–On est bientôt arrivé ?
–Je crois qu'on n'en a plus pour très longtemps.
–C'est vraiment un endroit parfait pour être tranquille.
Pietro souffla du nez en guise de réponse, les mains agrippées au volant de son pick-up. Peter disait vrai : l'endroit était plutôt calme et cela faisait presque une heure qu'ils roulaient à travers les bois ensoleillés.
Les derniers jours avaient été mouvementés, entre le retour à l'université en fanfare, le déluge de questions auxquelles ils avaient eu droit de la part de leurs camarades qui avaient suivi une partie de la soirée grâce à une autre équipe de journalistes sur le terrain, les retrouvailles avec leur trio d'amis qui se faisait un sang d'encre, encore plus de questions le lendemain en cours de la part des élèves et même de certains professeurs.
Le congé d'hiver tombait à pic.
Ils avaient décidé de partir tous les cinq en vacances quelque part, suffisamment loin du M.I.T. et donc de l'épicentre de ce qui était arrivé. Les parents de Flash avaient loué une immense maison sur la côte Ouest pour que son fils y passe ses vacances et immédiatement, l'étudiant avait proposé au groupe de se joindre à lui.
Après avoir déposé leurs affaires sur place, Pietro et Peter avaient néanmoins dû s'excuser auprès des trois autres en leur expliquant qu'ils devraient s'absenter un jour ou deux car ils avaient quelque chose de très important à faire avant de pouvoir pleinement profiter de leur congé, d'où leur parcours routier dans la forêt.
–Comment tu te sens ?
Peter cessa de regarder à travers la vitre côté passager pour se focaliser sur le conducteur, d'abord surpris par cette question.
–J'crois que ça va, répondit-il. C'est vraiment différent de la dernière fois que mon identité a été rendue publique, donc je ne pense pas avoir besoin d'aller voir un maitre des arts mystiques pour m'effacer de la mémoire de tout le monde, commenta-t-il nonchalamment en haussant les épaules, ce qui fit sourire Pietro. Et toi ?
–Bah, les gens savaient déjà qui j'étais dans l'autre monde, répondit-il, concentré sur la route. Si je me cachais ici, c'était pour éviter que les gens fassent éventuellement le rapprochement entre moi et le Pietro Maximoff décédé en deux-mille-quatorze. Maintenant, je m'en fous un peu, avoua-t-il en faisant la moue. Les gens ont déjà été témoins de trucs de dingues, alors une version alternative d'un gars mort depuis plusieurs années, qu'est-ce que c'est à côté de la moitié de l'univers qui part en fumée ? l'interrogea-t-il rhétoriquement.
Peter rit doucement en baissant la tête.
–C'était une sacrée aventure comme entrée en matière, reprit le sportif, ce qui suscita un certain questionnement chez Peter. Tu sais, commencer ton année scolaire dans une nouvelle ville avec une menace pareille ? précisa-t-il.
–J'ai vu plus dingue, affirma Peter en entrant dans son jeu.
Pietro bifurqua sur un chemin plus étroit sur la gauche, faisant crisser les pneus sur le gravier. Ils continuèrent d'avancer jusqu'à ce que la forme d'un petit chalet se dessine dans leur champ de vision à l'extrémité de l'allée.
Pietro ralentit jusqu'à totalement arrêter le véhicule puis il coupa le contact, les yeux rivés sur l'habitation. Peter déboucla sa ceinture et tourna la tête vers son ami, voyant un milieu de choses passer dans le regard de ce dernier.
–Ça va aller ?
–Bonne question, souffla le plus âgé en se détachant à son tour.
–Tu veux que je t'attende ici ?
–T'as peut-être des trucs à faire dans le coin, mentionna Pietro en désignant la forêt d'un mouvement du menton.
–Je peux attendre, assura Peter. En plus, je n'ai pas le permis, donc je ne pourrai pas aller bien loin, jugea-t-il bon d'ajouter. Je suis sûr que ça va bien se passer, ajouta-t-il ensuite d'un ton rassurant.
Pietro acquiesça et, après avoir soufflé un bon coup, ouvrit la portière et sortit de la voiture. Il savait qu'il n'avait plus la possibilité de faire marche arrière désormais –Pete rira jusqu'à le trainer jusqu'à la porte s'il se défilait maintenant–, alors il avança vers l'habitation en tâchant de contrôler la pression qui grimpait en lui.
Il gravit quelques marches et se retrouva sous le porche, face à une porte en bois sombre contre laquelle il frappa trois fois en retenant son souffle. Il s'accorda un rapide coup d'œil en direction de sa voiture et vit Peter lever un pouce en l'air pour l'encourager.
Il savait que Peter était déjà très mature pour son âge, mais le voir ainsi le rassurait un peu. Il n'était pas tout à fait adulte, et Pietro savait que s'il continuait à avoir ce genre de petit réflex, tout n'était pas forcément perdu.
Il coupa court à ses pensées lorsque la porte s'ouvrit, dévoilant ainsi Wanda.
Il vit quelque chose passer dans le regard de cette dernière, comme si elle savait au premier coup d'œil qu'il avait quelque chose d'incroyablement important à lui révéler sans pour autant parvenir à mettre le doigt dessus.
–Oui ?
Elle n'avait peut-être pas la même voix ni les mêmes traits mais Pietro avait réellement l'impression de voir sa sœur, celle de son univers. Ce qu'elle dégageait était incroyablement familier et rassurant et il ressentit quelque chose qu'il n'avait aps éprouvé depuis une décennie.
–Je… Je suppose que tu es Wanda, parvint-il à articuler.
–C'est possible, répondit-elle en plissant les yeux, intriguée. Et toi, tu as l'air perdu, dit-elle avec douceur en le scrutant de sorte à ce que Pietro avait la sensation que son âme était à nu. D'où est-ce que tu viens ? lui demanda-t-elle en inclinant la tête sur le côté.
Pietro sut qu'elle ne faisait pas exactement référence à un endroit sur Terre en particulier, mais elle ne semblait pas encore tout à fait certaine d'avoir toutes les pièces du puzzle.
–… Pas d'ici, répondit-il après quelques secondes de silence. Je… La vache, c'est fou, j'avais préparé tout un speech avant d'arriver, souffla-t-il en lâchant un rire nerveux tout en passant une main dans sa tignasse argentée, et là… Tout est parti. J'avais tout parfaitement calculé pour éviter de passer pour un cinglé en débarquant à l'improviste mais on dirait qu'au final, les discours, c'est pas vraiment mon truc… Enfin tout ça c'était juste pour venir t'expliquer de façon plus ou moins claire que j–
Il cessa de parler lorsque Wanda leva lentement une main pour la porter à son visage et qu'elle effleura sa joue du bout des doigts. Pietro frissonna au contact et s'autorisa à ferma les yeux l'espace d'une seconde, se sentant brusquement parcouru d'une sensation familière et réconfortante.
–Pietro.
Il retint son souffle lorsqu'il l'entendit prononcer son nom.
La seconde suivante, ils étaient dans les bras l'un de l'autre.
Plus tard, lorsqu'on demanderait à Pietro de quoi ils avaient parlé pendant qu'ils partageaient cette étreinte, il aurait été incapable de répondre. Les émotions l'avaient submergé et son esprit s'était fermé à tout ce qu'il y avait à l'extérieur pour ne se focaliser que sur la présence de la personne qu'il serrait contre lui.
Il ne savait pas si leur étreinte avait duré longtemps ou non, mais il s'en fichait. En s'écartant 'un de l'autre, ils avaient ri nerveusement, puis ils s'étaient progressivement sentis plus à l'aise au fur et à mesure qu'ils échangeaient, surveillés de loin par Peter.
Peter.
Pendant sa discussion avec Wanda, Pietro songea à Peter, à son « petit » problème. Il regarda brièvement dans sa direction, puis à nouveau Wanda et encore une fois Peter.
–Hum… tu vois mon pote, là-bas ? dit-il en désignant la voiture d'un signe de tête.
Wanda regarda dans la direction indiquée et vit le jeune homme installé à la place passager lui faire un petit signe de la main pour la saluer. Elle reporta ensuite son attention sur son frère, attendant qu'il développe.
–En fait… Il a joué avec une magie un peu spéciale et il y a des personnes très importantes pour lui qui l'ont oublié… J'me demandais si… hésita Pietro, se perdant dans ses explications. Enfin j'sais pas trop, mais… P't'être que tu pourrais–
–Oui, répondit spontanément la jeune femme.
–Oui ? répéta Pietro, surprit par cet élan soudain.
–Oui, confirma-t-elle.
Elle marqua une courte pause et se concentra sur Peter en plissant les yeux, Pietro l'observa faire. Il savait qu'elle essayait de comprendre de qui il s'agissait exactement. Il lui laissa prendre son temps, ne désirant pas la brusquer dans son analyse visuelle, jusqu'à ce qu'elle semble finalement revenir à elle.
–Il était là, dit-elle calmement. En Allemagne, détailla-t-elle, et Pietro se rappela de ce que Peter lui avait dit de la guerre civile des Avengers. Et au Quartier Général quand Thanos– elle s'interrompit, ne souhaitant pas s'éterniser sur de tels souvenirs. Il était là.
–Ouais, confirma Pietro en hochant une fois la tête. Et il se trouve que c'est mon coloc', maintenant, expliqua-t-il, s'attirant un coup d'œil intrigué de la part de ta sœur. Je ne sais aps trop si… l'autre Moi et toi avez un jour discuté d'une perspective d'avenir qui inclurait des études, mais là-bas, tu me tannais pour que j'utilise mes talents pour autre chose que des trucs pas très légaux, souffla-t-il un ton plus bas comme s'il craignait qu'on les entende alors qu'il s'en moquait pas mal, puis il sourit en coin. Genre des études pour développer mes compétences, conclut-il.
–C'est ce que j'aurais voulu aussi, avoua-t-elle en lui rendant son sourire. Peut-être devrais-tu inviter ton ami à nous rejoindre et… je vais voir ce que je peux faire.
. . . . . . . .
L'après-midi fila à toute allure. Aucun des trois ne vit le temps passer et, comme promis, Wanda se concentra sur les noms que lui donna Peter, les noms des personnes qui devaient selon lui se souvenir de qui il était.
Il en avait longuement discuté avec le duo Maximoff, pesant le pour et le contre de celles et ceux qui devaient se rappeler en priorité. La sorcière avait précisé que si besoin, elle pourrait ultérieurement réitérer son sortilège pour permettre à d'autres individus de se souvenirs.
Ils commencèrent par Happy, Pepper et Nick Fury.
Sous le conseil avisé de Pietro, il demanda ensuite à Wanda de rendre leurs quelques souvenirs le concernant à Sam Wilson et Bucky Barnes, d'autant plus qu'il savait qu'ils avaient plus ou moins repris les commandes de ce qu'il restait des Avengers.
N'ayant jamais supprimé les numéros de téléphone de ses anciennes connaissances –déni ou nostalgie, c'était encore incertain– Peter avait appelé Happy.
Par chance, ce dernier était justement en compagnie de Pepper Stark au moment où un numéro inconnu était apparu sur l'écran de son téléphone et dont il avait initialement décliné l'appel. Peter, déterminé à lui faire savoir ce qu'il se passait, avait insisté.
Une fois.
Deux fois.
Il avait failli avoir les tympans déchirés lorsqu'Happy, en décrochant, avait hurlé que quelle que soit l'agence de vente qui l'appelait, il n'était pas intéressé avant de brutalement raccrocher.
Au quatrième essai, Peter avait parlé le premier afin d'empêcher son interlocuteur de couper prématurément la communication. Et pour parler, ça… Il avait parlé. Beaucoup, beaucoup parlé. Il avait parlé jusqu'à ce que sa bouche s'assèche, sans même vérifier qu'Happy était toujours en ligne, il avait parlé jusqu'à manquer d'air, répétant une bonne dizaine de fois combien il était désolé d'avoir été contraint de prendre une décision pareille pour réparer ses erreurs.
Pendant son interminable monologue, Wanda avait gentiment posé sa main sur un de ses genoux pour le rassurer, lui faire savoir qu'il n'était pas tout seul et qu'il n'était pas obligé de laisser sa panique le submerger car elle et Pietro étaient présents pour lui.
Une fois son discours plus ou moins achevé dans un soupir sec, quelques secondes s'étaient écoulées dans un silence de plomb. Peter n'avait pas osé regarder l'écran de son téléphone de peur de voir qu'Happy avait à nouveau raccroché.
« Rentre à la maison au plus vite, mon grand. »
Peter avait presque failli fondre en larmes en entendant Happy prononcer cette simple phrase avec autant de douceur et d'émotion.
L'échange qui avait suivi avait été tout aussi important, puisqu'il avait eu l'occasion de longuement converser avec Pepper et, tout comme Happy, elle avait hâte de le revoir tout en précisant qu'il pouvait bien évidemment venir avec ses amis.
Il semblait par ailleurs que sa fille avait vu en douce quelques images des informations et développé une sorte de fascination pour un certain « Chevalier Blanc ».
L'appel avec Sam Wilson avait été bien plus énergique et, selon Pietro, assez drôle car celui-ci n'avait pas s'empêcher de prendre le téléphone pour commencer à charrier l'homme à l'autre bout du fil. Si le Sam de cette réalité n'avait pas eu la même relation complice avec Pietro, Peter avait su déterminer grâce à ces quelques minutes de blabla qu'avec un peu de temps, cela pourrait très bien se construire.
Quant à Fury, ç'avait été une autre histoire.
Il avait tout bonnement convié Peter, Pietro et Wanda au nouveau Quartier Général des Avengers en précisant qu'il était grand temps de faire se rencontrer la « relève ».
Et puisque c'était les vacances, les deux jeunes hommes avaient la chance d'avoir un planning plutôt libre.
Pietro fit le forcing auprès de Fury –qu'il ne connaissait pourtant pas encore dans cet univers– pour qu'ils puissent venir avec Ned, MJ et Flash qui, selon lui, avaient été d'une aide incommensurable lors des derniers jours et que, sans leur soutien, il leur aurait été impossible, à Peter et lui, de repousser la menace qui planait sur eux.
Peter n'avait pas manqué le petit sourire amusé de Wanda, qui écoutait son frère vanter les mérites du trio qu'ils avaient pourtant essayé de tenir à l'écart, mais que Pietro voulait embarquer avec eux parce que Peter et lui avaient prévu de passer leurs vacances avec eux.
Etonnamment, Fury avait capitulé.
Peter avait protesté en demandant pourquoi Fury avait accepté alors que s'il avait lui-même demandé, la réponse aurait été différente.
Pietro avait regardé Peter râler quand Fury avait parlé d'expérience plus importante chez l'individu issu de l'autre univers, il l'avait vu lever les yeux au ciel lorsque le mot « maturité » était entré en considération.
Non parce que, sincèrement ? Lui, mature ? Pietro trouvait presque ça insultant que l'on puisse le qualifier de la sorte.
Wanda avait découvert ces deux personnes qui, elle le savait, seraient de véritables piliers pour elle dans un futur proche.
. . . . . . . .
Autant affirmer que la première réunion de la nouvelle génération ne débuta pas de la manière la plus « agréable » qui soit, probablement à cause de toute la tension qu'il y avait dans la pièce dans laquelle on les avait gentiment installés pendant que Wilson et Barnes se chamaillaient amicalement avec Fury dans une salle voisine séparée de la leur par une paroi de verre qui laissait paraitre quelques mots étouffés.
Qu'ils soient tous en costume pour montrer qu'ils étaient dans le même camp n'aidait pas forcément.
Peter était quelque peu intimidé. Il connaissait déjà très bien Pietro et ce n'était évidemment pas sa première interaction avec Wanda, mais pour ce qui était des trois autres…
Il n'avait croisé Shuri qu'une seule fois : lors de l'affrontement final face à Thanos. Il se rappelait l'avoir vue à l'œuvre et comme il savait qu'ils avaient des points communs, il avait passé quelques heures, après son intégration au M.I.T., à lire certains de ses travaux qu'elle avait partagé avec le public depuis qu'elle était devenue la Panthère Noire.
Les deux autres femmes, en revanche, il ne les avait jamais vues, mais ce dont il était sûr, c'était qu'elles se connaissaient bien.
La première, une brune arborant un ensemble mélangeant harmonieusement le noir et le violet, lui avait joyeusement serré la main pour se présenter dès son arrivée et Peter s'était efforcé de se faire des mémos mentaux sur chacune pour établir des liens au plus vite.
La première donc, se résumait ainsi : Kate, vingt-trois ans, archère et partenaire contre le crime de Clint Barton, énergique et enjouée, ambitieuse et à qui il semblait simple de se confier.
La seconde avait l'air de s'ennuyer et de potentiellement vouloir tous les exterminer avant de partir comme si de rien n'était. Sa longue chevelure blonde était nouée en une tresse sophistiquée que Peter aurait été incapable de reproduire, même avec des plans en main et si sa vie en dépendait.
Pourtant, la présence de Kate semblait la calmer un peu, comme si l'archère était un point d'ancrage pour canaliser d'éventuelles pulsions meurtrières.
Peter avait remarqué qu'elle semblait pourtant plus encline à entamer la conversation avec lui plutôt qu'avec Pietro si jamais elle s'y retrouvait forcée. Il comprenait qu'à première vue, Pietro pouvait laisser deux impressions distinctes : celle de quelqu'un de jovial à qui on voulait partager tout et rien, ou celle d'un individu un peu trop confiant et peut-être un brin imbu de lui-même.
Une façade bien entendu, songeait Peter, lui qui connaissait bien son ami. Mais tout de même, il comprenait la méfiance de celle dont il avait appris que le prénom était Yelena.
Il la fixa attentivement lorsqu'il la vit extirper une flasque d'une des innombrables poches de sa veste noire et il fut un peu surpris lorsqu'elle se pencha vers l'avant et la lui tendit.
–Ah, heu je… J'ai pas le droit, bafouilla-t-il.
–Pourquoi, t'es mineur ? ironisa Yelena en soufflant du nez avant de boire une gorgée de ce que contenait sa flasque.
Le silence de Peter fut plutôt éloquent.
–Tu es mineur ? s''exclama la blonde en faisant les gros yeux.
–Techniquement j'ai dix-huit ans, mais ça veut quand même dire que je n'ai pas encore le droit de boire.
–Je ne savais pas qu'ils recrutaient des enfants, souffla-t-elle avec moquerie en se réenfonçant dans son siège.
–Je ne suis pas un enfant, se défendit Peter.
–Mais tu restes le plus jeune, intervint Pietro avec une mine gênée.
–Il est à l'œuvre depuis ses quinze ans, se manifesta alors Wanda, ce qui étonna Peter, puis cette dernière se tourna vers lui et lui sourit. J'ai entendu Stark parler plusieurs fois de toi lorsque j'étais confinée au Quartier Général il y a quelques années. Tu lui avais vraiment fait très bonne impression, et tes talents n'ont rien à voir avec l'âge, ajouta-t-elle en jetant un coup d'œil entendu à son frère pour qu'il ne s'étende pas sur ce terrain.
–Hey, c'est moi qui ai dû le surveiller au cours des derniers mois, se défendit Pietro en affichant une mine faussement outrée, vous n'imaginez pas le nombre de galères qu'il a su s'attirer et desquelles j'ai dû le tirer.
–C'est toi qui as attiré des ennemis depuis un autre univers, renchérit Peter.
–Touché, concéda Pietro en haussant les épaules. Mais on s'en est sorti, poursuivit-il avec fierté en mettant ses mains derrière sa tête, ses doigts entrelacés. Dites, vous ne trouvez pas qu'on dirait un tout petit peu une réunion des alcooliques anonymes ? lança-t-il avec amusement. Bonjour, je m'appelle Pietro, je suis sobre depuis trois ans.
–Tu es vraiment sobre depuis trois ans ? l'interrogea Shuri, bras croisés, peu convaincue.
–Plutôt trois jours, répondit-il puis, après avoir examiné la blonde assise à côté de Kate pendant de longues secondes, il ramena ses mains devant lui et appuya ses coudes sur ses cuisses. C'est fou ce que tu me fais penser à quelqu'un. T'as pas un nom de famille ?
–Belova, répondit froidement Yelena.
Les lèvres de Pietro formèrent un « o » mais aucun son ne sortit de sa bouche. Il recula et cala à nouveau son dos dans le dossier de son siège, les yeux regardant partout sauf vers Yelena.
–… Ouais. J'suppose que ça explique pas mal de choses.
Le silence qui suivit fut quelque peu pesant. Les quatre filles échangèrent un coup d'œil intrigué, aucun des quatre n'étant sûre de savoir ce qu'il insinuait. Peter, légèrement mal à l'aise, songea que puisqu'ils étaient tous dans la même équipe et allaient inévitablement passer du temps ensemble –même en dehors du « travail »–, il était peut-être judicieux de donner quelques informations supplémentaires à leurs alliées.
Tandis que Pietro croisa maladroitement les bras en tapant nerveusement du pied sur le sol blanc cassé, Peter prit une profonde inspiration et se pencha lentement en avant comme s'il était sur le point de révéler le plus gros secret qui soit à Yelena. Celle-ci parut tout de suite intéressée par son initiative et se pencha également en alternant son regard entre lui et Pietro.
–Il est sorti avec ta grande sœur.
Ce fut suffisant pour ramener Pietro à la réalité. Il fit les gros yeux et ouvrit la bouche en fixant Peter, mais il eut un peu de mal à trouver les mots adéquats. Il n'en voulait pas au plus jeune, il était juste surpris que ce dernier dise quelque chose de tel.
–… Hey, dit-il simplement, incapable de trouver mieux.
Yelena cligna plusieurs fois des yeux et une drôle de grimace apparut sur son visage, ce qui incita Peter à continuer.
–Dans son univers, précisa-t-il. C'était… dans son univers. Enfin, l'autre univers, puisque cet univers, ici, c'est le sien maintenant.
–Et ça va ? demanda soudainement Shuri en regardant Pietro.
–Ouais, lâcha-t-il immédiatement. Ça va nickel.
Il n'y avait pas que Peter et Wanda qui sentirent que ce n'était qu'à moitié vrai, mais chacun sembla se mettre silencieusement d'accord sur le fait qu'il valait mieux éviter de poursuivre la discussion sur ce sujet pour le moment.
–Vous vous rendez compte qu'on est la relève des Avengers originels ? souffla alors Kate après un petit temps, rêveuse.
–Comment ça ? lui demanda Wanda.
–Bah… Ils étaient six au départ, et… Nous aussi on est six, débuta l'archère.
–Il est clair que toi, tu remplaces Barton, affirma Pietro en hochant vivement la tête, à nouveau de meilleure humeur, et que la demoiselle sur ta gauche qui a l'impression de vouloir m'égorger dès que je prends la parole est la digne successeuse de la Veuve Noire. Pas vrai, trésor ? la charria-t-il.
Elle lui sourit et lui offrit un doigt d'honneur au passage. Pietro y répondit par un clin d'œil et poursuivit.
–Je suppose qu'on peut dire que sa Majesté ici présente –il désigna brièvement Shuri– a la royauté en commun avec le dieu nordique préféré des terriens, dit-il tandis que Shuri leva un pouce en l'air pour confirmer ses dires.
–… et que Peter, étant une sorte de disciple de Stark, a repris le flambeau, compléta énergiquement Kate.
–Que ma très chère frangine a été exposée à quelque chose qui l'a transformée en une superhéroïne, tout comme le Docteur Banner, ce qui me laisse donc l'immense honneur de succéder au si célèbre protecteur de l'Amérique, énonça rêveusement Pietro.
–Parce que tu crois avoir l'étoffe de Captain America ? le charria Peter.
–Ce n'est pas si improbable que ça, déclara alors Yelena, se prêtant soudainement au jeu. Dans cet univers, je suis à peu près certaine que ma sœur avait des vues sur ce Rogers, dit-elle nonchalamment, récoltant des regards surpris de la part de ses comparses. C'est rassurant de constater que dans les autres univers, elle avait aussi bon goût, conclut-elle en haussant les épaules sans jamais lâcher Pietro des yeux.
Le cœur de Pietro rata un battement. Il ne s'était pas attendu à ce type de répartie de la part de la jeune femme, qui l'observait sans cligner des yeux. Alors, sans la quitter du regard, il pivota excessivement lentement vers Peter et lui souffla :
–… Est-ce qu'elle est en train de me draguer… ?
Peter souffla du nez mais ne répondit pas. Il remarqua du coin de l'œil que Kate sembla penser à la même chose que lui, et il avait le sentiment que Wanda et Shuri devaient probablement avoir elles aussi senti quelque chose.
Les portes vitrées à quelques mètres de leur sympathique petit cercle s'ouvrirent ; Sam et Bucky firent leur entrée dans la pièce, Fury étant resté dans l'autre salle.
La sorcière sourit en voyant le duo s'approcher.
–Wanda, la salua Sam avec un hochement de tête amical. Shuri, poursuivit-il en se tournant vers la princesse, qui répondit à son hochement de tête par un geste similaire. Et bien sûr, le gosse qui nous a foutu une raclée en Allemagne, soupira-t-il en jetant son dévolu sur Peter.
–Qui T'A foutu une raclée, le corrigea Bucky.
–Si mes souvenirs sont bons, tu n'as pas été capable de l'arrêter non plus, insista Sam avant de taper énergiquement ses mains. Bon, je ne vais pas dire que je suis ravi qu'on nous ait collé l'étiquette de baby-sitters sans vraiment nous donner la possibilité de refuser–
–C'est toi qui as insisté pour que les jeunes puissent évoluer dans un encadrement rassurant, et aps entouré de soldats qu'ils ne connaissent pas, mentionna calmement Bucky.
–Ça va, tu ne veux pas t'en charger ? lui lança Sam avec une pointe d'agacement qui disparut malgré lui derrière son amusement difficilement dissimulable.
Bucky le fixa sans ciller, un rictus très discret aux lèvres.
–Ok, reprit Sam. Bishop, Belova, dit-il en se focalisant sur le duo d'amies, Barton nous a dit beaucoup de bien de vous deux, même s'il est possible que l'une d'entre vous ait essayé de le tuer à plusieurs reprises, commenta-t-il avant de se tourner vers Pietro. Maximoff, nous avons la confirmation que tu es digne de confiance grâce à Parker et à Miss Maximoff, qui ont affirmé se porter garants.
–Et j'crois qu'on va très bien s'entendre, claironna Pietro.
–Pourquoi, parce qu'on se connaissait… dans l'autre univers ? proposa Sam sans savoir toute la vérité qu'il y avait derrière ses paroles.
–Ouais, y'a de ça, répondit Pietro. Et j'suis pas l'pire spécimen avec qui t'es devenu pote, Wilson. J'pense que Loki me battait sur à peu près tous les points.
–… Je vais faire comme si c'était tout à fait normal, soupira Sam, se jurant cependant de revenir là-dessus dans un futur proche. Très bien, dit-il avec davantage de punch dans la voix pour s'adresser à l'assemblée. Notre but à Barnes et moi est surtout de diriger un minimum les missions sur lesquelles vous serez envoyés à l'avenir. On sera vos référents et si jamais vous avez besoin d'aide, quelle que soit la situation, vous n'aurez qu'à venir vers nous. Voyez-nous davantage comme des guides que des surveillants, insista-t-il. On ne va pas s'amuser à vous brider ou vous dire constamment quoi faire, vous êtes parfaitement capables de vous débrouiller tout seuls en dehors du terrain malgré l'âge de certains, souligna-t-il, et Peter sur immédiatement qu'il était le principal visé.
–J'ai sauvé le monde, affirma-t-il d'un ton boudeur.
–On t'offrira une glace plus tard, dit Bucky et avant que Peter ne puisse exprimer son mécontentement, il enchaina. On ne va pas vous mettre la pression, mais vous êtes la relève des Avengers, et il n'y a pas que le monde de dehors qui vous fait confiance. Nous vous faisons confiance, et vous pouvez être sûrs qu'on ne vous laissera pas prendre des risques inutiles, même si on est comme qui dirait devenus des experts en la matière au fil des ans. Sam a dit vrai ; vous pouvez compter sur nous.
Les six jeunes gardèrent le silence, tous juste capables de simplement hocher la tête.
Aucun d'eux ne l'exprima, mais chacun à leur façon, ils étaient honorés que ces deux hommes, désormais piliers des Avengers, leur fasse confiance pour assurer la relève et promettent de répondre présents pour eux en cas de problème.
. . . . . . . .
Peter passa le reste de l'après-midi à discuter technologie et ingénierie avec Shuri tandis que Kate assomma Wanda de questions sur ses pouvoirs, qu'elle trouvait absolument fascinants. Cela réconfortait la sorcière de constater que ses nouveaux alliés ne la voyaient non pas comme une menace mais véritablement comme une associée.
Wanda avait été quelque peu réticente lorsque Kate lui avait gentiment demandé si elle pouvait lui montrer un de ses sortilèges, mais elle avait abdiqué face au regard de chien battu que lui avait offert l'autre jeune femme, qui avait été émerveillée par ce qu'elle lui avait par la suite montré.
Elle se sentait en confiance avec ces gens qu'elle venait pourtant à peine de rencontrer.
Pietro s'était éclipsé après une conversation enjouée avec Sam et Bucky, qui avaient eu droit à quelques réponses concernant leurs interrogations sur l'univers d'où il venait initialement. Il n'était pas entré dans les détails –par manque de temps– mais avait su satisfaire leurs attentes tout en promettant de leur en dire davantage à l'avenir à condition qu'ils lui offrent une bière.
Le courant était tout de suite passé entre eux, ce qui avait grandement rassuré Pietro. Il sentait qu'il y avait de grandes chances qu'il noue avec eux des liens aussi forts que ceux qui s'étaient établis avec les autres versions de Sam et Bucky, ce qui lui donnait encore plus l'impression d'être ici chez lui.
Après cet échange dynamique, il était sorti du QG mais s'était contenté de s'installer à même le sol, non loin des portes, pour simplement prendre l'air et profiter d'un bref instant de calme.
Maintenant qu'il était dehors et se laissait bercer par les bruits ambiants et le son lointains de la discussion animée de Peter et Shuri sur il ne savait trop quoi, il réalisa qu'il avait vraiment trouvé sa place dans un monde auquel il n'aurait pas pensé pouvoir appartenir.
Il avait Wanda. Il avait Peter. Il avait MJ, Ned et Flash –qui embêtaient actuellement Fury puisque lui et Peter avaient insisté pour qu'ils puissent visiter le QG–. Désormais, il avait même une ribambelle de nouveaux alliés sur qui veiller et compter.
Et il était plus que comblé que Peter ait pu retrouver ce qu'il avait perdu.
Son répit ne fut que de courte durée, mais ça ne le dérangeait pas tant que cela de ne pas pouvoir bénéficier d'autant de solitude que ce qu'il avait initialement prévu. Les portes non loin de là s'ouvrirent et se refermèrent presque sans un bruit.
Il entendit des pas se rapprocher de lui.
Il ne tourna pas la tête mais eut une petite identité de la personne qui réduisait progressivement la distance entre eux. Ce ne fut que lorsqu'une masse s'installa à côté de lui qu'il se décida à jeter un coup d'œil, et qu'il sourit en coin.
Bingo.
Il était sûr que ç'allait être Yelena.
Elle plia ses genoux, les ramena contre elle et les entoura de ses bras avant d'imiter Pietro et observer l'horizon.
Il ne savait pas exactement comment interpréter ce qu'elle dégageait, mais il était clair que cette aura de mystère lui rappelait indéniablement une connaissance commune. Toute cette fougue et cette détermination dont elle pouvait faire preuve contrastait avec le calme olympien qu'elle proposait actuellement.
Ils restèrent assis côté à côte sans rien dire durant un moment.
–Tu pourrais me parler d'elle ? demanda-t-elle finalement. Ta Natasha ?
Pietro sourit à nouveau.
–A une condition, répondit-il en tournant la tête pour la regarder dans les yeux. Que tu me parles de la tienne.
Pour la première fois depuis le début de la journée, le sourire qu'elle lui offrit fut des plus sincères.
–Deal.
