Si Michel avait encore des doutes, ceux-ci viennent de s'évaporer comme la rosée matinale sous l'effet du soleil de midi – Gabriel cherchait définitivement à retourner les Sept Cieux à la manière d'un gant si rapiécé qu'il tombait pratiquement en lambeaux.

Elle a toujours aimé le chaos, pour quelle autre raison se serait-elle amouraché de ce jeune bon à rien de Cassiel ? Le garçon qui ne voulait pas arrêter de poser des questions, de tout remettre en cause. Honnêtement, si Michel s'était vu demander son avis sur celui des anges le plus susceptible de déchoir, il aurait désigné Cassiel longtemps avant Lucifer.

Peut-être bien que l'amour l'aveuglait en ce qui concernait le deuxième Archange. Tout le monde aimait Lucifer, cependant, alors personne ne s'attendait à ce qu'il ferait, sauf peut-être Père – mais cette possibilité que Père savait, c'était si terrifiant que l'Aîné des Anges faisait de son mieux pour ne pas y penser du tout.

Peut-être bien que l'amour continuait de l'aveugler – autrement, le Commandant de la Milice Céleste serait déjà descendu sur Terre sans se soucier de prendre un véhicule afin d'empêcher la défection de plusieurs unités pour l'égide de la Porte-Parole de Dieu, une rébellion qui enflait lentement et sûrement et menaçait le bon déroulement de l'Apocalypse.

Gabriel a toujours aimé le chaos, et elle aimait la Terre aussi. Bien sûr qu'elle n'approuverait pas l'Apocalypse, pour davantage de raisons que pour ennuyer Michel.

C'est dur de se rappeler ça. C'est dur de se retenir, de ne pas se précipiter sur Terre pour la forcer à revenir au Paradis – de se rappeler qu'elle ne lui pardonnera jamais s'il la contraignait, et les doutes de Michel qui lui susurraient qu'au moins elle serait vivante pour lui en vouloir n'arrangeaient rien.

Michel ne pensait pas avoir effectué un très bon travail pour ce qui était d'élever Gabriel, à peine capable de préserver un semblant de respect entre eux. Il ne voulait pas ruiner ses chances de réconciliation, surtout pas après avoir passé des siècles à la pleurer.

Et cela en dépit du désordre qu'elle répandait, des plans qu'elle démolissait sans se soucier du fait qu'ils patientaient depuis des temps immémoriaux, fallait-il que Michel la chérisse pour ne pas lui tirer les plumes comme à un nouveau-né apprenant à peine à voler et rentrant délibérément en collision avec autrui.

Mais l'avènement d'un nouveau Porte-Flambeau, c'était un degré de bazar absolument inimaginable, les Neuf Chœurs s'agitant dans tous les sens et piaulant à qui mieux mieux sous l'effet du choc et de l'incrédulité, et Michel ne pouvait plus hésiter.

Une perturbation de cette ampleur, il était entièrement dans son droit de jeter un coup d'œil. Voire un peu plus.