–C'est dingue ce que Flash est différent.

–En fait, j'crois qu'on ne le connaissait pas vraiment, déclara Ned.

–C'est vrai, soupira Peter en branchant son PC portable à l'écran qu'il y avait dans la chambre. Pendant tout le lycée, c'était juste… Flash, le gars de la classe qui fait des blagues et nous tombe dessus dès qu'il a une minute de libre.

–Tu savais que ça allait si mal avec ses parents ?

–Ce n'est pas que ça se passe mal, ça ne se passe juste pas du tout, le corrigea l'autre. On ne s'est jamais trop posé la question. Mais tu vois, je suis quand même content qu'aujourd'hui on s'entende bien… Parce qu'en fait, si ses blagues ne me faisaient pas tellement rire avant, aujourd'hui je le trouve plutôt marrant. Et c'est agréable de passer du temps avec lui, en cours et en dehors.

Ned acquiesça, observant son meilleur ami bricoler avec les fils de la télévision murale.

–Tu lui a déjà dit ?

–Qui j'étais ? compléta Peter. Non, pas encore. Mais je vais probablement le faire. Bientôt, compléta-t-il en venant s'installer en tailleur sur son lit, aux côtés de l'autre jeune homme. Ça va lui faire un choc, souffla-t-il, le regard perdu dans le vide.

–Tu m'étonnes. Et… Tu ne lui en veux plus, du coup ?

–Nan, pas vraiment, répondit-il en haussant les épaules. C'était il y a pas si longtemps, mais on a quand même grandi entre temps. Et le Flash que j'ai découvert cette année, je l'aime bien.

–'Pareil. On a passé une partie de l'été ensemble à explorer la ville, alors forcément, même s'il était parfois agaçant, on a fini par sympathiser. MJ, en revanche, elle a toujours un problème avec lui. Mais tu connais MJ, elle a un problème avec presque tout le monde, plaisanta-t-il avant d'écarquiller les yeux, affichant une mine affolée. Oh la vache, MJ ! s'exclama-t-il. Tu lui as dit ? Elle est au courant ?

D'abord surpris par cet élan, Peter reprit son souffle, son cœur s'étant légèrement emballé, puis rapidement, la tristesse de la réalité le rattrapa.

–… Non.

–Mais t'attends quoi ?

–J'en sais rien, c'est pas facile, Ned, se défendit l'autre. Tu as bien vu comme j'ai galéré à t'en parler.

–Mh, dit-il, pensif. Tu as peur de sa réaction ? proposa-t-il après quelques secondes de réflexion.

–… Tu aurais dû prendre « spécialisation psychologue », se moqua gentiment Peter. Evidemment que ça m'inquiète. Tu sais pourquoi je ne suis pas revenu à la base.

–Pour nous protéger, récita Ned, ouais, je me suis fait à ça, plaisanta-t-il. Du coup, t'as peur qu'elle ait une réaction… pas forcément positive, c'est ça ?

Peter cacha sa tête dans ses mains et émit un grognement de frustration, ce qui amusa Ned. Le grognement alla s'étouffer dans l'oreiller que Peter attrapa pour camoufler le bruit de son mécontentement. Il en avait royalement assez de se prendre la tête pour ça, il voulait à tout prix en finir au plus vite pour ôter ce poids de sa conscience. Quelle que soit l'issue de la journée, il irait trouver MJ et lui dirait toute la vérité.

–Je vais aller la voir, affirma-t-il avec certitude en plaquant le coussin sur ses genoux, après quoi il le balança sur le lit d'en face et se leva d'un bond.

–Voilà, là je te retrouve ! s'exclama joyeusement Ned, ravi de le voir à nouveau d'aplomb. Et… Comment tu comptes t'y prendre ? voulut-il savoir.

–Je… alors je vais… Bah je vais sortir, lui envoyer un message pour lui demander de me retrouver dans le salon du rez-de-chaussée et… Non, y'aura trop de monde, se corrigea-t-il en se mettant à faire les cent pas dans l'espace restreint qui lui était octroyé. Je l'invite à aller prendre un café là où on a été la dernière fois, proposa-t-il énergiquement avant d'à nouveau se reprendre. C'est trop loin et il fait trop froid.

–Et c'est fermé aujourd'hui, compléta Ned.

–Ouais. Je l'appelle et je lui dis directement ? réfléchit-il. C'est quelque chose qui se dit en face, se rectifia-t-il immédiatement. Pas d'appel. Sinon je l'invite à passer, elle regarde un film avec nous puis j'essaye d'habilement amener le sujet sur le tapis sans passer pour quelqu'un de trop flippant ? Mais bien sûr que c'est flippant, elle va croire que je suis cinglé si je lui dis qu'on se connaissait mais que la magie m'a effacé de sa mémoire, dit-il en levant les yeux au ciel. Non, je dois trouver une façon de ne pas l'effrayer, peut-être en glissant quelques allusions à ce qu'on a vécu, en faisant peut-être quelques blagues et en essayant de ne pas trop tout précipiter. J'ai encore quelques photos aussi, je pourrais lui en montrer si jamais elle a du mal à me croire ? Raaaaah, mais qu'est-ce que je raconte, c'est encore plus flippant, les photos ! Elle va penser que je l'ai droguée pour les prendre ou que j'ai engagé un sosie qui se serait faite passer pour elle !

Contrairement à Ned, Peter n'avait pas remarqué que la porte de la chambre s'était ouverte et que Pietro et MJ se tenaient silencieusement dans l'embrasure de celle-ci, le regardant se creuser les méninges et l'écoutant débiter ses phrases à toute vitesse. Ce fut le sportif qui prit la parole pour attirer son attention.

–Ou alors tu arrêtes de délirer et tu lui en parles calmement maintenant.

Peter se calma instantanément lorsqu'il les aperçut. Son regard se verrouilla dans celui d'MJ. Pietro lui sourit puis entra et déposa un sachet en plastique sur son bureau, sachet dont émanait un flot d'odeurs alléchantes, avant d'aller s'asseoir à la place anciennement occupée par Peter, autrement dit à côté de Ned.

Peter vit la jeune femme sortir quelque chose de sa poche et, après une courte hésitation, celle-ci entra à son tour dans la pièce et referma doucement la porte derrière elle. Ensuite, elle souffla un bon coup puis fit quelques pas vers Peter et lui tendit un morceau de papier plié en quatre, que le jeune homme saisit prudemment, intrigué. Il le déplia très lentement et fut surpris d'y voir inscrite une série de chiffres qui ne lui étaient pas méconnus.

–C'est…

–Mon numéro, affirma-t-elle avec précipitation, apparemment nerveuse d'après la première analyse de Peter. C'est mon numéro, répéta-t-elle plus calmement.

–Mais… je l'ai déjà, dit Peter, dérouté.

–C'est pour que tu n'oublies pas de me rappeler, se justifia-t-elle, un sourire crispé au coin des lèvres.

Peter fronça les sourcils, ne saisissant pas tout à fait le sens de sa phrase. Mais lorsque la pièce tomba, elle fit beaucoup de bruit. Pietro esquissa un sourire et s'excusa silencieusement en quittant la chambre, laissant le duo se retrouver avec Ned pour seul témoin.

Peter ouvrit la bouche, sous le choc.

–Tu…

–Oui, lâcha MJ de but en blanc.

–Depuis…

–Longtemps.

–Mais tu…

–J'étais en colère, se justifia-t-elle. Puis j'ai un peu parlé avec ton coloc' sur le chemin du retour et… poursuivit-elle, cherchant davantage d'arguments pour lui expliquer pourquoi elle avait gardé le silence, mais elle décida de lâcher l'affaire et ses épaules s'affaissèrent. Tu m'as manqué, avoua-t-elle en baissant la tête.

Depuis le couloir, Pietro entendit Peter rejoindre MJ pour probablement la prendre dans ses bras et le court silence qui s'en suivit lui suggéra qu'ils devaient probablement échanger un baiser de retrouvailles. Il prit appui contre le mur et bascula la tête en arrière, soudainement frappé par une intense fatigue émotionnelle. Il déglutit difficilement et ferma un instant les yeux en soupirant longuement.

–Hey Matt, ça va ?

Il rouvrit les yeux et tourna la tête sur la gauche, découvrant ainsi Flash. Le plus jeune paraissait un peu inquiet, Pietro devina que ce devait être à cause de son air anormalement calme ainsi que l'épuisement qui devait se lire sur son visage.

–Ouais, t'inquiète, assura-t-il en récupérant un air jovial suffisamment convainquant pour effacer tout forme d'inquiétude chez l'autre étudiant. Longue journée, tu sais c'que c'est… soupira-t-il en haussant les épaules. J'vais aller faire un tour dehors deux minutes, mais tu devrais entrer. J'crois bien que Parker a une bricole à te dire.

–Ok… lâcha Flash, pas entièrement convaincu. T'es vraiment sûr que ça va aller ? insista-t-il.

Pietro acquiesça avec un demi-sourire. Flash ne poussa pas davantage, comprenant que son ami avait besoin d'un peu d'espace, alors il passa son chemin et frappa à la porte de la chambre que Pietro et Peter partageaient. Il attendit qu'on l'autorise à entrer avant d'ouvrir, puis il disparut complètement du champ de vision du plus âgé.

Pietro en profita pour souffler à nouveau. Il n'appréciait pas particulièrement ce genre de jour plutôt rare où la nostalgie et la morosité le frappaient sans crier gare, c'est pourquoi il décida de s'éloigner un peu le temps que ça passe. Il ne souhaitait pas que son moral ait la moindre influence négative sur ses acolytes, qui avaient définitivement besoin de cette soirée tranquille pour remettre de l'ordre entre eux.

Après deux petites minutes seulement, il entendit la voix de Flash s'élever depuis la pièce, Flash qui cria quelque chose comme « Oh la vache mais c'est un truc de dingue ! », ce qui fit sourire Pietro. Il était fort probable que le dernier membre de l'équipe ait non seulement été mis au courant de la situation mais se souvienne également de ce qu'il avait oublié.

Pietro inspira profondément et prit la décision de réellement sortir un peu pour aller s'aérer. Il emprunta le chemin qui conduisait à la cage d'escaliers et sortit son téléphone de sa poche afin d'écrire une petite bafouille à son colocataire pour l'avertir et éviter qu'il ne s'inquiète par rapport à son absence imprévue. De plus, il songeait que les amis d'antan avaient besoin de temps entre eux et il ne voulait pas s'imposer.

En parcourant son téléphone, il tomba sur la copie scannée de la photographie de lui et la Natasha de son univers. Il déglutit à nouveau et se dépêcha de ranger l'appareil au fond de sa poche, car s'attarder sur de tels souvenirs alors qu'il était déjà un peu chamboulé ne l'aiderait pas à empêcher ses pensées de tournoyer à toute vitesse dans son esprit.

Il ne réalisa qu'il était déjà arrivé au rez-de-chaussée que lorsqu'un étudiant le salua en passant dans le sens inverse.

Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas eu besoin de calme et de solitude.

Il attendit d'être dehors et hors de vue de quiconque avant de commencer à courir. Il lui fallait de l'air, de l'espace, un petit instant pour se reconnecter avec lui-même. Les retrouvailles entre Peter et des personnes de son passé le réjouissaient, mais l'affectaient en même temps car il savait que lui-même ne vivrait jamais ce genre d'instant précieux.

Il atteignit le parc Lincoln et songea qu'il resterait peut-être un peu plus longtemps que prévu sur place pour décompresser, jusqu'à ce que l'arbre à à peine deux mètres de lui prenne soudainement feu, parce qu'évidemment, il était impossible pour lui de passer une soirée paisible.

La voix narquoise qui s'adressa ensuite ne lui avait définitivement pas manqué.

–Mec, c'est fou ce que je suis heureux de te voir en dehors de ce fichu costume de clown.

–Putain John, rétorqua immédiatement Pietro, je suis vraiment pas d'humeur, alors soit tu dégages et tu vas convaincre tes tarés de copains d'arrêter leurs conneries, soit je t'en colle une et je retourne chez moi pour pioncer et oublier ta gueule.

–J'en connais un qui est de mauvaise humeur, le nargua le pyromane. J'crois bien que c'est rien à côté de l'état dans lequel est Gabriel depuis que t'as salement blessé sa gonzesse…

–Elle n'avait qu'à pas me faire chier, ni s'en prendre à Peter, lança Pietro en levant enfin les yeux du sol pour regarder droit devant lui.

Cinq mètres environ le séparait de son adversaire. Ce dernier ne donnait pas l'impression d'être venu accompagné, mais ce n'était jamais une bonne idée de se fier aux premières impressions. De plus, il le connaissait trop bien pour savoir qu'il manigançait forcément quelque chose qui allait inévitablement faire tourner sa soirée au cauchemar.

–Je vais te laisser une chance de te barrer loin, déclara alors John d'un ton anormalement calme, presque solennel. Vraiment très loin, insista-t-il. En souvenir de notre amitié.

–Parce que t'es soudainement devenu un enfant de cœur ? cracha Pietro en serrant les poings. Quoi que tu aies à m'offrir, je n'en ai rien à foutre, John, c'est terminé. J'en ai ras-le-bol que vous foutiez le bordel dans ce monde sous prétexte que le nôtre a disparu et que vous et moi, on n'était pas en très bon termes chez nous. Tu veux vraiment faire quelque chose pour moi ? Toi et les autres ravagés qui semez la panique ici, déguerpissez. C'est à vous de vous tirer vraiment très, très loin et arrêter de causer autant de dégâts juste parce que c'est moi que vous voulez atteindre.

–Tu me détestes à ce point, Pietro ? l'interrogea l'autre homme en le toisant, les bras croisés. Ce n'est pas toi qui répétais toujours que tu croyais aux secondes chances depuis que les Avengers t'en avaient donné une ?

–Et même aux troisièmes chances, mais tu as grillé toutes tes cartes quand tu as décidé de t'allier à ces cinglés, affirma Pietro, sentant l'émotion l'envahir. Tu parles de Avengers, justement. Je les ai vus mourir les uns après les autres sans pouvoir empêcher que ça se produise, une bonne partie à cause de tes petits camarades et TOI, s'exclama-t-il en s'approchant vivement de lui, ne laissant que quelques centimètres entre eux sans que l'autre ne bronche pour autant, ça n'a pas eu l'air de te déranger.

John demeurait infiniment calme face à l'autre homme, ce qui irrita davantage ce dernier.

–Tu m'as demandé de choisir un camp, mentionna Pietro.

–Et tu as choisi, affirma John. Je t'ai proposé de continuer notre route ensemble, mais tu es resté avec–

–Avec Barnes, dont tu as brûlé les deux jambes au troisième degré, compléta Pietro. C'était un de mes coéquipiers, jamais je ne l'aurais laissé en plan. Ça s'appelle la loyauté, John, mais il semblerait que cette notion ait fini par complètement t'échapper, John, articula-t-il, amer. Tu sais quoi ? soupira-t-il en s'écartant de quelques pas avant d'écarter les bras. J'en ai marre. Marre de toujours devoir courir pour échapper à tout et tout le monde, marre de mettre en danger les personnes auxquelles je tiens. Marre que vous vous en preniez à des innocents parce que VOUS vous comportez comme des gosses capricieux qui ne sont pas content que je leur échappe à chaque fois.

Il prit une profonde inspiration et, contre toute attente, esquissa un sourire.

–Tu veux une fin glorieuse, Allerdyce ? Vas-y, l'invita-t-il en écartant à nouveau les bras. Finis-en, rapporte ma tête à ta bande, mais laisse les gens de cet univers en dehors de ça.

–Alors quoi, c'est tout ? Tu abandonnes ? lâcha John en fronçant les sourcils, surpris par cette réaction.

–Vous m'avez pris tout ce que j'avais là-bas, affirma Pietro. Et maintenant, vous essayez de faire exactement la même chose ici. Il est hors de question que ça continue comme ça.

–Mais merde, Pietro, je ne suis pas venu te tuer, s'exclama John.

–Pour quoi d'autre ? rétorqua Pietro tout aussi fortement que l'autre. Te repentir ? Implorer mon pardon, demander à te joindre à nous, ou juste me proposer d'aller siffler une bière en souvenir du bon vieux temps ? énuméra-t-il, sa colère s'accentuant à chaque mot qu'il prononçait. Tu m'as pris Nat, John, tu comprends ça ? lui reprocha-t-il.

–Ce n'es pas moi qui aie tiré, souffla l'australien.

–Mais tu étais là, et tu n'as rien fait, l'accusa-t-il en pointant un doigt vers lui, les yeux brillants. On était en train de se vider de notre sang tous les deux et toi, tu regardais. Tu savais qu'avec ma condition d'optimisé, je survivrais, et tu regardais sans rien faire, tu nous as laissé dans notre merde, tu m'as laissé survivre pendant qu'elle mourrait lentement à mes côtés. Vous m'avez pris la seule chose qui me permettait encore de tenir bon.

John garda le silence un instant à la suite de ces paroles. Il prit plusieurs longues secondes pour analyser son ancien allié, qui était à deux doigts de craquer et effectivement lui coller une baffe suffisamment forte pour lui décrocher la mâchoire.

Il était néanmoins prêt à prendre le risque de rester et poursuivre leur échange.

–Je ne suis pas venu pour te tuer, répéta doucement le blond, la gorge nouée.

Pour la première fois depuis un bon moment, Pietro sut que John ne mentait pas.

–Qu'est-ce que tu veux ? parvint à articuler le sportif.

–Moi aussi, je suis fatigué, avoua-t-il. Je veux que ça s'arrête. J'en ai plus pour très longtemps, de toutes façons, poursuivit-il en haussant les épaules avant de tourner les yeux vers les cieux qui se remplissaient de points lumineux, puis il lâcha un de ces rires clairs et sincères que Pietro n'avait pas entendus depuis longtemps chez lui. C'est con, quand on y pense… J'ai créé un engin capable de maitriser la magie qui coule dans mes veines et il se trouve que ça a complètement foutu en l'air mon organisme au fil des ans, souffla-t-il, un sourire triste aux lèvres et les iris se perdant dans l'immensité du ciel sombre, puis il prit place sur un banc. Je voulais faire un dernier truc bien avant que ça parte complètement dans tous les sens, et le seul truc qui m'est venu à l'esprit, c'était de venir te rendre visite en sachant pertinemment que t'allais forcément pas être jouasse de me voir débarquer à l'improviste.

–Tu vas mourir, retint Pietro, ne le lâchant pas des yeux.

–Ouep, confirma John en appuyant sur le « p », le nez toujours en l'air. Bah, ça pourrait être pire. Aujourd'hui, je peux choisir la façon dont ça va se terminer pour moi, au lieu de me faire bouffer par une des bestioles de Chiméra, dit-il en retenant un petit rire.

–Qu'est-ce qui t'as fait voir les choses autrement ? l'interrogea Pietro en s'installant à ses côtés sur le banc, redevenu calme, et intrigué par ce soudaine changement d'attitude. Ça fait des années qu'on joue à ce jeu du chat et de la souris, que tu vis à travers le chaos et te rejoins dès que tu as l'occasion de foutre le feu quelque part, alors qu'est-ce qu'il s'est passé pour que tu vires de bord au dernier moment ?

–On n'a qu'à dire que j'ai vu la lumière.

Pietro se surprit à sourire et, lorsque John baissa les yeux vers lui, il afficha un rictus similaire. Pietro vit dans son regard que l'autre homme était réellement désolé d'avoir causé autant de tort dernièrement et qu'il avait sincèrement l'intention de se rattraper un minimum.

–Ils arrivent, pas vrai ? devina Pietro, ce à quoi John acquiesça. Qu'est-ce que je peux faire ?

–Tu as plusieurs options, affirma John en fourrant ses mains dans ses poches. Tu peux courir pour te planquer là où ils n'iront pas te chercher, et je te ferai gagner du temps, proposa-t-il en premier lieu. Mais comme j'te connais, je sais que tu seras davantage enclin à choisir la deuxième proposition, qui est de rester et leur foutre la raclée du siècle. Là aussi, je peux te faire gagner du temps et les affaiblir suffisamment pour que tu en viennes à bout.

–Si je comprends bien, dit Pietro en appuyant son dos contre le dossier du banc, dans les deux cas, c'est ta dernière soirée.

–C'est ma dernière soirée, confirma l'autre en conservant son sourire, les yeux rivés sur l'horizon.

Pietro décelait tout de même de la peur dans le timbre de voix du blond, ce qu'il comprenait. S'il était conscient qu'il n'en avait en effet plus pour très longtemps, ça ne devait pas être simple pour lui d'entièrement se faire à l'idée. Pourtant, il avait l'air d'accepter son sort, ce que Pietro respectait. Admirait.

–John ?

Le blond bougea légèrement la tête vers lui pour lui montrer qu'il écoutait mais resta focalisé sur l'horizon. Le sportif inspira profondément puis expulsa lentement tout l'air de ses poumons.

–Ça fait du bien de te voir en paix avec toi-même.

–Ça aurait beaucoup plu à Rogers, pas vrai ?

–Sûrement, concéda Pietro.

–Ça risque d'être mouvementé ce soir, dit John pour revenir sur la discussion initiale. Tu comptes prévenir le jeune Parker ?

–Je ne sais pas, souffla Pietro. Il a dit qu'il m'aiderait, quoi qu'il arrive, mais tout ce bordel, c'est de ma faute, pas de la sienne. Il ne devrait pas avoir à se préoccuper de ce genre de menace, il a déjà trop vécu pour son âge. Il devrait profiter de la vie étudiante, pas combattre des êtres tirés d'un autre univers la nuit.

–Tu penses pouvoir gérer la situation tout seul ? l'interrogea John, concerné.

Pietro garda le silence un moment.

–Pas sûr, finit-il par avouer. Mais je sais que j'ai quand même de bonnes chances d'en éliminer au moins deux sur les trois. Et si jamais je claque avant d'ne avoir terminé, je crois que Peter sera d'attaque à terminer le travail… Que je le veuille ou non.

–Il risque de ne pas être très content s'il apprend qu'il t'est arrivé quelque chose.

–Ce sont les risques du métier.

Le vent se leva. Plus cru, plus fort, plus sifflant qu'en temps normal. L'un et l'autre surent que le calme ambiant n'allait pas tarder à s'effacer pour laisser place à un chaos sans nom. Pietro sentit l'inquiétude grimper en lui. Il ne voulait pas de cet affront, il voulait simplement laisser ça derrière lui. Evidemment, le combat qui s'annonçait était inévitable et il ne reculerait pas.

–C'est devenu ta maison, reprit John, mélancolique. Cet endroit. Et au-delà de ce monde, tous les autres sont aussi en danger si les trois allumés du bocal te font disparaitre. Il n'y a pas que cet endroit qui est concerné et j'crois que les gens ont bien besoin d'un Maximoff pour faire un peu de ménage.

–Cet univers en a déjà une, mentionna Pietro.

–Tu l'as vue ?

–Non, avoua-t-il. Mais je crois que lorsque tout ça sera terminé, et en admettant que je survive, j'irai la voir, affirma-t-il.

–T'as une idée de ce que tu vas lui dire ? l'interrogea John, et il ne fut pas surpris par le rire nerveux que lâcha l'autre homme.

–Pas pour le moment. J'trouverai en temps voulu…

Le vent devint plus fort et le ciel se couvrit, obstruant ainsi les étoiles. Il y eut un bruit d'étincelles derrière le duo qui l'incita à se lever du banc et jeter un coup d'œil vers le son en question. Ils virent en effet quelques particules lumineuses briller et s'entrechoquer, flottant au beau milieu du vide.

–C'est parti, lâcha John.

Pietro le vit se débarrasser de son blouson en cuir brun, qu'il déposa sur le dossier du banc. Il avait vraiment beaucoup de respect pour cet ancien allié qui, au dernier moment, revenait sur le droit chemin en acceptant son sort funeste, mais il n'était pas tout à fait d'accord avec l'issue des événements. Lorsque le blond fit quelques pas en direction de la zone d'activité surnaturelle, Pietro le rattrapa et saisit son avant-bras.

–Il n'y a vraiment aucun moyen de te sauver ?

–Je me suis condamné le jour où je t'ai lâché, répondit John.

Les étincelles se transformèrent en arceau lumineux qui s'élargit sur plus de quatre mètres de large et dans lequel les deux hommes parvinrent à discerner trois silhouettes parfaitement indentifiables. Plus que quelques secondes, et Pietro se retrouverait plongé dans un enchevêtrement monstrueusement désordonné duquel il ne sortirait peut-être pas en un seul morceau, mais il tiendrait bon aussi longtemps que possible pour assurer la sécurité de l'univers qui l'avait plutôt bien accueilli.

John remarqua son trouble lorsqu'il jeta un coup d'œil derrière lui pour le regarder.

–Haut les cœurs, Maximoff, l'encouragea John. Ils annoncent un grand soleil pour demain.

Pietro ne put s'empêcher de sourire. Il avait l'impression de retrouver le jeune journaliste avec lequel il avait collaborer de nombreuses années auparavant, celui qui couvrait les aventures des Avengers et les mettait en lumière et en valeur dans chacun de ses articles, celui qui débordait d'énergie et savait exactement ce en quoi il croyait.

Et bientôt, ce rayon de soleil ne serait plus.

Pietro vit John s'approcher des trois individus fraichement débarqués, qui furent apparemment surpris de le voir aux côtés de leur adversaire. Après un ultime échange de regard avec Pietro, John lui offrit un clin d'œil complice et s'approcha du trio problématique sans une once d'hésitation et avant que l'un ou l'autre ait le temps de prononcer un seul mot ou réagir, John concentra toute son énergie, toute la magie qui l'habitait et la laissa le consumer, ce qui déclencha une déflagration qui évita miraculeusement Pietro mais frappa de plein fouet les trois autres.

Cela eut l'effet escompté : ils reculèrent, sonné et probablement déjà bien affaibli malgré leurs constitutions respectives, donnant ainsi l'avantage à Pietro.

Ce dernier se fit le serment de tout donner pour limiter les dégâts et essayer de survivre.