublié les siens. Il eut un rictus au coin du bec, se tournant vers le beau Portugais.
« Tu m'en passes une ? »
Du doigt, il pointait les clopes. Tyki fronça les sourcils, rangeant son paquet dans sa poche, son pied posé sur l'un des barreaux du bastingage. Quelques mouettes s'envolèrent en criant face à eux.
« Même pas en rêve, gamin.
—HÉ ! J'ai 18 ans, je te ferai dire ! »
Tyki ricana. Il lui ébouriffa les cheveux et lui colla une pichenette, Allen râlant en lui tirant la langue. Boudant, il croisa les bras, venant lui aussi s'accouder au garde-fou. Il n'osa pas insister, mais l'idée lui tentait réellement.
« T'es un gamin, fais pas genre. Ça a été, ta mission ? »
Les yeux du maudit se remplirent de larmes sans qu'il n'arrive à les lâcher, ça le brûla toutefois très vite. La gorge nouée, il regarda ailleurs pour s'empêcher de pleurer.
« C'est pour ça que j'aurais aimé une cigarette.
—Raconte-moi, plutôt, » dit Tyki en relevant son visage vers le sien.
Allen eut du mal à se contenir, depuis le temps que ça gangrénait. Ses mains tremblèrent, il se sentit petit à petit tout son corps en faire autant. Tyki éteignit sa cigarette d'un geste rapide, l'écrasa à ses pieds et l'enfouit contre lui. Cela choqua Allen si bien qu'il se raidit, mais ce n'était pas une réaction de rejet. Non, loin de le rebuter, l'affection de Tyki lui fit plaisir. Il se tut, se laissant aller dans l'étreinte et pleura. Tout comme Kanda cette nuit, l'alpha ne fit rien pour le contraindre et user de sa force, du surplus de pouvoir que conféraient les phéromones à son égard, contre lui. Il lui chuchota des paroles réconfortantes.
Il se sentait si bête, de se laisser aller comme ça, mais en même temps, c'était Tyki. Il le connaissait, et il était son seul soutien dans cette histoire. Ils s'étreignirent quelques instants, puis le plus âgé le poussa à se redresser. En plus de lui offrir un regard rassurant, il sécha ses larmes d'un pouce décidé, lui offrant un sourire. Il attendait qu'il se livre, sans forcer, sans lui mettre la pression. Le maudit hésita. Il eut l'intuition que Tyki le comprendrait, qu'il réagirait bien à ses confidences. Alors il ouvrit la bouche, celle-ci étant affreusement sèche.
« Il n'a pas abusé de moi, dit Allen, mais j'ai eu tellement peur, Tyki, vraiment, j'étais terrifié.
—C'est ta première mission, c'est normal. C'est flippant, c'est tout à fait compréhensible. »
Sa douceur surprenait Allen, il était si adorable avec lui, il n'avait que rarement rencontre d'alpha aussi gentil — ou même personne en général —de toute sa courte vie. Le seul aussi gentil qui lui venait à l'esprit, c'était Kanda. Et il était en train de le berner. Ça le faisait se sentir coupable, surtout, si en danger. Il était pétrit d'angoisse et Tyki le sentait. Il lui caressa les cheveux, remontant une mèche en arrière sur sa tête comme un frère l'aurait fait.
« Écoute, je suis convaincu qu'il n'abusera pas de toi. C'est pas le style. »
Allen le sentait aussi, concrètement, mais il tiqua devant l'assurance du beau Portugais. Avec la réputation que se trainait l'autre alpha, avoir l'air si convaincu le laissait perplexe.
« Comment tu sais ?
—Un bon magicien ne révèle jamais ses secrets. »
Et il lui pinça la joue. Cela ne fit qu'augmenter sa perplexité.
« Tu le connais ? »
Tyki haussa les épaules, un rictus au coin des lèvres, comme s'il s'agissait d'une bonne blague. Allen ne dit rien de plus, attendant qu'il en révèle davantage.
« Ben, je joue souvent au poker dans les bars avec n'importe qui. Ça crée parfois des liens.
—Mais c'est un ennemi ! » souffla-t-il d'une voix étranglée.
Ironique qu'il s'en inquiète avec ce qu'on lui demandait, à lui. Ça le frappa en même temps qu'il se mit à rougir. De nouveau, le basané ricana, haussant les épaules avec déférence.
« Ce que le clan ne sait pas ne peut pas lui faire de mal. »
Intrinsèquement, cette affirmation avait du sens. Il comprit aussi qu'il ne valait mieux pas en parler à autrui. Allen haussa les épaules à son tour. D'un certain côté, bien qu'il ait déjà l'impression que Kanda était ce qu'il semblait être, il se sentait rassuré que Tyki, qui l'avait vu dans d'autres situations, pense la même chose.
« Hm, vous vous entendez bien du coup ? Vous jouez ensemble ?
—C'est arrivé. Franchement, je pense que c'est un mec bien. Grande gueule, un peu rude. Avec les omégas, il séduit, mais ça reste toujours dans le respect. »
Ça, Allen le remarquait déjà. Il était un séducteur, une vérité visible à des kilomètres.
« Ce qu'on t'a demandé de faire, c'est coton, Allen. Viens me retrouver dans l'après-midi, je t'ai dit que j'essaierai de te filer des tuyaux quand on avait parlé la dernière fois. Là, je te propose surtout d'aller te reposer. T'as une tête de déterré. »
Cela le fit rire. Oui, il devait avoir ce genre de visage actuellement. Le teint livide, les yeux rougis, un tableau peu glorieux. Hochant la tête, il eut à peine le temps de bredouiller un remerciement qu'un ALLEN sonore retentit depuis la porte d'entrée, Timothy se précipitant dans ses jambes.
« Je te cherchais ce matin !
—Je me suis levé très tôt, » mentit le blandin, « désolé. Mais je suis là, maintenant. Je pense faire une sieste.
—T'avais promis de me jouer avec moi ! »
Devant l'air déçu du gamin, Allen jeta un regard à Tyki qui saisit l'oreille du garnement, lequel râla immédiatement sous une légère douleur — le brun n'y allait pas fort, il n'avait pas l'intention de le réprimander méchamment.
« S'il te dit qu'il est fatigué, laisse-le se reposer, sale petite crapule. On s'entraînera tous les trois cet après-midi. »
Ravi, Timothy sautilla sur place et tendit ses bras à Allen, réclamant un câlin. Le jeune garçon fondit devant cette attitude et l'étreignit avec affection. Timcanpy profita de ce moment pour sortir de son col et se frotter contre le gamin, s'incrustant par la même occasion dans l'accolade. Riant, les deux omégas laissèrent échapper des phéromones d'allégresses perceptibles pour chacun d'eux. Tyki les observait, et fit bientôt signe à Allen qu'il s'en allait.
Faisant signe à Timothy de le suivre à l'intérieur, le blandin s'engouffra dans la cale et se dirigea vers sa chambre, promettant à nouveau au plus jeune qu'il s'occuperait de lui dans la journée. Le pire étant qu'il avait dormi, mais il avait l'impression que le stress avait été si fort que son corps recevait une dose de fatigue supplémentaire comme pour contrecarré son agitation interne. C'était à prévoir.
Couché dans son lit, il repensa à Kanda, à son étreinte, à sa gentillesse et son respect. Il tenta d'ignorer la honte, et s'endormit en pensant à ses odeurs si douces pour un alpha, si agréables. Il avait envie de le respirer à nouveau.
Il avait la conviction que son odeur était ce qu'il avait senti de plus merveilleux à ce jour.
Kanda lâcha un soupir. Il se réjouissait de s'être enfin rapproché de ce petit oméga. Sa situation lui inspirait, il fallait l'admettre, autant de pitié que compassion. Si jeune et déjà balancé dans la prostitution forcée. Un destin, qui, pourtant, en témoignait l'histoire d'Atsushi, n'était pas singulier. Il voulait l'aider. Sans parler du fait qu'il le trouvait irrémédiablement attirant. Son odeur… putain, c'était quelque chose. Des omégas qui sentaient bon, il y en avait plein. Allen n'avait pas l'odeur la plus extraordinaire en soit. Non, elle était même banale si on comparait à d'autres omégas. Agréable, certes. Elle n'était ni la plus douce, ni la plus exotique. Mais elle lui faisait énormément d'effet. Comme du bien-être, de la joie, une envie de se rapprocher de lui. Sans doute parce que le gamin lâchait des phéromones face à lui, aussi. Il avait toutefois assez d'expérience pour savoir qu'ils l'impactaient lourdement. La seule personne avec qui il avait ressenti quelque chose d'aussi fort dans sa vie… Ça faisait trop longtemps pour qu'il puisse s'en rappeler sans éprouver un pincement au cœur. Du haut de son jeune âge, si Kanda multipliait aisément les conquêtes, il n'en avait pas toujours été ainsi.
Il y avait bien eu quelqu'un, quelqu'un qu'il avait aimé et avec qui il avait cru être lié. Avant que cette personne ne lui soit arrachée.
Se servant un verre d'eau, il l'engloutit à toute vitesse, couché dans son lit, l'insomnie le guettant. Demain, il avait une réunion importante avec ses hommes, un essaim d'Akumas avait été repéré sur l'un des territoires qu'il possédait et il fallait quelque chose. Apparemment, ces fils de pute évoluaient. Ils se mettaient à kidnapper des hommes pour en faire dieu seul savait quoi. Les cas de possession devenaient plus fréquents. Ça ne signifiait qu'une chose, il y avait un nouvel apôtre. Personne n'avait jamais réussi à les débusquer, ils étaient trop rapides, passaient inaperçu. Personne ne savait rien d'eux. Mais plus ils apparaissaient, plus les Akumas devenaient dangereux.
Comment était-on au courant de leur existence ? Des archives, des photos floues, des preuves diffuses, des rumeurs, des racontars. Kanda y croyait.
Pour cause, il était persuadé d'en avoir déjà vu un, de l'avoir aperçu. Il n'en avait pas la preuve formelle, mais peut-être qu'avec de la persévérance, il arriverait à obtenir la confirmation. Dans ce monde pourri, rien n'était impossible, surtout le pire. Il suffisait de fouiller suffisamment dans la merde pour en retirer de l'or. Comme cet oméga sorti tout droit des bas-fonds qui lui avait retourné l'esprit. Peut-être pour lui faire éprouver le genre de passion qu'il n'avait pas éprouvé depuis longtemps, quand il n'était encore qu'un ado. Un temps lointain.
Se remémorer, il évitait. C'était une perte de temps, on ne pouvait pas changer le passé, se lamenter ne servait à rien. Il avait beau raisonner ainsi, ça l'affectait quand même de temps à autre.
Lors de ces moments, il se sentait triste de ne pas avoir une présence dans son lit. Que ce soit pour la baise ou pour autre chose, une compagnie dans de sombre nuits se voyait comme un doux privilège. Peut-être qu'un jour, il arriverait à avancer, à se reconstruire complètement, à aller de l'avant. À donner une chance au destin, à ce qu'il pouvait lui réserver. Pour le moment, en dépit des affres passionnels qui le possédaient, il était indécis.
Le lendemain matin, le réveil allait piquer.
Il resta un long moment à regarder le ciel par la fenêtre de sa chambre, les étoiles et les ruines. Par chance, il possédait une des meilleures vues. Sous la coque de son bateau, bercé par les vagues, les remous faisaient défiler le tableau sinistre du ciel violacé, de la côte détruite. Avant qu'il n'en ait conscience, son regard fixe se perdit au loin, sur un point lumineux qu'il identifia sans s'en rendre compte à une réminiscence, une réminiscence du temps heureux. Il savait qu'il contemplait un mirage. N'était-ce pas ce qu'il avait toujours fait, ce qui le personnifiait ? Le fait de courir après des chimères sans jamais les attraper. Une étoile s'évanouissant, il sombra.
Dès le lendemain, il fut réveillé par un Lavi au top de sa forme qui pénétra dans sa cabine en enfonçant la porte d'un coup d'épaule sec. Elle claqua contre le bois du mur en un 'boom' mat. Kanda sursauta, braqua son regard le plus mauvais sur l'archiviste qui se tenait debout, droit comme un i, un sourire sur sa gueule enfariné, dans l'encadrement de la porte, derrière l'ombre du couloir. Le médecin du clan le dévisageait, un rictus aux lèvres, et lui demanda comment il se sentait d'un air franchement ironique. La tête dans le cul, les cheveux en pétard, Kanda voulut répondre qu'il pouvait aller se faire enculer au lieu de l'emmerder de si bon matin. Il ne le fit pas, rongeant son ire, car il se doutait que cette intrusion dans sa tanière d'ours mal léché ne signifiait qu'une chose ; il était en retard et il avait zappé de mettre son alarme pour la réunion. Lavi, en plus d'être le docteur du navire, était aussi son homme de main le plus proche.
En outre, celui qui se permettait de venir lui sonner les cloches lorsqu'il faisait de la merde. Ce qui n'arrivait pas si souvent que ça, mais pouvait tout de même avoir lieu. Ne pas se pointer à une réunion quand on était chef de clan, ça comptait. Même avec une mauvaise foi digne de ce nom, Kanda n'était pas en position d'arguer le contraire. Fait chier, il allait se prendre un savon.
« J'allais me lever, Baka Usagi, » argua-t-il pour la forme, ôtant la couverture de son corps dénudé. « T'étais pas obligé de défoncer la porte.
—Vraiment, vu comme t'as failli sauter au plafond, Yû ? Me fais pas rire. C'était le minimum syndical.
—M'appelle pas comme ça, et te fous pas de ma gueule. J'suis pas d'humeur. »
Se disant, il chercha son pantalon qui gisait au sol et l'enfila en sautant dedans. Le rouquin avança dans la pièce, se jetant sur son lit et croisant les bras derrière sa tête, regardant Kanda s'habiller en sifflotant. Ce dernier savait que s'il ne parlait pas tout de suite, c'est qu'il avait un truc derrière la tête. Quand quelque chose se tramait dans le cerveau du borgne, ça voulait dire que ça allait lui casser les burnes. Il attrapa sa chemise, sa veste d'uniforme, se tournant vers son ami. Il devait fournir un effort surhumain pour ne pas lui en foutre une en avisant sa décontraction. S'il y a une chose que Kanda détestait, c'était qu'on se moque de lui.
Il avait mal choisi son meilleur pote pour se préserver de ça.
« C'est ton nouvel oméga qui t'épuise ?
—Quoi… ? » Kanda marqua un temps d'arrêt, avant de réaliser. « Oh, ta gueule, crétin. Je t'ai déjà dit que ce n'était pas mon oméga.
—Alors quelle est la raison du retard de ton aimable personne, mon cher Yûyû ? »
Il allait lui péter sa gueule, littéralement. Lavi avait ce don inhumain d'être un casse-couille personnifié. Kanda grogna, le rouquin éclatant de rire. Il s'arrêta, et le fixa, devenant sérieux. Il affichait une certaine inquiétude. Cela encouragea Kanda à se confier un peu, sur un haussement d'épaules.
« J'ai cogité, et j'ai pas entendu le réveil, écoute…
—T'as l'air crevé, ouais. » Kanda allait protester, aussi, Lavi l'interrompit d'un doigt en l'air faussement menaçant. « Me mens pas, je suis médecin, Yû.
—Oh c'est bon, si on peut plus faire de l'insomnie tranquille.
—Quand on est chef de clan, c'est quelque chose qui pose question. »
Évidemment. Kanda termina de boutonner sa chemise, arrachant sa veste de la chaise où elle était négligemment posée pour l'enfiler, une manche, puis l'autre. Il réarrangea son col rapidement, avant de s'asseoir à côté du rouquin. Lavi, de son œil unique, le sondait. Il posa une main sur son épaule, comme pour lui rappeler que oui, il lui cassait peut-être les couilles, mais qu'il était là pour lui. Kanda fut bien obligé de capituler. De toute façon, mettre les choses au clair pour faire dérailler le train de ses pensées ne lui feraient pas de mal.
« J'avoue, ce gamin traîne dans ma tête. Ça te va ? »
Lavi se gratta le menton d'une main distraite.
« Et tu comptes aller où avec ça ? C'est comme Atsushi, un de tes apprentis, un favori, ou c'est quelque chose d'autre ? »
Kanda ne savait pas trop. Non, c'était autre chose. Puis, il était si pur, ce gosse, il ne le souillerait pas de cette façon. Ou du moins, pas avant beaucoup de discussions, pour qu'il ait un avis éclairé sur la question. De plus, il avait l'air traumatisé à tellement de niveaux… Kanda sentait que quelque chose n'allait pas. Ce quotidien d'enfer qu'il semblait subir, ça lui faisait mal. Pourtant, il était courageux, il avait de la répartie. Il flippait, tout le monde aurait flippé dans sa situation. Ça restait quelqu'un qui avait du cran, ça se voyait quand on le regardait agir. Tout ça rappelait diablement Alma à Kanda. Mais pas seulement. Allen avait un petit quelque chose bien à lui qui rendait le Japonais chèvre. Il était, pas obsédé, fallait pas déconner, mais retourné. Il avait le sentiment que c'était réciproque. Une connerie de coup de foudre, il n'y avait jamais cru. Il aurait dit à qui voulait l'entendre que c'était des conneries si on lui en parlait.
Peut-être que le sort le faisait mentir.
« Y aura peut-être pas de baise entre nous, donc non. Je sais pas. Mais il m'intéresse beaucoup. »
Lavi émit un sifflement, comme sous le choc, et approbateur.
« Alors ça y est, tu penses à te caser ?
—J'ai pas dit ça non plus. Je sais pas, je te dis. »
Le rouquin haussa les épaules, puis croisa les bras. Son expression devint malicieuse.
« Si tu ne cherches pas du cul, c'est une bonne chose. Ça te ferait du bien, d'avoir quelqu'un de permanent à nouveau. Penses-y. »
Kanda se tut. Il n'avait pas tort. En même temps, il ne savait pas s'il se sentait prêt. La semaine du rendez-vous approchait. Il avait envie de revoir Allen, de sentir son odeur, de savoir comment il se portait, tout simplement. Il ne dirait pas qu'il avait hâte, peut-être un peu d'une certaine façon. Il s'agissait plus d'une curiosité. Si le môme devenait suffisamment à l'aise pour qu'il puisse s'en payer une bonne tranche, ça ne le gênerait évidemment pas. Que ce ne soit pas le cas lui importait peu. Ils verraient bien ce qu'il adviendrait de leur relation, le temps répondrait aux questions pour eux. Kanda, encore une fois, détestait se prendre la tête pour des idioties. Il avait des insomnies à penser dans le vide, pas à se casser le cerveau dans tous les sens. Cette nuit n'était qu'une nuit comme une autre. Et cette réunion l'attendait encore.
Lavi l'enjoignit à sortir de la chambre pour rejoindre les lieutenants qui s'impatientaient dans la salle de réunion. Ils avaient d'importantes matières à discuter qui, elles, ne pourraient pas attendre.
Dans la voiture, Allen s'impatientait. Il avait le ventre tiraillé entre deux émotions distinctes ; une sorte de peur, et aussi de hâte. On l'avait encore maquillé, on lui avait encore mis ce fichu collier supposé lui faire sentir bon, ces parfums qui lui irritaient la peau. Il avait même l'impression que ça lui filait des boutons, ou alors c'était dû au stress, peut-être aux deux. Tant bien que mal, il essayait de rester tranquille, de résister à l'envie de se gratter, d'enlever le collier, de desserrer son nœud papillon. Il étouffait silencieusement, et Madarao, son humble chauffeur, s'en foutait. Allen savait qu'il n'était pas juste en s'agaçant contre lui, le bêta n'avait aucune responsabilité quant à sa situation. Il se voyait juste démuni, lésé, délaissé à un destin funeste. Que ce soit mélodramatique ou pas, il s'agissait de la vérité. Le poids de ce savoir lui glaçait le sang. Est-ce qu'il allait enfin mourir, ou connaître une soirée paradisiaque, aujourd'hui ?
Cette comédie ne durait pas longtemps. Il allait forcément se faire choper, faire une gaffe, il n'était pas entrainé pour être un espion. Et il n'y avait pas que les conséquences directes qu'il craignait. L'après, s'il y en avait un. Il n'aurait pas aimé l'idée de mourir, le ferait s'il n'avait pas le choix, mais il savait qu'il devrait se faire tuer s'il se foirait. Le clan de Luberrier lui ferait subir un sort bien pire que la mort. Il en avait l'intime conviction. Il refusait de vivre ça.
On le déposa, lui donnant les dernières précautions de mises. Allen savait ce qu'il avait à faire. Il se répugnait juste à abuser de la gentillesse d'un homme à des fins si funestes. Un homme qu'il aurait pu aimer, avec qui il aurait pu bâtir quelque chose en d'autres circonstances. C'était sa morale, ou sa survie. Il avait plusieurs fois abandonné la première pour la seconde quand il était un enfant des rues. Ça ne l'empêchait pas de le regretter amèrement. Ce n'étaient pas des choses qu'il aimait faire. Au contraire, ça le ramenait à une époque tordue où il n'y avait que le vol, la manipulation et la duperie qui l'aidaient à subsister. Alors qu'il n'était qu'un enfant. Alors qu'il aurait dû être protégé tout de ça.
Protégé, il ne l'avait jamais été. Ou très brièvement. Jusqu'à la mort de Mana. Jusqu'à ce que Cross le récupère, ne s'occupe de lui pour ensuite le vendre comme un objet pour payer ses dettes. Il n'avait même pas la force de lui en vouloir, l'homme était une épave et n'aurait jamais pu s'occuper de lui. Peut-être que sa vie aurait été mieux à ses côtés, au milieu de créanciers, que dans ce clan infâme. Toujours est-il que son innocence ne lui avait jamais été accordée. Il n'était pas assez bête pour ne pas avoir compris qu'il ne serait jamais préservé, et que ce qui l'attendait était une vie d'errance, à endurer les conséquences de ce que les plus hauts prévoyaient à sa place.
Les pensées sinistres rendaient ses pas titubants, comme s'il était soûl. En réalité, il avait une saleté d'ampoule aux pieds, ça le faisait souffrir à cause du cuir de ses chaussures, il n'était pas du tout habitué à porter des matières si rigides et ça lui griffait la chair le temps que ça se détende. Il se fit ouvrir la porte du club, à moitié de travers à cause d'un nouveau tremblement de terre survenu ce matin, par Madarao. L'homme le surveillait toujours de loin. Il le laissa ensuite, Allen vagabondant un court instant entre les hommes et femmes sur place, venant se poster au bar ensuite. Il attendrait Kanda. À nouveau, il commanda à manger, le ventre tiraillé par l'attente et en même temps ravi de pouvoir manger quelque chose de bon. Ça changeait tellement des plats de Jerry, quand bien même il adorait le cuisinier… C'était malheureux, l'homme était jovial et faisait de son mieux mais Luberrier ne lui donnait rien en termes d'ingrédients pour cuisiner quelque chose de bon.
Pendant qu'il mangeait, un groupe d'hommes en uniforme se fit remarquer à l'entrée. Il reconnut l'alpha, qui avançait le katana en main. Celui-ci intercepta son regard. Un sourire charmeur prit place sur ses lèvres fines, Allen ne pouvant s'empêcher de rougir comme un adolescent. Il était beaucoup trop beau, bien mis, avec ce fin sourire en coin qui exhalait la confiance. Le maudit ne put rester calme. Son ventre recommençait à se nouer, ses joues à rougir et son être à paniquer. Il allait encore devoir le duper. Et en même temps, il mourrait toujours d'envie d'être à ses côtés. Il déglutit, avala sa dernière bouchée, s'essuya les mains sur les genoux avant de se rappeler que son costume bleu était propre et de se maudire — doublement — pour ça, et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, Kanda fut devant lui.
Allen, qui sentait qu'il avait encore des miettes au coin de la bouche, s'essuya et sourit niaisement. L'alpha prit place à ses côtés. Ses hommes les observaient du regard mais s'étaient mis à rejoindre une table de poker. Allen les regarda avec envie, ça lui aurait bien plu de faire une partie s'il n'avait pas été vu comme l'oméga qui devait être joli et bien sage devant un alpha. D'autres omégas, femmes et hommes les regardaient aussi. Ils scrutaient Kanda. Avec désir, envie, jalousie. Allen en fut gêné aussi.
Il baissa la tête, parlant le premier.
« Toutes les têtes nous regardent…
—Bonjour à toi aussi, petit Moyashi.
—Je m'appelle Allen, vous le savez très bien. »
Il sentit les organes dans bas-ventre se serrer étrangement, se rappelant la façon suave dont Kanda prononçait justement son prénom. Comme l'alpha haussa un sourcil, semblant attendre de la politesse de sa part, Allen se résolut à abdiquer, non sans une moue bougonne.
« Bonjour, Kanda. Je suis content de vous revoir. »
Il devait bien l'avouer, ça aussi. L'alpha eut un rictus.
« Moi aussi. » Les mots touchèrent Allen. « Ignore les gens, on ne va pas rester ici longtemps. Si monter ne te dérange pas.
—Pas du tout. Mais, » risqua-t-il, « je ne suis toujours pas prêt à… »
Kanda balaya ses mots d'un revers de la main.
« Je t'ai déjà dit que je n'attendais pas ce genre de choses de ta part. Aie confiance. C'est juste pour que nous soyons tranquilles.
—Je vous fais confiance, » Allen se mordit la lèvre. « Je ne veux juste pas vous décevoir…
—Tu ne me déçois que lorsque tu râles devant l'adorable surnom que je t'ai trouvé.
—Vous exagérez ! »
Kanda ignora sa protestation et fit signe au serveur de ramener une boisson. Allen sentit l'odeur d'alcool. L'alpha, en regardant son maigre plat de salade, demanda une assiette de frites qui lui fut apportée. Allen hésita à la manger, il le voulait, oui, mais… toutes ces victuailles, ça ne faisait qu'attiser sa honte et son sentiment de culpabilité. Dehors, à peine 100 mètres de là, des familles crevaient la fin et mourraient en travaillant pour une poignée de cents. Il serra les poings, remerciant Kanda sur une note douce-amère. Bien sûr, il eut du mal à ne pas se retenir de saliver et de se jeter sur les frites. Il avait beau ne pas aimer l'idée de se faire offrir à manger en grande portion, ne pas trouver ça éthique, son stress lui soufflait que manger son poids en frites serait une bonne idée. Il culpabiliserait plus tard. Longue, huileuse, la frite finement coupée fondait dans sa bouche, d'autres ne tardant pas à le rejoindre. Kanda ricana devant sa gloutonnerie. Nourriture débordant dans ses joues, Allen tourna un regard honteux vers lui, avalant tout d'un coup.
« Excusez-moi, je suis un peu mal poli…
—Ce n'est rien, j'aime que tu manges avec appétit. Je t'ai déjà dit que tu étais maigrichon. »
Si Kanda arborait un sourire taquin, vexé, Allen croisa les bras.
« En tout respect, monsieur Kanda, toute la ville n'a pas la moitié des ressources dans ce bar. »
Il se tut à la suite de sa remarque cinglante, et se mordit à nouveau la langue. Parce qu'il avait peur que Kanda le prenne mal. Ce dernier fronça les sourcils, mais haussa les épaules.
« Il est vrai. Mais justement, profite-en. Quand tu es ici, tu ne manqueras de rien. »
Cette désinvolture agaça Allen autant qu'il ne pouvait pas s'empêcher d'apprécier l'intention derrière tout ça. Kanda était bien trop désinvolte à son goût sur la question de la richesse du club, mais il avait aussi conscience de ce dont il devait manquer dehors. Se priver de dîner ne changerait rien, de toute façon. Allen serra les jambes, regardant son assiette vide, avant de se tourner vers Kanda qui buvait sa bière tranquillement.
« Vous savez, je me sens coupable de profiter de ça, comme vous dites, alors que je ne peux rien pour vous… Vous dîtes que ça ne vous gêne pas, mais je ne tiens vraiment pas à ce que ce soit frustrant… »
Il parlait du sexe, évidemment. Il esquivait la partie prostitution de sa mission, ainsi que de sa couverture, et pour un homme qui le gâtait, c'était étrange qu'il n'attende rien en retour.
« Ne dis pas n'importe quoi. Je le sais très bien, ce n'est pas le problème.
—Merci, monsieur. Vous êtes trop patient avec moi.
—Pas du tout, c'est normal. »
Il lui sourit, et posa une main sur sa tête qu'il gratta avec affection. C'était justement l'un des points faibles d'Allen. Il rougit. Bien naturellement, il ne se dégagea pas. Il se laissa faire, c'était très agréable. Il n'aurait pas dû insister autant sur le fait qu'il ne pouvait rien apporter à Kanda, ce n'était pas très intelligent par rapport à sa couverture, ça pourrait la faire capoter et il ne voulait pas que l'alpha se désintéresse de lui. Peut-être qu'au fond, si… Ça aurait été pratique. Mais alors, le destin qui l'attendait était soit d'être marié à Chaoji, soit d'être jeté en pâture à n'importe quel alpha.
N'importe qui valait mieux que Chaoji de toute manière. Ça voudrait dire ne plus voir Kanda. Et il n'en avait pas envie.
D'un côté, ses préoccupations, ses précautions qui pouvaient sembler exagérées rendaient aussi son personnage crédible… un personnage dans lequel il se perdait parce que c'était le vrai lui qu'on bouffait.
Il attrapa son verre de jus de fruit, le but d'une traite, de même que Kanda reposait sa bière vide contre le bois vernis de noir si brillant du comptoir. Allen était moins choqué que la première fois des lumières violacées tamisées, des silhouettes entrelacées, pressées les unes aux dépens des autres. Comme chacun, il se fondait dans le décor, un élément parmi tant qui ne différait qu'à son cœur qui battait vite, fort, preuve qu'il vivait encore.
Respirant, il se résigna.
« J'aurais quelques questions à vous poser, je dois l'admettre.
—Montons, dans ce cas. Si ça ne te dérange toujours pas. »
Il ne plaisantait pas en disant ça. Il devait se rappeler de sa crise d'angoisse, Allen lui-même s'en rappelait aussi. Il secoua la tête. Ce ne serait pas un problème, pas cette fois.
« Non, je vous fais confiance. Allons-y.
—Parfait. »
Kanda avait un sourire en coin charmeur qui fit une énième fois de l'effet à l'oméga. On pouvait le blâmer, mais il était convaincu que de nombreuses personnes se seraient damnées pour ce sourire. Il passa devant, Kanda posant une main dans son dos pour le guider. Il lui assura qu'il pourrait faire monter un plateau s'il en avait envie, ce qu'Allen refusa. Il avait faim, bien sûr, mais il avait toujours faim et ils avaient assez abusé des ressources du lieu. Il se serait senti mal à l'aise de continuer à s'empiffrer. Les escaliers lui semblèrent moins raides que la dernière fois, moins long, moins vertigineux. Il avait la bouche sèche, certes, pourtant, son coeur battait normalement, il avait une sensation d'aisance. Timide, mais concrète. Il savait que Kanda ne lui ferait pas de mal. Il le lui avait prouvé. Après tout, s'il avait dû l'agresser, il l'aurait déjà fait depuis longtemps…
Dans le tronçon de couloir, il vit que de nombreux tableaux tapissaient les murs. Certains semblaient artistiques, et d'autres étaient des photographies. Allen n'en avait vu que peu. Il n'en avait jamais eu personnellement. Juste une avec Mana quand il était petit.
Sur certaines photos, Kanda était avec un rouquin portant un cache-oeil et plusieurs hommes, femmes. Ils souriaient tous.
Evidemment, cela montrait qu'il était proche des propriétaires, et qu'il avait du pouvoir sur l'endroit. Il avait sa propre chambre attitrée, c'était chez lui. Venant d'un chef de clan reconnu, rien de surprenant. Les clans possédaient les ressources, les membres n'en voyaient que rarement la couleur. Seuls les chefs et leurs proches y avaient droits. S'il réussissait la mission, il en ferait partie. Mais ça ne serait jamais vrai. Ça faisait mal aussi. Les liens qu'on voulait qu'il tisse étaient faux.
La main de Kanda sa posa dans son dos, ce qui le surprit. Il se tourna vers lui, continuant à marcher. Kanda avait cette aura rassurante. Il ne le mettait pas mal à l'aise, du moins pas autant qu'il aurait pu l'être avec un alpha, avec quelqu'un comme lui. Il s'excusa de s'être attardé sur les tableaux, ce que le plus âgé balaya d'un geste de la main. La chambre en vue, ils entrèrent à l'intérieur. Allen relâcha un peu ses muscles. Il se sentait mieux loin du bruit et des odeurs assommantes. Surtout, la pièce ne sentait que Kanda. Sans qu'il ne sache pourquoi, il appréciait ça.
Le chef de clan s'assit sur le canapé, lui faisant signe de s'approcher. Allen le rejoignit. Il se sentait plus rassuré qu'ils puissent discuter en paix. Ça faisait aussi ressurgir son malaise : il avait peur que ses questions soient mal interprétées. À ses yeux, elles étaient nécessaires. Tant pour sa couverture que pour sa survie. Il ne pouvait pas s'empêcher d'être méfiant et inquiet. Tout en voulant avoir confiance dans le même temps.
Sans lui laisser le temps de parler, Kanda se servit dans la carafe d'eau à disposition, et donna également un verre à Allen. Ce dernier but sans demander son reste. Il se sentit revigoré, s'hydrater calmait bien des soucis. Il se passa la langue sur les lèvres, reprenant un rythme de respiration décent. Il ne disait rien, alors Kanda parla le premier.
« Ça te surprend peut-être, mais je t'assure que je n'attend pas de sexe de ta part.
—Vous n'êtes pas la sainte vierge aux rumeurs que j'ai entendues, » laissa échapper Allen.
Et ce fut sans doute l'une de ses premières bourdes, une bonne grosse bourde bien comme il le fallait. Le maudit se mordit la langue. Merde. Il ne fallait pas que Kanda réalise qu'il avait des informations sur lui. Le susnommé fronça les sourcils.
« Des rumeurs ?
—J'ai déjà entendu parler de vous par mon employeur, Allen se rattrapa, et des chefs de clan des quatre coin du globe. Je n'avais pas réalisé tout de suite, la dernière fois, mais votre nom est connu, et ce qui s'y rattache aussi. C'est pour ça que je suis un peu sur mes gardes, en plus de tout le reste… »
Kanda parut croire à son numéro d'être défensif. En même temps, ce n'était pas faux. Il avait la fichue réputation de faire des orgies. Qu'est-ce qu'un alpha avec, sans doute, un énorme appétit sexuel ferait de lui, un oméga, si ce n'est vouloir le baiser ? Il se doutait bien que tôt ou tard, ça aurait lieu. Tôt ou tard, il le voudrait. Peut-être même qu'Allen le voudrait lui-même, et ça, ça lui faisait encore plus peur. Il préférait retarder l'échéance et avoir le plus de contrôle possible.
Face à son hésitation, ses jambes croisées et ses paroles bégayantes, Kanda fut honnête.
« Tu me plais. Je ne t'aurait pas abordé sans ça. Ça ne veut pas dire que je ne peux pas faire des concessions. »
Ne tiquant qu'à moitié sur le mot concession, car il incluait un désir éventuel qui ne le dérangeait finalement pas, Allen demanda :
« Qu'est-ce que vous me trouvez, en fait ? »
Cette fois, Kanda rit. Allen se vexa un peu. Beaucoup. Qu'un homme, un alpha, qui déclarait qu'il était à son goût se moque ainsi de lui le blessa. D'instinct, il craignait les remarques sur sa condition de maudit, comme si Kanda serait ce genre de personne. Il se doutait que non… mais il en avait tellement entendu, d'alpha qui l'interpellaient dans des couloirs en se moquant de sa cicatrice. Oh, c'était terrible. Il avait peur du jugement d'autrui, autant que de la violence.
Paraissant comprendre qu'il était inconfortable, Kanda se rapprocha sur le canapé. Tout prêt de lui, il se pencha vers son oreille et murmura sur le ton de la confidence.
« Tu ignores donc à quel point tu es mignon. »
Allen croisa les bras.
« Tout ça parce que je suis un oméga.
—Non, pas pour ça. Parce que tu dégages quelque chose qui m'intéresse, et ta personnalité de gamin mal léché m'amuse énormément. »
Allen fronça les sourcils. Il ressentit la peur instinctive d'être un oméga en faute, et comme on le lui avait enseigné, un oméga qui désobéissait à un alpha, c'est mal. Il le savait bien, il avait pris suffisamment de coups de badines pour l'imprimer. Il ne devrait pas autant défier Kanda… Ça pourrait se retourner contre lui. Fermant les yeux, il serra instinctivement les jambes et baissa la tête.
« Excusez-moi pour mon insolence. »
Kanda ricana de nouveau, ce qui fit redresser la tête d'Allen.
« Ne t'excuse pas, ce n'est pas ce que je veux dire. J'aimerais savoir. Est-ce réciproque ? »
La question fit, sans qu'il ne comprenne pourquoi, stresser Allen. Et en même temps, il avait l'impression que c'était évident. L'alpha voulait flatter son égo, ici.
« Vous vous en rendez bien compte, non ?
—Je vois tes regards, mais je ne suis pas dans ta tête, gamin. »
Kanda le toisait avec insistance. Soudain, sa démarche lui sembla plutôt une forme de respect — accompagné d'une suffisance pédante, certes. Sans doute ne voulait-il pas s'imposer en tant que soupirant si son intérêt n'était pas mutuel. Allen le comprenait. Et il n'allait définitivement pas répondre non, ça aurait été bête pour sa couverture, sa mission. Ça aurait aussi été mentir. Il n'aimait pas trop ça, dire des mensonges. Il le faisait régulièrement. Il y serait forcé. Il en avait déjà marre, il voulait être vrai sur quelques points, au moins. D'un autre côté, pourrait-il se refuser à l'alpha s'il concédait ressentir une forme d'attraction pour lui ? Kanda n'avait pas l'air du genre à manipuler en jouant sur ça pour obtenir du sexe.
Encore une chose qui lui faisait juste tellement peur connaissant les alphas que… Il se méfiait.
En dépit de tout bon sens, prenant une faible inspiration, le maudit avoua :
« Oui. Vous me plaisez aussi. Mais je… je ne peux pas… »
Levant les mains, Kanda le rassura.
« Je crois l'avoir compris, Moyashi. Et je n'attendrai rien de toi d'autres que nos arrangements, le temps de trouver une solution pour toi. »
Il n'y en aurait pas, de solution. La seule solution serait la mort de l'un d'entre eux. Encore une pensée qui donnait des sueurs froides à Allen.
« Vous ne devriez pas en faire autant pour moi…
—Sache qu'il y a une seule chose à savoir sur moi, c'est que je fais ce que je veux. »
Face à ces mots et à sa voix forte, Allen ne put s'empêcher de sourire. Il se sentait de plus en plus confiance avec lui. Il avait l'intime conviction qu'il était quelqu'un de bien. D'étrange, d'un peu arrogant, mais pas une mauvaise personne.
« Très bien… J'accepte de vous croire.
—À la bonne heure. Tu veux manger encore quelque chose ? »
Instinctivement, Allen voulait répondre non. Parce qu'il ne voulait pas encore profiter de la bonne nourriture en abondance. Il n'avait pas envie de s'engraisser. Ça lui semblait indécent, il l'avait déjà dit à Kanda, en plus. Puis, il avait déjà mangé. Il haussa donc les épaules.
« Allez-y, je vous regarde.
—Très bien. Jette quand même un coup d'oeil à la carte. »
Se disant, l'alpha déplia un morceau de papier plastifié face à eux. Procédé bien élégant pour pas grand-chose, observait le maudit. Une fois celle-ci devant ses yeux, il dut avouer qu'il avait envie de tout goûter. Il y avait tant de plats, tant de saveur différentes, tant de choix. Allen était curieux et son estomac avait toujours compté dans sa réflexion, voire plus même que sa raison. C'était l'un de ses traumatismes : la peur de manquer. Il avait besoin d'engloutir quelque chose, de manger, d'être rempli, de se sentir nourri. On lui en aurait laissé l'occasion, ça n'aurait pas été bon pour sa santé. Il se souvenait encore de la gifle qu'il avait pris du cuisiner du clan de Luberrier quand il l'avait surpris dans le garde-manger en train de s'enfiler la réserve de fruits. Ça lui avait passé le goût de recommencer. En punition, il avait été privé de repas pendant toute une journée. Il s'en souvenait encore. Ça lui avait semblé si dur ! Ils avaient voulu lui faire la leçon, mais ça n'avait rien changé. Allen avait toujours autant besoin de manger sans savoir pourquoi.
Il loucha sur des sortes de friandises, il était écrit dango Mitarashi. Kanda remarqua où se trouvait son regard, et lui demanda s'il les voulait. N'osant dire oui, il secoua la tête. Ce fut sans compter sur l'obstination du chef de clan qui appela le service d'étage, demandant des sobas — Allen ne savait pas ce que c'était — avec des dango.
Une fois qu'ils commandèrent, ils furent presque servi immédiatement. Il n'y eut que cinq minutes de silence avant que l'on ne cogne à leur porte, ce qui choqua Allen. Il remercia l'alpha pour les sucreries. En portant l'un d'eux à sa bouche, il ne put retenir un gémissement de plaisir. Il n'avait JAMAIS mangé quelque chose d'aussi bon. Le rouge aux joues, il s'enfila le reste du dessert à vitesse grand V, ne pouvant résister. Il se sentait si ridicule. Il avait eu beau dénier l'offre, il s'était jeté sur l'assiette devant ses yeux. Ça le fit complexer bêtement. Sans qu'il ne le comprenne, il se sentit triste. Honteux.
L'assiette vide, il attrapa son verre d'eau qu'il but d'une traite. Kanda mangeait ses nouilles, — à la réflexion, Allen l'avait déjà vu en manger l'autre fois, il semblait adorer ça —, mais parut se rendre compte que quelque chose n'allait pas.
« Ne culpabilise pas, Moyashi. Je sais que c'est un luxe pour toi, mais tu avais bien le droit de prendre un dessert. D'accord ? »
Sa morale criait grâce, pourtant, dans le fond, il avait raison. Il n'avait rien fait de mal. À part manger un peu trop vite pour son estomac. La main du plus âgé lui caressa le crâne. Allen ne put s'empêcher de rougir. Kanda était si beau. Surtout, il était si doux avec lui… Il se sentait légèrement dominé par ses attirances physiques comme un adolescent, comme le premier jour où il l'avait vu. Pourtant, il ne devait pas oublier qu'il avait quelqu'un d'important et de fort en face de lui. Que sa sécurité ne tenait qu'à un fil. Il ne connaissait pas assez cet alpha pour pouvoir déclarer sereinement qu'il était pleinement en sûreté avec lui.
Son instinct lui disait que oui, sa conscience marinait dans le trouble.
Il hocha donc la tête, tentant de conserver une respiration sereine. Kanda se reconcentra sur son plat, il mangeait lentement, contrairement à lui. Le maudit ne pouvait détacher sa contemplation de sa silhouette. Malgré lui, il sentait qu'il relâchait des phéromones adoucies, normalement réservées à la séduction. Kanda termina son repas après quelques bouchées. Il se tourna vers lui, une main redessinant la rondeur de ses joues, et levant son menton vers lui.
Timide, rougissant, Allen déglutit.
« Tu acceptes un échange d'odeur avec moi ?
—… Oui. Merci.
—Ne me remercie pas, c'est loin d'être désagréable pour moi. »
Le maudit avait baissé brièvement le regard avant de le relever vers lui. Il ignorait beaucoup de choses, il n'avait jamais connu son premier amour, encore — Link n'était qu'une sorte d'affection profonde apprise par le temps, et il était inexpérimenté. Cependant, il comprenait que Kanda aussi était dans une attentive de séduction. Il lui disait qu'il lui plaisait. Qu'il aimait échanger ses odeurs avec lui. Il lui montrait du respect. Oui, il voulait le séduire. Quelque part, ça n'aurait pas dû le surprendre, c'est ce dont on l'avait prévenu : cet homme séduisait. Il le voulait. Allen aussi, le voulait. Il hésitait sur où il irait sur le long terme. Il était si effrayé.
Quand Kanda l'attira contre lui, ses odeurs d'alpha l'envahirent et il fut encore épris par la pulsion de se soumettre. Cette maudite pulsion qui l'avait empêché de se débattre quand Chaoji l'avait touché. Il eut soudain du mal à respirer, son monde tourna. Il gémit malgré lui, inquiet, en position de vulnérabilité, quand la voix de Kanda prit le contrôle à la place de sa panique. « Tout va bien, Moyashi. Ce n'est que moi. Je ne te ferai rien. » Il s'agrippa contre toute attente au dos de l'alpha, comme pour s'encrer dans une réalité à laquelle il échappait. Il avait toujours du mal à respirer. Il se battait avec son corps pour ne pas se débattre, ne pas trembler face à cette pulsion qui s'emparait de lui. Et malgré tout, plus il sentait les odeurs de Kanda, plus il les aspirait, plus il se souvenait qu'il n'était pas avec Chaoji.
Ces odeurs, c'était celles de Kanda. Elles étaient différentes, douces, fruitées, presque florales. C'était les odeurs d'un autre individu. Quelqu'un qui, pour le moment, ne lui ferait pas de mal. Quelqu'un qui l'enjoignait à respirer correctement. Qui semblait se soucier de lui. Il ne le touchait pas. Il ne faisait rien qu'Allen ne voulait pas.
D'une certaine manière, Allen se trouvait ridicule de paniquer comme ça.
Il réalisa qu'il avait pleuré et que ça faisait sans doute une bonne dizaines de minutes qu'ils étaient en train de se sentir quand il ouvrit brusquement les yeux. Il ne se souvenait même pas les avoir fermer.
« Tout va bien ? » s'enquit Kanda.
Allen opina. Étrangement, les phéromones de Kanda lui faisait du bien. Il avait l'impression de quitter son corps, et dieu qu'il aurait voulu pouvoir le faire plus souvent. Il ne se voyait pas lui demander une autre étreinte. C'était trop intime. L'alpha se rapprocha, une main sur son bras. Il semblait vraiment perplexe.
« Tu as eu l'air terrifié. »
Déglutissant, Allen secoua la tête.
« Je n'ai pas l'habitude de ça… L'effet des odeurs d'alpha me surprend toujours. »
Il y eut un silence.
« Je vois.
—Mais j'aime… beaucoup vous sentir, » il ne voulait pas perdre la chance d'engager une proximité entre eux, puis c'était la vérité. « Vous sentez très bon. Merci. »
Kanda sourit. Il se pencha sur lui, et, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, lui fit un baiser sur le front. Bégayant, Allen sentit qu'il devenait rouge tomate. Cette fois-ci, ce fut un autre ricanement sec qui suivit sa réaction. L'alpha se foutait de lui. Il ne pouvait pas lui en vouloir, il était peut-être ridicule, mais bon sang, ce n'était pas totalement une raison !
Il se passa la langue sur les lèvres.
« S'il vous plaît, Kanda. Dites-moi où l'on va, et ce à quoi je dois m'attendre de ça…
—Ce que tu veux, Moyashi. Cesse de te méfier. Il n'y aura que ce que tu veux. »
Allen fronça les sourcils.
« Comment vous voulez que je ne me méfie pas ? Je ne vous comprends pas. Qu'est-ce que ça vous apporte, en vérité, de sauver un oméga puceau qui n'écartera pas les cuisses pour vous ? »
Il avait levé la voix et poussé une exclamation forte. L'instant d'après, il se mordit la langue. Il n'avait pas pu s'en empêcher. Il avait nommé les choses, sa propre situation. Son coeur battait dans sa cage thoracique et il avait envie de se frapper tout seul pour sa propre bêtise. Au moins, il avait formulé à voix haute son refus définitif de rapport sexuel.
Kanda recula, surpris. Il le toisa quelques instants et clôt ses paupières, les rouvrant sur un petit rictus.
« Tu n'y vas pas par quatre chemins. Je vais te répondre. Je suis un mec simple. Je me prends pas la tête. Je veux faire un truc, je le fais. Et j'ai besoin d'une putain de grosse raison de plus pour t'éviter d'être à la rue et de vendre ton corps à n'importe qui ? »
Allen se tut. Il avait donc pitié. Ça se comprenait, ça aussi. En plus, ça montrait qu'il avait gobé sa couverture. Allen se demanda, l'espace d'un instant, s'il ferait preuve de tant de pitié s'il savait la vraie raison de sa présence à ses côtés.
Sûrement pas.
Assombri, il déglutit.
« Je suppose que non…. Pardonnez mon impolitesse. Je suis un peu à cran. »
Ça aussi, c'était vrai. L'échange d'odeur l'avait tendu plus que de raison. Kanda émit un 'tch'.
« Ne t'excuse pas, petit Moyashi. Ce n'est pas nécessaire. J'comprends que tu sois méfiant. Je ne sais pas ce que tu as vécu, mais si tu acceptes vraiment que je t'aide, tu vas devoir me faire confiance.
—Je suis Allen. Commencez à m'appeler par mon prénom. »
Pour toute réponse, Kanda se marra. Comme si sa demande avait quelque chose d'amusant !
Il finit cependant par rire, lui aussi. Parce que Kanda l'amusait. Qu'il était gentil. Au bout d'une minute, il prit son courage à deux mains et lui demanda à nouveau de le sentir. Kanda fronça les sourcils, vérifiant qu'il était sûr de lui, ce qu'Allen confirma. Il s'en fut, les deux jeunes hommes s'étreignirent.
Cette fois-ci, Allen contint à peu près sa panique. Il se concentra sur la teinte douce des odeurs de Kanda. Il se concentra sur la beauté de l'autre homme. Il s'oublia, oublia tout le reste.
Comme l'autre soir, il repartit tôt le matin, le son d'une promesse résonnant dans ses tympans.
En s'endormant à ses côtés, Kanda avait dit qu'il voulait apprendre à le connaître, son histoire, sa personnalité, il voulait en savoir plus. Parce qu'il lui plaisait. Qu'il ne le laisserait pas tomber. Ils n'avaient pas parlé de relation, ni rien de ce genre. L'entreprise séductrice de Kanda suggérait néanmoins qu'ils en prenaient le chemin.
En d'autres circonstances, Allen le souhaiterait aussi.
Et même dans ce contexte, l'idée lui chatouillait le crâne avec bien trop d'attrait.
À suivre...
Voilà pour ce chapitre, les choses devraient un peu bouger au prochain qui normalement arrivera dans pas trop longtemps. On va essayer, du moins. Pour le moment, le texte se concentre sur la mise en place d'une confiance entre Allen et Kanda dans cette situation qui est très fragile mdr.
C'est possible qu'il y ait des coquilles j'ai pas eu le temps de relire en profondeur mdr je m'en occuperai plus tard si jamais ;).
Reviews, avis quelconque, encouragement, réclamation ? N'hésitez pas à vous manifester, même si je sais que le fandom est un peu mort c'est d'autant plus chouette de le faire vivre un peu TwT.
Bisous et merci d'avoir lu !
