Drem ! Paix

Les escortes des chefs de guerre patientaient chacune d'un côté du monastère, évitant soigneusement de se croiser. Mieux valait commencer les négociations avant que les soldats ne s'entretuent. Malheureusement, les contretemps aimaient à s'aligner dans ce genre de situation, et deux invités inattendus se tenaient dans le hall du Haut-Hrothgar.

"Votre présence est un affront à ce lieu de paix," déclara Arngeir d'une voix tranchante.

Esbern et Delphine ne se laissèrent pas intimider, bien au contraire. La Brétonne s'avança d'un pas, mais avant qu'elle ne puisse répliquer, quelqu'un s'en chargea à sa place :

"Laissez-les passer, vous ne les convaincrez jamais de partir, conseilla Siltafiir, et s'ils posent vraiment problème, je les jetterai moi-même dehors. Ça vous va ?"

Arngeir soupira, mais accéda à cette requête sans plus insister. Bien que n'appréciant qu'à moitié l'idée de se faire jeter dehors, les Lames remercièrent Siltafiir et s'en allèrent prendre place dans la salle de réunion. Sept paires d'yeux les dévisagèrent pendant qu'ils s'asseyaient autour de la table ovale au centre évidé.

Le brasier carré qui trônait au milieu de l'assemblée jetait des ombres dansantes sur les murs et des reflets agités dans les yeux de tous. La jeune fille reconnut le Général et le chef rebelle, leur légate et huscarl, ainsi que les jarls de Blancherive et Solitude. Moins attendue était la présence d'Elenwen qui ne présageait que plus de conflits. En s'asseyant, Siltafiir inspira profondément, priant les Neufs de lui accorder une patience suffisante pour encaisser cette épreuve.

"Tout le monde est présent, nous pouvons donc commencer, engagea Arngeir.

- Il y a même une personne de trop, grogna Ulfric encore debout, vous nous insultez en l'amenant à ce conseil. Jamais je n'accepterai de m'asseoir à la même table que cette… garce du Thalmor. Si elle ne part pas, c'est moi qui m'en irai."

Ça n'avait pas traîné. Les pupilles du chef rebelle brillaient d'une rage difficilement contenue et sa voix d'habitude contrôlée s'agitait de soubresauts vibrants. Après avoir lu le rapport qui détaillait son emprisonnement, Siltafiir ne s'en étonnait guère. Cela ne signifiait pas qu'elle tolérerait ce comportement longtemps.

"Elle fait partie de la délégation impériale, contra Tullius, ce n'est pas à vous de décider qui je peux convier à ce conseil ou non.

- De plus, ajouta la concernée, je dois veiller à ce que rien de ce qui sera conclu ici ne viole les termes du Traité de l'Or Blanc."

Étrangement, ce ne fut pas la colère qui s'empara de Siltafiir, mais bien une épuisante lassitude. Les désaccords s'empilaient déjà alors que leurs sièges n'étaient même pas chauds. Ulfric se tourna vers la sortie, Elenwen lui rit au nez, Elisif leva les yeux au ciel imitée par Rikke et une veine apparut sur la tempe de Tullius. La Brétonne regrettait amèrement d'avoir organisé cette rencontre.

"Si nous en venons à négocier les termes des négociations nous n'en finirons jamais, tempéra Arngeir, le moment semble opportun pour demander l'avis de l'Enfant de Dragon."

L'interpellée se figea. La présence de cette Thalmor dépendait donc de son bon vouloir ? Pas besoin d'hésiter dans ce cas. Pourtant, son instinct l'arrêta ; si elle la chassait, on l'accuserait de favoriser Ulfric, mais si elle restait, il n'en serait que plus insupportable. Droite sur son siège, elle partagea sa décision :

"Qu'elle s'en aille, Tullius est assez intelligent pour respecter le Traité de l'Or Blanc, décida-t-elle avant de se tourner vers Ulfric, et vos tics nerveux m'auraient agacée rapidement."

Le sourire du rebelle s'effaça aussi vite qu'il était apparu. Amusée malgré son éviction, Elenwen quitta son siège et partagea une dernière réflexion :

"Le Thalmor traitera avec le gouvernement qui régira Bordeciel, quel qu'il soit. Nous n'avons aucunement l'intention d'interférer avec votre guerre civile.

- Hah ! Bordeciel ne se prosternera jamais devant le Thalmor ! rétorqua Galmar en claquant sa paume sur la table. Pas comme vos amis impériaux ici présents.

- Tu as de la chance que je respecte l'hospitalité des Grises-Barbes, Galmar ! cracha Rikke en sautant sur ses pieds.

- Légate ! interrompit Tullius. Nous représentons l'Empereur.

- Pardon, Général, grommela-t-elle sans cesser de jeter des regards noirs de l'autre côté de la table, cela n'arrivera plus."

- Pouvons-nous continuer ? pressa Arngeir d'un ton étrangement autoritaire.

- Oui, confirma Tullius, mais que ce soit bien clair : si je participe à ce conseil c'est uniquement pour permettre à l'Enfant de Dragon de régler le problème des dragons. Je n'ai pas le pouvoir de négocier une paix durable, à moins qu'Ulfric n'accepte de se rendre à la justice impériale."

Des protestations à peine contenues s'élevèrent du côté des sombrages.

"Maître Arngeir, interpella Ulfric, allez-vous le laisser continuer de…"

Il se tut, coupé par un râle exaspéré. Un mouvement de tête généralisé se tourna vers Siltafiir qui appuyait mollement son menton sur sa paume. L'attitude du petit garçon dénonçant son camarade de classe ne convenait pas à un chef militaire, et elle le ferait comprendre à Ulfric d'une manière ou d'une autre.

"Ce conseil vous ennuie ? interrogea-t-il, la voix sifflante.

- Oui, rétorqua-t-elle, je n'ai aucune envie d'être ici. Si votre jarl n'avait pas refusé de m'aider, j'aurais sûrement déjà achevé ma mission et retrouvé une vie à peu près normale. Cessez de perdre du temps."

Avant que quiconque ne puisse critiquer ce manque de diplomatie, Arngeir prit la parole :

"Ce conseil est extraordinaire. Nous voici tous réunis ici à la demande de l'Enfant de Dragon. Je vous prierai de bien vouloir respecter l'esprit du Haut-Hrothgar et de faire votre maximum pour tenter d'engager un processus de paix durable en Bordeciel."

Il observa l'une après l'autre toutes les personnes présentes, forçant même certaines à baisser les yeux. Siltafiir supposait que sa patience, protégée par la solitude du Haut-Hrothgar, n'avait jamais enduré une telle épreuve. S'il n'avait dédié sa vie à contrôler sa voix et ses émotions, les fondations du monastère en auraient souffert, elle en était certaine.

"Qui souhaite ouvrir les négociations ? encouragea-t-il d'un ton grave.

- Faillaise doit être rendue aux impériaux, voilà notre prix pour conclure cette trêve, déclara Tullius sans attendre.

- Pour que Maven Roncenoir s'en empare ? Elle va mener la ville à la ruine !" protesta Vignar en plaquant une main sur la table.

Ce nom réveilla Siltafiir. Maven deviendrait jarl ? Ça, ce serait bon pour la Guilde. Peut-être que ces négociations auraient une utilité autre que la sauvegarde de Tamriel. Elle se tourna vers Ulfric et s'étonna de son calme. Les yeux plissés, il interrompit les protestations de Vignar d'un geste de la main.

"C'est une demande audacieuse, Tullius, remarqua-t-il d'une voix posée.

- Vous ne pouvez pas le prendre au sérieux ! s'offusqua Vignar. Nous pouvons défendre Faillaise contre toutes leurs attaques, nous ne-

- Vignar, coupa Ulfric en le fixant dans les yeux, nous ferons ce que je considère être le mieux pour Bordeciel. Me suis-je bien fait comprendre ?"

L'Enfant de Dragon sentit un frisson désagréable lui parcourir l'échine et, au vu des expressions arborées autour de la table, elle n'était pas la seule. Maintenant en possession de ses moyens, Ulfric apparaissait plus imposant que jamais, et il usait de la Voix avec une subtilité qu'elle lui enviait. Jamais elle ne l'avouerait bien entendu, mais cette simple démonstration fit germer en elle un grain de respect.

"Tullius, vous ne vous attendez pas à ce que nous vous offrions Faillaise aussi facilement, continua-t-il, vous avez été incapable de la reprendre par la force, pourquoi devrions-nous vous la céder ?

- Je suis certain que le Général a prévu une contrepartie, dit Arngeir.

- Bien entendu ! s'exclama Galmar de son ton bourru. Que donnerez-vous pour Faillaise ? Des promesses vides ? Des fanfaronnades impériales ? Nous n'avons pas oublié Markarth !

- Les enfants de Bordeciel savent que parler à l'Empire est une perte de temps, ou pire, renchérit Ulfric, les promesses impériales ne font que cacher les dagues qu'ils préparent pour notre dos. Cela dit, j'ai accepté l'invitation du Dovahkiin à ce conseil, et je négocierai de bonne foi.

- Pour ça, il faudrait déjà que vous négociiez, moqua Siltafiir, mais c'est mal parti."

Des regards sévères lui répondirent, ainsi qu'un hochement de tête d'Esbern. Au moins, quelqu'un la comprenait ici.

"Vous ne semblez pas saisir l'importance de ces discussions, renifla Tullius, le menton levé.

- Et vous, vous ne réalisez pas que j'ai mieux à faire qu'écouter des disputes de politiciens, rétorqua-t-elle, Ulfric, dites-nous ce que vaut Faillaise avant de vous reperdre en beaux discours. J'aimerais tuer Alduin avant le siècle prochain."

La mention d'Alduin jeta un froid sur l'assemblée. À l'exception de Tullius, sombrages comme impériaux revêtirent un faciès sinistre. Ulfric croisa les doigts, posa ses mains sur la table et toisa la jeune fille.

"Puisque vous êtes si impatiente, peut-être devriez-vous décider vous-même du prix de Faillaise."

Son masque la sauva d'un ridicule certain. La bouche grande ouverte, elle ne prononça pas un mot durant quelques secondes, puis se racla la gorge. Elle aurait dû se taire. Incapable de se remémorer quelles châtelleries appartenaient à qui, elle aurait l'air fin si elle lui proposait une ville qu'il contrôlait déjà. Une idée lui vint toutefois.

"Le commerce de Faillaise est une source de revenus importante, souligna-t-elle d'un ton qui semblait assuré, et Maven sait faire fleurir une économie. Les mines de Markarth seraient une bonne contrepartie."

Ulfric, tout en conservant une attitude sobre, jeta un regard satisfait au camp adverse. La sensation d'avoir commis une erreur empoigna Siltafiir alors qu'elle observait à son tour les impériaux. Leurs bouches tombantes et fronts plissés n'annonçaient rien de plaisant.

"Vous l'avez entendue, sourit Ulfric, si vous désirez vraiment conclure cette trêve, vous accepterez ces termes.

- Je n'aurais pas dû m'attendre à mieux venant d'une alliée des sombrages, cracha Tullius.

- Je ne suis l'alliée de personne, corrigea-t-elle la gorge vibrante, j'essaie juste de sauver Tamriel.

- Sans vous priver de passer du bon temps avec ces traîtres," accusa Elisif en évitant soigneusement de la regarder.

Siltafiir se leva d'un bond, les mains plaquées sur la table. Elle tenta de rendre son insulte à la jarl, mais au premier mot qu'elle prononça, le brasier explosa si violemment que les personnes les plus proches durent se cacher sous la table. Le poing serré, écrasé contre la bouche de son masque, l'Enfant de Dragon parvenait tout juste à contenir la rage de yol. Voilà exactement ce qu'elle voulait éviter.

"Et maintenant vous tentez de nous intimider ! s'enflamma Tullius. Je savais que ce conseil était une perte de temps, nous partons. Mais ne croyez pas que nous en avons terminé, Ulfric. Bientôt, vous retournerez sur le billot, tout comme vous Enfant de Dragon, et cette fois il n'y aura pas de dragon pour vous sauver."

Des tremblements violents s'emparèrent de Siltafiir. Son dos se courba, ses genoux flanchèrent, sa main droite la sauva de la chute en empoignant la table. Derrière son masque, elle osait à peine respirer. Yol s'agitait contre ses dents serrées, essayant par tous les moyens de punir l'insolent qui venait de les menacer. Elle l'aurait laissé faire avec plaisir, mais l'image d'Alduin lui rappelait l'importance de ces discussions et le temps qu'elle perdrait à s'abandonner maintenant.

Un frémissement inquiet s'empara de la tablée. Siltafiir ne voyait que la lumière aveuglante du mot, n'entendait que ses appels tonitruants. Elle ne désirait rien de plus que le libérer, mais une expiration de trop sonnerait le glas de Tullius, et sûrement d'une ou deux autres personnes. Elle devait sortir !

"Stin hahdrimiil, Dovahkiin. Siiv drem," souffla une voix apaisante.

Elle posa les yeux sur Arngeir, le discernant à peine, et se concentra sur ses paroles. Oui, effacer yol, retrouver un esprit serein. Le Thu'Um du vieil homme repoussa son agitation dans sa gorge, puis jusqu'à son estomac. Yol n'apprécia guère cet emprisonnement et brûla le cou de Siltafiir. Elle poussa un grognement, puis fixa le Général en essayant de contenir les tremblements qui agitaient son corps.

"Vous savez, commença-t-elle d'un timbre rauque et instable, si vous… si vous vous en allez… après m'avoir menacée… je n'aurai… plus aucune raison… de vous laisser vivre. Pourquoi… Pourquoi vous mettre à dos… l'humaine la plus puissante de… de Tamriel ?"

Des vibrations parcouraient le sol et les murs en accord avec ses bégaiements, donnaient au Haut-Hrothgar une respiration propre et forçaient le cœur de chacun à battre au rythme qu'elle dictait. Cette fois, malgré l'insolence de ses paroles, personne n'osa protester et la plupart des témoins s'enfoncèrent dans leur chaise pour se faire oublier. Après quelques inspirations saccadées, elle secoua la tête et continua :

"Il… il faut que… je sorte… respirer un moment. À… à mon retour, vous… vous vous mettrez d'accord."

Tout en parlant, elle se dirigea vers la sortie d'un pas assorti à sa voix. Les dalles du monastère semblaient balancer sous la plante de ses pieds et elle dut s'appuyer contre un mur au moment de tourner dans le couloir. Sombrages comme impériaux ne bougèrent d'un pouce jusqu'à entendre la porte du monastère claquer, puis Tullius grommela qu'elle se croyait tout permis d'un ton peu convaincu.

"Je la trouve raisonnable, intervint Delphine en jetant des regards froids à l'assemblée, à sa place je vous aurais- "

Un hurlement l'interrompit, suivi d'une onde de choc telle que les fondations du monastère rugirent de douleur et que plus de la moitié des négociateurs furent jetés à bas de leurs sièges.

xxx

"Allez, un peu de laxisme, personne n'en saura rien.

- Vous allez vous faire repérer et ça va me retomber dessus.

- Quel manque de confiance !"

Distrait par l'insistance de Kjald et Stern, Ralof ne remarqua qu'au dernier instant Sorlena qui tentait de le dépasser. Il la saisit par le bras et la repoussa vers les autres.

"Tu ne vas pas t'y mettre, désespéra-t-il, je sais que c'est tentant, mais…

- Dans ce cas vas-y, toi, encouragea-t-elle en approchant son nez rond du visage de son supérieur, tu n'as pas envie de savoir si ta Brétonne arrive à mettre Tullius au pas ?"

Ralof repoussa sa subordonnée, puis se mordit la lèvre au lieu de la réprimander. Impossible de mentir, la curiosité le rongeait, mais il ne pouvait décemment pas espionner son propre jarl.

"Ça ne t'énerve pas que les jupettes rouges soient assez proches pour entendre ce qui se passe ? insista-t-elle en lui tapotant le torse de son index calleux. En plus, tu ne peux pas nous retenir tous les trois.

- Je pourrai vous sanctionner quand nous retournerons à Vendeaume, menaça-t-il.

- Ça vaut bien une punition," rit-elle en en sautant sur le côté.

Cette fois-ci, elle échappa aux griffes de son supérieur et s'enfuit jusqu'au détour du couloir. Ralof se passa une main sur le visage en ignorant de son mieux les gloussements des autres soldats. Même les trois plus discrets, qui s'affrontaient dans une partie de dés à l'arrière, ne parvinrent à cacher leur amusement. Les lèvres pincées, il céda finalement et suivit Sorlena, accompagné de Kjald et Stern.

En chemin, ils croisèrent Elenwen qui quittait la salle des négociations à grands pas. Elle ne leur accorda pas même un regard. Kjald lui tira la langue pendant que Stern pouffait, et Ralof se contenta d'avancer en lui prêtant autant d'attention qu'elle leur en avait accordé. Ils rejoignirent rapidement Sorlena qui s'était adossée au mur, séparée des discussions par le cadre d'une arche.

La voix de Tullius leur parvenait, demandant la capitulation d'Ulfric. Les quatre sombrages grommelèrent quelques jurons, puis se turent d'un même réflexe en entendant leur chef prendre la parole. Lui même ne put achever sa phrase, interrompu par l'impatience de Siltafiir.

Ralof se pencha pour observer la scène. Il détailla la Brétonne et sa position nonchalante, sentit son cœur battre un peu plus fort quand elle parla, mais se renfrogna en l'entendant critiquer les décisions de ses jarls. Vignar avait choisi l'option la plus sage pour protéger ses citoyens, Siltafiir aurait dû s'en rendre compte, et Ulfric n'aurait pu désigner meilleur candidat au poste.

"Quelle pé-" commença Kjald, coupé par Stern qui lui plaqua une main contre la face.

Ses confrères lui conseillèrent de ne plus ouvrir la bouche, au risque de trahir leur position et de recevoir une belle correction. Il se recroquevilla et pinça les lèvres dans une moue blessée, mais les autres l'avaient déjà oublié, trop intéressés par les rebondissements d'à côté : Tullius exigeait l'abandon de Faillaise.

"Il ne se gêne pas, siffla Sorlena, profiter de ce conseil aussi ouvertement…

- Au moins il est direct, murmura Stern, je préfère ça aux magouilles des Thalmors.

- Tu marques un point."

Incapable de voir son visage, Ralof surveillait attentivement chaque mouvement qui traversait le corps de Siltafiir. Depuis qu'il la regardait, elle semblait prête à s'effondrer sur la table en geignant, mais un nom la sortit pourtant de cette torpeur. À la mention de Maven, elle se redressa et accorda tout son intérêt à la conversation.

Ralof fronça les sourcils ; tout le monde connaissait les Roncenoir, et tout le monde les suspectait de collaborer avec le milieu criminel de Bordeciel, ce qui incluait la Guilde des Voleurs. Si les révélations de ce Vipir étaient vraies, Siltafiir sauterait sur l'occasion de donner plus de pouvoir à cette mégère.

Ulfric le coupa dans sa réflexion en calmant Vignar d'un ordre ferme. Un courant d'air… Non, une vibration douce, mais glaciale, caressa la peau de Ralof et s'enfonça dans ses chairs. Durant ses premières années de service, il pensait qu'Ulfric imposait son autorité grâce à son charisme, mais à force de le servir, et après les colères de Siltafiir, il comprenait maintenant l'importance du Thu'Um dans ses succès politiques.

"Il est quand même impressionnant, remarqua Stern en se mordillant la lèvre.

- Ouais, pas mal, marmonna Kjald en rougissant discrètement.

- Taisez-vous, les filles, ordonna Sorlena, j'essaie d'écouter…"

Dans un même élan de maturité, ils lui tirèrent la langue, mais elle les ignora, éberluée par l'insolence de l'Enfant de Dragon. Celle-ci venait de couper Ulfric pour la seconde fois, si bien que même Tullius lui reprocha son manque de tenue. Ralof n'appréciait pas non plus cette attitude, mais elle marquait un point : plus vite la trêve se concluait, plus vite elle s'en irait combattre Alduin, et plus vite les impériaux disparaîtraient de leur vue.

"Puisque vous êtes si impatiente, peut-être devriez-vous décider vous-même du prix de Faillaise," suggéra Ulfric d'un ton cassant.

Les quatre espions retinrent une exclamation impressionnée pendant que Siltafiir cherchait ses mots. Kjald ricanait en répétant discrètement la réplique de son jarl, Stern s'amusait de son imitation et Sorlena se pencha sur l'épaule de Ralof :

"Elle en veut aux sombrages ? demanda-t-elle. Parce qu'elle a l'air d'aimer contredire Ulfric.

- Je crois que c'est juste avec lui qu'elle a un problème, soupira-t-il, mais ce n'est pas comme si j'étais dans sa tête."

Sorlena lui tapota gentiment le dos. Même si Ralof n'apprécia qu'à moitié d'entendre Siltafiir complimenter Maven, la bonne humeur les regagna quand Markarth fut mise sur la table des négociations. Pourtant, leur joie ne dura guère ; Tullius préféra remettre en question la neutralité de Siltafiir plutôt que de céder la ville.

Visiblement énervée par ce commentaire, la jeune fille libéra dans sa voix un accent brûlant. Ralof, les genoux fléchis, retint sa respiration. Il reconnaissait là l'annonce d'une explosion et priait pour que tout le monde l'imite ; si les impériaux la provoquaient…

Elisif la provoqua. Dès qu'il vit Siltafiir sauter sur ses pieds, Ralof se cacha derrière l'arche et poussa ses subordonnés en arrière. La bourrasque passée, il retourna à sa surveillance. Le dos courbé, une main contre son masque et l'autre sur la table, Siltafiir tremblait de la tête aux pieds.

Ralof trouva à peine le temps de se rassurer, que Tullius jeta une cargaison entière d'huile sur le feu qui dévorait Siltafiir. Les dix doigts du sombrage s'enfonçaient dans le mur pendant que la jeune fille s'agitait de soubresauts, comme si elle allait vomir. Les négociateurs échangèrent regards et murmures, inconscients du danger qui risquait de les pulvériser.

Ralof voulait plus que tout aider Siltafiir à se calmer, sauter au milieu de ce conseil et la prendre dans ses bras, lui dire que Tullius n'était qu'un abruti qui ne connaissait rien à rien, mais outre les retombées diplomatiques, il craignait de lui faire perdre le contrôle. Au moins, Ulfric semblait prêt à esquiver.

Heureusement, avant qu'un crétin ne libère la rage de Siltafiir d'un commentaire mal placé, Arngeir intervint. Sa Voix tomba sur l'assemblée, plus douce qu'une neige d'Ondepluie. Les muscles de chacun se détendirent, les expressions perdirent de leur dureté, et même Siltafiir se redressa un peu. Toujours agitée, elle tenta de respirer profondément, s'éclaircit la gorge d'un grognement et exposa ses sentiments à Tullius.

L'atmosphère paisible instaurée par Arngeir se brisa à la première syllabe. Chaque mot que prononçait l'Enfant de Dragon se plantait dans le corps de Ralof, le clouait sur place, s'insinuait dans ses veines et dans son crâne. Même s'il l'avait désiré, il n'aurait pu la contredire. La froideur d'Ulfric ne ressemblait qu'à une fine brise devant ces menaces brûlantes.

De toute évidence, il n'était pas le seul à penser ainsi. Quand elle quitta la table pour se diriger vers la sortie, nul n'osa l'en empêcher. Ralof, la respiration figée, se plaqua contre le mur, imité par ses subordonnés. Siltafiir leur passa devant sans les voir, manquant de trébucher sur toutes les dalles qui dépassaient.

Alors qu'elle tâtonnait pour ouvrir la grande porte, Stern et Kjald poussèrent leur supérieur dans sa direction. Il hésita un instant, puis s'élança à sa poursuite quand elle sortit, parvenant tout juste à retenir le battant avant qu'il ne claque. Il déglutit et s'avança lentement, observant attentivement tous les gestes de la jeune fille. Elle avait jeté son masque par-terre, s'était emparée d'une poignée de neige et se frottait le visage sans retenue. Quand les pas de Ralof crissèrent sur les flocons, elle se retourna d'un coup et hurla :

"Je veux être seule !"

Ralof fut soulevé du sol et projeté en arrière, plus impuissant qu'une poupée de chiffon. Un craquement lui emplit les oreilles. Des tambours résonnaient dans sa tête et seule une blancheur aveuglante le saluait quand il levait les paupières. Il entendait une voix répéter son nom, étouffée, lointaine, puis on exerça une pression sur son épaule. Après une lutte sans merci contre la lumière, il reconnut une silhouette penchée sur lui.

C'était elle qui l'appelait. Il cligna des yeux et discerna finalement quelques traits sur ce visage rond. Une bouche aux lèvres minces qui s'agitait, des pupilles dilatées, noyées dans les larmes, des joues et un nez rougis par le froid.

"Sil… tafiir ? marmonna-t-il en se redressant.

- Tu vas bien !" s'exclama-t-elle en le serrant dans ses bras.

Il grimaça quand elle appuya sur ses bleus naissants. Elle s'écarta brusquement en s'excusant pendant que Ralof faisait tourner ses épaules et ses coudes. Il se massa la nuque, puis le crâne, et écarquilla les yeux. Sur sa paume, une tache écarlate. Du sang.

"Oh non ! paniqua Siltafiir. Je suis désolée ! Tellement désolée ! Je… Je reviens tout de suite !"

Elle disparut dans le monastère. Ralof se remémorait peu à peu les raisons de leur présence ici et comment il s'était retrouvé au sol. Il s'adossa au mur, grogna et observa le paysage. Les nuages se clairsemaient, révélant une chaîne de montagnes et des morceaux de plaine.

Il fixait toujours les pics quand Siltafiir revint. Elle jeta un sac à terre, s'agenouilla et en extirpa une potion de soin. Les excuses pleuvaient pendant que Ralof appliquait une part de la mixture sur son crâne et avalait le reste en tirant la langue.

"Pardon, répétait-elle, je ne voulais pas…

- Je sais, tu ne m'avais pas vu."

Elle s'affaissa, la tête et les épaules lourdes, les poings serrés sur ses genoux. Blesser Ralof ainsi était une honte. L'image de son corps gisant par-terre, à cause d'elle, la hanterait longtemps.

"J'ai failli te tuer, murmura-t-elle, une main sur le front.

- Mais je vais bien, assura-t-il, et j'aurais dû comprendre que ce n'était pas le moment de-

- Une raison de plus d'arrêter tout ça.

- De… Quoi ?"

Elle soupira, se massa la tempe et fixa les pupilles confuses du soldat. Peut-être que la cour du Haut-Hrothgar n'offrait pas le meilleur environnement pour une séparation, mais la remettre à plus tard ne faciliterait rien. Elle se mordit la lèvre et souffla :

"Tu… tu vas mourir avant moi.

- Je vais… Quoi ?

- Dans quarante, cinquante ans au plus, tu auras disparu, et moi j'en aurai pour quatre siècles. Ce n'est pas… On n'est…"

Elle se frotta les yeux, maudissant sa langue pâteuse et son esprit embrumé. Ralof détourna le regard un instant, puis le reposa sur Siltafiir. Il commençait à comprendre sa réaction à Vendeaume ; elle avait compris son erreur.

"Finalement, tu es bien comme les elfes, crissa-t-il en se relevant, après tout, les Nordiques ne sont que des enfants, ils ne-"

La tête lui tourna et il dut se rattraper au mur. Il trouva malgré tout l'énergie de refuser l'aide de Siltafiir quand elle voulut le soutenir. Les yeux rouges, elle recula.

"Ce n'est pas ce que je voulais dire, se défendit-elle d'une voix cassée.

- Je connais ce discours, continua-t-il en l'ignorant, des gens qui vivent moins d'un siècle, c'est indigne, surtout pour une fille de bonne famille.

- Arrête, supplia-t-elle, je n'ai jamais dit ça !

- Alors quoi ? Comment je suis censé le prendre ?

- Je n'ai pas envie de te perdre ! hurla-t-elle. Je t'aime et je ne veux pas te voir… mourir."

Sa colère désamorcée, Ralof ne put que répéter cette dernière phrase en bégayant. Siltafiir fixait l'horizon sans le voir, se sentant plus bête et inutile qu'un dragon sans ailes. Non seulement, elle repoussait un homme bien, mais elle le faisait si mal qu'il la croyait raciste. Pitoyable.

"Tu me quittes parce que… ? commença-t-il avant de s'enflammer. Moi aussi j'ai peur pour toi ! Tu te prépares à combattre Alduin !"

Siltafiir s'apprêta à répliquer que, non, ça n'avait rien à voir, mais se figea, lèvres entrouvertes. À combattre le plus vieux dragon de Nirn, elle risquait d'y passer avant n'importe qui. Elle ne doutait pas de sa capacité à vaincre, mais d'un œil extérieur, il était normal de s'inquiéter.

Ralof se frotta la nuque, secoua la tête et tourna un sourire fatigué vers la jeune fille.

"Écoute, je ne peux pas comprendre tout ce qui t'arrive, surtout que tu ne m'expliques pas grand-chose, soupira-t-il dans une moue impuissante, il y a un an, j'aurais donné n'importe quoi pour être à ta place, mais quand je vois ce que ça te fait… Ce que je veux dire, c'est que ce serait bête de tout arrêter maintenant, quand tu as l'air d'avoir besoin de soutien."

Il prit ses mains dans les siennes et, de ses pouces, lui caressa les doigts. Elle hésita à s'écarter, mais l'énergie lui manqua. Résister à un contact si doux alors que la colère et la peur se disputaient le contrôle de son esprit ? Impossible.

"Je viens de t'ouvrir le crâne, argua-t-elle en baissant les yeux.

- Bah ! je suis trop sonné pour y penser," plaisanta-t-il dans un haussement d'épaules.

Malgré son regard sévère, Siltafiir ne put empêcher ses lèvres de s'étirer. Un rire las siffla entre ses dents alors qu'elle serrait les mains de Ralof un peu plus fort. Il se pencha sur elle et lui embrassa le front avant de murmurer :

"Au fait, moi aussi, je t'aime."

Un frisson parcourut le dos de la jeune fille, son estomac s'allégea, ses oreilles chauffèrent. Cette fois, elle sourit de tout cœur. La gorge trop nouée pour répondre, elle s'accrocha aux épaules du soldat et l'embrassa du bout des lèvres. Avant qu'elle ne s'écarte, il lui saisit la taille et déposa une ribambelle de baisers sur sa bouche, ses pommettes, sa mâchoire, pour s'arrêter dans le creux de son cou.

Elle soupira de contentement quand le souffle moite de Ralof s'écrasa contre sa peau. Ignorant de son mieux les appels incessants du fendragon, elle l'étreignit et enfouit son nez dans ses cheveux. Le temps de chaque inspiration, elle oubliait tout le reste, enivrée par ce parfum âcre qui lui manquait un peu plus à chaque séparation.

"Je vais devoir y retourner, désespéra-t-elle en se ramollissant, ils ont trop attendu.

- Tu vas tenir le coup ?

- J'espère."

Elle se dégagea de l'étreinte pour aller ramasser son masque et revint en l'époussetant. Les paupières lourdes, elle échangea une dernière embrassade avec le sombrage avant de pousser la porte du monastère. Arrivés à la salle des négociations, elle confia son sac à Ralof et souleva Krosis une dernière fois pour déposer un baiser au coin de sa bouche. Il l'observa regagner son siège, ignorant les commentaires de Kjald et Stern qui avaient également retrouvé leur poste d'espionnage.

"Désolée pour ce contretemps, déclara Siltafiir, dos droit et mains jointes, nous parlions de Markarth.

- En effet, renifla Tullius, d'ailleurs ces termes ne sont toujours pas acceptables. Si je signe ce traité, l'Empereur le répudiera et me démettra de mes fonctions.

- Dans ce cas dites-nous ce qu'il vous faut. Sans dévier du sujet."

Après un froncement de sourcils plus nerveux qu'agacé, Tullius demanda la remise de Fortdhiver. Immédiatement, Galmar leva les yeux au plafond en se plaignant de l'avarice impériale. Siltafiir, de son côté, sentait les rotmulagge se réveiller dans le fond de sa gorge. Moins d'une minute avait suffi pour l'énerver. Génial.

"Et puis quoi, Tullius ? Devrai-je vous céder l'intégralité de Skyrim avant que vous ne soyez satisfait ?"

Siltafiir leur aurait intimé de fermer leurs clapets d'un bon gros éclat de Voix, mais Esbern la devança :

"Arrêtez ! Êtes-vous si aveuglés par la peur que vous ne pouvez rien voir au-delà de vos désagréments futiles ? Vous vous disputez sur… rien, alors que le destin du monde est en jeu !"

Siltafiir voulait plus que tout courir à l'autre bout de la table pour embrasser le vieillard. Enfin quelqu'un de raisonnable ! Hélas, Ulfric ne partageait pas cet avis, et il le fit savoir :

"Est-il avec vous, Delphine ? Si oui, vous devriez lui dire de surveiller sa langue.

- En effet, répliqua l'interpelée d'une voix tranchante, il est avec moi, et je vous conseille à tous d'écouter ce qu'il a à dire avant de prendre des décisions irréfléchies."

Ignorant les regards noirs d'Ulfric, Esbern reprit son sermon, pour le plus grand bonheur de Siltafiir.

"Ne voyez-vous pas le danger ? Ne comprenez-vous pas ce que signifie le retour des dragons ? Alduin est revenu ! Le Dévoreur de Monde ! À cet instant, il se repaît des âmes de vos camarades tombés au combat ! Il devient plus puissant à chaque soldat tué par votre guerre insensée !"

Il reprit son souffle, le temps que chacun saisisse l'importance de son discours.

"Ne pouvez-vous pas mettre vos différends de côté juste un moment devant ce danger mortel ?"

Nombre d'yeux s'abaissèrent sous le poids de ces remontrances. Essoufflé, Esbern se laissa retomber sur sa chaise, tout en répondant d'un sourire aux signes de tête reconnaissants que lui envoyait Siltafiir. Plus que jamais hors de son élément, le Général s'éclaircit la voix et déclara :

"Je ne comprends pas grand-chose à ces histoires de fin du monde, mais le problème des dragons est devenu ingérable.

- Alors nous sommes d'accord ! s'exclama Siltafiir en claquant des mains. Êtes-vous prêts à conclure ?"

Le grognement qui souligna sa phrase arracha un mouvement de recul à tous. Peu désireux de l'énerver à nouveau, les deux chefs acquiescèrent en ravalant leurs protestations. Arngeir résuma les termes du traité à l'assemblée, s'assura qu'aucune objection ne s'élèverait et déclara la réunion terminée.

Les impériaux quittèrent la salle en marmonnant quelques insultes à l'attention des sombrages, qui répondirent de façon similaire. Siltafiir les aurait suivis sans l'intervention inattendue d'Arngeir :

"Il ne demeure qu'un seul problème. Comment attirer un dragon à Fort-Dragon ?

- C'est une bonne question, confirma Ulfric avant de poser un regard amusé sur la Brétonne, j'espère que vous avez réfléchi à ce détail."

Elle allait le tuer. Sentant ses joues s'échauffer derrière Krosis, elle chercha de toutes ses forces une réponse appropriée, mais aucun plan ne lui apparaissait. Heureusement, pris dans sa lancée, Esbern lui sauva la mise en sortant un livre jauni.

"J'ai peut-être une idée, dit-il en tournant les pages, les Lames d'antan ont pris soin de noter tous les noms des dragons qu'ils ont éliminés.

- Et donc ? encouragea la jeune fille.

- C'est évident, les noms des dragons sont tous formés de mots de puissance."

Siltafiir, à moitié levée de son siège, buvait ses paroles avec une curiosité rare.

"Je peux crier leurs noms ?

- Tout à fait. Bien sûr, je ne maîtrise pas la langue draconique comme les Grises-Barbes, précisa-t-il après un geste vers Arngeir, mais j'en ai décrypté certains dans les archives des Lames. D'après les observations de Delphine, celui-ci est un des premiers qu'Alduin a ramenés à la vie. Od - Ah - Viing, le chasseur des neiges ailé."

Les trois mots se gravèrent sur la rétine de Siltafiir et clamèrent leur place dans son esprit. Ses lèvres les mimèrent distraitement alors qu'une autre question lui venait :

"Vous êtes sûr qu'il me répondra ?

- Rien ne l'y oblige, avoua-t-il, mais votre victoire contre Alduin l'aura au moins rendu curieux."

Siltafiir trépignait, impatiente de hurler ce nom en direction des cieux. Ne restait qu'à installer le piège et elle aurait pratiquement accompli sa mission. Vignar, comme lisant ses pensées, informa la tablée qu'il nécessiterait une semaine de préparations. La jeune fille grogna sa frustration, mais un regard vers la sortie - et vers la tête de Ralof qui dépassait du mur - apaisa ses nerfs.

Les chaises se vidèrent les unes après les autres et, tandis que Siltafiir se dirigeait vers Ralof, deux silhouettes lui bloquèrent le passage. Elle pencha la tête sur le côté en fixant Delphine et Esbern, se demandant d'où venaient leurs expressions graves.

"Il reste un problème, expliqua Delphine, nous avons découvert quelque-chose au sujet de Paarthurnax."

Ulfric se retourna d'un coup en entendant le nom du maître mystérieux, Arngeir avança dans le dos des Lames, prêt à intervenir, et Siltafiir craignit de devoir tenir sa promesse de les jeter dehors.

"Nous savons que c'est un dragon, continua Esbern.

- En quoi c'est un problème ? crissa-t-elle en avançant d'un pas.

- Il est plus qu'un simple dragon, expliqua-t-il, il était le bras droit d'Alduin, responsable de nombre d'atrocités pendant la Guerre Draconique. Les Lames l'ont traqué pendant des siècles, mais il était protégé par les Grises-Barbes et…

- Venez-en aux faits, ordonna-t-elle tout en devinant ce qu'il allait dire.

- La justice demande qu'il paye pour ses crimes. Tant qu'il vivra, mon serment de Lame m'empêchera de vous offrir mon aide.

- Dans ce cas, c'est une bonne chose que je n'aie plus besoin de vous, répliqua-t-elle en le contournant, faites votre sale boulot vous-mêmes."

Elle entendit une expiration soulagée s'échapper du capuchon d'Arngeir, mais avant qu'elle ne puisse s'en amuser, on lui empoigna le bras. Delphine la fixait, des dagues dans les yeux. Siltafiir tenta de se dégager, mais la poigne se resserra.

"Lâchez-moi, ordonna-t-elle en libérant son Thu'Um.

- Vous choisissez ce meurtrier plutôt que les humains ? accusa Delphine sans se laisser intimider par sa bourrasque.

- Je choisis l'un de mes frères plutôt que vous deux, gronda-t-elle en approchant son masque de l'autre Brétonne, lâchez-moi avant que je vous écrase contre le mur !"

Delphine obéit malgré elle, déséquilibrée par cet accès de colère. Les narines retroussées et les paupières plissées, elle s'en alla sans plus insister, suivie d'Esbern et du regard perçant de Siltafiir. Celle-ci poussa un grognement agacé, puis rejoignit enfin Ralof pour récupérer son sac. Personne n'osa commenter son échange avec Delphine, ce qui la ravit grandement.

Bientôt, l'escorte sombrage eut quitté le monastère. Siltafiir occupait l'arrière du cortège avec Ralof, ignorant les ricanements et coups d'œil des autres soldats.

"Au fait, grinça-t-il assez doucement pour qu'elle seule l'entende, j'ai rencontré un certain Vipir l'autre jour."

Siltafiir s'arrêta net, pâle sous son masque.

"Qu'est-ce qu'il a fait ?"

Ralof lui conta sa mésaventure alors qu'elle reprenait son avancée. Il rougit d'une oreille à l'autre en avouant s'être laissé piéger par le voleur. Siltafiir ne put retenir un léger rire.

"Pas besoin d'avoir honte, assura-t-elle, Vipir est aussi vantard que talentueux. Il s'entraîne beaucoup.

- Vous suivez quel genre d'entraînement dans vos égouts ?

- Le genre qui inclut les coups-bas."

Ils se lancèrent donc dans un débat sur les mérites d'un combat loyal. Les oreilles trainantes des autres sombrages s'en emparèrent rapidement et trois voix s'ajoutèrent à la discussion. Ralof désespéra quand Kjald et Stern soutinrent les arguments de Siltafiir. Il ne pouvait jamais leur faire confiance à ces deux-là, heureusement que Sorlena partageait son sens de l'honneur ou il se serait senti bien seul.

À suivre…

Termes draconiques :
Stin hahdrimiil, Dovahkiin. Siiv drem. - Libérez votre esprit, Enfant de Dragon. Trouvez (la) paix.

Trop de dialogues. Je n'aime pas les dialogues. En même temps, quand tout un chapitre tourne autour d'une longue conversation, c'est difficile de faire autrement…

Enfin bref, j'espère que c'était intéressant. Comme d'habitude, merci pour votre fidélité et à bientôt.