Hey !
Je m'excuse de l'attente, normalement j'avais prévu un chapitre par semaine, mais j'ai eu un souci avec le chapitre 3 (que je pense diviser en deux tellement il est… long, je ne sais pô trop comment je vais faire) et je voulais aussi finir le plan global du scénario.
En effet, je pensais reprendre grossièrement celui de la saison 3 et changer surtout vers l'épisode 9, sauf que plusieurs choses me gênaient ; le fait que le scénario soit construit pour une série animée et non pas une œuvre écrite, que vous allez avoir un goût de réchauffé voire d'ennui car il n'y aura rien de nouveau avant un moment et surtout… qu'il y a d'autres chemins sympas - à mon sens - à exploiter pour arriver aux développements voulus et au dénouement final.
Ainsi donc, j'ai décidé que la fanfic se déroulera pas tout de suite dans la tour. (de toute façon les personnages étaient trop stressés à l'intérieur, impossible pour eux de se remettre en question dans ces conditions, avec une Elely toujours en panique et 13 épisodes à boucler)
Avec ce que j'ai en tête, je pense qu'il y aura une vingtaine de chapitre. Là, le 3ème et le début du 4ème (qui correspondent grosso-modo aux épisodes 1 et 2 de la série) sont déjà entamés.
Je vous souhaite une bonne lecture pour ce deuxième chapitre, servant de transition ! (btw, je m'excuse vis-à-vis de mon style d'écriture, ça fait des années que je n'ai pas écrit et ce projet sert à me remettre dans le bain, n'hésitez pas si vous avez des remarques !)
CHAPITRE 2 : QUAND L'ABSENCE PESE
Alibert, Chibi, Grougal, Yugo et Ruel
Sur le devant, la maisonnette avait tout d'une auberge traditionnelle vouée à ses aventuriers sa bonne cuisine, son ambiance bon enfant, ses ragots croustillants, aussi à ses joueurs de mandolines irréguliers. Une odeur d'épice dansait constamment dans l'air, à la fois douce et piquante, qui valsait au gré de l'arrivée des plats servis par deux fripons sous les regards attendris des spectateurs. Comme pris dans une farandole, les deux serveurs gardèrent le rythme au service, parfois échevelé par deux pas imprécis qui firent rire l'assemblée, et arrivèrent à entretenir une harmonie atypique.
Les premières tables servies, les deux jumeaux s'écrasèrent contre le flanc du comptoir, profitant de leur intermède. L'Eliatrope ne put cependant pas s'empêcher de glisser une main vers une tranche de pain habillée d'une généreuse couche de confiture, avant de se rabattre lorsqu'il sentit qu'il était déjà l'heure de s'occuper des légumes. Laver, éplucher, couper, aromatiser. Chaque temps fut orchestré honorablement jusqu'à l'arrivée des couffins ou des couverts. Leur main dynamique s'empara de différentes herbes, d'une autre ils trouvèrent l'instant pour nettoyer la paillasse. Ragoût, purée, viande grillée, poisson broché à profusion étaient déjà débités ou enfournés.
De une à quatre, ils retournèrent satisfaire l'attente des convives et la curiosité des clients. Donnant de la vie aux tables n'en possédant plus, ou ravivant la flamme à deux tourtereaux trop timides, ils enchaînèrent les groupes jusqu'à l'acte final mettant fin à leur spectacle.
« Vous avez fait un excellent travail tous les deux ! félicita Alibert à ses fils, tenez, un morceau du chef ! »
Ils eurent à peine le temps de le remercier que l'assiette était déjà vide.
Ce n'est que récemment qu'Alibert les autorisa à donner la main à la pâte à la gestion de l'auberge. S'il était aux premiers abords effrayé par le côté turbulent que pouvait avoir Grougaloragran et celui maladroit de son frère, il fut agréablement surpris de constater à quel point travailler améliorait leurs performances. Chibi, farouche et craintif de nature, devint plus sociable et se surprit à devenir plus entreprenant, ce qui ne déplût à Grougal, pouvant à présent se montrer moins surprotecteur.
Les deux faisaient une sacrée paire, tous se demandaient s'ils allaient finir par se lasser de leurs pitreries continuelles, mais ils revenaient toujours à la charge avec une nouvelle idée à mettre en pratique. Souvent, c'était Grougal qui avait les idées, et Chibi les exécutait, sauf quand il s'agissait d'expérience avec le feu. Creuser des trous dans le jardin à la recherche d'un trésor, construire une cabane dans la forêt interdite, cracher du feu dans la neige, recouvrir la grande allée de farine, essayer de mettre le feu aux toilettes… Ils collectionnaient les frasques en tout genre. Alibert adorait ses enfants, mais il n'était pas contre un petit coup de main de temps en temps, d'autant plus qu'il avait beau y mettre toutes ses forces, il n'arrivait tout simplement pas à les gronder, pas quand ils prenaient leurs bouilles d'ange toutes penaudes. Le seul était immunisé par cette attaque Attraction était Adamaï…
Les clients appréciaient la nouvelle génération, d'autant plus s'il s'agissait d'un dragon et d'un Eliatrope, bien que certaines personnes trop curieuses se retrouvèrent déçues en apprenant qu'ils n'avaient pas – encore – le droit d'utiliser leur magie respective. Alibert arrivait tout de même à capter l'attention de ses fougueux aventuriers en contant les exploits et les parcours singuliers de son fils Yugo – quand ce n'était pas lui-même. Ils étaient capables d'écouter ses récits et descriptions improvisées des jours entiers avec un plaisir jamais démenti, bien plus que les rumeurs circulantes çà et là sur le royaume des douze. Toutes ces aventures enivrantes furent peintes, par la main fougueuse de l'esprit, allant des coteaux muris par le soleil, les ombres s'étendant sur les pics montagneux, le vent glacial fouettant la neige, inlassable océan vaste, fiancé à bien des navires…
Pourtant, même avec un sourire aux lèvres, Alibert savait que cette vie exceptionnelle enfermait paradoxalement son fils dans une cage verrouillée et animée de tumultes trop violents. Il avait été éduqué pour suivre une vie simple d'Enutrof, successeur d'une modeste auberge, veillant sur un village paisible dont l'horizon se limitait aux prairies jonchées de ruisseaux et aux forêts denses de noisetiers. Aujourd'hui il se trouve être un fils des étoiles, toujours par monts et par vaux, destiné à gouverner, durant des siècles et des siècles, sur un peuple ancestral ayant la maîtrise de l'énergie vitale. Chacun d'eux préférait éviter le sujet, d'autant plus depuis la perte d'Adamaï, tout ce qu'ils savaient, c'est que ni l'un ni l'autre n'avait hâte du moment venu de prendre ses responsabilités.
Au même moment, une ovation enthousiaste résonna depuis la salle de réception. Les têtes des trois cuistots jaillirent de la porte pour mettre le doigt sur la cause de cette exaltation, avant de la rejoindre en voyant le retour de ce bon vieux Ruel et de l'éternel enfant au chapeau bleu.
Yugo ne faisait absolument pas ses vingt-et-un an, non seulement par sa taille, mais surtout par son corps d'adolescent. Son être dégageait une sorte de gentillesse solaire, marquée par ses cheveux en bataille, blonds comme les blés. Il avait conservé ses grands yeux noisette diaphanes et contrairement à ses cadets, abordait un teint clair, légèrement hâlé par le soleil. En bref, il n'avait rien d'un guerrier, avec son apparence fluette d'enfant à qui on offrirait un ballon. Un sourire incertain commença à se dessiner sur son minois quand…
« Grand-frère ! s'exclamèrent en chœur Chibi et Grougal. »
Yugo reçut pour accueil deux boulets humains qu'étaient devenus les jumeaux, excités dans ses bras. Il les enlaça avec autant d'entrain, profitant de ce paisible moment qui pouvait perdre toute sa douceur en une seule interrogation. A sa surprise, cette dernière ne vint pas tout de suite et sentit plutôt une généreuse paluche qui dérangea son chapeau. L'Eliatrope se rendit compte que ça faisait effectivement presque deux mois qu'il n'était pas rentré et qu'il commençait à se faire désirer. Ruel esquiva habilement l'étreinte générale d'un œil affectueux, avant de saluer son vieil ami.
Quand les doigts de Yugo se crispèrent sur la tête de ses frères, la famille comprit tout de suite les nouvelles – ou plutôt le manque de nouvelles. Le dragon eut alors l'intelligence de garder un grand sourire avant d'empoigner son frère de sang.
« Chibi sait maintenant utiliser ses portails !
- Hein ? Quoi, déjà ? héla Yugo, pris au vif.
- Il sait en faire, répondit Alibert, mi-figue mi-raisin, les maîtriser, c'est un autre débat.
- Oula… Tu as dû t'amuser, toi, ricana platement Ruel.
- Je n'ai jamais vu autant de monstres dans ma maison… ni même de toute ma vie.
- Tu aurais dû voir la tête de papa quand il a ouvert en grand le placard à confiture et bim ! Un Polter a surgi !
- Tu m'apprendras à monter dans les arbres avec ? demanda l'enfant aux cheveux blancs, les yeux pétillants.
- Maintenant on pourra jouer tous les quatre avec Az et ses petits ! renchérit Grougal avec entrain.
- On pourra faire des concours ! Celui qui ira le plus vite ?
- Ou celui qui ira le plus loin !
- Et tu crois que je pourrais courir rapidement avec ?
- Et voler ?
- Marcher sur l'eau ?
- Oh, du calme, ria Yugo, évidemment qu'on fera tout ça !
- Laissez votre frère s'installer un peu, apaisa gentiment Alibert, tu as l'air d'avoir faim, mon p'tit piou… Mettez-vous à une table, je vais vous servir un bon gratin, ça va vous réchauffer.
- Je peux m'en occuper papa…
- Non, non, tu rentres d'un long voyage, tu iras aussi te reposer, ta chambre est toujours prête à t'accueillir. »
Amalia
De longues tiges humides recouvertes d'épiphytes s'inclinaient au-dessus d'elle. Amalia était dignement assise dans la salle de réception, le regard mélancolique baissé vers les feuilles tombantes de l'ombre d'une orchidée. Autour d'elle, l'atmosphère est lourde de rosée, la brume s'entremêlait avec l'air frais, cachait parfois les arbres voûtés vers la terre, les feuillages autrefois tournés vers le ciel. La brise ballotait les peines et les peurs, ne laissant pas l'espoir prendre place. La princesse n'avait plus rien d'une fleur épanouie et se rapprochait plus d'un bourgeon privé de son stigmate. Un bourdonnement incessant fredonnait, jusqu'à ce qu'elle put y distinguer quelques mots limpides
« malia… ? … Amalia ? »
La concernée se retourna et considéra une divine princesse osamodas. Sa voix était suave, mélodieuse, ses cheveux blonds caressaient la courbe excessive de son dos. Ses iris, étroits et envoutants, rivés sur la sadida, semblaient vouloir comme percer ses pensées.
« Votre repas ne vous plaît pas ?
- Si, bien sûr, c'est délicieux, répondit-elle sans conviction, les sourcils déjà inclinés.
- Mais tu as la tête ailleurs, n'est pas petite sœur ? intervint Armand, son grand frère. »
Silence.
Amalia se fit violence pour ne pas s'énerver ou manquer de respect envers la noble – totalement antipathique à ses yeux – qui venait de lui serrer la main.
« Alors c'est à nous qu'il revient de vous changer les idées.
- Inutile de vous embêter pour moi, Aurora.
- J'aimerais vous présenter quelqu'un qui a beaucoup de points communs avec vous… »
Amalia lui échangea un regard blasé, peu gênée étrangement.
Les gardes laissèrent passer un homme qu'elle put détailler à loisir, d'autant plus qu'Aurora s'était décalée plaisamment pour dégager l'espace. Un gaillard, hâlé avec une bonne tête de guerrier, se tint près de la table royale. Il paraissait être un homme de qualité à la physionomie robuste, solide, fort, grand. La princesse sadida se retrouva déconfite, elle sentait le début d'une céphalée coercitive détoner ses neurones comme une traînée de poudre. Elle avait toujours un sentiment d'exaspération qui la hantait, précédé d'une mauvaise appréhension.
La princesse était une femme aventureuse, ambitieuse, mais romantique. On l'avait toujours bercée de contes de fée, où elle se ferait sauver par un prince charmant, à la figure séduisante, de sang royal et à la carrure de combattant. On lui avait présenté ce destin comme un rêve, elle le voyait maintenant comme un cauchemar. Elle avait failli en faire l'expérience avec le comte Harebourg, un vieil ennemi de Bonta qui s'était révélé être un amoureux transi à son égard. Il avait tout du prince qu'on lui avait vendu sauveur de son royaume, beau, puissant, amoureux. Le souvenir de ses sanglots la veille de son mariage – bien qu'il fût annulé - persistait au fond de son cœur.
Le romantisme laissa sa place à la politique, à présent, Amalia n'était plus qu'un cordon servant à unir deux contrées différentes. Le passé a démontré combien le royaume avait besoin d'alliance. Lors des précédentes tragédies, personne ne s'était donné la peine de fournir une assistance quelconque. Armand fut le premier à lancer l'initiative et se fiancer à la princesse osamodas. Depuis cette entente – pacte, corrigea mentalement Amalia – le couple royal ne cessait de lui envoyer des signaux pour lui rappeler ses responsabilités.
« Et qui est ce monsieur, puisqu'il me semble que vous m'avez présenté tous vos frères ? demanda platement la sadida, avec une pointe d'accusation et d'irritation qu'elle peinait à camoufler.
- Amalia ! Un peu de respect pour ma dame ! protesta Armand.
- Laissez, mon prince, Amalia ne pensait pas à mal…
- Je ne pense pas à mal, mais mettez-vous dans la tête que je ne suis plus une enfant, et que je comprends très bien ce que vous essayez de faire. »
Et avec ça, Amalia poussa sa chaise, avec l'évidente intention de se tirer.
« Même à table, tout n'est que politique… marmotta-t-elle. Dorénavant, je mangerai dans ma chambre. »
Elle les planta là.
L'aigre brise soufflait à nouveau par toutes les fissures du château, des feuilles détachées de leur arbre saupoudraient le plancher du couloir comme une pluie continuelle. Amalia écouta ses propres pas résonner, comme pour se réconforter dans sa solitude. Elle détestait ça, la solitude. Sans personne pour parler, pour écouter ou pour distraire, on se sent obligé de s'écouter, de se pencher sur nos problèmes. Ses yeux s'illuminèrent cependant en passant devant une porte gardée et verrouillée.
Il fallait remettre les évènements dans leur contexte pour comprendre le secret de cette fameuse porte. Suite à l'accident des dofus, il avait été décidé qu'ils soient confiés à une personne de confiance, assez puissante pour repousser les gourmands et suffisamment loyale pour ne pas en abuser. Goultard fut choisi pour remplir cette mission, avant de revenir sur sa décision une paire de mois après.* En effet, les données venaient d'être actualisées ; une organisation de l'ombre souhaitait s'en emparer. Réceptif à ce choix, Yugo décida alors de répartir les dofus. Goultard conserva le dofus de Glip et Baltazar ainsi que celui de Chibi et Grougaloragran. C'est à ce moment que la princesse sadida avait proposé son aide pour la conservation du dofus de Yugo et Adamaï ainsi que celui de Nora et Efrim. Une pièce spécifique dont on étouffait au mieux l'existence, fut réservée à ce dessein, agrémentée de nombreux gardes et pièges en tout genre. Pour des raisons de sécurité, ils n'eurent pas d'informations sur le gardien du dofus de Qilby et Shinonome ainsi que celui de Mina et Phaéris. Ainsi, cette porte ornée de voussures sculptées en relief dans le bois menait à une énième pièce servant de leurre, au cas où des personnes trop intrépides chercheraient à s'emparer de ce trésor.
Soupir.
La confrérie lui manquait. Sa meilleure amie Eva, son ami Tristepin, même ce vieux radin de Ruel, puis – surtout - Yugo. La solitude ne lui allait pas, la présence des autres lui était son verni et sans personne pour discuter, elle se sentait écaillée. La peine dans l'âme et les soucis plein la tête, elle partit buller dans la chambre du roi, son père mourant.
Alibert, Chibi, Grougal, Yugo et Ruel
« Eh ! Yugo, tu m'écoutes ? sermonna Chibi en secouant son frère.
- …, répondit intelligemment le concerné.
- Grougal, pourquoi il répond pas ?
- Parce que tu es assommant.
- Il est encore là ?
- Devant toi.
- Il a l'air ailleurs !
- Dans sa tête.
- Tu crois qu'il pense à quoi ?
- A comment te faire taire ?
- Il doit penser à Amalia.
- Sûrement.
- Eh, je vous entends, hein ! »
Yugo et Ruel étaient s'assis au comptoir, en compagnie des jumeaux qui portaient à ravir un sourire béat aux lèvres. Ils avaient recommencé à bouillonner en racontant tout ce qu'il s'est passé durant son absence, allant des blagues sournoises à la fois où la cuisine avait failli prendre feu – et la fois où elle avait vraiment pris feu. Emporté par l'euphorie, ils en oublièrent presque la raison de son départ. Yugo les écoutait d'une oreille attentive, jusqu'à ce que son regard admiratif se déporta sur un détail singulier à l'écart sur les arrières était attablé un groupe d'eniripsa, s'entretenant sur l'efficacité de l'armoise sur les maladies auto-immunes et l'intérêt des recherches de la branche moléculaire. Il y avait là des médecins reconnus, des pharmaciens chercheurs, des spécialistes de la préparation officinale, herboristes en tout genre, éreintés par leur séjour. Ce tableau n'aurait rien eu d'anormal s'ils n'étaient pas aussi nombreux.
« Vous avez fait une collaboration avec des Eniripsa ou quoi ?
- Non, ils sont en route pour le royaume sadida.
- Pourquoi ça ? interrogea l'énutrof.
- Ben parce que l-…
- Chibi, Grougal ! appela nerveusement Alibert de la cuisine, venez apporter les assiettes ! »
Penauds, ils s'exécutèrent.
Ruel et Yugo échangèrent un regard entendu, légèrement alarmant. Il n'en fallut pas plus pour que l'Eliatrope se téléporte dans la cuisine.
« …nt de rentrer, était en train d'expliquer le cuisiner, ne lui parlez pas de ça avant…
- Parler de quoi ?
- Yugo ! Les plats arrivent, tu peux retourner à ta place.
- Parler de quoi ? insista le fils aîné, connaissant d'avance la rengaine.
- Tu préfères du pain d'épice ou aux céréales pour accompagner ?
- N'importe, tu ne sais toujours pas faire du pain, ricana-t-il avant de reprendre son air sérieux, parler de quoi ?
- Tu as remarqué que j'ai changé les rideaux – Grougal a brûlé les anciens – ça donne un bon côté convivial, non ?
- Oui, ils sont très beaux. Parler de quoi ?
- Eh, tu n'aurais pas un peu grandi ?
- Non. Parler de quoi ?
- Tu veux bien t'occuper de tes frères quand je travaille ?
- Tenez, vous deux, j'ai rapporté une boufball, commenta platement Yugo avant de lancer l'objet à l'extérieur, parler de quoi ?
- Ecoute mon piou, je t'en parlerai quand le moment sera venu, tu comprends ?
- Je comprends.
- …
- …
- …
- Parler de quoi ? »
Gros soupir.
Le visage d'Alibert prit une toute autre dimension. Ses yeux normalement rieurs et affectueux se contractèrent, ses lèvres s'ouvrirent, incertaines des mots à choisir, sa voix se bloqua dans sa gorge nouée. Yugo marqua une pause, agité par la panique, son sang ne fit qu'un tour. Quand Alibert croisa le regard de son fils, il s'empressa de le rassurer :
« Ce n'est pas ta Amalia. »
Yugo ne releva pas le « ta ».
« C'est le roi Sheran Sharm, soupira-t-il finalement, il est très malade. Les Eniripsa se sont mobilisés dernièrement, ils ne cessent de faire des allers-retours. »
Les oreilles de l'Eliatrope s'abattirent contre son crâne, chagriné, la mine stupéfaite.
Bien qu'il n'eût jamais été sentimentalement proche du roi Sadida, il entretenait une relation privilégiée avec ce dernier, gâté de respect. Considéré – un peu à tort selon lui – comme le sauveur du royaume sadida et jouissant d'un titre royal, Yugo et toute sa famille furent toujours les bienvenue au palais. Il ignorait si c'était à cause de son corps d'enfant à choyer ou bien de l'affection que lui portait la princesse, mais l'Eliatrope jurait que le roi le voyait comme un membre de la famille, toujours d'un œil bienveillant et ouvert. De surcroît, c'était surtout le père à Amalia.
Amalia ne lui avait jamais parlé de ses problèmes de famille – en y repensant, elle parlait rarement de ses problèmes tout court. Geindre pour une tache de café sur sa plus belle robe, râler sur tout ce qui ne sentait pas la rose ou encore pester contre tous ceux qui osait lui lancer une pique malvenue, ça, elle ne s'en privait jamais. Ses tourments, en revanche, étaient partagés via des non-dits.
La seule et unique fois qu'elle laissa ouvrir son coffret intérieur débordant de fardeaux était lors de la célébration du troisième anniversaire d'Elely et Flopin. Ce jour-là, il pleuvait. Il pleuvait tant que l'humidité se glissait au travers les jointures, les gouttelettes rampaient, perfides. Ils étaient tous trempés jusqu'aux os, l'air idiot. Pinpin essayait en vain de rattraper le gâteau d'anniversaire – une superbe pièce montée fruitée - tandis qu'Eva tentait de calmer les enfants – effrayés ou énervés, il ne s'en rappelait plus trop. Amalia s'était contentée d'aller chercher des serviettes, en prenant soin d'en prendre une supplémentaire pour chaque Eliatrope, sachant pertinemment qu'ils ne retireraient pour rien au monde leur chapeau. Yugo s'était retourné pour la remercier, sans s'attendre à voir la princesse, morose, prendre place près de la fenêtre, les yeux rivés vers le déluge. Il n'avait jamais vu ce regard, rempli de chagrin, de douleur, voilé de lassitude. Remarquant qu'il s'était arrêté à une distance trop respectable, la sadida lui lança un sourire penaud. Où était passé la tristesse qui teintait ses prunelles ?
« Cette pluie alors, elle tombe jamais quand il le faudrait ! »
Un mois plus tard, Eva lui apprit que la reine Sadida s'était éteinte un jour d'été. Le soleil était éclatant ce jour-là. Moqueur.
« Il faut… Il faut qu-
- Que tu ailles au royaume sadida soutenir ton amie, oui, compléta Alibert. »
L'enfant éternel sourit d'un air vague. Ça lui faisait mal de laisser son seul parent à la charge de l'auberge, elle avait gagné en popularité et était devenu un lieu incontournable pour les aventuriers.
« Fais pas cette tête, regarde-toi, tu as besoin de te changer les idées. »
Son père avait raison : Yugo était complétement éteint.
« Et je viendrai avoir toi, bonhomme, rassura Ruel qui s'était joint à eux – initialement parce qu'il commençait à avoir faim. On y sera plus rapidement avec mon petit bijou ! Héhé !
- Je te remercie Ruel… soupira Yugo, un léger sourire aux lèvres. Amalia est ma meilleure amie, elle m'a beaucoup soutenue lorsqu'Adamaï est parti… elle a participé à sa recherche, a accepté de conserver deux dofus, j'ai une dette.
- Comme s'il n'y avait que ça, ricana le vieil Enutrof. »
Yugo piqua un fard, mais ne nia pas. Ça faisait bien longtemps qu'il avait cessé de se voiler la face, Yugo éprouvait des sentiments forts pour la princesse, sentiments qu'il a cherché à enterrer et tasser avec la distance et le temps. Quand bien même ils avaient qu'un an d'écart, il serait toujours considéré comme son « petit frère », ou pire, son « petit ami » en veillant à ne pas rajouter de trait d'union entre les deux mots.
« Nous aussi, nous t'accompagnerons ! »
Grougal.
« Alors là, hors de question, vous restez avec papa !
- Mais euh ! geignit son frère Eliatrope, nous aussi on aimerait partir à l'aventure !
- Ce n'est pas une aventure, Chibi… et puis, vous êtes trop jeunes.
- Tu es parti jeune à ton premier voyage !
- J'étais plus grand.
- « Grand », ça se discute… marmonna Ruel.
- Ça, c'est un coup bas, Ruel !
- Il est jaloux de ta jeunesse, plaisanta le maire d'Emelka.
- Est-ce qu'un jour vous allez apprendre à respecter vos aînés ? ronchonna le concerné. »
Les plus jeunes pouffèrent de rire puis reprirent leurs yeux brillants d'étoiles. Yugo sembla hésiter et regarda son père adoptif, qui se grattait le menton, pensif.
« Les clients viennent souvent pour voir vos trois bouilles et puis… je ne sais pas combien de temps vous allez rester là-bas.
- Dans pas longtemps, renchérit immédiatement Chibi, on va juste faire un câlin à Amalia et on revient !
- Et si le monde trouve le moyen d'être en danger en chemin ?
- C'est fini tout ça, répondit calmement Ruel, le ciel ne va pas toujours nous tomber sur la tête, on n'est pas dans un roman.
- Ou une mauvaise fanfic. »
Alibert quitta le regard pétillant des jumeaux pour le poser sur Yugo. Bon sang, il avait l'air complétement à bout.
« Vous reviendrez vite ?
- Alors c'est oui ? hurla l'Eliatrope au chapeau noir.
- Je te le promets, papa.
- On dirait bien, constata Grougal.
- Mais pas avant demain, je veux profiter de vos minois encore ce soir et je dois vous préparer de la vraie nourriture – parce que les salades Sadida…
- Il faudra aussi prévoir de l'argent, pour le zaap, comme on sera plusieurs… répliqua Ruel, détendu. »
Forcément.
« Bien sûr. Je ne m'attendais pas à ce que tu fasses ce geste.
- Oh ça va, hein ! Je payerai des glaces, protesta-t-il en ignorant les « Ouaiiiis, des glaaaces ! » des enfants. Et t'en fais pas Alibert, je te les ramènerai tous. »
Pendant ce temps, du côté du disparu…
« Full ! s'exclama une osamodas aux cheveux roses.
- Carré, répliqua un Ecaflip au pelage noir.
- Paire… Ush, tu as triché.
- On arrête de se plaindre et on se transforme.
- Hors de question. On refait une deuxième manche.
- Allez Ad ! C'est qui le chacha à sa Coqueline ? »
* C'est la première "grosse" modification de la saison 3, comme la récupération n'a pas été trop expliquée, je me permets d'utiliser cette branche pour construire un arc dessus. La deuxième étant la participation plus active de Chibi et Grougal. (parce que tout le monde est déprimé sinon, duh)
Bon, sinon… que quelqu'un donne des benzodiazépines à ce pauvre Yugooo !
A la semaine prochaine pour le chapitre 3, qui contiendra du yumalia (enfin !)
