Saint Michel, Premier des Archanges, Aîné des Anges, Commandant de la Milice Céleste et Régent des Sept Cieux en l'absence du Père, savait ce qui était attendu de lui.
En tant que Commandant, il était supposé éradiquer une fois pour toutes les abominations déformées créées par Lucifer en annihilant son frère déchu.
En tant que fils obéissant, il était supposé suivre à la lettre le plan de son Créateur.
En tant que frère, il était supposé prendre soin de ses cadets.
C'était cette troisième directive qui lui causait le plus de complications, surtout quand elle entrait en conflit avec les deux premières, et il lui semblait dernièrement que cela n'arrêtait pas. De quoi en devenir fou – ce qui n'était pas possible pour un Archange, et même si ça l'était il ne le permettrait certainement pas, imaginez donc les ravages causés par un pouvoir incontrôlable, ce serait encore pire que l'Apocalypse.
C'était une directive qu'il avait pourtant suivi avec plaisir, longtemps auparavant, si longtemps que pratiquement plus personne ne s'en souvenait, soit à cause d'une interférence externe soit à cause de la brume qui s'épaissit naturellement avec les années dans les méandres de la mémoire.
C'était une directive que Raphaël et Gabriel avaient subitement décidé de remettre au goût de sa journée.
Michel – ne voulait pas faire de mal à Gabriel. C'était une vérité qu'il ne pouvait pas dissimuler, tant pis si elle se rebellait contre son autorité, qu'elle ralliait leurs cadets sous son propre étendard et s'acoquinait avec des païens et des humains.
Gabriel – avait été trop longtemps absente du Paradis. Il était temps qu'elle revienne. Et Michel savait qu'il ne pouvait pas la forcer – si elle ne lui arrachait pas les ailes pour avoir osé, Raphaël se ferait une joie indécente de l'éventrer.
Lui parler, donc. Essayer de la convaincre – tâche s'annonçant ardue, la Porte-Parole du Seigneur se devait d'être si persuasive et charismatique lorsqu'elle prenait son titre au sérieux que son interlocuteur en perdait les mots et se retrouvait à opiner béatement à chacune de ses suggestions. Demander si elle avait des conditions ou des projets particuliers.
Avouer qu'il y avait eu une absence en forme d'elle dans la vie de Michel pendant trop longtemps, et que peut-être, il était fatigué du poids de cette absence, surtout maintenant qu'elle était revenue, peu importait son agenda et son opposition au Premier Archange.
Si seulement il parvenait à lui confesser cela sans se mâchouiller la langue ni s'étouffer sur sa fierté, ce serait parfait.
