Note : Hello ! Ce chapitre 8 comportera 2 parties.

Fun fact : à la base, le chapitre devait être en un seul morceau et compter trois "petites" scènes. La première, que je vous poste actuellement, est déjà bien grosse, 23 pages. On est sur un gros morceau mais je pense que ça en vaut la peine ;). (Les personnages ont fait ce qu'ils ont voulu c'pas ma faute D:)

Je me suis éclatée à l'écrire et je suis vraiment contente de cette partie qui débloque pas mal de trucs donc je pense qu'elle ne devrait pas plaire qu'à moi ;).

Bonne lecture !

RAR :

Akane29 : Merci beaucoup pour ta review, ça m'a fait super plaisir ! (Et merci pour celle sur SOS aussi) J'espère que l'histoire continuera à te plaire :D


Allen se réveilla sur un canapé, dans une pièce qu'il n'avait jamais vue. Il se demanda où il était, dans un réflexe inconscient. Sa mémoire endormie fit rapidement le lien entre les événements de tout à l'heure et sa sieste improvisée - il ne lui semblait pas avoir dormi très longtemps. Il sentit aussi une odeur de nourriture. Ses sourcils se froncèrent alors qu'il cherchait à se repérer dans l'habitacle, ne sachant pas d'où venait ce qu'il percevait. Il pouvait apercevoir la porte fermée à clef, celles-ci pendaient et luisaient dans le noir. Malgré l'obscurité ambiante, il repéra aussi la fenêtre la plus proche, couverte d'un carton. Il s'en approcha et le déplaça pour observer dehors. Il faisait encore nuit, son intuition ne l'avait pas trompé. Il n'y avait que des immeubles autour d'eux, en ruines, ainsi, il présumait qu'ils étaient dans l'un des seuls tenant à peu près debout. Pas âme qui vive. Puis, la frontière de la ville, avec les hauts grillages abimés. Il s'étonna. Si loin du centre, il espérait que personne ne viendrait les trouver ici. Kanda prenait quand même des précaution, en les calfeutrant ainsi. Étaient-ils en sécurité ?

Il espéra que oui.

Remettant le carton en place, Allen ôta son nœud papillon avec empressement - sa gorge put enfin respirer ! - et réfléchit. Son estomac réagissait à l'odeur délicieuse. Il était déjà tard quand ils avaient quitté le restaurant et qu'ils étaient repassé par le club... Kanda se faisait sérieusement à bouffer au milieu de la minuit ? Sans déconner ? Il n'était pas du tout habitué à ça. Au clan de Luberrier, il y avait des horaires. On ne mangeait pas quand on voulait. Il regarda autour de lui, ne tardant pas à distinguer la lumière qui venait de sous la porte d'une pièce attenante fermée - la cuisine. Il toucha le cuir vieux du canapé, beaucoup moins doux que celui de la limousine, en se levant.

Il fit quelques pas avant de rejoindre Kanda.

Avisant également la lampe sur pied, Allen l'alluma. Une grande pièce à vivre constituée de vieux meubles rafistolés lui faisant face. C'était joliment agencé. En plus d'être vieillot, le mobilier comportait des traces d'usures et il y avait peu de choses. Ça n'avait rien à voir avec l'hôtel luxueux où ils se voyaient. Il y avait quelque chose de beaucoup plus simple ici.

Allen continua d'observer les lieux. Il y avait un aspect très doux dans l'aménagement sobre. Détonnant, des pièces de décoration faits mains, s'il se fiait à des créations ressemblant à des bouquets de fleurs artificielles créés à l'aide de vieux vêtement (quelques-unes des pétales étaient clairement faites en jean), reposaient sur une commode aux tiroirs éraflées. Des gravures y étant tracés. On aurait dit que la commode avait servi à mesurer la taille d'un petit enfant. Sans doute était-ce vrai.

Si ça choquait Allen qu'on ait pu gâcher du tissu pour ça, tant c'était utile, il trouva cela charmant dans l'exécution. Ça ne semblait pas être de Kanda. Allen se trompait peut-être, mais il n'avait pas l'air d'avoir la fibre... artistique ou manuelle. Pas ce genre de manuel, du moins.

Quelques bibliothèques avec des livres jaunis, on aurait dit que tout avait été récupéré à droite à gauche, ou laissé en l'état. Ils squattaient une ancienne demeure ?

Allen fit quelques pas de plus, mesurant la grandeur de l'appartement rien qu'en apercevant que l'ombre du couloir semblait infinie. Pour avoir vécu dans un endroit de ce genre avec Cross et Anita, il connaissait la manière dont c'était globalement agencé et il avait la sensation que ce n'était pas naturel. Impossible qu'ils soient dans un immeuble riche dans ce quartier, ils étaient plus luxueux que ça, au niveau de l'architecture, de ce qu'on lui en avait vanté. Il reconnaissait bien celle des bâtiment lambdas. On aurait dit que pour celui-ci, la cloison avec l'appartement voisin avait été abattue, il voyait une démarcation étrange vers ce qui aurait dû être le fond de la pièce, au niveau du sol, tandis que le couloir se poursuivait. Ses yeux distinguaient aussi un espace plus profond après le cercle lumineux qui l'entourait. Il avait envie d'aller voir comment c'était fait ici, il voulait explorer un peu, mais n'osa pas, de peur de froisser son hôte. De plus...

Son estomac grondait clairement à l'odeur de nourriture omniprésente. Allen ignorait que Kanda était bon cuisinier. Cela le fit sourire. Peut-être que finalement, l'alpha était celui qui avait fabriqué ces bouquets.

« Kanda ? » héla Allen.

Il entendit un bruit métallique, comme le son d'une casserole que l'on remue, la porte s'ouvrit et la tête du plus âgé apparut dans l'encadrement.

« Tu es réveillé. »

C'était une observation.

Allen ricana malgré lui de l'évidence qu'il soulignait, marchant jusqu'à lui et pénétrant dans la cuisine à sa suite.

« Oui, il faut dire que l'odeur... Ça titille mes papilles.

—C'est pour ça que je cuisine, ton bide gronde depuis une heure. »

Ah. Allen rougit, cette fois. Dire qu'ils avaient bien mangé au restaurant.

Il était insatiable. C'était si honteux.

Il avait des questions. Il voulait demander où ils étaient exactement. Mais une part de lui voulait donner le temps à une conversation naturelle de se faire, en tête à tête complet, dans ce lieu où ils étaient seuls - il n'entendait pas un bruit, ici. Kanda semblait avait trouvé un cocon parfait. Il poserait ses questions après.

« Ça arrive souvent, il ne fallait pas vous embêter. J'en suis désolé.

—Cesse de t'excuser. Je t'ai dit que je vais te faire manger. »

Allen fronça les sourcils, croisant les bras, défensif.

« Je vais finir par croire que vous voulez vraiment m'engraisser... Vous me gâtez trop. »

On l'engueulait souvent pour son appétit, alors quelqu'un qui ne s'en offusquait pas...

Comme Kanda soutenait son regard avec l'air de penser qu'il était bien casse-pied à se plaindre de ses attentions, Allen abandonna, se mordant la lèvre.

« Vous cuisinez quoi de beau ? Ça sent super bon. »

Il ne pouvait pas dire qu'il n'était pas flatté qu'il se donne cette peine. Et enthousiaste, d'être seul avec lui. La joie qui l'avait saisi en voiture n'avait pas disparue. Il se sentait un peu inquiet, aussi. Il avait confiance en Kanda mais ils étaient seuls ici... Sa paranoïa s'activait légèrement. Elle n'était pas assez forte pour qu'il ait vraiment peur de Kanda. Il faisait tout pour le mettre à l'aise, il fallait le dire. Était-ce une stratégie pour le manipuler ? Allen n'en avait pas l'impression et il s'en voulait, parce que c'était lui le plus manipulateur des deux ici, mais il était tellement habitué à ce que les alphas se comportent comme ça ! Il avait entendu tellement de choses, aussi. Il se fit violence. D'autant qu'il avait promis à Kanda de ne pas se montrer anxieux, et qu'il avait besoin de lâcher prise. Il ne pouvait pas se montrer aussi consciencieux des statuts, de leur situation, des risques qu'il encourrait, à chaque fois.

Kanda ne lui ferait aucun mal. Il en était sûr.

Son instinct le lui disait. Il n'écouterait pas sa peur.

Loin de suivre ses pensées, Kanda continuait de tourner la cuillère dans la casserole en ébullition.

« Rien d'extraordinaire, je te fais quelques raviolis.

—Je n'ai jamais goûté. »

Kanda haussa un sourcil.

« C'est pourtant un plat banal. Tu manges quoi, dans la famille qui t'emploie ? »

Il avait un petit rictus moqueur. Si Allen aurait pu le prendre pour une taquinerie badine, il pinça ses lèvres, agacé. L'écart entre eux se faisait ressentir à nouveau. Kanda s'en rendit compte avant qu'il ne dise quoi que ce soit.

« Pardon, j'ai été maladroit. »

S'il s'en excusait sans demande de sa part, c'était au moins le bon côté des choses. Ça aussi, c'était énervant, mais Allen sentait que Kanda n'était pas un mauvais bougre. Il faisait attention à lui, il semblait conscient de certains de ses privilèges et de l'écart entre eux, mais parfois... il l'oubliait. Pouvait-il lui en vouloir ? Aurait-il conscience des mêmes choses à sa place ? Allen ne savait pas. Il refoula son agacement, préférant pousser un soupir discret. Il sourit ensuite.

« C'est bon, c'est rien. Je... On mange souvent du pain, un peu de viande, et une soupe. C'est basique.

—Putain, je comprends pourquoi t'es si peu épais. »

Allen vit un peu rouge, en revanche. Au diable le "refoulement".

Cette remarque une fois, il comprenait. Deux fois, ça devenait un peu lourd, mais c'était une boutade. Une petite pique innocente. Trois, ça commençait à réveiller son sentiment de vexation, ainsi que de ras-le-bol. Il n'avait pas envie que Kanda lui sorte ça à chaque fois qu'ils parlaient de nourriture et qu'il le voyait manger. Vraiment, Kanda devait se sentir concerné par son état, il l'avait pris sous son aile, Allen arrivait à se mettre à sa place et à se dire que ça partait d'une bonne intention.

Ça restait chiant. Il aurait voulu ne rien dire, serrer les dents et encaisser. Avec les alphas, un oméga devait faire ça.

Pourtant, Allen se résolut à ce que son irritation transparaisse. Il ne voulait pas accepter ça. Ignorant le fait qu'il aurait dû faire le contraire, il parla sans détour, remontant des yeux craintifs sur le plus âgé :

« Fichez-moi la paix avec ça, » son regard finit par se raffermir. « Je ne plaisante pas, Kanda. Même quand je mange davantage, je perds du poids. Je ne comprends pas bien pourquoi. Je sais que ça vient d'une inquiétude, mais ça devient pénible pour moi que vous me dites toujours ça. »

C'était vrai. Sur toute la ligne.

Kanda soupira à son tour. Il observa un silence, puis, il parla :

« D'accord, j'arrête de te taquiner. Tu as raison, j'ai été maladroit sur ce sujet. Excuse-moi, je n'aurais pas dû insister autant. »

Allen fut... étonné.

Qu'il accepte ses limites et qu'il reconnaisse ses torts. Il avait beau ne pas oser, lui en imposer de temps à autre en cherchant à trouver la faille, le moment où Kanda lui montrerait qu'il n'était qu'un alpha comme les autres et que son numéro de charme était à prendre comme du bluff, Kanda avait toujours des réactions profondément humaines. Les alphas n'étaient pas tous si pourris que ça. Car Kanda ne devait pas être le seul, ça aurait été impossible. Ils étaient rares, mais les alphas décents existaient bel et bien. Allen en fut encore ébahi. Ce comportement aurait dû être le minimum, il n'aurait pas dû s'extasier devant ça. Beaucoup d'individus avec une réputation moins effrayante que Kanda ne remplissaient pas ce fameux minimum. Comment réagir autrement ?

Surtout, Allen se demandait sincèrement si les rumeurs ne mentaient pas, à la fin. Était-ce vraiment le chef de clan sanguinaire dont il avait entendu parler ?

Merde.

Allen restait sans voix. Cela fit rire Kanda.

« Tu imites la carpe, avec ta bouche ouverte. »

Cette fois encore, le maudit prit l'option de l'honnêteté.

Bredouillant entre ses dents, il réussit à former des mots, se passant une main derrière le crâne qu'il gratta nerveusement.

« J'avoue n'être pas habitué à ce qu'un alpha... soit si ouvert aux remarques d'un oméga. »

Kanda arrêta la plaque, tout en l'écoutant. Il prit un bol et versa le contenant de la casserole à l'intérieur, attrapant des épices qu'il posa sur la petite table plus loin dans la pièce - la cuisine était plutôt petite, ce qui confortait Allen dans l'idée que l'appartement avait dû être joint à un autre, car si l'architecture était naturelle, ils n'auraient pas fait une cuisine si petite. Il attrapa des couverts. Dans le même temps, Allen s'était accoudé contre le plan de travail, observant le réfrigérateur qui vrombissait dans l'angle, signe d'un flux électrique instable - ou de sa vieillesse.

L'homme tira gentiment la chaise, et fit signe à Allen de s'y installer.

Remettant ses mèches blanches de côté - il fallait vraiment qu'il demande à Link de lui faire couper les cheveux, Allen s'avança. Kanda n'avait pas répondu. Allait-il le faire ? N'avait-il rien à répondre ?

L'avait-il... vexé ?

Non, il n'aurait pas servi Allen avec autant de nonchalance.

Kanda s'installa justement en face de lui, le maudit passant devant la chaise avant d'y déposer ses fesses. Elle n'était pas très confortable. Ça changeait des sièges luxueux des restaurants hors de prix. Paradoxalement, ça le mit à l'aise.

« Sache que je m'en fous un peu, des statuts. »

Allen pensait s'en rendre compte. Encore cette chance d'alpha. Il ressentait tellement d'envie à ce propos. Il se mordit la langue.

« J'aimerais m'en foutre aussi. »

Kanda eut un mouvement de recul. Il sembla encore une fois frappé de sa maladresse. Allen voulut s'excuser, car pour le coup, il n'avait pas vraiment voulu le rabrouer. Seulement exprimer sa frustration.

Le chef de clan parut réfléchir. Allen n'osa toujours pas attraper sa fourchette quand il répondit :

« J'imagine que c'est une chance que j'ai. Mais ce n'est pas ça, que je voulais dire. »

De nouveau, il le reconnaissait. Comme la nourriture sentait bon, Allen commença à manger, attentif à ce que dirait l'autre homme.

« Je voulais dire que je ne me pense pas mieux que toi sous prétexte que tu es un oméga. On est des êtres humains. C'est comme que je te disais au restaurant. Les statuts et les odeurs influencent certains de nos comportements, certes. Je le sais bien, j'en suis le premier agacé. J'ai envie d'une connexion humaine, avec mes omégas. Y compris avec toi. »

Pour ça, ils étaient sur la même longueur d'ondes.

Allen lui-même voyait bien que son statut et les odeurs que les alphas sécrétaient jouaient sur ses réactions. Ça l'agaçait autant que Kanda. Pour des raisons sans doute différentes. Ça le rendit curieux, il voulait en savoir plus. La mentalité de Kanda lui plaisait de plus en plus, en tout cas. Il donnait envie de lui faire confiance. Allen ressentait ce bien-être quand ils parlaient ensemble, même quand ils se tournaient un peu autour. Son instinct lui soufflait de croire Kanda. De ne pas se sentir sur la défensif. Malgré le contexte qui l'amenait à le fréquenter. Allen cherchait sans cesse un moyen de le haïr ou un moyen de l'apprécier en toute sécurité.

Il semblait évident qu'il ne trouverait pas le premier.

Le deuxième ne serait jamais que partiel. Mais il décidait toujours d'y succomber. C'était juste dur, il n'y était pas habitué.

« Pour un alpha, ça doit quand même être différent... » Allen réfléchissait ainsi à voix-haute. « Je me demande dans quelle mesure ça vous touche ? Pourquoi cet agacement ? »

Comme Kanda resta neutre, Allen ne sut déceler si ses questions lui déplaisaient ou non. Il se justifia :

« Je n'ai jamais pu discuter de ça avec personne, je me montre curieux. »

Allen prit quelques raviolis - Kanda lui avait fait une bonne portion, ça le calerait. Le plus âgé croisa les bras.

« C'est vrai qu'on est moins prisonniers des odeurs, et des conventions. Mais on l'est aussi. Tu as dû le comprendre, j'ai été élevé pour être un parfait alpha. »

Allen opina. Son cœur se serrait quand il pensait à ce que Kanda avait pu vivre - bien sûr qu'il avait de l'empathie pour lui. Il s'en voulut de lui faire peut-être penser à des mauvais souvenirs.

« Je serai franc avec toi, j'sais pas du tout si c'est surtout dû à mon second-genre, ou si c'est dû à mon statut social. Je mesure mes chances, et je veux pas m'en plaindre. On me l'a juste bien fait sentir, toute ma vie. Et j'ai toujours détesté ça. Honnêtement. J'ai une aversion profonde pour tout ce qui est protocolaire, tout ce qui reste à la surface des choses. »

Il est le parfait opposé de Link, songea alors Allen. Il adorait les choses lisses et sans accrocs. Link voulait que je sois comme ça.

Et Kanda sait exprimer ses émotions. Il a une de ces aisances. Je n'ai jamais encore vu un alpha faire ça. J'aimerais tant en être capable, aussi bien.

Kanda poursuivait déjà :

« Donc oui, je suis un alpha. Oui, parfois, j'aime dominer, et j'en ai l'habitude, c'est plus facile. Quoique, ça, j'en sais trop rien. Ça demande de l'énergie, j'en ai pas toujours envie. Être le chef, participer à ces soirées, ces simagrées sociales, ça me fait chier. Des fois j'aime bien, mais pas toujours. »

Allen déglutit. Il était définitivement très franc. Encore une fois, Allen n'avait jamais vu les choses sous cette perspective. Il était vraiment étonné aussi qu'un alpha se montre vulnérable, comme ça, sans détour. Kanda était surprenant. Très surprenant. Il aimait ça.

Le maudit se passa la langue sur les lèvres.

« Désolé, je vais encore ramener ça, mais d'après le garçon qu'on a rencontré, et ce que je sais de vous... Quand il s'agit du lit... Enfin, je veux dire, votre plaisanterie au restaurant, aussi, c'est... »

Comme il bredouillait, Kanda ricana :

« Apprends à appeler un chat un chat, Moyashi. On est tous les deux, sois direct. Ces maladresses ne sont pas nécessaires. »

Allen fut piqué au vif, haussant un sourcil vexé.

« Je n'ai pas la même liberté que vous sur ce sujet, Bakanda. »

Kanda se crispa au surnom, aussi, Allen s'autorisa à rire, sa défense s'envolant. Il était moins libre que lui concernant la sexualité, certes, il avait beaucoup plus de tabous et de craintes. Pourtant, il était détendu à cet instant. Ce pourquoi il ne fuyait pas la conversation. Il appréciait même de pouvoir en parler en toute légèreté. Ce n'était jamais arrivé.

« Quand ça concerne les rapports intimes, vous avez l'air de dominer naturellement. Vous en êtes moins complexé. On dirait, du moins. »

Il l'avait dit. Kanda acquiesça.

« C'est paradoxal, mais ça me fait lâcher prise, tu avais vu juste. »

Allen fut étonné qu'il se souvienne de ses paroles. Kanda était décidément attentif. Lui l'était parfois moins, et ça l'effraya de laisser glisser des informations par mégarde pour les oublier ensuite. Il faudrait qu'il se montre très prudent.

« C'est compliqué à comprendre, fit l'épéiste, et comme je sais, justement, que tu n'es pas familier avec tout ça, je ne veux pas t'effrayer en te parlant de ces choses.

—Je ne suis pas un enfant non plus, rétorqua Allen sans se départir de son sourire. Et je suis curieux, sinon je n'aborderai pas le sujet. Je veux vous comprendre un peu mieux. »

Kanda lui offrit un sourire ravageur. Il semblait content qu'Allen montre de l'intérêt. Cela fit rougir l'oméga, bien évidemment. Un tel sourire sur ce visage... Kanda était vraiment beau.

Une énigme agaçante, mais tout aussi fascinant que magnifique. Il n'y avait pas que son physique qui était plaisant. Allen décidait de plus en plus que sa personnalité l'était aussi.

« Les fantasmes et la vie, c'est différent. Même quand on les accomplit. Ça dépend des gens, mais pour ma part, j'aime avoir le dessus car en vérité, ce n'est pas vraiment moi qui l'aie et que toute s'arrête après le sexe. »

Allen avait du mal à comprendre ça. Il n'y connaissait rien. Déjà dans le sexe classique, alors dans ce que Kanda semblait pratiquer... Il était paumé.

« C'est à dire ? »

Kanda ne s'offusqua pas de son visage froncé.

« Mon oméga, même si je le soumets, décide de tout. Il peut arrêter à tout moment. Me demander quelque chose de précis, ou d'arrêter cette même chose. Bien sûr, je propose des choses, je dirige une fois que je sais ce sur quoi l'oméga est d'accord, et tout réside là-dedans. Ça doit aussi être pareil dans toute relation sexuelle, pas que dans les rapports de domination. Tout est défini. On est égaux, c'est du semblant. »

Allen gigota sur sa chaise.

Il ne voyait pas comment ça pouvait se produire, et ça le rendait à la fois curieux, un peu hésitant, un peu mal à l'aise mais pas à cause de Kanda, à cause de sa propre vision de la sexualité, de ce qu'on lui avait dit : un alpha aimait un oméga soumis - là-dessus, Kanda semblait aussi aller dans ce sens, bien qu'il ait l'air de rechercher une forme égalitaire là-dedans. Allen ne pouvait pas se le représenter. On lui avait toujours fait sentir que ça serait comme ça, dans le sens où il n'aurait rien à dire, et où il n'y aurait rien de "faux" dans la reddition qu'on attendait de lui. Tout ceux qui lui avaient parlé de sexe n'avaient jamais utilisé le mot égal, et le voir utilisé dans un contexte qui retenait quand même une idée de soumission le décontenançait.

C'était, à ses yeux, impensable.

Et ses réactions face aux odeurs, ce qu'on lui avait fait... Allen avait si peur de ne pas avoir le contrôle. Il se figea avec sa fourchette. Kanda remarqua son malaise. Il n'y fut pas insensible.

« Tu sais, je te parle de mes expériences comme tu l'as demandé. Il n'est pas question de te pousser à ça, notre relation ne s'y prête pas. Sache seulement que le sexe peut aussi exister sans ces rapports-là. Et j'y prends aussi du plaisir. C'est juste un jeu que j'aime faire avec ceux qui le désirent également. Mais je peux comprendre que ce soit dur à appréhender. On peut changer de sujet, si tu veux. »

Allen déglutit à nouveau. Il encaissait, essayait de faire le tri dans les informations. Il était toujours à l'aise. Kanda avait cette façon très douce d'expliquer les choses, tout en étant direct. Le contraste était saisissant.

Comme Kanda était très honnête, il décida de dire la vérité à son tour.

« Je sais bien, et j'apprécie votre considération. Ça me fait réfléchir. Vous et moi, on ne sait pas encore où on va. Je ne pense pas pouvoir accepter ça, jamais. J'ai toujours entendu qu'un oméga devait écarter les jambes et se montrer docile. On m'a dit ça à maintes reprises, mot pour mot. »

Cross le lui avait dit, Link le lui avait dit. Chao Ji... le lui avait montré. Allen ne voulait pas y penser maintenant. Il chassa la pensée en plissant les yeux, refoulant tous les sentiments qui montaient en lui.

Il était avec Kanda, tout allait bien, tout allait bien.

Et tout irait bien ce soir. Il le voulait.

Allen parla donc sans détour.

« Ça m'effraie autant que ça me dégoûte. Je ne vous juge pas, mais personnellement, je ne pourrais pas faire ça. Je ne sais même pas ce que je veux. On va passer deux jours ensemble. J'ai envie de vous connaître. Je me sens bien avec vous. Mais j'ai peur de ça. »

Allen mettait enfin des mots sur ses émotions, encouragé par la manière dont communiquait Kanda. Ça le soulageait à peine.

Il ne savait absolument pas en quoi consistait ces jeux, de toute façon, mais il n'était pas idiot, il en avait une idée. Il avait beau avoir répondu à la plaisanterie de Kanda en lui disant qu'il voulait bien voir sa vision de la discipline, si ça impliquait vraiment des fessées... il n'était pas bien enthousiaste. Ça lui rappelait trop les coups de bâtons de Link.

Kanda hocha la tête.

Aucune gêne sur son visage, aucune déception.

Allen ne voulait pas lui parler de son agression, bien que ça aurait été judicieux, s'ils se rapprochaient vraiment un jour- mais pas comme ça. Il ne savait pas s'il pourrait se laisser séduire par l'alpha ainsi. Tout en lui le voulait : et pourtant, ces aspects l'effrayaient. Il était encore plus paumé.

Que faire ?

« Je te l'ai dit, le sexe est un spectre beaucoup plus varié que ce que ça. Et on a dit qu'on ne ferait rien de sexuel ensemble, donc je n'attends toujours rien de toi. Je ne compte pas outrepasser tes limites. »

Allen en fut encore une fois rassuré - l'entendre le calmait.

Il mangea encore deux bouchées, réfléchissant à leur conversation. Il ne pouvait s'empêcher de s'interroger.

« C'est tout de même assez protocolaire, ce dont vous me parlez, si tout est défini ? Et vous aimez ça ? »

Kanda rit de nouveau.

« Ça reste avant tout du jeu, et l'excitation est présente. »

Comme Allen rougissait, Kanda se racla la gorge. Il décida de changer de sujet.

« En dehors de ça, j'aime que mes omégas soient eux-mêmes autant que possible. Je n'aime pas non plus les relations superficielles. »

C'est pour ça qu'il semblait autant lié avec le garçon, même si Kanda avait dit que c'était platonique.

Allen était étonné qu'ils s'entendent bien, tous les deux, parce que pour le moment, ce qu'ils faisaient, autant l'un que l'autre, c'était gratter la surface. Allen ne pouvait pas lui donner la connexion profonde et ingénue que Kanda espérait. Parce que ça aurait été équivalent à dire la vérité. C'était impossible.

Et Kanda... était encore trop complexe à son goût pour qu'Allen puisse se connecter vraiment avec lui, même si petit à petit, ça arrivait. Allen ne le détestait pas. Ils se chamaillaient un peu, sans doute moins que ce qu'ils auraient fait si Allen pouvait parler plus librement car il aurait pris moins de gants à son tour. Ou peut-être que non. Allen n'aurait pas eu peur, s'il n'y avait que du désir sans la tâche qu'on forçait sur lui, alors il se serait laissé charmer avec beaucoup moins de méfiance. Il ignorait ce qu'il aurait été de leur relation en d'autres circonstances, et il trouvait ça dommage.

Oh, il aurait sans doute été intrigué et désarçonné par ses multiples facettes. Kanda était mystérieux. Il le resterait sans doute. Ça participait à un intérêt, une découverte, quelque chose qui lui plaisait. Mais était-ce encore assez ? Ils s'appréhendaient l'un et l'autre. Pour que ces tâtonnements aboutissent, il fallait bien briser la glace.

Ils ne faisaient que taper bêtement dessus, en ne faisant que quelques fissures.

Allen déglutit.

« Vous aimez la proximité sincère, mais on est encore hésitants, tous les deux. Je peux vous demander si vous ne commencez pas à vous lasser de moi ? Ma méfiance et ma peur ne vous rebutent toujours pas ? »

Kanda haussa les épaules.

« C'est ce que je t'avais dit au début, ça. Ta politesse à outrance aurait pu m'agacer et elle le fait à moitié, comme tu dis, on va passer deux jours ensemble et tu n'oses toujours pas me tutoyer. C'est presque drôle, à force. »

Allen s'étouffa avec sa salive, Kanda ne s'interrompant pas.

« Et c'est ça, le truc. Tu m'amuses autant que tu m'intéresses, ça reste. Je veux te séduire pour que le masque tombe, car j'aime de plus en plus ce que je vois derrière. Notre discussion au restaurant m'a convaincu. Je me trompe rarement sur les gens. Regarde, tu arrives à te montrer aussi direct que moi. Ça me plaît. »

Alors détrompez-vous, je ne sais pas ce que vous voyez, mais vous vous gourez totalement sur moi.

Allen se sentit mal, à nouveau, à ces pensées. Il eut envie de rire jaune. Il tenta de se concentrer sur le reste.

Le sentiment d'intérêt mutuel était indéniable, quel que soit le contexte entre eux deux.

Allen piquait progressivement un énorme fard, la pluralité de ses sentiments l'impactant. L'embarras gagna. Il évita le regard du plus âgé, se tortillant maladroitement. Kanda voulait le séduire et il n'y allait pas par quatre chemin, encore, sa part la plus intime en était conquise. Son ventre se contractait agréablement - ou peut-être pas, il l'ignorait. Il était touché de ces attentions, il avait envie de se dire que Kanda percevait des qualités plaisantes en lui - Allen ne manquait pas d'estime de lui au point de se dire qu'il n'y en avait pas, au contraire, il savait qu'il possédait des qualités qu'on ne voyait que peu en lui et il avait envie d'être remarqué. Ce n'était pas ce que le motivait le plus - sa survie primait, pourtant, au fond, ça existait.

Il ne l'avait encore jamais été, et ça l'agaçait en revanche au plus profond de lui que ce ne soit pas pour les bonnes raisons. C'était vraiment ironique, car Kanda ne se doutait pas que ce qu'il y avait derrière ne lui plairait justement pas.

Allen en culpabilisait fortement. Parce qu'il comprenait bien, même s'il n'avait pas d'expérience en la matière et que ses relations avec les autres n'étaient pas épanouissantes au clan, basée soit sur de la soumission forcée, des faux-semblants et de la fausse-politesse, qu'il se passait quelque chose ce soir avec Kanda. Un genre de tournant décisif pour leur relation.

Ce qui contracta son estomac fut cette fois de l'anxiété pure et simple.

Il ne savait pas forcément s'il était bon pour cerner les gens ou non, dans son cas. Sans doute pas, comme il avait cru faire confiance Link et que Link ne l'avait pas soutenu. Tout comme il ne s'était pas méfié de Chao Ji, qu'il pensait juste un peu idiot. À une époque, il avait espéré se fier à son maître, qu'il respectait malgré ses nombreux comportement malsains. Avant qu'il ne le vende. Non, Allen n'avait à la fois pas eu le choix - Link lui avait été imposé comme fiancé -, d'autre solution - Cross l'avait pris en charge après la mort de Mana sur la demande ce dernier -, et l'occasion - Chao Ji s'était d'abord montré amical, avant de l'enfumer de son odeur - de se poser plus de questions.

Il se battait avec lui-même pour se dire que ce n'était pas sa faute. Combattre les souvenirs était dur quand ils étaient si vifs.

Pour ce qui se passait ici avec Kanda, il était totalement coupable. Il tombait sous son charme activement. Le regretterait-il à nouveau ?

Il serra les poings, ravalant son malaise.

« Pour le tutoiement, je... j'en attendais la permission.

—Tu l'as, si tu veux. Je te tutoie depuis le début, j'admets que j'attendais que tu en fasses autant. T'as été lent à la détente. »

Kanda arborait encore cet air à demi-narquois. Sa considération montrait à Allen qu'il était conscient de ce qui le poussait à rester formel à ce niveau, sans que ça ne l'empêche d'en plaisanter. En vérité, le maudit ne le blâmait pas. Il aurait pu demander avant, et aurait même dû. Surtout maintenant qu'ils parlaient relationnel, en détail.

Tutoyer quelqu'un, c'était outrepasser la barrière de la politesse, marquer la proximité. Le vouvoiement rassurait Allen sur les limites entre eux. En plus du respect qu'on lui avait inculqué enfant dus aux êtres plus haut dans la hiérarchie sociale. Mana l'avait élevé avec ces principes, dans une démarche bienveillante. Link avait renforcé l'idée en lui qu'un oméga devait respecter les alphas, ainsi que tout membres mieux placés que lui de la société, et que c'était comme ça.

Si cette notion d'éloignement disparaissait, ça pousserait celui entre eux à s'amenuiser davantage.

Allen avait juste voulu s'accrocher à cette distance. Kanda lui demandait de la laisser partir.

Sans l'y contraindre, ce pourquoi Allen considérait l'idée sous un angle positif.

« J'ai vite compris que vous... que tu étais quelqu'un d'important. C'était dur, pour moi, de passer outre cette impression. Ça l'est encore.

—Et pourtant, on veut une relation d'égalité, n'est-ce pas ? »

Le sourire de Kanda fut plus doux. Allen le lui rendit, un léger étirement des lèvres entre amertume et contentement.

Bien sûr que oui. Il l'aurait voulu si seulement ils avaient pu être vrais. Allen voulait peut-être faire semblant en arrêtant à moitié de faire semblant. Vu comme ça, ça faisait encore plus bizarre.

« D'accord. Tutoyons-nous. Kanda, je te remercie pour les raviolis. »

Allen ne pouvait pas refuser. Il baissait les armes.

« J'en suis ravi. Ces petits moments entre nous, je les aime bien. »

Le maudit ne put s'empêcher de sourire, une chaleur dans le cœur.

« Moi aussi. »

Il était sincère.

Kanda lui tendit la main. Allen la saisit gentiment. Il commençait à se sentir fatigué. Il fallait dire qu'il était tard. Il ne savait pas exactement quelle heure, mais il commençait à piquer du nez.

« On peut aller se coucher, si tu veux, dit Kanda. On aura tout le temps de discuter demain. »

Comme Allen rougit de nouveau, se demandant s'ils allaient dormir ensemble, Kanda lâcha sa main gentiment.

« Je vais t'amener dans une chambre seul. Ici, c'est grand, plusieurs appartements sont réunis.

—Oh, j'avais donc raison. J'ai cru m'en rendre compte. »

Kanda plissa le regard.

« Tu as l'œil, il fait sombre ici la nuit et tu n'as pas été bien loin.

—Disons que j'ai une bonne vue, oui. Mais j'ai vécu dans un appartement comme ça, je sais comment ils sont. »

Kanda eut l'air d'acquiescer, sans répondre. Allen rit de bon cœur, un peu nerveux, ravi de la conversation plus légère qui se jouait maintenant. Il hésita tout de même.

« Ça ne me dérange pas, de dormir à vos... tes côtés. On pourra échanger nos odeurs. Si ça ne te gêne pas, je ne sais pas si ce n'est pas... désagréable pour toi. »

Cette fois-ci, l'épéiste fronça les sourcils.

« En quoi ce serait désagréable pour moi ? C'est surtout toi. Les omégas perdent le contrôle, et tu n'es pas toujours rassuré. »

Allen lui envoya un regard d'excuse, aussi, Kanda le balaya d'un geste.

« Je ne t'en veux pas. On ne se connait pas tant que ça, et nos arrangements découlent d'une situation précaire pour toi. Je comprendrais aussi si tu avais peur que je te saute dessus dans la nuit, je ne m'en offusquerai pas. Allen, ne te sens pas obligé de quoique ce soit. On échangera nos odeurs demain, en plein jour. »

Le maudit fut touché de cette considération encore une fois flagrante que lui montrait Kanda. Il l'appelait en plus par son prénom. Ça, ça lui faisait plaisir.

La vérité, c'est qu'il avait vraiment envie d'être contre lui. Il le voulait vraiment. Surtout après leur discussion. Allen lui faisait de plus en plus confiance. Il se mordit la lèvre, et sourit gentiment, parlant naturellement :

« Et bien, je sais que pour un alpha, les odeurs d'un oméga, ça vous fait perdre le contrôle aussi... Je te fais confiance, et j'ai promis de ne pas me montrer craintif. Mais je ne veux pas que ce soit compliqué. Tu vois ce que je veux dire. »

Allen n'était pas incapable de voir cette vérité en face pour autant. Certes, il ne se considérait pas fautif de ce qui lui était arrivé, mais ses odeurs avaient eu leur rôle. Il le savait. Kanda le disait lui-même : ça les gouvernait tous.

L'ombre de colère sur le visage de l'alpha fut si soudaine que cela fit reculer Allen.

Kanda grinça des dents.

« Je sais pas ce que tu crois, ni qui t'a dit ça, mais ceux sur qui les odeurs agissent le plus fortement, c'est vous. On se sent influencé, mais c'est contrôlable. Un alpha qui profite d'un oméga dans ce genre de moment sait très bien ce qu'il fait. »

Allen ressentit ça comme un coup de poignard.

Et pourtant, ce que disait Kanda n'avait rien de négatif.

Au contraire.

Ça confirmait tous ses doutes. Et quelque part, ça faisait mal. Car il y aurait eu au moins cette excuse pour diminuer l'horreur de ce qui lui était arrivé. Ça le frappait parce que si ça devenait quelque chose de voulu par son salopard d'agresseur, quelque chose qu'il n'avait pas voulu réfréner, alors c'était pire. C'était totalement intentionnel. Et c'était douloureux.

Allen refoula les larmes qui montaient et se contenta de sourire.

« Je te remercie de me dire ça. »

Kanda remarqua bien qu'il était figé et que son corps commençait à montrer à sa place des signes évidents d'une forte réaction émotionnelle.

« Allen, tu trembles. »

Le maudit sentit aussi que ses joues étaient plus humides.

« J'ai juste... sommeil.

—Me prends pas pour un idiot. »

Comme Allen hoquetait en ne sachant pas quoi répondre, parce qu'il ne voulait pas y répondre - il y avait pensé tout à l'heure mais il n'était toujours pas prêt à lui expliquer tout ça. Il avait juste besoin de digérer à la fois le soulagement de se sentir mis hors de cause, et la colère de savoir qu'il avait bel et bien été utilisé comme un objet.

Kanda observa son silence et soupira.

« J'ai dit quelque chose qui t'a offensé ? »

Allen fut - décidément - étonné qu'il demande. Il secoua la tête, la renversant en arrière pour ravaler ses émotions.

« Non, pas du tout. »

Il sourit.

« C'est vraiment super, avoua Allen avec une pointe d'émoi dans la voix, que tu sois si... respectueux. Je suis tellement pas habitué à ça. C'est tout. Excuse-moi. »

En disant ces mots, Allen se montrait vulnérable. Ça lui coûtait un peu. Il avait juste le sentiment d'être submergé par de la bienveillance et ça le choquait tellement qu'il en suffoquait presque. Ça n'aurait pas dû être le cas.

Kanda rit jaune en réponse, plus blasé qu'autre chose.

« C'est pas du respect, c'est du bon sens. Je déteste ceux qui profitent de leur statut. Vraiment, si y a un truc qui me dégoûte et que j'aimerais éradiquer, c'est ça. Autant que ces putains d'Akumas. »

Allen sembla y voir quelque chose de personnel, à la façon dont Kanda serrait les poings. Ça l'intrigua, mais il n'osa pas approfondir le sujet, peu sûr de ce que ça impliquait et de si Kanda voudrait en parler. Allen lui-même voyait comment il réagissait à ce propos, il ne désirait pas forcer son embarras sur une autre personne.

Il secoua tout de même la tête.

« Pour moi, c'est du respect. Et j'y suis sensible.

—Ça devrait être le minimum, insista Kanda. Si tu dois être sensible à quelque chose, sois-le au surnom que je t'ai trouvé. Ou à une de mes qualités personnelle. Pas à ça. »

Ne pouvant s'empêcher de ricaner, Allen réfuta de nouveau ses propos. Il reprit la main de Kanda.

« Je persiste, c'est une qualité, d'être comme ça. Par contre, désolé, ton surnom, je n'y adhère pas.

—Fort dommage pour toi, je compte pas l'abandonner.

—Nous verrons bien. »

Kanda et lui ricanèrent. Un moment de complicité. Allen se sentait mieux.

Ils marchèrent jusqu'à la chambre. Kanda le prévint qu'il lui ferait visiter demain. Intrigué, le maudit ne put s'empêcher de se poser d'autres questions.

« Pourquoi avoir réuni les appartements ? »

Kanda ouvrit la porte, et s'arrêta, la main sur la poignée, l'autre tenant toujours celle d'Allen entre ses doigts.

« Je suis juste curieux, précisa le jeune homme à nouveau, est-ce que c'est une sorte de folie des grandeurs ou il y a une autre raison ? »

Kanda plissa à nouveau les yeux. Allen savait qu'il se montrait assez direct, peut-être limite offensant à son tour - il n'avait pas envie d'insinuer que Kanda était du genre démesuré, même si ça avait pu lui sembler être le cas - mais puisque l'autre homme disait aimer ça, il décidait de ne pas se priver.

« Pas vraiment de folie des grandeurs, non. Je voulais faire un refuge pour mettre tout les miens à l'abri en cas de pépin. »

Oh. L'intention était donc noble. Allen fut interloqué, à nouveau.

« Tu voulais ?

—C'est une histoire pour une autre fois, Moyashi.

—Je suis Allen, jusqu'à présent tu t'en souvenais bien ! »

Kanda ricana, émettant un 'tch' moqueur en le voyant tempêter.

Allen aurait définitivement des tas de questions à lui poser plus tard. Il sentait qu'il ignorait plein de choses - et c'était logique, ils ne se connaissaient pas encore très bien. En dehors de sa curiosité, il avait l'impression qu'il comprendrait mieux Kanda en ayant ces réponses.

L'alpha appuya sur un interrupteur. Ils pénétrèrent dans une pièce avec toujours aussi peu de meubles. Trônait fièrement un grand lit aux draps rouges, seule couleur pétante de la pièce, une petite commode blanche, un placard emmuré tout à côté d'une porte qui devait mener vers une petite salle de bain. Allen apercevait effectivement le miroir en s'avançant.

« C'est ma chambre, » dit simplement Kanda en y rentrant le premier.

L'endroit était tout aussi simple que sa présentation. Cela plut à Allen. Il n'y avait rien de trop personnel, c'était d'ailleurs froid en dépit des draps qui donnaient la seule véritable touche humaine ici. Il y avait en effet cette sensation déstabilisante, cette odeur qui rappelait la pluie tombée - l'endroit était sans doute peu visité, cet aspect abandonné et vide. Les murs étaient nus, et contrairement au salon, il n'avait pas habillé la commode. Les murs étaient étroits, l'endroit sombre, même avec la lumière. Parallèlement, il y avait toujours cette touche particulière qui était plaisante, à la façon dont, une fois Kanda à l'intérieur, la pièce commençait à prendre vie. Tout devenait moins oppressant.

Lâchant sa main, l'alpha s'enquit d'ouvrir la fenêtre, le store baissé à moitié cassé fit rentrer un air frais mais agréable, si petite qu'on aurait presque dit celle d'une cellule. Allen aperçut une petite table de chevet comportant un tiroir avec une clef dans la petite serrure. Ainsi en évidence, est-ce que ça cachait quelque chose d'important ou était-ce juste un accessoire... À en juger par présence de Kanda en ville, il ne devait pas venir ici souvent. Allen rangea sa curiosité. Il remarqua - tardivement - aussi un sablier avec un lotus à l'intérieur. Il fonça le voir du plus près.

« C'est vraiment beau ! s'exclama Allen en posant sa main sur le verre. C'est toi qui l'as fait ? Comme les créations dans le salon ? »

Le visage de Kanda se crispa, aussi Allen craignit d'avoir outrepassé une limite sans le savoir. Il vit l'alpha s'approcher, ses pas feutrés le menèrent debout juste à côté de lui. Allen n'aima pas se sentir ainsi plus petit lorsque Kanda était si proche, mais il n'y pouvait rien. Kanda toucha lui aussi le verre, le caressant de manière nostalgique.

Allen comprit.

Ce n'était pas à lui.

« Quelqu'un me les as offerts. Je n'ai pas le temps de confectionner ce genre de trucs. »

Allen s'autorisa à sourire, essayant d'être un tant soit peu précautionneux dans la manière de s'exprimer.

« Je m'en serais douté. »

La douceur de sa voix compensa son insolence. Kanda ricana en fronçant le nez.

« Pourquoi ? »

Le maudit haussa les épaules.

« Tu n'as pas l'air d'être assez patient. »

Kanda consentit à rire franchement.

« Tu seras déçu. Sache que j'aime beaucoup jardiner. Et je suis un lecteur régulier. Je sais être patient. Je ne suis pas qu'un bourrin avec une grande gueule, si c'est ça que tu crois. »

S'il eut peur de l'avoir vexé, Allen choisit de continuer la taquinerie - ça restait gentillet.

« J'en sais rien encore, mais je serai ravi d'en découvrir plus. »

C'était on ne peut plus vrai. Allen avait eu bien raison de croire son intuition. Ce soir, il était en train de vraiment succomber. Il voyait son enthousiasme grossir de façon exponentielle. C'était vraiment une soirée merveilleuse.

Il en oubliait presque qu'ils en étaient là parce que des membres d'un clan ennemi l'avait repéré et désirait lui faire sa fête.

Sous cet angle, c'était nettement moins "merveilleux". On avait en effet vu plus romantique.

Pour le moment, Allen espérait qu'ils trouveraient une solution. Toute cette merde s'épaississait. Il aurait des conseils à demander à Tyki. Mais il n'avait pas envie d'y penser. Pas dans ce moment-là.

« Je suis content, avoua Kanda, que tu veuilles en savoir plus. »

Allen lui sourit, s'asseyant en premier sur le lit. Il fit un signe de la main, demandant muettement à Kanda de se joindre à lui.

« Est-ce qu'on peut échanger nos odeurs ? »

Le plus vieux hocha la tête. Allen était à l'aise. Il était tellement content. Il avait presque envie d'embrasser Kanda.

Ça ne lui était encore jamais arrivé, une envie ingénue, si spontanée, d'embrasser quelqu'un !

Et c'était étrange. Parce qu'il était en même temps effrayé pour toutes les raisons qui tournaient dans sa tête, et aussi parce qu'il ressentait cette envie de manière paradoxalement décomplexée.

Il ne savait pas s'il se lancerait. Il ne voulait pas allumer l'alpha. Il avait la sensation que Kanda n'aurait de toute façon rien tenté de plus, pas avec ce qu'il lui avait dit, mais... Allen ne pouvait pas se départir de la sensation qu'il aurait envoyé un mauvais message en se montrant direct alors qu'il n'était pas prêt à plus.

L'oméga hésita, Kanda l'attirant dans une étreinte bienfaisante qui lui fit vite oublier le reste.

Allen sentit le tremblement caractéristique prendre possession de son corps. Il aurait pu se mettre à suffoquer. Une part de lui ressentait quelque chose d'étrange, comme s'il était là sans être là, comme s'il se dissociait de lui-même. C'était le cas. Et Allen réussit à s'ancrer en se figurant, pour la première fois, que contrairement à celle de son agresseur dont il ne voulait même pas prononcer le nom en pensée - surtout pas maintenant, l'odeur de Kanda avait quelque chose de particulier.

Il s'y abandonna sans crainte, l'alpha se tendant en ne s'attendant pas à un tel degré de relâchement. Il avait les bras crispés dans son dos, l'air d'hésiter pour ne pas le mettre mal à l'aise.

L'influences phéromones plaçait Allen dans un état étrange. Presque léthargique, mais pas que. Des sentiments qu'il ne savait pas analyser se réveillaient en lui. Ils étaient bienfaisant alors Allen ne s'en inquiéta pas plus. Kanda sentait bon, c'était Kanda, c'était tout ce qui lui importait.

Il avait confiance en l'alpha. Les phéromones parlaient pour lui, elles endormaient toute méfiance, toute mesure.

Allen aurait pu avoir peur de se comporter ainsi. Une part de lui encore en alerte avait peur.

Lorsque Kanda le repoussa gentiment, il releva son visage d'un pouce sous le menton. Allen était là à haleter, comme un idiot. Il inhala un air non-pollué de fragrance et sa conscience revenait à lui-même. Il avait du mal à avoir une respiration régulière.

Kanda bougea sa main, de façon à caresser sa joue.

Allen eut le réflexe de se sentir humilié de s'être abandonné sans retenue - parce que ce n'était pas son genre. Mais ça s'était bien passé. Et il savait que techniquement, bien que cet effet soit connu, le fait que ce soit si installé chez lui était le signe qu'il n'avait pas beaucoup échangé ses odeurs avec qui que ce soit dans sa vie. Link ne le lui avait jamais accordé, si maintenant rien que l'idée l'aurait fait vomir. À part Mana enfant, personne ne lui avait vraiment montré cette affection.

Encore une chose honteuse à expliquer si l'alpha s'étonnait à nouveau du degré avec lequel il était affecté par ses phéromones.

« Ça va ? »

Allen opina.

« Oui, je me suis seulement laissé aller. Pardon.

—Ça ne me gêne pas, » rétorqua immédiatement Kanda en venant caresser gentiment ses cheveux. « Je m'inquiète seulement pour toi. J'ai bien vu que les échanges d'odeurs te mettaient en position délicate. »

Il avait paniqué jusqu'à présent, en effet, et en même temps, ça lui faisait du bien. Parce qu'instinctivement, pour un oméga, quand c'était fait avec respect et que l'effet submergeant était contrôlé, c'était bien.

Allen déglutit. Il s'appuya malgré tout dans la caresse. Il ne voulait pas que Kanda pense que ça n'allait pas à cause de lui. C'était faux. Il avait du mal, certes, mais ça lui plaisait vraiment.

« Je me sens bien, ne t'en fais pas. Kanda... embrasse-moi, s'il te plaît. »

L'alpha eut un mouvement de recul soudain.

Allen faillit rire. Cet homme lui parlait de sexe sans sourciller - en répondant certes à ses questions - mais il sursautait à la demande d'un baiser.

C'était presque mignon.

Le maudit ne savait pas ce qu'il faisait, il savait juste qu'il le voulait. Le reste des phéromones qui influaient sur son système nerveux parlait peut-être pour lui. L'oméga savait qu'il compliquait tout en initiant lui-même ce type de relation avec Kanda. Mais Allen en avait assez de mentir, tout le temps, de faire semblant d'être heureux au clan, d'être docile, d'accepter son destin et de ne rien contrôler. D'être l'oméga sage qu'on avait essayé de faire de lui.

Allen voulait l'embrasser. Ce n'était qu'un baiser.

Il ne pouvait pas se battre contre l'attirance et l'affection grandissante qu'il ressentait.

Kanda plissait encore les yeux. Allen vit sa pomme d'Adam bouger dans sa gorge. Il était nerveux. Ça le détendit, de ne pas être seul à ressentir ça.

« T'es sûr de toi ? Je veux dire, tu es assez maître de toi pour savoir si tu en as envie ? »

Allen fronça les sourcils.

« Je te l'ai dit, je ne suis pas un enfant. Kanda, tu veux bien... Ou bien... Je peux, moi ? T'embrasser ? »

Parce qu'en y réfléchissant, Kanda n'était pas le seul qui pouvait l'embrasser. Ça pouvait se faire des deux côtés. Et Allen aimait bien l'idée d'être celui qui le ferait.

Il aurait le contrôle. L'alpha le lui laisserait-il ?

Au vu du sourire qui fendit les lèvres de Kanda, il semblait très à l'aise avec l'idée.

« Vas-y. Ça me plaît, que tu aies envie de le faire. »

Oh.

Allen sentit sa bouche s'arrondir, confus. Par acquis de conscience, il s'enquit :

« Tu es sûr que ça ne t'indispose pas ? Ça ne te gêne pas qu'un oméga veuille initier ça ? »

Kanda le toisa comme s'il était idiot. Il expira bruyamment, tandis qu'Allen, perdu, ne sut s'il devait se sentir vexé ou honteux suite à cette réaction.

« Arrête de te demander tout le temps ce qui me dérangerait. Ça, ça m'énerve. Pense à ce qui te plaît à toi. »

Allen se passa la langue sur les lèvres. Kanda avait raison. Ça le touchait. Il tapait encore dans le mille. L'oméga se rendait compte à quel point il se faisait passer en dernier à chaque fois. Ça aussi, ça devait changer.

Il hésita encore. Ses mains devinrent moites et il les essuya sur son pantalon, baissant encore le regard.

« Hm, alors...

—Tu n'as jamais embrassé quelqu'un, Moyashi ? »

Piqué au vif, Allen se redressa, bombant le torse en essayant de paraître plus assuré. Ça ne marcha pas. Il rougit, et se mit à bégayer.

« Euh, et bien, en fait, pas... intentionnellement. »

Kanda fronça les sourcils, inquiet, aussi, Allen balaya ses doutes avec un mouvement de tête.

« Je devais avoir dix ou onze ans, et il y avait cette petite fille, de mon âge, elle était une alpha. C'est rare de voir une fille alpha. J'étais intrigué, j'ai discuté avec elle et elle m'a embrassé. On était gamins. Je pense pas que ça compte vraiment. »

Il ne se souvenait plus trop comment elle s'appelait. Un nom un peu étrange. Road ? Peut-être. Contrairement à Chao Ji qui avait essayé de le molester, ça restait quelque chose de gentillet. Allen l'avait gentiment repoussé et elle n'avait pas insisté. Kanda grogna entre ses dents.

« Encore quelqu'un qui croit que son statut ouvre le droit au consentement, si jeune en plus. Putain, que ça m'agace. »

C'était vrai aussi, Allen aurait bien aimé qu'elle demande avant et c'était un problème. Pourtant... ils avaient encore l'âge d'être des enfants, et il ne pouvait pas s'empêcher de se dire que ce n'était pas si grave à cause de ça, justement. En tant qu'adulte, Allen prendrait sans aucun doute beaucoup plus mal qu'un alpha ou une alpha essaie de l'embrasser contre son gré. Hormis sa surprise du moment avec la fillette, il ne s'en souvenait pas comme quelque chose de si désagréable que ça. Il n'y avait pas les mêmes enjeux entre enfants prépubères qu'entre adultes. Kanda avait néanmoins raison, au fond, il voulait bien l'admettre.

« On était petits, on va dire. Je suppose qu'on ne lui avait pas appris que ça ne se faisait pas.

—Ouais, mais justement, ça devrait commencer tôt. »

Allen sourit. Kanda semblait pour sa part avoir bien conscience des limites entre les différents individus. Encore un point qui le rassurait.

« Je suis d'accord. En tout cas, mon expérience reste limitée, je te l'avoue. »

Si ses propres expériences auraient pu rendre Kanda moqueur de l'absence des siennes, il hocha la tête. Sa main caressa son épaule, fugace, montrant son indulgence.

« C'est pas grave. Fais-le quand tu seras prêt. »

Allen rit. Il ressentait cette nervosité, mais elle ne le gênait pas tant que ça.

« Je ne sais pas trop comment m'y prendre, en fait, c'est idiot, confessa le jeune homme.

—Il faut viser les lèvres. Et se rapprocher un peu. »

Kanda se foutait quand même de sa gueule gentiment, ça se voyait à la façon dont ses lèvres s'étiraient et dont ses yeux se plissaient avec une pointe de malice. Allen leva les yeux au ciel, pour la forme.

L'alpha ne fit rien pour prendre les devants. Il avait compris qu'Allen voulait le faire lui-même.

Allen se passa encore la langue entre les lèvres et commença à sentir son visage rougir de plus en plus. Il était capable de le faire et il en avait envie. Quand il regardait Kanda, il le trouvait magnifique. Sa bienveillance envers lui et sa gentillesse terminaient de le convaincre car il n'y avait toujours pas que son enveloppe qui lui plaisait. Allen voulut chasser ses pensées parasitaires. Il fit glisser ses fesses en avant, rapprochant sa cuisse de celle de Kanda, leurs membres reposant l'un contre l'autre. Il se rehaussa en levant son bassin, s'aidant de ses mains qu'il n'osa pas appuyer directement sur Kanda, mais juste à côté.

Venant lui faciliter la tâche, Kanda se pencha en avant à son tour. Il s'arrêta, laissant Allen terminer.

Ils n'étaient plus qu'à quelques centimètres.

Allen se hissa, jusqu'à ce que son nez frôle celui de l'alpha, penchant son visage.

Il n'aurait pas pu être plus malhabile. Mais c'était bien. La sensation dans son estomac était agréable, il ne ressentait plus les tiraillements anxieux qui l'avaient envahi tout à l'heure.

Non, il appréciait juste le contact, le souffle de Kanda contre le sien, la peau proche... Il en voulut plus.

Allen ferma les yeux. Il se mordit la joue, cette fois.

« Tu comptes m'embrasser, ou il faut que je le fasse, finalement, Moyashi ? »

Ouvrant à nouveau les yeux, Allen le fusilla du regard. Le souffle de ce crétin tout contre lui avait quelque chose de déstabilisant.

« Je t'ai déjà dit mon nom, Kanda. C'est Allen. Allen.

—Embrasse-moi, alors, Allen. »

C'en fut trop pour le susnommé. La demande acheva de le faire exploser intérieurement de la meilleure des façons. Il sentit Kanda le rehausser en tirant sur son avant-bras sans brusquerie, pour lui permettre une meilleure posture. L'écart de taille entre eux n'était pas si énorme, il était quand même présent, aussi, Kanda se courbait légèrement à son tour.

Allen posa enfin ses lèvres sur celle de Kanda. Ce fut un baiser chaste, rapide. C'était assez pour faire fondre son cœur. Comme le plus vieux le fixait, attendant sans doute plus, Allen retourna appuyer ses lèvres contre les siennes un peu plus longtemps, laissant transparaître son affection.

Kanda lui rendit l'attention. Sa bouche appuya elle aussi le baiser.

Allen sentait vraiment son cœur qui battait à tout rompre. Ce n'était pas désagréable. Vraiment pas.

Il se recula, se touchant la lèvre en réflexe.

Kanda vint lui caresser la tête. Il emmêla ses cheveux tandis qu'Allen peinait à se remettre de ses émotions avec un simple baiser. C'était idiot. Il n'était pourtant plus un gamin.

Se fustigeant lui-même, Allen espéra que son visage était moins rougi qu'il le sentait chaud - bouillant.

« Tu es adorable. »

Niant, Allen agita son menton de côté.

« Ne te moque pas, s'il te plaît. Je te l'ai dit, je n'ai pas l'habitude.

-Ce n'est pas de la moquerie. Tu veux que je le fasse, cette fois ? »

Devant le regard perdu d'Allen, il précisa.

« On est pas obligés de recommencer, si tu ne veux pas. J'ai juste envie de t'embrasser, moi aussi. »

Oh, évidemment qu'Allen voulait recommencer.

Kanda était un peu lent à la détente lui aussi, parfois.

« On peut, bien sûr ! Mais, dis-moi... Tu aurais quelque chose à me prêter pour dormir ? Je n'ai aucune affaire. Et j'ai un peu chaud, avec ces vêtements. »

Il portait encore sa veste de costume et la chemise boutonnée jusqu'au col. La question se posait, il n'allait définitivement pas dormir à moitié nu. Autant qu'Allen voulait embrasser Kanda et qu'il se sentait dans une euphorie joyeuse, il sentait aussi la fatigue qui rendait son cerveau latent, ses gestes peu cohérents et ses pensées fébriles. Il avait besoin de dormir à nouveau, cette sieste n'avait pas suffi.

Le chef de clan rétorqua qu'il allait lui donner un t-shirt et un short, s'excusant de ne rien avoir d'autre et se levant pour le faire dans la foulée. Contrairement à l'hôtel où il avait pu lui prêter un pyjama à peu près à sa taille, ici, il ne ramenait visiblement pas beaucoup d'omégas, Allen le déduisit à ce tiroir à la clef exhibée, à quelques poussières au fond de la pièce - le ménage n'était pas fait aussi régulièrement qu'à l'hôtel impeccable.

Allen fut touché qu'il l'amène ici. Peu importe ce que cet endroit signifiait pour lui, il lui en donnait l'accès parce qu'il lui faisait confiance.

Il refoula encore une fois cette fichue culpabilité.

Allen prit le t-shirt blanc que lui tendit Kanda, et alla l'enfiler dans la salle de bain. Il était long, il lui arrivait à mi-cuisse, par-dessus le short trop grand lui aussi. Sa couleur rouge faisait ressortir la pâleur de sa peau. Ça ferait l'affaire. Ça l'agaçait un peu de ne pas pouvoir cacher les bandages sur son bras, ni les changer. Il faudrait qu'il demande à l'alpha s'il en avait, ne serait-ce qu'un rouleau ferait l'affaire, ce après quoi il recouvrirait le tout de sa chemise. Il ne voulait toujours pas que l'autre homme voit son Innocence. Il retardait le plus possible le moment où ça arriverait, car les questions de Kanda afflueraient. À raison.

Kanda se changeait aussi au moment où il revint, ayant déjà enfilé un pantalon souple et se cherchant un haut. Comme Allen s'était éloigné par pudeur - on le lui avait inculqué, surtout avec les alphas, il se soucia de laisser Kanda en toute intimité par mesure d'égalité et faillit faire demi-tour - il aperçut un tatouage, s'il se sentit curieux, il n'en dit toujours rien. Ce dernier eut un haussement d'épaule, signe que sa présence ne le dérangeait pas. Il continua à fouiller dans le placard sans sourciller. Bien sûr, les alphas étaient élevés avec moins de pudeur que les omégas. Allen ne détourna pas le regard - s'il faillit en avoir le réflexe. Kanda était aussi beau sous ses vêtements qu'en dessous. Sa gêne aurait pu lui donner envie de ne pas le regarder, il se disait cependant qu'il n'y avait rien chez Kanda qu'il ne possédait pas. Peut-être un peu plus de muscles, dû à un entraînement plus rigoureux.

Allen fit de son mieux pour avoir l'air neutre, décidant tout de même de ne pas le fixer de manière éhontée. Il aurait trouvé ça gênant à sa place, il était de ceux qui ne voulaient pas faire subir ce qu'il n'aurait pas apprécié.

Venant s'installer dans le lit, il observa une dernière fois les courbes de l'épéiste alors qu'il les enfouissait sous un t-shirt.

Kanda vint se coucher à ses côtés, éteignant l'interrupteur et laissant l'obscurité les envelopper. Tout s'enchaîna avec plus de naturel.

Il lui tendit les bras pour une étreinte, dans laquelle Allen se glissa volontiers. Il ne le tint pas assez enfoui contre sa nuque pour que les odeurs l'enfument, mais assez près pour qu'il puisse les sentir. De cette façon, Allen bénéficiait de la sensation relaxante d'un échange d'odeur, sans l'effet abrutissant. D'un geste commun, ils avancèrent leurs têtes pour s'embrasser.

Allen ne sut combien de baiser ils échangèrent, il y en eu même quelques-uns plus appuyés que les autres, où Allen sentit la langue de Kanda chatouiller gentiment sa lèvre inférieure sans pour autant outrepasser cette limite. Il ne fit rien de plus que ce qu'Allen initiait lui-même. Ce fut plaisant. Se rendre compte qu'une des mains de Kanda avait glissé dans son dos, l'autre retenant ses hanches, alors qu'Allen posait délicatement les siennes contre son torse ne l'effraya pas non plus. Cette proximité était pourtant si intime.

Ils finirent par s'endormir, Allen se laissant bercer par les odeurs de l'alpha.

Il se sentait heureux.

Il ne savait pas vraiment à quoi il s'exposait par la suite en faisant ça, mais il s'en fichait : il voulait que ça continue.

À suivre...


Note : La construction de l'univers n'est toujours pas finie, vous aurez bien remarqué depuis le début que les personnages sont plus oppressés par les statuts que dans SOS pour ceux qui l'auraient lu, (et je ne sais plus si je l'ai dit, mais bien sûr, si les odeurs des alphas ont un effet limite paralysant sur les omégas, ça pose des problèmes niveau consentement qui seront abordés), soyez attentifs à certains aspects qui auront leur importance plus tard ;). Il y a aussi plein d'autres choses à développer que je me réjouis de mettre en place x3.

Pareil, la fiction contiendra bel et bien du BDSM, mais ça sera encore une fois très progressif ce pourquoi pour le moment Allen exprime clairement qu'il n'est pas du tout favorable à l'idée. Pour ceux à qui ça ferait froncer les sourcils, je peux déjà vous dire qu'il changera d'avis par lui-même, sans que Kanda l'y pousse, mais avec pas mal de développement. Je peux aussi vous dire que les personnages auront un rapport sain à leur sexualité (petit à petit pour Allen), avec une capacité à faire de l'introspection sur leurs désirs et ainsi mieux décider par eux-mêmes. Ça se verra dans les chapitres au fur et à mesure :).

Sinon, petit détail, il me semble qu'Hoshino a confirmé récemment que Kanda n'aime pas jardiner, mais tant pis dans mes fics il continuera car j'aime bien cette idée, j'ai déjà quelques scènes prévues à ce propos ici que j'ai pas envie de foutre en l'air ;D.

La suite ne tardera pas trop ;). (J'espère lol, j'ai un peu moins le temps d'écrire mais ça continue doucement)

Un commentaire/ressenti quelconque ?

Je suis vraiment très impatiente de savoir ce que vous en pensez !

Merci d'avoir lu x3