Odahviing !
Effectivement, au moment de s'endormir dans les bras de Ralof, elle n'avait pas pensé à ça. Sentir sa chaleur contre sa peau, la douceur des poils qui couvraient son torse et ses bras, le galbe de ses muscles, les battements de son cœur, lui avait fait oublier de se rhabiller avant d'entrer en Quagmire.
Cul-nu, elle se dépêcha de traverser le labyrinthe pour rejoindre une flaque bien précise dans les marécages. Elle crut rencontrer plus d'âmes damnées qu'à son habitude, et leurs regards semblaient la suivre avec plus d'intensité. Bien entendu, tout cauchemar dénudé respectable se devait de contenir autant de spectateurs que possible.
Elle tenta de les oublier pour se concentrer sur celui qu'elle voulait espionner. Au matin, elle entamerait la fin de sa quête, et malgré toute son assurance, malgré sa conviction qu'elle vaincrait Alduin, une boule se formait dans sa gorge dès qu'elle y pensait. Jusqu'à maintenant, elle avait dissimulé ses craintes dans un coin perdu de son esprit, mais l'imminence de son départ ravivait tous ces sentiments occultés.
Trop d'émotions la rendaient plus dangereuse qu'elle ne l'était déjà, elle se devait de les contrôler. Heureusement, une idée la titillait, un moyen de probablement se rassurer. Focalisée sur les écailles d'ébonite, elle ferma les yeux. Leur combat sur la Gorge du Monde lui revint avec une netteté terrifiante. La brûlure de son souffle, la rage dans sa Voix, elle les sentait frémir contre sa peau.
La mare - la mer - d'Alduin lui apparut en quelques instants seulement, l'enveloppant de sa présence étouffante. Siltafiir observa sa surface bouillonnante, déglutissant à l'idée de s'y plonger. Sa dernière visite dans l'esprit du dovah avait été pour le moins mouvementée. Un regard en arrière la décida ; les silhouettes informes qui peuplaient Quagmire s'approchaient lentement.
Elle se prépara au choc et sauta. Les courants enragés la ballottèrent de gauche à droite. S'accrochant à la surface avec toute sa volonté, elle tentait de repérer l'un des souvenirs les plus récents. Les bulles s'entrechoquaient, se mélangeaient, mais celle qui intéressait Siltafiir se détachait du lot. Elle reconnaîtrait entre mille le pouvoir qui en suintait. Les remous s'agitaient plus encore autour de ce souvenir, refusant de laisser quiconque se le remémorer. Mais Siltafiir était décidée. Prenant de l'élan, elle se jeta dans la bulle.
Sa chute lui arracha un rugissement. Elle ne se sentait pas plus vêtue qu'avant, pas moins vulnérable. Ses articulations grinçaient, ses bras épuisés refusaient de la lever du sol et, quand elle osa enfin ouvrir un œil, une blancheur aveuglante la salua. Grognant de plus belle, elle rabaissa ses paupières, agita la tête et tenta encore de voir son adversaire dont elle ressentait aisément l'énergie vitale malgré son engourdissement.
La toile immaculée se troua peu à peu, révélant une mortelle essoufflée qui tenait son épée à deux mains. Siltafiir reconnut aisément la scène qui se déroulait devant ses yeux : le Fendragon avait jeté Alduin à terre et, face à lui, l'Enfant de Dragon - elle-même - tremblait de rage.
Il se redressa difficilement, puis montra les crocs, son regard haineux rivé sur l'humaine. Alors Paarthurnax s'était trouvé un pion de plus à qui enseigner son faux cri, pensa-t-il. Plusieurs millénaires ne l'avaient pas guéri de sa lâcheté, ni rendu plus sage. Après Miraak, tout dovah sensé aurait abandonné l'idée d'apprendre le Fendragon à un Dovahkiin, mais sa soif de domination ne semblait connaître aucune limite.
"Dir ko maar," cracha l'humaine, coupant là ses ruminations.
Son Thu'um fouetta l'air, souleva des tornades neigeuses sur tout le pic et agressa les tympans d'Alduin. Il grogna devant la souffrance contagieuse de cette Voix, se demandant toujours comment Paarthurnax pouvait infliger cela à leur petite sœur. Subir le fendragon était déjà assez pénible, il n'osait pas imaginer ses effets sur ceux qui s'en imprégnaient.
Peu importait. Elle le défiait, elle devait donc mourir, toute la pitié que son sort lui inspirait ne changerait rien à cela. Il inspira profondément, pointa ses naseaux vers le ciel et hurla :
MAH FIL KREN
L'onde de choc força la mortelle à poser un genou à terre. Elle leva les yeux juste à temps pour esquiver un roc incandescent qui la força à rouler sur le côté. Alduin en profita pour se redresser, puis avança malgré ses membres meurtris.
À mi-chemin de l'humaine étourdie, une insulte tombée du ciel le cloua sur place. Les flammes de Paarthurnax coulèrent sur ses écailles, plus agaçantes que douloureuses, mais juste assez puissante pour l'immobiliser. Confier ce duel à une mortelle ne lui suffisait donc pas, il comptait également l'attaquer par derrière. Cela n'aurait pas dû le surprendre venant de ce lâche, pourtant l'espoir subsistait que son petit frère ait conservé juste un peu d'honneur après toutes ces années. Cet espoir se fragilisait à chacune de leurs rencontres.
WULD
Avant même que les flammes ne se dissipent complètement, une douleur cinglante lancina l'épaule d'Alduin. Il rugit, se dressa sur ses pattes et secoua sa tête et ses ailes dans tous les sens. La mortelle s'envola, emportant avec elle la maudite lame qui lui causait tant de peine.
Le Fendragon se dissipa à ce moment, lui permettant de retrouver une liberté de mouvement complète. D'un coup d'ailes, il décolla et tenta de se mettre à bonne distance de son ennemie. Paarthurnax ne lui en offrit pas l'occasion : un second torrent de braises le frappa en pleine tête.
Aveuglé, déstabilisé, il chuta sur une bonne distance avant de se ressaisir dans une pirouette. Il échappa de justesse à un rocher et longea le flanc de la montagne, cherchant son frère du regard. S'il désirait un semblant de duel honorable avec le Dovahkiin, Paarthurnax devait tomber.
Dès qu'il le repéra, il accéléra son vol et partit à sa poursuite. Le cadet tenta de fuir, mais les serres d'Alduin se plantèrent dans son flanc. Prenant son élan pour un second assaut, l'aîné n'oubliait pas de surveiller l'humaine du coin de l'œil ; elle pouvait user du faux cri à tout instant. D'ailleurs, il la vit gonfler sa poitrine, et se prépara à esquiver.
"Paarthurnax ! Los krifi ! s'indigna-t-elle. Bo tum !"
Ses mots heurtèrent les dragons, couvrirent leur dispute et attirèrent toute l'attention de l'interpellé. Paarthurnax se tourna vers elle, la gueule à demi-ouverte. Bien qu'étonné par cette attitude respectable, Alduin ne se laissa pas distraire plus d'un instant. Profitant de la distraction, il répéta l'ordre de leur sœur avec des termes plus directs :
FUS RO DAH
Paarthurnax tomba, dégringola le long de la montagne et emporta avec lui une avalanche de pierres et de glace, mais Alduin ne perdit pas de temps à l'observer. Il adopta un vol stationnaire face à la mortelle, prêt à finalement entamer un vraiduel.
Elle ne le fit guère patienter.
JOOR ZAH FRUL
Cette fois-ci, il l'attendait. Il évita la déferlante d'un plongeon et redressa sa trajectoire à quelques mètres du sol pour foncer sur son adversaire, une réponse brûlante entre les crocs. Mais elle ne se laissa pas surprendre, répondant d'un ton aussi implacable
YOL TOOR SHUL
YOL TOOR VUL
Un mur de flammes incontournable se dressa sur le trajet d'Alduin. Les braises noires du Dovahkiin se glissèrent entre ses écailles, sous ses paupières, dans ses narines jusqu'au fond de sa gueule. Avant de comprendre ce qui se passait, il s'écrasa à terre, traçant une longue entaille dans les neiges éternelles du pic. Il se redressa difficilement, secouant la tête de droite et de gauche pour atténuer ses brûlures.
Il ouvrit un œil et repéra immédiatement l'humaine - avec une âme si bruyante, il n'avait pas même besoin de la voir pour connaître son emplacement exact. À genoux, couverte de neige, elle semblait sonnée. Elle se releva en tanguant, usant de son épée comme appui. Comment un corps si fragile pouvait-il pousser un tel cri ? Cela dépassait Alduin. Le yol de cette mortelle valait le sien… non ! Il le surpassait ! réalisa-t-il en découvrant ses crocs. Et Paarthurnax avait corrompu cette Voix !
Avec ce pouvoir, les dov auraient aisément retrouvé leurs droits sur Bordeciel, il n'en doutait pas. Encore vexé par la trahison de Miraak, il avait laissé sa fierté le guider durant leurs précédentes rencontres. Il l'avait défiée, sous-estimée, et tout espoir de pouvoir la tuer ou la raisonner venait de partir en fumée.
"Meyz mul, Dovahkiin, admit-il quand elle se fut redressée, mais je ne peux mourir ici, par ta main ou celle de quiconque."
Sans lui laisser le temps d'assimiler ces mots, il déploya ses ailes et en prononça trois autres :
YOL TOOR SHUL
Il entendit feim s'échapper d'entre les flammes ; sans surprise, elle vivait. Saisissant sa chance, il décolla. Fuir l'horripilait, mais il connaissait les limites de son pouvoir, et sa sœur les surpassait. Dans d'autres circonstances, il aurait mené ce duel jusqu'à sa conclusion, accepté son dénouement avec honneur, cependant la sauvegarde des dov méritait ce sacrifice.
Si le Dovahkiin vainquait aujourd'hui, tous leurs frères se verraient condamnés à une vie recluse sur Nirn ou une errance sans fin dans les Vennesetiid. À moins de se voir dévorés par leur sœur ou asservis par Paarthurnax. L'image du traître atténua ses regrets. Mieux valait une tactique de lâche que léguer son titre à ce tricheur opportuniste.
Un goût amer sur la langue, il observa une dernière fois son adversaire. Même s'il ne trouvait pas la puissance nécessaire pour la vaincre en Sovngarde, il lui suffirait d'attendre. Le temps éliminerait cette menace et il reconstruirait son empire, qu'Akatosh le désire ou non.
"Je te survivrai… mortelle."
Puis il s'échappa, poursuivi par les insultes trop méritées de sa rivale :
"Bo rigir ! Lir ! Nikriin !"
Il grogna en s'enfonçant dans les nuages. Les alentours s'estompèrent, ses sens s'engourdirent, et Siltafiir se retrouva éjectée du souvenir. Les remous violents de la mare la propulsèrent vers la surface.
Une plainte étranglée lui gratta la gorge quand son dos heurta le sentier. Elle souleva lentement ses paupières. Ses traits tirés se tordirent encore plus tandis qu'elle revivait cette bataille. Elle avait trouvé ce qu'elle désirait, la confirmation que son Thu'Um supplantait celui d'Alduin, mais aucune sérénité n'accompagnait cette révélation.
Les gestes mous, elle se releva. Sa silhouette affaissée ne savait que faire, hésitant entre retomber par-terre et s'enfuir en courant. Depuis des semaines déjà, elle doutait de la sincérité de Paarthurnax, et ce souvenir n'arrangeait rien. Elle ne pouvait pas autoriser Alduin à dévorer des âmes en Sovngarde, les Nordiques ne méritaient pas cela, mais elle ne voulait pas non plus que leur frère lui dérobe sa victoire !
Elle choisit de s'éloigner pendant qu'un bâillement lui grimpait le long du cou. Tant mieux, plus vite elle se réveillerait, plus vite elle trouverait une distraction à ses dilemmes moraux. Oui, elle devait penser à ses préparatifs, racheter des potions, aiguiser son épée, remplir son sac de vivres… Elle répétait cette liste en boucle, marchant entre les flaques et ignorant de son mieux les âmes damnées qui la suivaient.
La foule translucide se rapprochait, plus compacte qu'avant, plus rapide. Siltafiir oublia vite ses tracas du lendemain, soudainement concernée par l'absence totale d'échappatoire. Les silhouettes formaient un cercle parfait autour d'elle, piétinant les flaques de souvenirs comme si elles foulaient une terre bien solide.
Les bras serrés autour de son torse, Siltafiir jetait des regards frénétiques dans tous les sens. Quand s'était-elle retrouvée piégée ? Une seconde plus tôt les âmes damnées se tenaient à des dizaines de pas, mais à présent la plus proche la frôlait de son bras tendu.
D'un réflexe écœuré, Siltafiir repoussa la main imprécise qui s'ouvrait et se fermait devant son visage. Elle ne s'attendait pas à toucher cette âme, après tout elle en avait déjà traversé une ou deux, mais celle-ci lui opposa un peu de résistance. Son poignet se mêla à celui de l'être translucide. Poussant un cri horrifié, Siltafiir bondit en arrière, s'arrachant à la poigne spectrale dans un bruit de succion.
Une substance similaire à de l'ectoplasme maculait la peau de la Brétonne qui releva des yeux écarquillés sur les silhouettes. Ça sentait mauvais. Elle recula d'un pas, puis une sensation glaciale lui saisit la nuque. D'un saut, elle échappa à ce toucher indésirable et tourna un regard dégoûté sur l'index coupable. Les damnés décidèrent de charger à cet instant.
YOL TOOR SHUL
La Voix de Siltafiir répliqua de son propre chef, lui ouvrant un large passage dans la foule spectrale. Elle s'élança sur les braises gluantes sans perdre une seconde, mais, malgré la rapidité de sa réaction, ne parvint qu'à avancer de trois pas avant qu'un piège gélatineux ne se referme sur elle. Son cri terrifié mourut derrière ses lèvres, noyé par une paume au goût et à la texture ignobles.
Des ribambelles de mains lui saisirent les membres, la plaquant au sol dans un concert d'éclaboussures. Le ciel de Quagmire se cacha derrière la chair translucide de ses assaillants. Leur poigne collante la paralysait, l'étouffait, submergeait ses sens. Des relents de poussière, de sang, de carcasses s'insinuaient dans ses voies respiratoires, elle se débattait, mais l'ectoplasme engourdissait ses gestes.
Des larmes perlaient au coin de ses yeux. Pourquoi Quagmire décidait soudainement de l'attaquer ? Elle aurait dû récupérer son âme des semaines plus tôt, avant que Værmina ne perde patience. Maintenant, elle était piégée, à la merci des damnés et de leurs murmures torturés.
"Reste… reste ici… chaleur… ne pars pas… reste ici… un battement de cœur… reste avec nous…"
Elle crut y rester en effet quand les rares lueurs qui filtraient encore jusqu'à ses yeux s'éteignirent complètement. Un grésillement familier s'empara de l'amas gélatineux, puis un voile d'obscurité couvrit Siltafiir. Des grincements, ou peut-être des cris, s'élevèrent tout autour d'elle pendant que ses membres s'allégeaient, libérés des horribles créatures.
Toussant à en cracher ses poumons, elle parvint à se relever, pressée de comprendre ce qui venait de se produire. Entre ses larmes et ses paupières plissées, elle crut voir des flammes noires qui dévoraient les monstres restant, ne laissant rien sur leur passage, pas même des cendres. Tournant la tête, elle découvrit l'origine de cette magie : des mains et bras décharnés reliés à une cage thoracique incomplète sur laquelle trônait un crâne cornu.
Elle eut à peine le temps d'ouvrir la bouche que son sauveur lui fonça dessus et empoigna ses épaules.
"Qu'est-ce que tu attends pour récupérer ton âme ?
- N… Nah ?…
- Si je dois te tirer jusqu'à Ursanne par les cheveux je le ferai !"
Siltafiir ignora ces remarques et jeta ses bras autour de son ami.
"Tu vas bien, sanglota-t-elle d'une voix rauque, j'avais tellement peur…"
Nahlaas oublia ses reproches et posa maladroitement ses bras autour de l'humaine larmoyante, tapotant un rythme hésitant sur son dos pour la réconforter.
"Pourquoi tu ne t'es pas encore libérée ?" demanda-t-il, délesté de toute agressivité.
Siltafiir planta ses pupilles dans les orbites de Nahlaas et lui jeta un regard aussi sévère que ses remontrances.
"En t'abandonnant ici ? crissa-t-elle. Pas question, tu reviens avec moi.
- Idiote, soupira-t-il, tu n'as pas pris le bâton."
La bouche entrouverte, elle baissa les yeux sur ses formes dénudées et, par extension, sur l'absence dudit bâton. Elle lâcha Nahlaas sans cesser de fixer le sol. Il se montrait tolérant en la traitant d'idiote, elle méritait des insultes bien pires.
"Ne t'en veux pas, souffla-t-il en posant ses phalanges sur l'épaule de son amie, c'est seulement la première fois que tu l'oublies depuis notre séparation.
- Comment tu le ?… Tu as regardé mes souvenirs.
- Tu m'as sauté dessus, se justifia-t-il, et ça-"
Elle le coupa en l'enlaçant à nouveau.
"Tu m'as manqué," murmura-t-elle d'une voix étranglée.
Il répondit en la serrant contre lui. Silencieux, ils profitèrent de la présence l'un de l'autre jusqu'à ce que Siltafiir bâille bruyamment. Elle se frotta les yeux en s'excusant, puis questionna une dernière fois son ami.
"Pourquoi je peux te toucher ? demanda-t-elle sans se décoller de son ami.
- J'ai dévoré beaucoup de souvenirs, et donc gagné en puissance.
- C'est pour ça que tu as des bras… je suppose…" marmonna-t-elle en appuyant sa tête lourde sur une épaule squelettique.
Il acquiesça, caressa ses cheveux et lui souhaita un bon retour sur Nirn, promettant qu'ils se retrouveraient dès qu'elle se rendormirait. Dans un espoir vain, Siltafiir s'accrocha de toutes ses forces à son ami pour tenter de le ramener avec elle, mais bientôt elle ne câlinait que sa couverture, n'en laissant rien à Ralof.
Le Nordique dormait comme un bienheureux, occupant les deux tiers du lit avec ses bras et jambes déployés. Cette vision arracha un demi-sourire à la jeune fille, qui se glissa contre le côté gauche de son amant et appuya sa tempe sur son torse. Elle calqua son souffle sur les battements de son cœur et parvint à calmer quelque-peu ses craintes. La nuit suivante, elle penserait au bâton, Nahlaas retrouverait sa liberté et, petit plaisir supplémentaire, Alduin serait mort et absorbé.
Son oreiller vivant remua soudainement et lui caressa l'épaule. Elle releva la tête et croisa deux iris d'un bleu brillant encore voilées de sommeil.
"Hé, souffla-t-il avant de lui embrasser le haut du crâne.
- Hé," répondit-elle en se redressant pour rendre la pareille à ses lèvres.
Chacun s'assura que l'autre avait passé une bonne nuit. Ralof répondit sincèrement avant de basculer au-dessus d'elle pour la couvrir de bises. Après moult éclats de rire et autres câlins, ils daignèrent enfin quitter le lit.
Vêtus et coiffés - Siltafiir se laissa impressionner par la dextérité de Ralof quand il tressa trois mèches de cheveux sur sa tempe - ils se rendirent à la cuisine. La Brétonne se réjouit de trouver ses réserves ravitaillées et, tout en empoignant quelques œufs, se promit de remercier Lydia.
Justement, la huscarl les rejoignit alors qu'ils préparaient leur déjeuner. Siltafiir offrit de lui cuisiner quelque-chose, ce à quoi la Nordique ricana :
"Quelle générosité. Vous êtes de bonne humeur."
Son thane lui jeta d'abord un regard interloqué, puis, voyant que Ralof tentait de dissimuler son sourire, comprit les implications de cette remarque. Pâlissant légèrement, elle demanda :
"On… Je ne t'ai pas… dérangée… hier ?…
- Je n'étais pas dans la maison, si c'est votre question. Je m'entraînais à Jorrvaskr avec des Compagnons."
Siltafiir manqua de lâcher la poêle qu'elle venait de dégainer.
"À… Jorrvaskr ?" répéta-t-elle.
Le visage dans une main, elle tourna le dos à sa huscarl. Lydia l'avait entendue depuis Jorrvaskr. Elle aurait pu cuir leur repas sur ses joues tant elles la brûlaient, et les rires étouffés de Ralof n'arrangeaient rien.
Siltafiir ne leva pas une fois les yeux pendant qu'ils mangeaient, incapable de croiser ceux de Lydia assise en bout de table. Recroquevillée derrière Ralof, la Brétonne essayait de se concentrer sur les provisions qu'elle devrait acheter pour son aventure à venir. D'ailleurs, elle ne savait pas ce qu'elle rencontrerait, ni où elle se rendrait exactement.
Alduin dévorait des âmes en Sovngarde, nul doute à ce propos, mais comment accédait-on au royaume de Shor ? Un rituel ? Un portail ? Peut-être qu'un voyage de plusieurs jours l'attendait, voire plusieurs semaines. Des ennemis parsemaient forcément le trajet, il lui fallait remplir son carquois et sa réserve de potions, et Mort-Dragon méritait une bonne séance d'aiguisage.
"Ça va ? s'inquiéta Ralof. Tu ne manges pas."
Siltafiir cessa de jouer avec son jaune d'œuf et soupira :
"Je réfléchis à tout ce que je dois emporter. Ce n'est pas le moment d'oublier quelque-chose."
Il lui frotta le dos pour l'aider à se détendre, ce qui, elle devait l'admettre, porta ses fruits. Elle avala rapidement son déjeuner et, sa motivation ravivée, bondit sur ses pieds. Plus vite elle terminait ses préparatifs, plus vite elle cesserait de ruminer.
Une fois Mort-Dragon confiée à Adrianne Avenicci, Siltafiir quitta la forge pour se diriger vers le marché. Ralof sortit de Douce-Brise à ce moment, encore en train d'enfiler une botte. La Brétonne trotta jusqu'à lui en souriant.
"Te sens pas obligé de m'accompagner, ça ne va pas me prendre beaucoup de temps.
- On se voit trop rarement, argua-t-il avec une mine boudeuse, je veux en profiter."
Siltafiir pouffa et, sur la pointe des pieds, tira le col du Nordique pour l'embrasser. Elle ajusta la sangle de son sac et glissa sa paume sur son avant-bras musclé. Leurs doigts entrelacés, ils partirent en direction du marché.
Le soleil matinal de Hautzénith englobait la ville d'un halo chaleureux. Un vrombissement de voix s'élevait doucement alors que les vendeurs terminaient d'agencer leurs étals et que les premiers clients entamaient les négociations. Bien qu'incomparable au grand marché de Refuge, celui de Blancherive partageait toutes ses meilleures qualités : les rires des habitants, le tintement des pièces, les odeurs fumées ou épicées des marchandises. Ne manquaient que des lampions et des troupes de musiciens ou de jongleurs pour retrouver sa patrie d'Haute-Roche.
Siltafiir se sentit étreinte par la nostalgie. Cela lui arrivait beaucoup trop souvent depuis sa venue en Bordeciel. Elle avait fui sa maison pour se construire une nouvelle vie, pas pour regretter la précédente. Alerté par le bruyant soupir qu'elle poussa, Ralof jeta un regard circulaire sur la place avant de sourire de toutes ses dents.
"Tu sais quoi, va acheter tes potions, je te retrouve après," dit-il penché à son oreille.
Il lui embrassa la tempe et s'éloigna. Bien que curieuse, Siltafiir s'abstint de le suivre du regard, préférant marcher à grands pas vers son but. Trop d'yeux se posaient sur elle, trop de sourires et de murmures l'encerclaient, trop de doigts pointaient dans sa direction, et elle se sentait incapable de les affronter sans la présence de son militaire. Heureusement, les effluves doucereuses de la boutique d'alchimie s'avérèrent une excellente distraction.
"Bonjour, la salua immédiatement Arcadia depuis son comptoir, que puis-je faire pour vous ?
- Bonjour, répondit Siltafiir en décrochant sa bourse de sa ceinture, il me faut vos potions de soin les plus efficaces.
- Pas de contraceptif ?"
Elle faillit lâcher ses septims et posa des yeux ronds sur la vendeuse.
"N-non, rien d'autre, bredouilla-t-elle alors que l'alchimiste tendait une main vers des bouteilles qui, de toute évidence, ne contenaient aucune mixture de soin.
- Vous êtes sûre ? Parce que…
- Oui ! Oui, j'en suis sûre.
- Mieux vaut prendre trop de préc…
- Donnez-moi des potions de soin avant que j'aille les acheter à Vendeaume," gronda la cliente, propageant une bourrasque qui renversa quelques fioles.
Arcadia s'exécuta hâtivement, oubliant même de redresser les bouteilles tombées avant que leur contenu ne se répande complètement sur les présentoirs. Jusqu'à la fin de leur échange, Siltafiir se réjouit de ne plus entendre que les politesses habituelles, qui se décomposaient en murmures incompréhensibles dès que leurs regards se croisaient. Décidément, entre sa langue trop bien pendue et son soudain mutisme, cette alchimiste maîtrisait la préparation de ses concoctions bien mieux que leur vente.
Ses achats empaquetés, Siltafiir lui souhaita une bonne journée avec toute la gentillesse d'un smilodon affamé. Arcadia, les cheveux décoiffés et les paupières grandes ouvertes, lui répondit d'un mouvement de tête mécanique pendant qu'elle passait la porte.
Dès qu'elle posa un pied dehors, ses sourcils froncés s'arquèrent, sa posture se redressa, puis un sourire souleva ses pommettes. Ralof approchait, tenant dans chaque main un petit pic de bois orné de boules marron luisantes. Dès qu'il fut à portée, Siltafiir s'empara avidement d'une des friandises au miel, croqua dedans et oublia ses tracas. Les dents collantes, elle put remplir son sac de vivres en appréciant la douceur de ce début de journée.
Paupières closes, elle laissa Ralof la guider sur quelques pas alors qu'ils quittaient le marché. Elle voulait sentir une dernière fois la caresse du vent sur ses bras avant d'enfiler son armure, l'occasion ne se représenterait peut-être pas avant un long moment.
Mort-Dragon dans son fourreau, son uniforme de Rossignol sur le dos, Siltafiir s'apprêta à quitter sa demeure pour la deuxième fois de la journée, encouragée par la venue du chambellan. Elle allait poser un pied dehors, mais sa jambe se figea. Ralof lui rentra dedans, manqua de la faire tomber, puis faillit à son tour basculer quand elle se retourna et lui saisit le bras.
"J'ai oublié quelque chose," expliqua-t-elle en le tirant vers les escaliers.
Curieux, il ne résista pas et la suivit jusqu'à l'étage. Là, elle se dirigea immédiatement vers sa table de chevet et en ouvrit le tiroir. Trois pas derrière elle, Ralof tenta de voir par-dessus son épaule ce qu'elle venait de récupérer. Elle ne laissa pas le mystère durer.
"Il faut que tu donnes ça à Ulfric, dit-elle en lui tendant un carnet relié de cuir.
- Qu'est-ce que ?… commença-t-il avant d'écarquiller les yeux. C'est le dossier que tu as trouvé dans l'ambassade thalmore."
Elle acquiesça et tenta de rejoindre Brill, mais Ralof lui attrapa le bras.
"Je croyais que tu détestais Ulfric, s'étonna-t-il en la relâchant, pourquoi tu voudrais lui rendre ça ?
- Je ne le déteste pas, marmonna-t-elle dans un haussement d'épaules inconfortable, il m'énerve, c'est tout. Et toi, tu le respectes, beaucoup de gens le respectent. Il ne peut pas diriger une armée sans savoir la vérité. C'est… voilà."
Passant une main dans ses cheveux, elle lui proposa de redescendre, mais il l'arrêta d'une bise sur le crâne.
"Merci," souffla-t-il.
Elle répondit d'un sourire à demi-convaincu. Quelqu'un de plus respectable aurait remis ces informations à Ulfric des semaines auparavant, elle ne méritait aucun remerciement. Pourtant, une teinte rosée lui colora les pommettes. Après tout, mieux valait tard que jamais.
xxx
Siltafiir s'attendait depuis des semaines à utiliser un équipement hors-norme pour capturer ce dragon - rien de moins ne suffirait - mais la découverte du piège lui coupa tout de même le souffle. Seules quelques ruines nordiques et dwemers pouvaient se vanter de l'avoir à ce point ébahie.
Ce couloir, ces fondations et cette arche démesurée qui s'ouvrait sur un balcon de même taille trouveraient mieux leur place dans la demeure d'un géant que celle d'un humain – si les géants n'avaient pas été des nomades aguerris, bien entendu. Des soldats répartis le long de la rambarde paraissaient d'autant plus minuscules dans cette ouverture béante.
Dissimulé par l'ombre du plafond, un harnais plus large qu'un mammouth pendait au-dessus de la tête de Siltafiir et achevait ce tableau disproportionné. Elle ne demanda aucune explication, le fonctionnement de la trappe lui paraissait évident.
"Nous n'attendons plus que vous," annonça Vignar derrière elle.
Elle avança jusqu'à l'arche et observa le ciel, tentant d'oublier les regards de chacun. Presque tous les gardes de la ville, le jarl, sa cour et, bien entendu, Ralof et Lydia fixaient son dos, frémissant d'impatience. Siltafiir enfila son masque et, après une dernière inspiration, appâta sa proie :
ODAHVIING
L'appel se répercuta contre les murs du palais pour disparaître dans les cieux. Du coin de l'œil, Siltafiir vit des mains se plaquer contre des oreilles et de la poussière se décrocher des murs. Puis plus rien.
Moins d'une minute s'écoula avant que le jarl ne perde patience.
"Il prend son temps, grommela-t-il, vous ne vous êtes pas trompée de cri ?"
Siltafiir répliqua d'un grognement vexé, mais se posait des questions toutes aussi gênantes. Ce dragon vivait-il toujours ? Avait-elle crié assez fort ? Se montrerait-il assez bête pour tomber dans un piège à ce point évident ?
Elle espérait qu'il répondrait à son appel, car aucun plan de secours ne naissait dans son esprit. Les grincements de dents du jarl à sa droite n'aidaient guère. Celui-ci recommençait tout juste à se plaindre, quand un picotement familier titilla la nuque de l'Enfant de Dragon.
"Il y en a un qui s'approche," annonça-t-elle en dégainant son arc.
Le crissement des lames contre les fourreaux et des flèches contre les carquois emplit un instant la bâtisse, suivi d'un silence fébrile. Siltafiir craignait qu'il s'agisse simplement d'un dragon errant, mais son âme se dirigeait droit sur le palais sans signe d'hésitation.
La jeune fille réalisa trop tard que le dragon avait atteint le palais. Il surgit au détour d'un mur, fondit sur l'un des gardes qui occupaient le balcon et l'empoigna entre ses serres. Des cris horrifiés s'élevèrent parmi les soldats quand leur confrère s'envola dans les airs, aussi articulé qu'une poupée de chiffon, puis retomba des dizaines de mètres plus bas.
Le craquement écœurant qui accompagna sa chute fut couvert par le rire du dragon et ses salutations :
"Zu'u hon beliil, Dovahkiin."
Au moins, son cri fonctionnait. À présent, si ce lézard voulait bien survoler le balcon, elle pourrait utiliser le fendragon et le piéger proprement. Elle tenta de repérer un rythme dans ses déplacements alors qu'il esquivait des volées de flèches. La plupart des dovahhe, semblables à des rapaces, formaient des cercles réguliers autour de leurs adversaires avant de fondre sur eux ou de hurler. Celui-là plongeait, tournoyait, bifurquait, déjouait toutes ses prévisions, et par trois fois le fendragon se perdit dans le vide.
Plus agaçant encore, ce vermisseau volant attendait qu'elle crie et s'essouffle pour incinérer un à un les gardes de la ville, gloussant malicieusement à chaque victime supplémentaire. Ribambelle de jurons brûlaient la langue de Siltafiir, mais elle opta pour une riposte plus discrète. Elle posa une flèche contre la corde de son arc et attendit, le nez levé et le souffle bloqué.
Alors que sa cible se moquait des gardes en déviant leurs traits à coups d'ailes, la Brétonne saisit sa chance. D'un plongeon, le dragon voulut s'éloigner du balcon, mais le tir de la jeune fille lui frappa le museau assez puissamment pour l'aveugler et le faire dévier de sa course.
Il tomba sur le balcon, brisant au passage un morceau de la rambarde. Siltafiir ne lui accorda pas même le temps de rouvrir les yeux. Tout en reculant jusqu'au piège, elle cria :
"JOOR ZAH FRUL !"
L'immense silhouette écailleuse s'affaissa dans un grognement plaintif, puis décocha un regard embrasé à Siltafiir d'entre ses paupières plissées. Babines retroussées, il repoussa les soldats qui se ruaient sur lui en agitant sa queue et ses ailes, puis hurla :
YOL TOOR SHUL
Siltafiir esquiva les flammes d'une roulade sur le côté, puis répondit d'un ton moqueur :
"Pruzah bo, sahlo rotte."
Il réagit dans l'instant. La masse reptilienne s'élança dans un galop fracassant droit sur l'humaine qui venait d'insulter son Thu'Um. Celle-ci maintint sa position, priant que la trappe se déclenche au moment opportun.
Moins de dix pas les séparaient. Elle osa un regard en direction du garde qui devait activer le mécanisme. Il se tenait prêt, parfait. Préparée à utiliser feim, elle observa la gueule béante qui allait déverser ses flammes sur elle.
Son cœur tambourinait contre ses côtes bien plus puissamment qu'à l'accoutumée alors que les écailles écarlates se gonflaient d'air. Sa dernière âme absorbée remontait à près d'une mois, bien avant le conseil de paix, et la proximité de celle-ci éveillait ses instincts de dévoreuse. Le rythme effréné dans sa poitrine accéléra encore et monta discrètement jusqu'à sa gorge pendant que le dragon la distrayait. Ils crièrent tous deux.
YOL TOOR SHUL
FUS RO DAH
Siltafiir écarquilla les yeux. Fus avait devancé feim et bondi de sa langue sans attendre son ordre. Elle hésita à le réprimander, mais l'intervention indésirée portait ses fruits. Aveuglé, immobilisé, le dragon ne put échapper à son destin.
Il poussa un rugissement étranglé, s'ébroua et essaya de tourner la tête. Entre ses paupières plissées, il identifia le harnais de bois et de métal qui alourdissait ses épaules.
"Horvutah, chantonna l'Enfant de Dragon d'une voix essoufflée.
- Med kodaav, admit-il en clignant encore des yeux. Zok frini grind ko grah drun viiki. Zu'u bonaar.
Il s'inclina tant que le piège le lui permettait et poursuivit :
- Lot faaza paak dovah.
- Mal faaza siiv Alduin, rétorqua-t-elle en croisant les bras. Kolos vonun rok ?"
Le dragon ricana, mais retrouva une expression de marbre lorsqu'un autre humain apparut à côté de la Brétonne.
"Par les Neufs ! J'aimerais bien savoir ce qui se passe, protesta le jarl, qu'est-ce que vous racontez ?"
Les deux dragons grognèrent à l'unisson, vexés par cette rude interruption.
"Je ne te parle pas, joor, crissa Odahviing, qui s'adressa malgré tout dans la langue des mortels à Siltafiir, tu choisis bien tes mots, Dovahkiin. Il se cache. Alduin bovul."
Une étrange vibration accompagna cette dernière phrase, comme s'il ne croyait pas vraiment ce qu'il disait. Il détailla un moment son interlocutrice et tous ceux qui assistaient à leur échange, puis reprit :
"Si je suis venu quand tu m'as appelé, c'est parce que je voulais tester ton Thu'um par moi-même. Nous sommes nombreux à douter de la légitimité d'Alduin, mais aucun d'entre nous n'osait le défier ouvertement. Mu ni meyye.
- Comment je peux le trouver ? pressa-t-elle en tournant impatiemment son poignet.
- Unslaad krosis. Je m'égare, s'excusa-t-il. Il recouvre ses forces en Sovngarde, en dévorant les sillesejoor, les âmes des mortels. Un privilège qu'il garde jalousement…"
Siltafiir se racla la gorge pour l'encourager à accélérer, ce qui fonctionna.
"La porte qui mène en Sovngarde se trouve à Skuldafn, l'un de ses temples, loin dans les montagnes de l'est."
Il marqua une pause, ses dents acérées révélées par le sourire le plus angoissant que Siltafiir ait vu de sa vie.
"Pruzah rotte, sahlo bo, la railla-t-il, tu peux dérober toutes les âmes de Nirn, mais sans ailes tu n'atteindras jamais Skuldafn."
La bouche à demi-ouverte, elle ne songea même pas à s'offusquer de cette moquerie. Elle reconnaissait cette scène, pour l'avoir vécue des dizaines de fois, peut-être des centaines. Elle reconnaissait son rêve prémonitoire.
"Tu vas m'y mener," déclara-t-elle sans le moindre doute.
C'était moins un ordre qu'un constat. Odahviing plissa ses paupières, puis acquiesça.
"Je ne suis pas en position de refuser. Ni d'obéir. "
Il souleva pitoyablement ses ailes pour illustrer ses propos. Siltafiir chercha le regard du garde qui s'occupait du mécanisme.
"Libérez-le !" ordonna-t-elle.
L'interpellé hésita, fixant tour à tour la Brétonne et le jarl. Celui-ci intervint en agitant les bras :
"Vous allez le laisser partir ? Comme ça ?
- Vous l'avez entendu, j'ai besoin de lui.
- Il ment pour sauver sa peau, s'agita le vieil homme, il est trop dang-
- N'insulte pas mon honneur, joor ! coupa le dragon d'un ton acide. Dov ni lo. Nous méprisons le mensonge, un Thu'um hypocrite ne possède aucun pouvoir."
Le jarl recula, la tête enfoncée entre les épaules, pendant que la Brétonne répétait son ordre avec plus d'insistance. Cette fois-ci, le piège s'ouvrit, permettant à Odahviing d'étirer sa nuque. Alors qu'il se tournait vers la sortie, une main attrapa l'épaule de la jeune fille. Elle posa les yeux sur le visage effrayé – et roussi par les flammes – de Ralof.
"Tu es sûre de ce que tu fais ? demanda-t-il en contenant de son mieux les tremblements dans sa voix.
- Oui."
Elle ôta son masque pour le rassurer d'un sourire.
"Inquiète-toi juste d'être en vie à mon retour," souffla-t-elle en tirant sur son col.
Peut-être qu'elle terminerait sa quête en quelques jours seulement. À part de rares sortilèges de téléportation très performants, elle ne trouvait dans sa mémoire aucun moyen de transport plus rapide que le dos d'un dragon. Cette pensée raviva son optimisme.
Ralof embrassé et Lydia saluée, elle trotta jusqu'à l'arche où patientait Odahviing. Avant de la laisser grimper sur son échine, il la prévint :
"Zok brit uth ! Quand tu auras parcouru les cieux de Keizaal, ta jalousie des dov n'en sera que plus intense."
Au lieu de l'effrayer, cet avertissement attisa son désir de s'envoler. Elle sautait à moitié sur place quand Odahviing lui offrit sa nuque en guise de siège. Accrochée aux cornes rouge sang qui coiffaient sa monture insolite, elle se prépara au décollage.
"Amativ ! Mu bo kostin stinselok," s'exclama le dragon en sautant par-dessus la rambarde.
En trois coups d'ailes, ils dépassèrent le toit du palais. Les quelques humains présents sur le balcon ne ressemblèrent bientôt qu'à des fourmis, mais Siltafiir s'en moquait éperdument.
De cette hauteur, seule importait la beauté des cieux de Keizaal.
À suivre…
À tous ceux qui se demandaient ce que Nahlaas était devenu, j'espère que ça vous rassure. Sinon, que pensez-vous de l'introduction d'Odahviing ?
N'hésitez pas à me faire remarquer toute erreur, illogisme, ou n'importe quoi, les reviews sont aussi là pour ça.
À bientôt !
Termes draconiques :
Dir ko maar. - Meurs dans (la) terreur
MAH FIL KREN - Tombe Etoile Briser (mahfil : météror)
Los krifi ! Bo Tum ! - (C')est mon combat ! Descends/Atterris !
Meyz mul, Dovahkiin. - (Tu es) devenu fort, Enfant de Dragon.
Bo rigir ! Lir ! Nikriin ! - Reviens (Vole en arrière) ! Ver ! Lâche !
Zu'u hon beliil, Dovahkiin. - J'ai entendu ton appel (invocation), Enfant de Dragon.
Pruzah bo, sahlo rotte. - Bon (en) vol, faibles mots.
Horvutah - Attrapé
Med kodaav. Zok frini grind ko grah drun viiki. Zu'u bonaar. - Comme (un) ours. Ma grande impatience à t'affronter (te rencontrer lors d'une bataille) a entraîné ma défaite. Je (suis) rendu humble (littéralement : "humblifié")
Lot faaza paak dovah. - Beaucoup de peine pour m'humilier. (Dans cette phrase, ajouter "-a" après "faaz" signifie "pour". On peut aussi l'écrire "wah" : "Lot faaz wah paak dovah.". "Dovah", dans ce contexte, signifie "me" ou "moi".)
Mal faaza siiv Alduin. Kolos vonun rok ?. - Petite/Peu de peine pour trouver Alduin. Où (se) cache(-t-)il ?
Alduin bovul. - Alduin a fui.
Mu ni meyye. - Nous (ne sommes) pas (des) idiots.
Dov ni lo. - (Les )dragons ne mentent pas.
Zok brit uth. - Grande beauté commande (je l'interprète comme : "commande le respect de par sa grande beauté", mais il est possible que je me trompe)
Keizaal - Bordeciel
Amativ ! Mu bo kostin stinselok. - En avant ! Nous volons vers la liberté des cieux.
