La communication au sein des Neuf Chœurs, ce n'était pas tout le monde parlant en même temps constamment, bien que ça fasse cet effet-là en majeure partie. Il existait un réseau unique à chaque Chœur, permettant de discuter des affaires ne regardant pas les étrangers ou de cancaner sur le dernier scandale en date sans qu'un bien-pensant ne vienne vous ruiner le plaisir.
En ce qui concernait le réseau interne des Archanges, c'était fou comme celui-ci était vide comparé aux autres. Mais à quoi s'attendre d'autre quand le groupe en question ne comportait qu'une poignée de membres, à peine assez pour chaque doigt d'une seule main ? C'était davantage une ligne de communication très privée.
Une que Gabriel avait décidée d'activer. C'était l'un de ses privilèges, et elle entendait bien s'en servir – conduisez-vous en reine, et les gens répondront à cela. Gabriel n'était pas une reine, mais elle était la Porte-Parole, chef de sa propre faction au sein de la Milice Céleste, et elle obligerait Michel à reconnaître cela, tant pis si ça ne lui plaisait guère.
Michel. Je crois que tu t'es escamoté avec un des miens.
Elle attendit, et bientôt elle perçut la présence de l'Aîné des Anges – presque oppressante, elle faillit reculer car elle n'avait plus l'habitude, mais la Porte-Parole n'était pas autorisée à reculer quand ses frères et sœurs moins puissants comptaient sur elle pour plaider leur cause. Et puis, comparée à la décrépitude de l'Astre Déchu, l'aura tyrannique du Commandant était une bouffée d'air pur.
Gabriel.
Rien qu'un nom. Rien que quelques syllabes. Rien que cela. Pas d'émotion – pas de soulagement, pas de désapprobation, pas de colère. Rien qu'un énoncé.
Mine de rien, c'était plus troublant que ses pires cauchemars où Michel l'attaquait autant verbalement que physiquement. Au moins aurait-elle eu une justification pour se débattre et causer un esclandre, dans ce cas.
Elle fit tinter sa grâce afin de confirmer que oui, il s'agissait bel et bien d'elle, la seule et unique, pas morte en dépit de tous les espoirs. L'écho qu'elle reçut en réponse sonnait bizarrement creux, et elle commença à s'inquiéter sérieusement – Michel aurait-il un problème, un que Raphaël ne pouvait pas soulager ? Vu le merdier actuel qui prétendait au titre de Paradis, c'était affreusement plausible…
Gabriel décida de se raccrocher au sujet qu'elle avait utilisé pour ouvrir le bal.
Mon subordonné, Michel. Si tu n'as pas d'utilité pour lui, tu pourrais tout aussi bien me le rendre.
Comme tu voudras.
D'accord, elle ne s'attendait mais alors pas du tout à cette réponse. Le Commandant de la Milice aurait dû marchander, brandir Cassiel comme moyen de pression, proférer des menaces et des insultes – et au lieu de quoi, il se couchait aussitôt.
Il fallait définitivement qu'elle coince Raphaël pour l'informer du problème.
Michel ?
Pas de réaction, même pas un écho. Il était parti.
Tout prêt de la casse auto Singer, elle perçut une essence familière se déployer soudainement, au grand choc des anges présents autour d'elle.
Cassiel ?
Cassiel !
Il s'est évadé !
Ou pas ?
Cassiel, que s'est-il passé ?
Gabriel, as-tu fait cela ?
La Messagère garda le silence. Si elle était bien responsable du retour de Cassiel, elle ne savait pas trop quoi en penser.
Peut-être qu'elle se contenterait juste d'en être heureuse.
