Strinsehahvulon ! L'Armoire des Cauchemars
"Bon, espérons que ça fonctionne."
À deux pas du portail de ses propres rêves, construction d'écailles et de magie draconique, Siltafiir se préparait à user de la Clef Squelette. Si quelque-chose pouvait contrer le pouvoir d'un daedra, c'était bien le pouvoir d'un autre daedra.
Værmina va le sentir. Si elle découvre ton alliance avec Nocturne, je n'ose pas imaginer ce qui va nous arriver.
"Je trouverai bien une excuse. Tu m'as dit toi-même que tu pouvais dissimuler ou modifier certains de mes souvenirs. Tout ce que j'ai à faire c'est l'empêcher de voir la Clef et elle n'aura aucune raison de penser que j'ai pactisé avec un autre prince."
Je n'aime pas ça. Je préférerais que nous nous en tenions à notre plan initial.
"Il faudrait être stupide pour laisser passer une telle occasion. Maintenant tais-toi, que je puisse ouvrir ce portail."
Comme si ma voix avait une quelconque influence sur cette Clef…
La jeune fille pouvait pratiquement l'entendre rouler des yeux, mais elle redirigea son attention sur le passage onirique. Quitte à se noyer dans les emmerdes, autant le faire rapidement. Au pire, elle userait de son charisme surnaturel pour convaincre Værmina de sa bonne foi. Les chances d'y parvenir frôlaient le néant, mais elle était trop proche de son but pour reculer maintenant. Elle gonfla ses poumons d'une grande bouffée de témérité et planta la Clef au milieu du vortex.
Un couinement s'échappa d'entre ses lèvres quand un tremblement violent lui parcourut le bras et que toute la structure du portail s'agitait. Un grésillement assourdissant se dégageait de la barrière malmenée tandis qu'une fissure lumineuse y apparaissait, s'agrandissait, traversait le passage d'un bout à l'autre. Le calme revint finalement quand, dans un dernier son de verre brisé, le mur invisible s'évapora. Siltafiir se dépêcha d'enfourner la Clef dans sa poche attitrée, puis avança d'un pas, pour être interrompue par le Crâne:
Elle arrive. J'espère que tu as préparé de bons arguments.
"Pook…"
Je ne te le fais pas dire.
Presque immédiatement, une présence étouffante souleva un vent glacial, juste dans le dos de la Brétonne. Une ombre couvrit le ciel aux couleurs irréelles et la jeune fille déglutit, soudainement moins certaine de pouvoir se sortir du pétrin dans lequel elle venait stupidement de se fourrer. Pourquoi n'avait-elle pas écouté le Crâne ? Était-ce sa fierté ? Son impatience ? Un mélange des deux ?
Tricotant l'air de ses doigts, elle se retourna lentement, puis leva les yeux vers une femme au visage sévère, apaisante et terrifiante tout à la fois. Le regard perçant de Værmina lui arracha un brusque frisson, et sa voix glacée dévora chaque miette de courage qu'il lui restait:
"Enfant de Dragon, puis-je savoir ce que vous faites ici ?
- Et bien, c'est vous qui m'avez offert l'accès à votre royaume…
- Ne joue pas au plus malin avec moi, humaine ! Coupa le seigneur d'une voix orageuse. Qu'as-tu fait à ce portail ?"
La colère d'un daedra était une vision que peu de mortels pouvaient supporter, et même l'âme draconique de Siltafiir se trouva ébranlée, au point que ses jambes ne tinrent le choc. À genoux devant la maîtresse des cauchemars, elle ramena ses mains vers sa poitrine dans un mouvement de prière et couina:
"Je suis désolée ma Dame, je ne comprends pas ce que j'ai fait de mal. Il y avait cette… démangeaison qui m'appelait ici et… et j'ai juste… poussé. J'ai poussé la barrière invisible, parce que cette démangeaison devenait insupportable et… Vous ne m'aviez pas dit que c'était interdit et… désolée, je ne savais pas, je…
- Oh, ma pauvre enfant, souffla la dame d'un ton soudainement plus doux qu'un drap de soie, cette démangeaison est-elle à ce point intenable ?
- Ou-oui, ma Dame, répondit-elle en se prosternant aussi bas que le sentier lui permettait, il m'est pratiquement impossible de penser à autre chose.
- Et comment avez-vous brisé cette barrière, Enfant de Dragon ? Continua le prince de sa voix mielleuse.
- C-comme je vous l'ai dit, ma Dame, bégaya-t-elle en se relevant prudemment, je l'ai p-poussée. De toutes mes forces. Est-ce… Est-ce si improbable ?"
Elle crut mourir de terreur en découvrant la maîtresse des cauchemars penchée sur elle, beaucoup trop près, ses pupilles inspectant les siennes à la recherche d'un mensonge. Sa vessie manqua de l'abandonner quand la paume de Værmina caressa sa joue et lui releva le menton pour l'empêcher d'esquiver son inspection. Cette main froide, mais si douce, et ses ongles griffus, mais si délicats, semblaient lui caresser les os tant sa poigne était pénétrante, pourtant aucune douleur ne se dégageait de ce contact intime et puissant.
"Oui."
Malgré le calme apparent du daedra, Siltafiir sentait le mécontentement suinter de ce simple mot, mais plus encore que sa colère, c'était la curiosité de Værmina qui l'inquiétait; la manière qu'avait le prince de la fixer, droit dans les yeux, droit dans son esprit, effaçait tout confort, toute intimité. Et pourtant Siltafiir ne parvenait pas à voir son visage. Elle le devinait, savait où se trouvaient le nez, la bouche, les yeux, et elle était presque certaine que sa peau et ses cheveux arborait des tons ocres, mais impossible de les détailler. Un peu comme lorsqu'elle essayait de se remémorer un rêve.
Elle sentait un grattement inquisiteur lui parcourir le cerveau, à droite, à gauche, entamant un détour, revenant sur ses pas, et les yeux indescriptibles de Værmina se perdaient dans les siens, s'y enfonçaient, l'hypnotisaient, lui commandaient de ne surtout pas résister à cet interrogatoire silencieux. La jeune fille pria de tout son être que le pouvoir du Crâne soit suffisant pour dissimuler leurs manigances et, surtout, le rôle indirect de Nocturne. Puis le contact se brisa.
"Mais je suppose qu'une âme de dragon est toute aussi improbable." Termina le seigneur des rêves en reculant finalement.
Des larmes de soulagement effleurèrent les joues de la Brétonne et, dans un rire calme, Værmina reprit:
"Allons mon enfant, pourquoi tant d'émotions ?"
Sans répondre, Siltafiir s'essuya les yeux du dos de sa main tremblante.
"Je ne peux effacer cette démangeaison, malheureusement, mais je vous accorde le droit d'emprunter ce portail, si cela apaise votre curiosité, continua le prince, il contient vos rêves, comme vous deviez vous en douter. Si à l'avenir d'autres questions vous tracassent, faites-m'en part avant de détruire mes œuvres.
- Mais, comment pourrais-je vous trouver ? Demanda timidement la jeune fille. C'est seulement la deuxième fois que je vous vois depuis que vous m'avez ouvert les portes de votre royaume.
- Dirigez-vous simplement vers ma demeure." Répondit la Dame en tendant un long doigt vers l'horizon.
Siltafiir observa l'endroit pointé pour y découvrir un château à l'architecture impossible qu'elle n'avait jusqu'alors jamais remarqué. Oui, bien sûr, il s'était toujours dressé ici, c'était normal, où d'autre se serait-il trouvé ? Rien de plus logique pour un tel château. Alors pourquoi ne l'avait-elle jamais vu ? Oh, sûrement parce qu'elle n'avait jamais levé la tête assez haut, ou simplement parce que son regard refusait de s'y poser. Logique.
"M-merci ma… Dame ?" Dit-elle en se retournant vers Værmina, pour réaliser que seul le vide se tenait devant elle.
Je t'interdis de me refaire ce coup, c'est compris ?
"Ah ! Hurla-t-elle avant de comprendre qui lui parlait. Oh, c'est toi…"
Qui veux-tu que ce soit ?
"Personne, c'est juste que… pfiou… il va me falloir un moment pour m'en remettre."
Et moi alors ? J'ai dû gaspiller une quantité phénoménale d'énergie à cause de ton inconscience ! Te rends-tu compte à quel point il est difficile de créer un souvenir à partir de rien ? Sans compter que j'ai dû dissimuler tout ce qui nous concerne, Nocturne et moi !
"Je peux te laisser manger un de mes rêves, pour me faire pardonner. Ou même plusieurs, si tu veux." Souffla-t-elle en tapotant affectueusement le dessus du Crâne.
Hm… Pourquoi pas. Autant profiter de tes bêtises. Cela dit, je suis étonné qu'elle te laisse tranquille aussi aisément. Prépare-toi à rencontrer des défenses supplémentaires une fois entrée.
"Quel genre de défenses ?"
Le genre qui puisse se trouver dans un rêve.
"Ça ne m'aide pas beaucoup…"
Ce n'est pas moi qui ai laissé l'impatience dicter ma conduite, alors évite de te plaindre.
"D'accord, d'accord… Bon, j'y vais."
Elle se releva et sauta dans son propre songe pour se laisser impressionner par des murs de pierre si hauts qu'elle ne voyait pas le plafond qu'ils soutenaient. Des torches à la lueur incertaine les ponctuaient, entre lesquelles des tapisseries se balançaient au rythme d'un vent imperceptible. Cependant elle n'eut le temps d'admirer le couloir, car une plainte déchirante attira son attention. Tournant la tête sur sa gauche, elle remarqua une petite fille au visage rond et aux yeux larmoyants qui courait de toutes ses forces pour fuir un ennemi invisible. Sa robe blanche se prenait dans ses pieds, ses mèches blondes battaient ses épaules et son nez en trompette, ses lèvres fines se tordaient sous la panique.
On dirait que tu es en train de faire un cauchemar.
"Oui, je me rappelle de celui-là, il m'a empêchée de dormir jusqu'à mes neuf ou dix ans. C'est un des couloirs de l'Académie de magie, à Refuge."
Qu'est-ce qui est en train de te poursuivre ?
"Et bien…"
Avant qu'elle ne puisse répondre, son jeune double la remarqua et se précipita sur elle en pleurant.
"Aidez-moi, s'il-vous-plaît ! Il va m'attraper !
- J'espère que t'as faim." Soupira l'interpellée en décrochant le Crâne de son épaule.
Attends, j'ai envie de voir ce qui te poursuit. Est-ce un ours ?
"Je n'avais pas encore peur des ours à cette époque.
- Sauvez-moi ! Supplia la gamine en s'accrochant à son armure.
- Ne t'inquiètes pas, tout va bien, assura Siltafiir en tapotant affectueusement ses cheveux nattés.
- Mais il est là ! Le… Le monstre-placard !"
Ne veut-elle pas dire le monstre du placard ?
"Non, elle veut bien dire le monstre-placard, soupira-t-elle en pointant le bout du couloir.
- Arrêtez de parler toute seule et aidez-moi !" S'écria la petite avant de se cacher dans son dos.
Surgissant des ombres, une armoire assez large pour frôler les deux murs approchait en happant goulûment l'air de ses deux battants, produisant des sons à mi-chemin entre les grincements de gonds mal huilés et le rire d'un drémora. Ses pieds armés de griffes de chêne crissaient contre les dalles, tandis que ses poignées se tordaient tels des sourcils furieux. Au milieu de cette horrible vision, son ventre, tantôt dévoilé, tantôt dissimulé par ses portes agitées, ne contenait que néant, un abîme noir prêt à dévorer tout ce qui se trouvait sur son passage.
Bon, utilise-moi, que je puisse manger tout ça.
Un sourire aux lèvres, Siltafiir brandit le Crâne devant elle, comme elle l'avait fait lors de sa dernière rencontre avec Ralof. Un feu plus noir encore que l'estomac de la singulière créature engloutit absolument tout, escaladant les murs et grignotant le bois de l'armoire cauchemardesque. En à peine quelques secondes, le rêve n'était plus qu'un mauvais souvenir, et la gamine jetait des regards confus alentours, cherchant à discerner quelque-chose dans l'obscurité totale qui avait remplacé ses terreurs nocturnes.
"Il-il est parti ? Demanda-t-elle, osant finalement lâcher la cape de sa sauveuse .
- Oui, il n'y a plus de raison d'avoir peur, assura celle-ci en s'accroupissant, le cauchemar est terminé.
- M-merci madame."
Siltafiir ricana à cette appellation, puisqu'elle-même se considérait comme tout sauf une "madame". L'enfant, sans prêter d'attention à cette grimace, pencha sa tête sur le côté dans une attitude pensive.
"Est-ce que je vous connais ? Questionna-t-elle, les sourcils froncés. J'ai l'impression de vous avoir déjà vue.
- Plus ou moins.
- Vous vous appelez comment ?
- Siltafiir. Et je suppose que tu es Ursanne ?
- Comment vous le savez ?
- Parce que je suis toi, mais dans le futur. Ou plutôt, tu es la moi du passé.
- Je ne comprends pas.
- C'est compliqué… Disons que tu es mes souvenirs personnifiés, sauf que tu es constamment endormie…
- Quoi ?"
Laisse-moi faire, tu vas juste la… te rendre encore plus confuse. Tu es une part de son âme emprisonnée par Værmina, le prince des rêves et des souvenirs.
"Qui vient de parler ? Questionna Ursanne dans un couinement effrayé.
- C'est… euh… ça." Répondit Siltafiir en lui présentant le Crâne.
Alors je suis "ça" ? Ce n'est pas très flatteur, siffla le bâton d'un ton vexé.
"Tu préfères que je t'appelle "Crâne de la Corruption" ?" Répliqua-t-elle en levant un sourcil.
Tu marques un point…
"Je n'avais jamais vu un bâton qui parle, dit la petite en s'approchant de l'artefact, il vient d'où ?
- Il a été créé par Værmina, le même daedra qui t'a enfermée ici.
- Alors il est méchant ? Questionna-t-elle en reculant d'un pas.
- C'est… plus compliqué que ça…"
Soyons honnêtes, interrompit le concerné, la plupart des mortels me trouveraient méchant. Je pense d'abord à mon confort personnel et je dévore des rêves et des souvenirs.
"Rien que le fait que tu sois honnête là-dessus te rend plus respectable que beaucoup de gens, argua sa porteuse dans un sourire avant de fixer son double dans les yeux, et puis, c'est lui qui t'a sauvée du monstre-placard. Il l'a mangé.
- Alors t'es gentil, conclut l'enfant en frottant le dessus du bâton pour témoigner de sa reconnaissance, et c'est vrai que "Crâne de la Corruption" c'est pas un joli nom. Il te faut quelque-chose de mieux.
Je suis d'accord.
"Tu as une idée ? Encouragea l'adulte en gloussant.
- Hmm… Nahlaas !"
Siltafiir écarquilla les yeux, ne s'étant préparée à entendre une gamine parler le Dovahzul, même une gamine avec une âme de dragon. Mais, après tout, le surnom qu'elle-même arborait n'était pas exactement un exemple criant de dialecte tamrielique, alors entendre sa version rajeunie parler un langage millénaire n'aurait pas dû la surprendre.
"Tu ne sais pas ce que ça veut dire, je me trompe ?
- Euh, non, répondit-elle en fronçant les sourcils, j'en ai juste rêvé. Ça veut dire quelque-chose ?
- En effet. Dans la langue des dragons, nahlaas signifie "vivant", expliqua l'Enfant de Dragon avant de jeter un regard à son compagnon de route, alors, satisfait ? À moins que tu préfères autre chose…"
Plus que satisfait ! C'est le nom qu'il me faut !
"Que d'enthousiasme. Tu es sûr de toi ?"
Oui, j'en suis absolument certain.
"Alors ce sera Nahlaas. Au moins ç'aura été rapide. Merci Ursanne, tu viens de faire un heureux."
La petite lui répondit d'un sourire radieux, mais s'assombrit bien vite en observant son aînée.
"Vous avez dit que vous êtes… moi, remarqua-t-elle en appuyant ses poings contre ses hanches et en bombant le torse, mais qu'est-ce qui me prouve que vous dites la vérité ?
- Et bien… tu adores grimper sur le toit de la maison, surtout quand Eva essaie de te jeter des sorts d'illusion, et… ah, oui, tu caches des friandises au miel dans le double-fond de ton tiroir."
L'interrogatrice en herbe sauta sur place tant elle fut surprise.
"C-comment vous savez ça ?
- Parce que je suis toi, je viens de te le dire.
- Mais pourquoi vous vous appelez Siltafiir alors ?
- Je ne voulais plus m'appeler Ursanne. J'ai préféré changer de nom en quittant Refuge.
- Pourquoi vous… je suis partie ?
- Disons que, malgré des années d'entraînement, je ne rencontrais pas les attentes de père.
- Oh…"
Tout l'enthousiasme dont Ursanne avait jusqu'alors fait preuve s'était évaporé à la mention de son paternel. Plus de curiosité, plus de joie, plus même de méfiance, juste une terrible déception.
"Alors ça ne changera jamais. Je n'aurai jamais de pouvoirs." Cracha-t-elle d'un ton beaucoup trop amer pour une enfant si jeune.
L'expression de Siltafiir se décomposa, choquée de revivre la part la plus douloureuse de son enfance par des yeux externes. Avait-elle vraiment l'air si triste à cette époque ? Malgré cette abrupte réminiscence, elle laissa la satisfaction fendre ses lèvres.
"Je suis désolée de te dire que tu ne maîtriseras sûrement jamais la magie d'Aetherius, par contre je peux t'assurer que tu n'en auras pas besoin. Tu es Enfant de Dragon, un être de légende destiné à sauver le monde. Les mages t'envieront, te supplieront de leur faire des démonstrations, baveront de jalousie en entendant ton nom. Tu auras même l'occasion de remettre Eva à sa place."
La petite lui répondit d'un regard plein d'espoir, mais conserva une attitude réservée.
"Vous vous moquez de moi."
Je t'assure qu'elle dit la vérité, confirma Nahlaas d'une voix chantante, tu vas vaincre des dragons, gravir des montagnes, sauver plein de gens. Tu vas devenir une vraie héroïne.
Les deux filles le fixèrent, l'une trépignant de joie et d'impatience, l'autre figée par la surprise. Siltafiir sentait le rouge lui monter aux joues, émue par ces paroles. Ce bâton qui la connaissait mieux que personne, qui avait espionné ses souvenirs, été le témoin de ses heures les plus sombres, la décrivait pourtant comme quelqu'un de respectable. Lui qui, contrairement aux habitants de Bordeciel - contrairement à Ralof - n'était pas conditionné à aimer les légendes du pays, lui octroyait ce titre honorifique. Il l'appelait héroïne.
Ses yeux la picotèrent agréablement, au point qu'elle dut les essuyer discrètement pendant qu'Ursanne interrogeait activement l'artefact. Celui-ci semblait plus heureux que jamais, répondant avec un entrain qu'elle ne lui connaissait pas aux questions de la fillette. Il lui décrivait ses prouesses à l'arc, les épreuves des Grisesbarbes, ses conversations avec Paarthurnax, et dissimulait habilement les zones ternes du récit, tels le meurtre d'Erandur ou la trahison de Mercer. Siltafiir se demanda un instant comment elle avait pu considérer le Crâne - ou Nahlaas, puisqu'il se nommait ainsi maintenant - comme un outil sans émotions. Malgré son manque de muscles faciaux, il demeurait plus expressif que beaucoup de mortels. Plus gentil.
"Et elles viennent d'où ses… mes cicatrices ?"
Oh, et bien…
"Je crois que je vais lui expliquer moi-même, interrompit la concernée dans un frisson, si j'ai changé de nom, c'est aussi parce que celui que nos parents m'avaient donné me rappelait… La créature qui m'a fait ces cicatrices. J'ai été attaquée par un ours.
- Un ours ? S'inquiéta la petite en blêmissant. Mais c'est horrible !
- J-j'avoue que c'est assez effrayant, concéda Siltafiir en riant nerveusement, m-mais ce n'est rien par rapport à un dragon, hein. Tu n'as pas à avoir peur, p-pas du tout.
- D'accord…" Répondit la gamine, peu convaincue par cet acte maladroit.
Les doigts de Siltafiir, au milieu de ses bégaiements anxieux, avaient commencé à jouer avec le bâton, pour finalement le laisser tomber dans un sursaut inconscient. Elle ne parvint à le rattraper et c'est son double qui dut s'en charger, saisissant à pleines paumes l'artefact malmené.
"Ah ! Désolée ! Désolée, Nahlaas, désolée !" Paniqua-t-elle en se maudissant pour sa maladresse.
Tout va bien, je ne peux ressentir de douleur physique de toute manière.
La coupable lâcha une expiration soulagée pendant que la sauveuse examinait sa nouvelle acquisition de près. Après avoir soupesé l'artefact, tâté les cornes dépassant de son sommet, plissé les yeux pour voir ce qui se cachait dans ses orbites à moitié couvertes d'une bande métallique, elle le rendit à sa porteuse, satisfaite par son inspection.
"Est-ce que c'est triste de ne pas avoir de corps ? De ne rien sentir ?" Demanda l'enfant, une étincelle de pitié dans le regard.
L'aînée, sa poigne assurée autour de son compagnon, releva ses paupières dans une expression étonnée, puis baissa son regard sur l'interrogé. Elle s'était imaginée que ne jamais souffrir de la fatigue, de la chaleur, du froid, de la faim, des affres du temps et de toutes les afflictions que la nature jetait sur l'humanité ne pouvait qu'être enviable, mais cela impliquait aussi l'absence de douceur. Il ne connaissait pas le plaisir d'un bain chaud, d'un lit moelleux, d'un repas fin. D'une étreinte. Il ne les connaîtrait sûrement jamais.
Je ressens le monde d'une manière différente des mortels. Je vois vos auras, je parle à vos esprits, je dévore vos souvenirs et vos rêves.
"Mais est-ce que tu aimerais manger des friandises au miel ? Insista l'enfant. Faire un câlin à quelqu'un ? Est-ce que tu…"
Ça n'arrivera jamais alors n'insiste pas !
Un silence inconfortable suivit cet éclat, puis la respiration tressautante de la fillette apeurée se mua en une série de sanglots difficilement retenus.
"P-pardon." Murmura-t-elle en baissant la tête.
Non, non, ne pleure pas, quémanda l'artefact d'une voix honteuse, je n'aurais pas dû m'énerver.
"Allez, venez là tous les deux." Soupira Siltafiir en attirant la gamine dans une embrassade rassurante, prenant garde à placer le bâton entre leurs torses.
Elle frottait le dos de son double, mais ses pensées se dispersaient dans un lieu bien différent. Nahlaas, même sans l'avouer, souffrait de sa condition. Tant que ce bâton demeurait sa prison, aucun bonheur humain ne se profilait à l'horizon. À cet instant, l'Enfant de Dragon se découvrit un but supplémentaire, une personne de plus à sauver. Un sourire aux lèvres, elle se dit que la Clef Squelette pourrait bien s'avérer utile une fois de plus.
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Siltafiir terminait d'ajuster son armure, se préparant à quitter l'auberge du Candélâtre. Tandis qu'elle bouclait sa ceinture, elle se laissa pourtant distraire par sa nuit agitée. Même ayant ouvert le portail de ses rêves, le morceau de son âme était encore prisonnier de Quagmire, et bien qu'elle ait entretenu avec celui-ci une des conversations les plus intéressantes de sa vie, elle ne savait comment le sortir de là. Voilà pourquoi Værmina n'avait déployé plus d'efforts pour la retenir quand elle avait détruit sa barrière. Voilà pourquoi elle n'était pas plus avancée qu'avant son inutile prise de risque.
Au moins, elle avait appris à connaître son coéquipier, pensa-t-elle en jetant un regard à l'artefact posé sur le lit. Se remémorant le plan élaboré durant son sommeil, elle se dirigea vers Nahlaas et dégaina la Clef Squelette.
Tu veux encore jouer avec ça ? Demanda-t-il d'un ton désapprobateur.
"Tu veux avoir une chance de te libérer de ce bâton ?" Rétorqua-t-elle en le soulevant de la paillasse.
Elle le fixa un moment, attendant patiemment une réponse, puis crut entendre ce qui s'apparentait à un soupir.
Tu as raison… Oui, j'aimerais sortir de là. Et puis, c'est moins risqué que de le faire au centre de Quagmire…
Dans un ricanement, elle approcha les artefacts l'un de l'autre, hésita une seconde quant à l'endroit où planter la Clef, puis opta pour ce qui servait de bouche à son comparse. Sa respiration bloquée, elle enfonça lentement l'objet de leur délivrance dans la fente tordue et se concentra sans vraiment savoir ce qu'elle faisait. D'abord, rien ne se produisit, puis un tremblement similaire à celui rencontré durant la nuit s'empara de son bras.
RaaaaaAAAAAAAHHHH !
Siltafiir manqua de lâcher son compagnon lorsqu'il poussa ce cri, mais se ressaisit au dernier instant et insista, poussant la Clef plus profondément encore et la tournant lentement, prudemment, ignorant les borborygmes émanant du bâton et qui résonnaient bruyamment dans sa tête. Puis une réalisation la frappa: et si l'esprit de Nahlaas ne survivait pas à cette libération ? S'il se désintégrait au contact de l'air, loin de sa protection physique ? S'il se perdait dans le vide, que ferait-elle ? Comment expliquerait-elle la situation à Værmina ? Comment supporterait-elle la culpabilité ? La solitude ?
Terrifiée, elle retira brusquement la Clef, mais le bâton ne cessait de s'agiter, dégageant une lumière de plus en plus forte. Des vibrations accompagnaient ce halo, augmentant au même rythme que l'éclat s'intensifiait, et les entrailles de la Brétonne se tordaient sous l'assaut de la peur. Elle ne voulait pas perdre son ami, pas juste après l'avoir retrouvé !
Je vais… Je vais…
"Tu vas quoi ? Encouragea-t-elle d'un ton fébrile, rassurée de l'entendre.
- Y arriver !"
Elle poussa un cri aigu quand une silhouette noire jaillit de l'artefact, tête cornue aux yeux ronds, étrangement semblable au bâton. La surprise avait dérobé l'équilibre de Siltafiir, qui, assise sur le sol de la chambre, fixait l'apparition d'un air hébété. Les orbites sombres, au milieu desquelles luisaient des pupilles violacées, lui renvoyaient la même expression, puis la tête flottante s'approcha, et ce qui ressemblait à un sourire étira ses dents sans lèvres.
"Ça a fonctionné, murmura Nahlaas juste devant sa porteuse, je suis sorti du bâton !
- J-je vois ça… Murmura la jeune fille sans oser cligner des yeux.
- Je suis libre !" S'exclama l'esprit volant avant d'effectuer une pirouette.
Son enthousiasme trouva une fin douloureuse quand sa forme spectrale commença à se désagréger.
"Oh… J'aurais dû m'en douter." Grommela-t-il en remarquant le problème.
Immédiatement, il plongea sur le bâton et s'y dissimula, retrouvant sa cage de toujours.
Une âme a besoin d'un corps pour parcourir Nirn sans s'évaporer, dit-il d'une voix éteinte, tant que je n'aurai pas d'enveloppe avec un squelette et des muscles, je serai pas vraiment indépendant…
"Mais c'est un pas dans la bonne direction, non ? Souffla son amie d'un ton compatissant. C'est la première fois que je te vois sourire et que je t'entends avec mes oreilles."
Oui, c'est vrai.
La Brétonne sauta sur ses pieds et, heureuse que son idée ait porté ses fruits, même partiellement, recommença à préparer ses affaires.
"Ne t'inquiètes pas, on va se dépêcher de te trouver un corps de chair et de sang." Promit-elle en lui décochant un clin-d'œil.
Je te fais confiance, répondit-il en retrouvant un peu de sa bonne humeur.
Siltafiir lui sourit tendrement, puis couvrit son visage avec celui de Krosis, avant de rabaisser son capuchon. Bagage sur l'épaule, elle sortit de la chambre et marcha vers le comptoir pour remplir sa réserve de vivres, mais une conversation animée attira son attention. Dans ce brouhaha, trois mots se dégagèrent. Trois mots qu'elle n'avait que trop entendus.
"J'ai rencontré l'Enfant de Dragon, et croyez-moi, c'était pas du joli !"
Siltafiir connaissait cette voix. Siltafiir détestait cette voix.
"Elle est peut-être capable de tuer des dragons, continua la femme d'un timbre venimeux, mais elle n'a pas peur de blesser des innocents !
- Pourtant elle a sauvé un soldat la dernière fois que la ville a été attaquée, protesta un client assis à une table voisine.
- Tu parles du même soldat qu'elle a ramené dans sa chambre ? Ricana une serveuse qui apportait leurs boissons. Ils y sont restés pendant au moins deux heures.
- C'est ce que je dis, reprit la médisante, elle pense d'abord à ses intérêts personnels.
- Si vous aviez entendu la manière dont elle a répondu au jarl Ulfric ! S'indigna un ivrogne que Siltafiir avait rencontré lors d'une visite antérieure. Elle a rejeté une invitation à sa table et a craché sur ses pieds en déclarant qu'elle ne voulait jamais être vue en sa compagnie !"
Les poings serrés, le Dovahkiin tentait de contrôler sa respiration, blessée que l'on puisse dire tant de mal de sa personne sans véritable preuve, mais surtout, effrayée à l'idée de donner raison à ces accusations si elle perdait le contrôle de son Thu'Um. Ouvrir la bouche maintenant reviendrait à démolir l'auberge.
Elle ne pouvait laisser de tels mensonges salir son nom.
Son pouvoir et sa tâche étaient trop importants pour se laisser affecter par des discours de soûlards.
Les citoyens de Bordeciel se devaient de la respecter.
Ralof et tous les membres de la Guilde savaient qui elle était et ce qu'elle valait vraiment, personne d'autre n'importait.
On ne l'insultait pas comme ça alors qu'elle se trouait le cul à sauver le monde !
Siltafiir, calme-toi, conseilla Nahlaas d'un ton de reproche, tu vaux mieux que ça.
Elle l'ignora et arracha un violent sursaut aux buveurs quand ses paumes frappèrent leur table.
"Alors, on parle de moi ?" Murmura-t-elle assez puissamment pour renverser plusieurs chopes et bouteilles.
Un silence de mort s'abattit sur l'assemblée pendant qu'elle fixait chaque diffamateur, l'un après l'autre, au-travers de son masque. La face de l'un se décomposait sous la terreur, un autre tentait d'échapper à son regard en se ratatinant sur son tabouret, la serveuse s'enfuit rapidement en serrant son plateau contre son torse et l'instigatrice de tout cela observait un immobilisme parfait, comme un animal cerné attendant l'assaut de son prédateur.
"Comme on se retrouve, continua Siltafiir en se penchant sur la coupable, alors voler mon identité ne t'a pas suffi, il faut en plus que tu m'insultes ?"
Malgré les efforts qu'elle mettait dans le contrôle de sa gorge, l'air vibrait autour de ses phrases, la table se craquelait sous ses doigts, les flammes de toutes les chandelles virevoltaient furieusement, menaçant de s'éteindre à tout instant.
"D'où te vient ce besoin de traîner mon nom dans la boue ? Frustrée que je t'aie remise à ta place ? Tes parents ne t'ont pas donné assez de câlins ? Réponds !"
La violence de son souffle fit basculer la menteuse, qui se retrouva les quatre fers en l'air, dans une position fort similaire à celle de leur dernière entrevue, et les planches sous ses mains se brisèrent d'un coup. La parleuse enjamba d'un pas lourd les restes de la table, faillit dégainer son épée, puis se ravisa et s'accroupit devant la menteuse. Celle-ci portait toujours les mêmes capuchon baissé et col relevé, n'autorisant qu'aux reflets de ses yeux un accès au monde extérieur, et ces petites lumières à peine visibles s'agitaient, cherchant une échappatoire. Siltafiir sourit derrière son masque. Sa colère s'apaisait devant l'insignifiance de cet être faible, terrifié, à sa merci.
"T'as donné ta langue au smilodon ? Ricana-t-elle en penchant sa tête sur le côté.
- Laissez-la tranquille ! Ordonna alors l'un des buveurs. Vous n'avez pas le droit d'utiliser vos pouvoirs pour menacer les braves gens !"
La témérité de l'intervenant se désagrégea quand l'Enfant de Dragon se releva et tourna son visage métallique sur lui.
"Je n'ai menacé personne, gronda-t-elle, je veux juste une réponse. Je ne protège pas votre pays pour recevoir des insultes et laisser les jaloux propager des mensonges sur mon compte.
- Mais vous… vous avez insulté Ulfric Sombrage ! Argua-t-il d'un ton désespéré.
- J'ai simplement refusé une invitation, soupira-t-elle en se massant la nuque, j'ai juste dit "non", et je n'ai certainement pas craché. Je venais d'abattre un dragon, ma gorge était trop sèche pour que je gaspille ma salive en futilités."
Elle patienta quelques secondes, mais personne n'osa surenchérir. Tous observaient le sol de la taverne ou les poutres du plafond sans rien ajouter. Satisfaite, elle redirigea son attention sur la menteuse.
"J'attends toujours ma réponse, dit-elle en croisant les bras, profite que ton visage soit caché, c'est toujours plus simple de se confesser quand on est anonyme."
L'acculée jeta des coups d'œil à droite et à gauche, jaugea sa situation, espéra sûrement pouvoir atteindre la porte avant qu'on l'attrape, mais dans une lourde expiration elle baissa la tête, laissa ses épaules s'affaisser, et marmonna:
"Je voulais… savoir comment c'était, d'être respectée et… quand vous avez… quand vous avez révélé ma supercherie j'étais… en colère. Très en colère. En fait, ça faisait longtemps que je n'avais ressenti une telle rage. Je… Pardon."
Ce dernier mot arracha un frisson à Siltafiir. Il semblait brûler les lèvres de la menteuse, mais mieux valait une excuse forcée que rien du tout.
"Je comprends, déclara l'Enfant de Dragon en lui tendant une main secourable, la célébrité peut être agréable. Malheureusement, elle le devient un peu moins quand on est chargé de certaines responsabilités, comme sauver le monde par exemple."
Elle versa dans sa phrase un accent accusateur, mais demeura calme, contrôlée, même quand la menteuse lui écrasa les phalanges d'une poigne pleine de ressentiment. Siltafiir retint une plainte, heureuse de porter un masque qui dissimula sa grimace, et lui rendit le même traitement. Elles se séparèrent d'un mouvement vif, reculant chacune d'un pas.
"Si je te reprends à agir d'une manière aussi stupide, je ne serai pas aussi clémente, gronda la Brétonne, et oui, ça, c'était une menace. Maintenant va-t-en, je t'ai assez vue."
On ne lui répéta pas. La menteuse traversa la porte dans la seconde. Siltafiir, quant à elle, s'approcha du comptoir et y commanda les provisions nécessaires à son voyage, sans oublier de demander le prix de la table brisée.
"Ce n'est pas nécessaire, vraiment, répondit Elda la tenancière en agitant les mains, je devais la remplacer de toute manière.
- J'insiste, coupa Siltafiir, vous n'allez pas refuser la générosité de l'Enfant de Dragon, si ?"
Elle reçut un rire nerveux et Elda consentit à lui révéler le prix de sa perte de contrôle. Siltafiir grinça des dents en découvrant que le bois coûtait cher en ces temps de guerre, mais conserva sa façade inébranlable, aidée encore une fois par Krosis. Ses maladresses réparées et son sac rempli, elle marcha tranquillement vers la porte, saluant les clients d'un geste de la main. Certains lui répondirent d'un mouvement incertain, d'autres se baissaient sur leur voisin pour murmurer des mots qu'elle n'entendait pas, mais elle n'y prêtait déjà plus d'attention. Le froid immuable de Vendeaume acheva de dompter ses folles émotions et elle rejoignit la sortie de la ville un sourire sur les lèvres.
Tu as plutôt bien géré la situation, remarqua Nahlaas, je suis impressionné.
"Tu me flattes, répliqua-t-elle une fois assurée que personne ne l'entendrait parler dans le vide, j'aurais pu éviter de casser du mobilier."
Tu aurais pu blesser quelqu'un, détruire le bâtiment, et pourtant tu as juste brisé quelques planches et renversé une chope ou deux. Ce n'est pas si mal.
"M-merci, bégaya-t-elle en traversant le pont qui menait aux écuries, vraiment, merci. Je crois que ta présence m'aide à rester calme. Enfin, raisonnablement énervée."
Ne t'inquiètes pas, je sens que nous allons rester ensemble encore longtemps.
Elle échappa un léger gloussement, étrangement rassurée par cette prédiction.
À suivre…
Termes draconiques:
Dovahzul - Langue draconique
J'ai dépassé les cent-milles mots… asgfklhgfdsfghfffhhhhh… Je croyais pas que ça m'arriverait un jour… mais de toute évidence, oui… Bon, bin à tous ceux qui ont lu jusqu'ici, bravo et merci, et j'espère que ça vous plaît toujours !
Si la narration vous paraît trop rapide, dites-le, si vous voyez des fautes d'inattention, dites-le, si un personnage agit d'une manière qui vous trouble, dites-le. Si vous aimez juste l'histoire, dites-le aussi, ça m'encourage à écrire plus vite ;)
Guur Fahdonne ! Au-revoir les amis !
