–Pietropietropietropietropietropietro !

Pietro sursauta lorsque son colocataire déboula vivement dans leur chambre en refermant très brusquement derrière lui. Il avait beau avoir son casque et être concentré sur l'écran de son ordinateur portable, il l'avait vu et entendu débarquer tel une vraie furie en proie à une panique totale. Il pouvait pratiquement entendre le cœur du plus jeune battre à tout rompre. Un peu plus et l'organe serait à deux doigts d'exploser. Pietro retira son casque, le laissant néanmoins autour de son coup et fixa Peter en plissant les yeux, quelque peu intrigué par son comportement.

–Je croyais que pendant que la porte était ouverte, il fallait faire attention à ce que personne ne t'entende m'appeler par mon prénom, histoire de ne pas éveiller les soupçons ? commenta-t-il en inclinant légèrement la tête sur le côté. Heureusement que tu as refermé suffisamment rapidement pour que nos voisins ne se demande pas pourquoi en plus du fait que tu aies l'air d'un chaton qu'on aurait jeté dans un bac d'eau glacé, tu commences à délirer en attribuant d'autres noms aux personnages de ton entourage, poursuivit-il, parfaitement calme.

–Je crois qu'il y a urgence, souffla Peter en n'articulant qu'à moitié, dos contre la porte. Enfin, je ne sais pas. Je ne suis pas sûr. J'ai besoin d'aide. D'un conseil. Je sais pas ! s'exclama-t-il, sur le point de s'arracher les cheveux.

Pietro prit un court instant pour réfléchir, avant de se lever d'un bond, presque au garde à vous.

–Ok ! Assieds-toi, respire un bon coup, prends quatre secondes pour réfléchir à ce que tu as à dire et lance-toi.

–Pourquoi quatre secondes ? s'étonna son ami en fronçant les sourcils.

–Parce que j'aurais très bien pu dire cinq, mais ça t'a permis de penser brièvement à autre chose au lieu d'être sur le point de craquer en faisant une crise d'angoisse, se justifia l'autre en croisant les bras.

Peter réalisa qu'en effet, écouter son ami lui parler avait suffi à ce que son esprit soit un tout petit peu distrait. Il s'exécuta donc en prenant sagement place sur le rebord de son lit, mais rapidement, il se remit debout, étant tout bonnement incapable de tenir en place. Au lieu de cela, il commença à faire nerveusement les cent pas en se grattant l'arrière du crâne, les yeux rivés sur le parquet. Pietro l'observa simplement tourner en rond, attendant que son ami se décide à lui expliquer ce qui le tourmentait, mais puisque le jeune paraissait hésiter, il prit les devants.

–C'est à propos d'MJ, c'est ça ? dit-il en se retenant de lever les yeux au ciel.

–Je te jure, elle est tellement bizarre, depuis quelques jours ! compléta le plus jeune avant de se tourner vers Pietro. Attends, comment tu le sais ?

–Ça m'a paru plutôt évident.

–Pourquoi ? Elle t'a dit quelque chose, tu lui as parlé ? J'ai fait un truc de travers ? Qu'est-ce qui cloche, alors ? C'est quoi, le problème ?

–Oh, du calme, jeune homme ! le reprit Pietro en se laissant tomber sur son matelas, sur lequel il s'allongea en mettant ses mains derrière sa tête. C'est fou ce qu'un si petit corps peut emmagasiner comme tension… soupira-t-il en fermant les yeux, mais il les rouvrit après qu'un oreiller l'ai frappé en pleine figure. Hey ! Dis donc, ce sont des manières, ça ? Non mais j'y crois pas… Zéro éducation, ce gosse… enchaina-t-il, ce qui lui valut un second coup. Bon, ça suffit, maintenant ! tonna-t-il d'une voix autoritaire, mais le plus jeune n'arrêta pas.

Pietro ne trouva donc rien de mieux que d'attraper son propre coussin pour se défendre et réattaquer en retour. Ça ne dura pas longtemps, car bien que ce moment leur permît à tous les deux de décompresser, très vite, le problème majeur de Peter refit surface et il perdit ce sourire qui avait pourtant réussi à naitre sur son visage.

Les deux étudiants s'assirent donc chacun sur leur lit respectif, face à face, le premier gardant tête baissée, l'autre concentré sur les gestes de l'autre. Peter laissa échapper un très long soupir.

–Elle m'évite, lâcha-t-il, démuni.

–Depuis quand ?

–Depuis qu'on est rentrés du café… Enfin, je crois. Je ne suis pas sûr.

–Je croyais que cette journée avait été, et je te cite « une des plus belles depuis le début de l'année scolaire, après bien évidemment, ta rencontre avec moi » ?

–… Je ne me souvenais pas de la deuxième partie, mais en gros, c'est ça, concéda Peter en relevant la tête vers son ami. Je ne comprends pas, souffla-t-il ensuite, un peu perdu. Elle a dit… Qu'elle m'aimait bien, et puis d'un coup… Je ne sais pas, c'est super bizarre. Je ne sais même pas si j'ai fait quelque chose qui aurait pu lui déplaire puisqu'elle fait tout pour éviter de croiser mon chemin. Peut-être qu'elle regrette qu'on soit sortis prendre un café ensemble, ou que finalement, elle ne m'apprécie pas autant que moi et qu'elle m'a dit ça juste pour être gentille et ne pas me mettre dans l'embarras ? Si ça se trouve, elle veut juste que je la laisse tranquille parce qu'en fait, ce n'est pas elle qui est bizarre, mais elle trouve que moi, je suis bizarre… J'suis bizarre ? Mais pourquoi je n'arrive pas à être un peu plus normal ?

–C'est nul d'être normal.

–Ok, donc je m'éparpille dans mes propos pendant une heure et tout ce que tu me réponds, c'est ça ? s'indigna le plus jeune.

–On n'est pas normaux, Peter, c'est un fait, déclara Pietro, toujours assis, en se penchant légèrement en avant. On se bat contre des monstres, des aliens, des robots et parfois d'autres optimisés et CA, c'est NOTRE normalité, si tu veux.

–… Donc on est normaux sans être normaux.

–Voilà.

–Ouais. Bah ça craint, parce qu'en ce moment, j'aimerais être normal différemment, bouda-t-il. J'en ai un peu marre de risquer de mourir trois fois par semaine, même si j'adore sauver le monde.

–C'est cool d'être un héros, mentionna Pietro avec un sourire.

–C'est clair, mais tu es super bien placé pour comprendre que de temps en temps, on aimerait bien avoir la paix. Tu as littéralement fait un saut spatial et changé d'univers pour éviter de mourir dans ton monde à toi pour atterrir dans un ponde ou tout le monde te croit mort. A quel moment a-t-on accepté le fait que c'était « normal » ?

L'autre s'apprêtait à lui répondre, mais il resta silencieux et fronça les sourcils. Lorsque Peter ouvrit la bouche pour lui demander si tout allait bien, son ami lui fit signe de ne rien dire d'un simple geste de la main, alors le new-yorkais s'exécuta, intrigué par son comportement. Brusquement, il lui paraissait extrêmement sérieux et un air préoccupé se lisait sur son visage tendu, ce qui inquiétait un peu Peter. Il savait ce que pouvait signifier ce changement radical d'attitude : un danger potentiel.

Il eut du mal à assimiler tout de suite ce qui arriva ensuite : il sentit simplement un bref courant d'air qu'il reconnaissait désormais comme étant son colocataire faisant usage de ses pouvoirs pour courir rapidement et dans la seconde qui suivit, il entendit la porte s'ouvrir puis se refermer aussitôt, et à sa plus grande surprise, ils n'étaient plus deux mais trois personne dans la chambre. Peter se redressa d'un bond, très surpris de voir Ned se tenir face à lui, apparemment bien plus dérouté que lui. Derrière le nouvel arrivant, Pietro venait de refermer à clé, puis celui-ci contourna le troisième étudiant, qui retenait son souffle et avait les yeux écarquillés, puis il lui dit calmement :

–C'est pas bien d'écouter aux portes.

–… J… Je… C'est… bégaya-t-il, incapable de formuler une phrase de type « sujet-verbe-complément ». J'ai… r-rien…

–Rien entendu ? compléta Pietro en croisa les bras, un sourcil levé, arborant un air de père ayant surpris un enfant en flagrant délit de bêtise. Mouais. J'y crois moyen. Bon, je suppose que tu as dû nous entendre parler du fait que je venais d'un autre univers, alors histoire d'éviter de tourner autour du pot, poursuivit-il en serrant la main de Ned dans la sienne d'un air détaché, enchanté, je suis Pietro Maximoff AKA Quicksilver AKA le Chevalier Blanc, et le reste, c'est mon super coloc qui va te le raconter parce que j'ai besoin d'aller m'acheter un truc épicé à manger. Je vous ramène quelque chose ? proposa-t-il, mais aucun des deux ne répondit, trop estomaqués par la façon dont il prenait les choses –une légèreté sans pareille–. Bon, dans le doute, je ramène quelque chose. Peter, c'est ton moment, mentionna-t-il avec complicité avant de s'éclipser sans demander son reste.

Une fois le sportif sortit, le silence retomba et les deux étudiants se fixèrent sans savoir quoi dire à l'autre, l'un étant encore sous le choc de ce dont il avait été témoin et l'autre n'ayant pas la moindre de la façon dont il pourrait lui expliquer ce qu'il s'était passé, ni même par où commencer tant il avait de choses à raconter. Peter maudissait intérieurement Pietro de l'avoir délibérément laissé se débrouiller mais en même temps, il savait que celui-ci l'avait en quelques sortes fait pour son bien, pour qu'il cesse de repousser le moment fatidique où il parlerait à ses amis de ce qu'il avait dû faire quelques mois plus tôt.

A cet instant, Peter en oublia totalement la douleur qu'il ressentait dans son bras blessé car toute son énergie était irriguée vers son cerveau, qui fonctionnait à mille à l'heure. Il tentait de se faire un schéma mental le plus clair possible qui lui permettrait d'amener le sujet plus ou moins en douceur afin de ne pas trop brusquer l'autre jeune homme, qui devait probablement être en train de paniquer au plus profond de lui. Après tout, le mutant lui avait donné un avant-goût de ce dont il était capable en l'emmenant avec lui entre le couloir et la chambre avant de décliner son identité très posément. Cependant, son trouble ne l'empêcha pas de retrouver l'usage de la parole et, dans un mélange d'excitation, d'alerte et d'admiration, il s'exclama :

–… Ton coloc est un super-héros !

Peter ne put s'empêcher de sourire discrètement. Il savait que Ned avait toujours été fan des Avengers et de tous ces individus extraordinaires qui avaient mis leurs dons et talents divers au service de la population, alors découvrir qu'il en côtoyait un depuis un petit moment était pour lui la plus grande nouvelle de l'année, si ce n'était de la décennie. Et encore, Peter n'avait pas encore ouvert la bouche pour mentionner tout le reste.

–Mec c'est dingue ! reprit-il, le souffle court. Tu le savais ?

–Hum… oui, j'étais au courant, répondit Peter un peu nerveusement.

–Woah, le truc de dingue ! On est pote avec le Chevalier Blanc ! lança-t-il, et l'autre, de sa main libre, lui indiqua de baisser un peu le ton en désignant la porte, car il n'avait aucune envie que tout le campus soit au courant et immédiatement, Ned saisit le message et se mit à parler plus doucement, à la limite du chuchotement. Mais c'est tellement incroyable, je ne sais même pas quoi dire, à part que c'est hyper cool ! Mais du coup ça veut dire qu'il doit probablement aussi connaitre plein d'autres héros ! Tu crois qu'il est pote avec Spider-Man ? Je veux dire, en dehors du terrain ? C'est fou, j'ai tellement de questions, j'ai trop de trucs à lui demander ! Attends, je risque de passer pour un fan taré, non ? s'inquiéta-t-il subitement. Je ne veux surtout pas le déranger, il veut peut-être qu'on ne lui en parle pas ? poursuivit-il avant de réaliser quelque chose. Eh, il a pas dit qu'en vrai, il s'appelait Pietro Maximoff ? Et qu'il venait… D'un autre univers ? Mais c'est possible, ça !? Cette journée n'a tellement pas de sens ! lâcha-t-il en se prenant la tête entre les mains. Comment il a fait pour venir ici ? Est-ce que ça veut dire que les méchants qu'il combat, ils ne sont pas d'ici non plus ?

–Ned… Tu devrais penser à respirer, lui suggéra Peter.

–Ouais… Ouais, sûrement, concéda-t-il en prenant une grande inspiration, lui qui était à la limite de l'hyperventilation. Est-ce que tu es son super acolyte qui agit dans l'ombre ? lui demanda-t-il ensuite, des étoiles plein les yeux.

–Non, répondit directement Peter, et lorsqu'il vit son ami baisser légèrement la tête, il songea qu'il était temps de tout mettre au clair et ajouta : mais on a déjà bossé ensemble, précisa-t-il, et il sembla avoir récupéré toute l'attention de Ned, qui le fixait à présent avec énormément d'intérêt. Mais tu devrais t'asseoir avant que je continue, lui suggéra-t-il en allant à sa rencontre, puis il l'attrapa doucement par le bras et l'invita à s'asseoir sur une des deux chaises de bureau.

–T'es un agent-double ? tenta de deviner Ned, très curieux, tandis que Peter se pencha pour aller récupérer une valise sous son lit. Tu es une créature immortelle qui vient d'une autre dimension et qui se fait passer pour un étudiant dans le but d'étudier la race humaine ? enchaina-t-il en observant l'autre jeune homme s'asseoir sur le rebord de son lit en lui faisant face, sa valise sur les genoux. Tu crées des armes hypersophistiquées pour le Gouvernement et tu laisses ton coloc les utiliser ! Ah non, c'est vrai, il a des pouvoirs… Alors tu vends ces armes au marché noir ! proposa-t-il, toujours émerveillé, alors que Peter se démenait comme il pouvait pour ouvrir son bagage de sa main libre. Ou alors, tu es Dieu ?

En guise de réponse, Peter fit pivoter sa valise désormais ouverte vers Ned, lui montrant ainsi ce qu'elle contenait : son costume soigneusement rangé. Il vit un flot d'émotions diverses traverser le regard de son meilleur ami, qui contemplait le costume sans ciller. C'était une première chose de faite : lui révéler sa seconde identité. Une fois que l'information sera un peu descendue, il enchainerait avec le plus difficile. Au moins, d'ici la fin de la journée, cela serait derrière lui. Il ignorait comment réagirait Ned, d'autant plus que pour le moment, ce dernier demeurait trop occupé à alterner le regard entre la malle et Peter.

–… T'es Spider-Man, parvint-il à articuler, le doigt tendu vers lui. T'es Spider-Man ? répéta-t-il, cette fois-ci interrogateur. J'veux dire, t'as pas volé ce costume, c'est… C'est bien toi… ?

–Oui, mais très sincèrement, ce n'est pas le plus important à mes yeux, affirma Peter en déposant sa valise à côté de lui, puis il se pencha vers l'avant en sentant son stress grimper en flèche. Ecoute, il y a quelque chose dont j'aurais dû te parler il y a longtemps.

–Une seconde, je viens d'apprendre que deux de mes amis sont des super-héros qui… Eh, mais c'est pour ça que vous êtes blessés ! Toi au bras, Matt qu… Enfin, Pietro au front l'autre jour… Mais vous avez risqué vos vies sans qu'on s'en rende compte, et vous avez quitté le campus malgré le couvre-feu ?

–Ned ! dit Peter. Reste concentré.

–Mais c'est pas possible qu'il y ait quoi que ce soit de plus important, insista-t-il. C'est la même chose pour toi, j'ai un tas de questions, il y a trop de trucs que j'aimerais savoir sur toi, sur ton quotidien, sur comment tu gères tes deux vies, sur t…

–Ned, écoute-moi, s'il te plait, soupira calmement Peter en fermant momentanément les yeux, et le sérieux dont il fit preuve parut un peu apaiser Ned. Tu te rappelles quand je t'ai dit que je venais du Queens, et que tu as répondu qu'on s'était peut-être croisés sans s'en rendre compte ? En fait, il y a un peu de ça, souffla-t-il en serrant le pardessus de son lit entre ses doigts crispés. J'ai été au lycée des sciences et de la technologie de Midtown, se confia-t-il.

–Sérieux ? commenta son ami en fronçant les sourcils. C'est bizarre, je me serais quand même rappelé t'avoir croisé, vu tous les points qu'on a en commun…

Peter déglutit difficilement car il avait l'impression qu'un étau se resserrait autour de sa gorge. Maintenant qu'il était lancé, il ne pouvait plus se rétracter. Il allait devoir aller jusqu'au bout, même si cela risquait d'être difficile de ne pas craquer. Il était terrifié, il n'arrivait pas à anticiper la manière qu'aurait de réagir Ned. Peut-être qu'il prendrait peur, qu'il le prendrait pour un fou, qu'il ne le croirait pas ou lui demanderait de ne plus jamais l'approcher.

–Tu te rappelles de Mysterio ? lui demanda Peter, fébrile, mais avant que Ned ait le temps de lui répondre, il reprit : je ne l'ai pas tué, pour info. Mais j'ai eu un paquet d'ennuis à cause de ses accusations et… Du coup, j'ai fait un truc stupide. J'ai… j'ai essayé de jouer avec une magie qui me dépassait en demandant à Stephen Strange de jeter un sort qui ferait oublier à tout le monde que… Que c'était moi, Spider-Man, énonça-t-il, tandis que Ned l'écoutait sans l'interrompre, mais également sans laisser paraitre grand-chose quant à son ressenti. En gros, le sortilège a foiré, on a ouvert une faille dans le multivers et pour tout réparer, il a fallu… Il a fallu effacer la mémoire de tout le monde, en faisant en sorte que plus personne ne se rappelle de moi, lâcha Peter, très mal à l'aise, alors que lorsqu'il s'était confié à Pietro, cela lui avait fait l'effet d'être libéré d'un énorme poids.

–Ok… ?

–Tout mon entourage a dû m'oublier, déclara-t-il en se redressant pour marcher un peu dans la pièce et éviter le regard de l'autre, n'osant plus le soutenir du moment qu'il n'aurait pas terminé. Les Avengers, mes amis… ma copine… C'était ça, ou le multivers nous tombait dessus. En quelques sortes. J'ai promis de revenir, de leur rappeler qui j'étais pour eux, mais… Mais je ne l'ai pas fait parce que… j'ai eu peur et… je crois qu'une part de moi se disait que s'ils ne me connaissaient pas, je ne leur attirerais pas de problèmes…

–C'est… Wow, c'est… C'est pas fun, souffla Ned, sincèrement touché par son récit. Mais… je ne te cache pas que je ne comprends pas trop pourquoi tu me dis tout ça.

–… Parce que je t'avais promis.

Peter tournait le dos, il ne vit donc pas les traits de Ned se raidir. Celui-ci ne saisissait toujours pas le sens des mots de l'autre étudiant, mais quelque chose le troublait tout de même. Simplement, il ne parvenait pas à mettre le doigt dessus.

–Et même si ça me prend du temps, j'essaye de toujours tenir mes promesses, compléta Peter.

Il fit volte-face et regarda son ami droit dans les yeux. A ce stade-là, plusieurs options s'offraient à lui : se sauver en courant en clamant qu'il ne savait pas pourquoi il racontait tout ça, ou bien continuer à s'exprimer pour enfin se libérer de ce qui lui pesait. Il choisit donc cette option-ci, histoire de faire les choses convenablement et aller jusqu'au bout de ses idées. Il estimait que Ned était l'une des premières personnes à mériter de connaitre la vérité.

– J'ai pas assuré, je sais… J'aurais dû revenir plus tôt pour tout t'expliquer. Tu es mon meilleur ami, Ned, et ça, ça ne changera jamais. Tout ce que je veux, c'est que les choses redeviennent comme avant, et que dans l'hypothèse où tu te souviendrais de moi, que tu trouves la force de me pardonner, parce que… Parce que j'ai besoin de toi, lâcha-t-il dans un murmure douloureux en baissant les yeux et il se mit à fixer le sol sous ses pieds.

Il s'attendait à tout désormais. Que Ned sorte en étant furieux ou juste perdu, qu'il l'engueule et passe ses nerfs sur lui, qu'il le traite de cinglé, qu'il lui demande s'il était certain qu'il n'avait pas mangé quelque chose qui le ferait halluciner et imaginer une vie qui n'était pas la sienne, qu'il prenne peur et aille raconter à tous les étudiants du MIT que Peter Parker avait un sérieux problème mental. C'était atrocement dur d'attendre, il s'agissait très certainement des plus longues secondes de toute sa vie. Il était conscient que, quelques mois plus tôt, il avait pris la bonne décision en priant Strange de lancer le sort d'oubli sur absolument tout le monde, mais il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même pour avoir été la cause directe de l'échec du premier sortilège, et de ne pas avoir, par la suite, osé contacter ses proches.

Il savait qu'il n'aurait pas dû rester seul, surtout après avoir perdu May. Mais peut-être que s'il avait agi différemment, il n'aurait pas fait la connaissance de Pietro, qui était rapidement devenu quelqu'un d'extrêmement important pour lui, une personne avec qui il s'entendait extrêmement bien, avec qui il partageait plusieurs passions, et sur qui il pouvait compter, quoi qu'il arrive. Il aurait simplement préféré avoir l'occasion de le rencontrer à un autre moment que celui où il n'avait plus rien ni personne à quoi se raccrocher juste parce qu'il avait pris peur.

Alors que ses pensées confuses se succédaient, se mélangeaient et s'emmêlaient, la voix de Ned le sortit de cet instant d'évasion peu plaisant.

–… Au moins, tu ne m'as pas remplacé par un autre « geek dans le fauteuil », c'est déjà ça…

Peter releva rapidement la tête, son cœur ayant raté un battement. Il n'était pas certain d'avoir parfaitement entendu ce que son ami venait de dire, même si son cerveau, lui était déjà en train de décomposer chaque mot prononcé par l'autre jeune homme. Il ne lui fallut pas longtemps avant de réaliser que cette phrase pourvue d'une petite touche d'humour faisant directement référence à un de leurs souvenirs signifiait tout bonnement que Ned ne comptait visiblement pas lui tenir compte de ce silence-radio prolongé duquel il n'avait pas souffert, puisqu'il n'avait pas eu l'occasion de se rappeler de Peter, mais qu'au contraire, il s'agissait d'une invitation à reprendre un semblant de vie « normale » pour eux, puisqu'il se souvenait.

Peter le regarda sourire et tendre une main vers lui, ce qui lui fit immédiatement penser à la façon dont ils se saluaient chaque jour lorsqu'ils se retrouvaient au lycée. N'y tenant plus, il marcha vers lui et, après une courte hésitation, il débuta leur check secret, dont Ned se rappelait également et une fois leur salut terminé, ils tombèrent dans les bras l'un de l'autre.

–Je suis tellement désolé, lâcha Peter, au bord des larmes, en serrant Ned contre lui, aussi fort que le lui permettait son bras valide.

–Arrête, c'est rien, assura Ned en lui rendant son étreinte, ne voulant plus jamais le laisser partir. T'es revenu, et c'est tout ce qui compte, ajouta-t-il, tout aussi ému que son meilleur ami. Je m'en fiche du reste.

–Tu m'as tellement manqué, tu n'imagines pas…

–J'suis désolé que t'aies eu à vivre tout ça tout seul, mentionna Ned en s'écartant légèrement afin de le regarder dans les yeux, profondément affecté par toutes les émotions qui l'envahissaient soudainement.

–Tu es là, et c'est tout ce qui compte, dit Peter, de la même manière que son ami venait tout juste de le faire, puis ils se reprirent dans les bras en riant, bien trop heureux de se retrouver. Je te promets que je ne partirai plus jamais.

–T'as intérêt, plaisanta Ned en l'accolant chaleureusement.

Peter avait ce fameux sentiment où il se sentait renaitre. Il avait retrouvé son meilleur ami, son acolyte, son confident, celui qui l'avait soutenu dans sa vie secrète dès l'instant où il en avait eu vent, et il était hors de question que cela change. Ned était là, il le serrait dans ses bras, il ne lui en voulait absolument pas d'avoir pris autant de temps à se manifester et il paraissait prêt à reprendre leur amitié là où elle avait été brutalement interrompue, un peu comme si rien n'était arrivé.

Plus les jours passaient, plus Peter se rendait compte que tout semblait s'arranger. Et ça lui faisait du bien.