Il y avait des moments, des attitudes, des images, des mots que l'on pouvait considérer comme marquants. Les quatre qu'avaient prononcé Scott McCall en rentrant dans la salle de classe derrière Stiles l'étaient. Jackson et Isaac étaient d'accord là-dessus, sans même se concerter. Alors que le cours avait déjà commencé depuis un bon quart d'heure, l'un surveillait l'alpha tandis que l'autre jetait un coup d'œil régulier du côté de Stiles. Lydia ? Elle avait pris la place près de lui et si elle n'avait rien pu obtenir de probant quant à la raison de la discorde entre Scott et lui, Jackson et Isaac avaient déjà quelques informations malgré eux.

Des informations tirées de l'odeur de l'hyperactif. Disons que celle de l'alpha était toute simple, uniquement constituée de colère, qui s'était assez vite transformée en simple tension. Scott était concentré sur le cours et ne faisait attention à rien d'autre. Du côté de Stiles, c'était très différent. S'il faisait mine d'écouter les élucubrations du professeur, il n'était pas réellement là. Son odeur à lui était bien plus complète et complexe que celle de Scott : à la colère s'ajoutait la tristesse et une sorte de… Douleur. De toute évidence, leurs différends avaient plus d'effets sur l'un que sur l'autre et les deux loups, s'ils ne disaient rien, trouvaient étrange que Stiles soit le plus touché. Pas que l'hyperactif soit en général insensible, simplement… On avait l'habitude d'un Scott doux, très « puppy » et naïf sur les bords, face à un Stiles sûr de lui, sarcastique et même parfois un peu sec. Et même lorsqu'il leur arrivait de ne pas s'entendre sur un sujet, l'humain passait généralement plutôt vite l'éponge – pas cette fois, apparemment.

Et puis il y avait cette phrase, ces quatre mots.

« Reste à ta place. »

Si Isaac et Jackson n'appréciaient pas réellement Stiles, ils ne le détestaient pas non plus mais étaient assez intelligents pour lui reconnaître certaines qualités. Plus que ça : sa valeur. Scott avait beau être l'alpha de la meute, on savait que sans Stiles, jamais la meute n'aurait pu voir le jour – du moins, pas de cette manière. Dans un sens, il avait aidé à faire en sorte que les différents membres de ce groupe se fassent confiance, qu'ils s'écoutent, qu'ils tissent des liens. Et si tout le monde n'était pas ami, qu'importe. La priorité, c'était de se serrer les coudes, de s'aider quand l'on en avait besoin. Le reste importait peu. La plupart des membres de la meute savaient qu'en groupe, on réussissait toujours. Stiles, en vecteur positif, n'avait fait que confirmer ce fait et encourager les sorties, soirées et vacances ensemble. Si certains ne s'appréciaient toujours pas complètement, ce n'était pas grave, l'essentiel était qu'ils se connaissent et puissent compter les uns sur les autres. Chacun des membres en question avait un bon fond, selon lui – même Peter ! –, alors selon lui, on pouvait se faire confiance – dans une certaine mesure. Stiles avait d'ailleurs lui-même donné l'exemple à plusieurs reprises en acceptant de confier sa vie tantôt à Derek, qu'il adorait embêter sans pour autant l'apprécier réellement, à Théo, à Jackson, parfois à Isaac… Et ce, malgré sa fragile nature humaine.

Mais rien de ceci n'expliquait la situation actuelle ni cette façon qu'avait eu Scott de répondre à Stiles. Ainsi, l'on se demanda ce qu'avait bien pu demander l'hyperactif pour que l'alpha se montre aussi fermé. Et même si sa requête était farfelue… Cela justifiait-il son attitude des plus froides et cette courte phrase, si tranchante ? En termes de caractère, Stiles se plaçait à peu près au niveau de Scott, si ce n'est au-dessus – sa force d'esprit n'était plus à prouver. L'on pensait d'ailleurs qu'entre eux, la hiérarchie lupine n'existait pas vraiment, qu'il s'agissait avant tout de deux meilleurs amis.

La journée qui s'écoula ne fut pas bien joyeuse, ni même prolifique. Stiles n'écouta pas grand-chose de ses cours, faisant simplement acte de présence. Lorsqu'on lui parlait entre les cours, il écoutait à peine ou répondait en grognant, ce qui surprenait d'autant plus que c'était censé être l'apanage de Derek. Stiles ne cherchait à être agréable ou poli d'aucune manière et lorsque Lydia lui demanda, à la fin des cours, de rester un peu pour discuter, l'hyperactif lui répondit dans le plus grand des calmes qu'il avait « autre chose à foutre ». C'est ainsi qu'il se détourna et laissa Lydia en plan, sans la moindre explication. Flanquée d'Isaac et Jackson, dont elle adorait la compagnie malgré leurs caractères particuliers, presque opposés, elle regarda Stiles s'engouffrer dans sa Jeep et démarrer sans attendre.

Les quatre jours qui passèrent ne furent pas beaucoup mieux en termes d'ambiance : Stiles s'isolait entre chaque cours et mangeait seul, refusant chaque invitation de Lydia lorsqu'elle lui disait de venir à la table qu'elle occupait avec une partie de la meute. Généralement, le groupe se composait de Scott, Lydia, Stiles, Jackson, Isaac et parfois Dany. Mais depuis que les deux meilleurs amis étaient en froid, l'hyperactif brillait par son absence. Scott, lui, ne s'isolait pas : il haussait simplement les épaules lorsqu'on lui parlait de Stiles, prétextant qu'il faisait un caprice et que ça lui passerait. Pour autant, il ne lâcha aucune information quant à la nature de leur dispute. Il disait que c'était de l'ordre du privé et n'avait aucune réelle importance. Jackson, qui avait par précaution bien écouté son cœur, avait pu constater qu'il disait la vérité. Cependant, le kanima n'était pas assez bête pour se dire qu'elle était immuable : c'était juste sa vérité à lui.

Et pour l'instant, elle plombait l'ambiance. Lorsque l'on évoquait le nom de Stiles dans une conversation, Scott ne disait pas grand-chose, mis à part que l'humain était devenu capricieux et qu'il prenait un peu trop ses aises, récemment. En tant qu'alpha, Scott se devait de le recadrer et donc, de se montrer ferme.

C'est là, que l'on commença à avoir de sérieux doutes quant à son intégrité dans cette histoire.

Parce que Stiles était censé être son meilleur ami… Le plus réfléchi des deux et celui qui parlait le moins de l'autre. Car Lydia, de son côté, s'en était allée tenter de récolter des informations à plusieurs reprises de son côté et n'avait rien obtenu de plus qu'un « désaccord ». S'il avait simplement ajouté que Scott lui avait mal parlé, il n'avait rien lâché d'autre. A contrario, Scott n'hésitait pas à émettre une critique dès que l'on prononçait son nom.

Mais la situation, bien trop calme et stable, allait bientôt se dégrader.

Vint un jour, dans la semaine, où Scott imposa une réunion de meute au dernier moment et si l'on râla, chacun fit son possible pour faire en sorte d'être présent le soir-même. L'on se rassembla au loft de Derek aux alentours de dix-huit heures et certains se demandèrent si Stiles allait être là où non : comme tout le monde, il avait reçu le message de Scott sur leur groupe, mais n'avait émis aucune réaction, écrit aucun message. Sa présence était donc réduite au stade d'hypothèse et certains, comme Lydia, se tendirent. Même si Scott était adorable, on trouvait un peu lourde la manière dont il commençait sérieusement à critiquer régulièrement l'hyperactif qui, lorsqu'on lui parlait, évoquait au contraire l'existence de l'alpha le moins possible.

A dix-huit heures et des poussières, la plupart des membres étaient déjà arrivés et Scott tapait du pied. S'il sourit de temps à autres pour sauver les apparences, l'on voyait fort bien – pour ceux qui y faisaient attention – ce qu'il en était réellement. Derek, qui, comme à son habitude, restait loin de la foule d'adolescents, fronça les sourcils en le regardant. Scott ne disait rien de particulier, juste… Son odeur lui paraissait un peu plus relevée que d'ordinaire, pire encore que lors de la dernière réunion.

Et elle devint plus lourde au fur et à mesure que le temps passa. Lorsque Scott poussa un profond soupir et annonça le début de la réunion, son regard déjà ébène s'assombrit davantage.

- Personne n'a vu Stiles avant de venir, par hasard ? Demanda-il en forçant un sourire.

Certains se regardèrent, mais la réponse fut unanime. Près de Lydia, Jackson crut même voir un éclair de colère surgir dans ses yeux sombres, et ça ne lui dit rien qui vaille… Tout comme la nouvelle absence de Stiles. Le kanima jeta un coup d'œil à Isaac, qu'il savait avoir aussi entendu la fameuse phrase que Scott avait lancée à Stiles en rentrant en cours. Leurs regards se croisèrent comme par automatisme.

« Reste à ta place. »

Ces quatre mots refusaient de leur sortir de la tête.