Prompt : À plusieurs - transports en commun


Seuls à plusieurs.

Personne n'aimait comme Izuku les transports en commun bondés de monde. D'ailleurs à part Izuku, personne n'aimait ça tout court. C'était une horreur de se retrouver collé à des gens, d'avoir parfois le nez sous des aisselles un peu suantes, de supporter toutes ces personnes, toutes ces présences qui brisaient l'espace personnel.

Mais pour Izuku c'était différent, c'était un instant volé, un moment où tout s'arrêtait, le bruit, les conversations, le monde entier. Parce qu'il prenait le bus avec Kacchan, parce qu'ils se retrouvaient collés l'un à l'autre et qu'Izuku pouvait sentir l'odeur du blond, parce qu'il pouvait presque entendre ses battements de cœur tant ils étaient proches.

Kacchan râlait à cause du monde et c'était presque comme s'il parlait au creux de l'oreille d'Izuku qui devait se retenir de frissonner. Celui-ci ne disait rien en général, ou très peu, il était heureux simplement de ces moments qui passaient toujours beaucoup trop vite pour lui. Il priait souvent que le bus ralentisse, qu'il y ait un bouchon, qu'ils soient coincés toute l'éternité et confinés à bord du véhicule, l'un contre l'autre. Seuls, mais à plusieurs.

Izuku était amoureux de Kacchan depuis tellement longtemps, sans jamais oser rien lui dire. Le blond avait un caractère explosif, quand Izuku était plus timide et réservé. Dès lors, ce dernier espérait toujours que Kacchan fasse le premier pas, parce qu'il s'imaginait que si le blond l'aimait, il ne tournerait pas en rond cent cinquante ans pour le lui annoncer. Pas comme Izuku. Si Kacchan ne lui avait rien dit, c'est qu'il n'y avait rien à espérer.

Pourtant des fois, Izuku ne pouvait s'empêcher d'y croire, rien qu'un petit peu. Comme ce moment où suite à un freinage brutal du bus, Kacchan l'avait attrapé d'un bras pour le retenir contre lui. Il aurait pu le relâcher ensuite, mais il ne l'avait pas fait de tout le trajet. Izuku s'était tenu dans ses bras tout du long, osant à peine respirer, persuadé que les cris de son cœur fou atteignaient les oreilles de Kacchan et celles de tout le monde dans le véhicule. Izuku avait alors pensé que peut-être Kacchan allait se révéler à lui, mais le blond n'en fit rien. Ils descendirent du bus et la journée passa comme une autre, tout aussi banale et remplie de platitudes. Pas de déclaration passionnée, même pas le début d'une phrase qui pourrait porter à confusion. Kacchan avait été habituel à lui-même, gueulant sur les uns, râlant sur les autres. Il avait même invectivé Izuku :

— Au lieu de me regarder bosser, remplis ce dossier.

Et le cœur un peu brisé, Izuku s'était exécuté.

Izuku avait beau se dire que ce n'était pas si grave, que Kacchan était son ami d'enfance, qu'ils continueraient à bosser ensemble, à avoir la chance de partager un moment rien qu'à eux dans les bus blindés de gens, il se sentait parfois amer voir même mélancolique. Et il se demandait quelle serait sa vie si Kacchan l'aimait en retour ?

Peut-être que peu de choses ne changeraient, mais au moins n'aurait-il pas la boule au ventre quand Momo de la compta venait flirter avec Kacchan à la machine à café. Peut-être qu'il ne se sentirait pas si misérable lorsque le blond ne prenait pas le même bus que lui pour x raisons. Sans doute qu'il pourrait simplement se retrouver dans les bras du blond qui le serrerait fort contre lui, pour de vrai, pas pour le retenir suite à un freinage brutal de véhicule.

Et puis aimer à sens unique pouvait être pesant.

Uraraka, une de ses collègues, était au courant des sentiments du pauvre Izuku et elle tentait de le pousser à se confesser.

— Au moins tu serais fixé pour de bon.

— Mais ce serait peut-être pire.

— Tu pourrais vraiment passer à autre chose.

Comme si Izuku avait envie de passer à autre chose. Non, il aimait Kacchan, à la vie à la mort. Qui d'autre le ferait vibrer comme le blond ? Qui d'autre lui donnerait de la force et du courage ? Qui deviendrait son modèle ? Et avec qui serait-il collé dans le bus le cœur battant jusqu'aux tempes ? C'était trop tard, Izuku était bien trop accro. Il ne voulait pas vivre sans Kacchan, il ne voulait pas trouver un lot de consolation et mener une vie tranquille avec quiconque, une vie douce, mais sans saveur, sans explosion, sans le sourire carnassier du seul homme qu'il aimerait à ce point.

Izuku préférait vivre dans le doute, se permettre de fermer les yeux quand grâce à une secousse du bus, sa joue frôlait celle de Kacchan. Il préférait se dire qu'un jour, le blond le regarderait avec les yeux de l'amour, même si tout cela ne se passait que dans sa tête.

Les choses ne changeraient peut-être jamais, ou peut-être que si, peut-être que ce serait même ce jour-là. Le bus allait bientôt s'arrêter à leur arrêt pour les déposer. Izuku grognait intérieurement contre ces transports qui étaient toujours trop pressés de briser ce moment magique qu'il partageait avec Kacchan. Il avait déjà hâte d'être au lendemain. Perdu dans ses pensées, il sursauta quand il sentit une main toucher ses fesses. Sans faire exprès, son front cogna le nez de Kacchan et Izuku rougit tandis que deux orbes rouges se posaient sur son visage, interrogateur.

— Quelqu'un me touche les fesses, souffla Izuku le plus doucement du monde très gêné par la scène.

Kacchan baissa les yeux, puis il attrapa la main baladeuse. Celle d'un homme qui avait deux fois l'âge d'Izuku et qui se croyait tout permis. L'homme hurla alors que le blond serrait fort très fort son poignet.

— Qu'est-ce que tu crois être en train de faire ?

— Lâchez-moi, j'ai rien fait, j'ai rien fait.

Mais Kacchan, brutal et en colère, ne le relâcha pas. Il se fichait que tous les regards se tournent vers la scène, il se fichait des gens. Izuku écarquillait les yeux alors que Kacchan, sur le point d'exploser, gronda :

— Touche encore une fois les fesses de ce mec et je te jure que je te casse tous les doigts, un par un.

L'homme fit l'offusqué, mais devant la colère de Kacchan qui le faisait presque vibrer, le pervers préféra se faire tout petit et lâcher l'affaire.

— D'accord, d'accord, j'arrête, j'arrête.

Kacchan lui broya tout de même le poignet avant de le relâcher. Ensuite il attrapa la main d'Izuku et le tira vers les portes du bus pour descendre à leur arrêt où ils étaient arrivés. Izuku était un peu sous le choc, mais il ne l'était pas suffisamment pour ne pas se rendre compte que Kacchan tenait sa main. Qu'il la tenait encore une fois à l'extérieur du bus.

— J'aurais dû le buter, grogna Kacchan.

— C'est bon Kacchan, fit Izuku, c'est fini maintenant, tu m'as sauvé.

— Je hais ce genre de personne qui ne prenne pas le consentement des autres au sérieux.

C'était bien sûr ça.

Une histoire de consentement.

Kacchan était en colère parce que quelqu'un avait touché les fesses d'une personne sans que celle-ci ne le désire.

Il n'était pas en colère parce que c'était Izuku qui était concerné.

Alors, sans trop savoir pourquoi, il sentit les larmes lui monter aux yeux. Chaque fois qu'il espérait, chaque fois qu'il se disait que peut-être que c'était possible, il retombait de haut et il n'en pouvait plus. Il secoua sa main pour que Kacchan la relâche et se détourna pour cacher ses pleurs.

— Je vais rentrer.

— Deku ?

— Je ne me sens pas trop bien.

— C'est à cause de ce type ?

— Non, oui, je ne sais pas Kacchan. Je ne sais plus.

Kacchan prit doucement son bras pour le faire se retourner vers lui, et regarda ses larmes avec un quelque chose d'inquiet dans le regard. Mais c'était pire.

— Arrête de t'inquiéter pour moi, arrête de me protéger, ça ne sert à rien ! cria Izuku à la face du blond qui paraissait ne rien comprendre.

Et pour cause, Izuku n'était pas du tout rationnel.

Comme une vague trop forte qui vient à bout d'un barrage, Izuku se mit à pleurer plus fort, comme un gosse, puis incohérent il tenta d'expliquer :

— C'est parce que tu me prends dans tes bras dans le bus, tu punis les pervers, tu es toujours là contre moi, mais c'est toujours pour une raison qui n'est pas celle que je veux. Tu as toujours une excuse, et moi… Et moi je t'aime et je voudrais simplement que tu me sers contre toi pour de vrai, pas parce que le bus est blindé.

Il avait lâché les mots qu'il gardait depuis si longtemps en lui et de la pire manière, Izuku se détestait, il aurait voulu être aspiré par un trou et disparaître.

Il était prêt à s'enfuir quand deux bras s'enroulèrent autour de lui et qu'il se retrouva contre Kacchan. Izuku essaya de le repousser en vain, Kacchan était trop fort, et il sentait trop bon, et son corps était si chaud, et c'était tellement agréable d'être là, dans ses bras. Izuku continua de pleurer :

— Je veux pas que tu me consoles, je veux que tu m'aimes.

— Je t'aime.

— Ce n'est pas… Quoi ?

— Je t'aime, répéta Kacchan.

Izuku releva le nez pour regarder les yeux de Kacchan, et ça se voyait, il était terriblement sincère.

— Alors pourquoi tu m'as rien dit ?

— Parce que j'avais peur de te faire fuir, j'avais peur que tu ne veuilles plus me parler ou que tu sois gêné en ma présence si ce n'était pas réciproque.

Alors Kacchan pouvait lui aussi avoir peur et hésiter ?

— Et puis je pensais que tu voulais sortir avec Uraraka, ajouta Kacchan, alors j'ai préféré me taire.

— Et moi je croyais que tu ne m'aimais pas parce que tu étais trop rentre dedans pour me le cacher si c'était le cas.

— Faut croire qu'on se trompait tous les deux.

Izuku sécha ses larmes et eut un petit sourire.

— Alors tu m'aimes ?

— Oui.

— Moi aussi.

Kacchan soupira de soulagement et décoiffa Izuku, avant d'embrasser son crâne, ses joues puis sa bouche. Izuku était trop heureux et ce bonheur incendia son cœur et tous ses organes.

Au final peu de choses changèrent. Si ce n'est qu'ils se tenaient par la main, se jetaient des regards au boulot, commençaient à chercher un appartement pour vivre ensemble. Les transports en commun restèrent les mêmes.

Izuku contre Kacchan. Kacchan contre Izuku. Amoureux.

Seuls au monde dans un bus bondé.

Fin.

L'autatrice : Une petite histoire tranquille et doudou.