Bonjour à tous !

Je suis en retard d'un jour, je sais...

Merci beaucoup à Adenoide pour ses commentaires. Ils m'ont fait énormément plaisir !

Tu as raison, bien sûr, la lumière n'a pas été assez agressive, et les conséquences sont tragiques. En ce qui concerne Arcturus et Harry, oui, il vient de comprendre que l'adolescent est un Horcruxe...

Un peu plus d'explications dans cette deuxième partie, puis on retourner en 2003 pour rencontrer Lucius Malefoy !


Année 1995 – Deuxième partie

Harry n'avait pas la moindre envie de retourner à Poudlard, pour la première fois depuis qu'il avait fait son entrée dans l'école de sorcellerie. Il se sentait bien mieux en compagnie de Sirius que près d'Ombrage et de la plume sanglante qui avait gravé les mots Je ne dois pas dire de mensonge dans la main. Il redoutait d'avoir de nouveaux rêves qui le relieraient à Voldemort, sans pouvoir se confier à personne.

Il se montra particulièrement taciturne en cette veille de départ, et sentit qu'Arcturus l'observait. Hermione se méfiait de lui : selon elle, l'accent de l'homme tenait plus de l'ancien anglais que du français,. Si elle lui reconnaissait une patience extrême à l'égard de son enfant et une politesse sincère, elle avait enjoint à Harry de rester sur ses gardes. Il se fiait à son amie et gardait toujours ses observations à l'esprit quand il s'entretenait avec Arcturus. Quittant le salon, il se dirigea vers sa chambre afin de terminer sa valise et vit Hermione discuter avec Artemis dans la bibliothèque.

Les quelques mots qu'il discerna lui indiquèrent qu'ils dissertaient sur une révolution moldue quelconque. Hermione s'était prise d'affection pour l'enfant, ce qui avait fait sourire ses amis. Avec sa compassion et son envie de justice, ils n'étaient pas étonnés qu'elle apprécie son contact, d'autant plus qu'elle devait trouver en lui quelqu'un avec qui parler d'histoire. La jeune fille admettait néanmoins qu'on ne pouvait guère lui parler d'autre chose que de ce qu'il désirait.

-Harry.

La voix ferme d'Arcturus le stoppa alors qu'il montait au premier étage. L'homme, vêtu d'une robe émeraude impeccable s'approcha de lui, une mèche de cheveux sombres lui tombant sur le visage. Malgré lui, le Survivant se tendit alors qu'il le rejoignait, l'acculant presque à la rambarde. La façon dont il le dévisageait depuis qu'ils s'étaient rencontrés le troublait.

-Je sais que Severus Rogue va te donner des cours d'Occlumencie. Je me doute que Sirius l'a déjà mis en garde, mais je voudrais te demander d'être prudent. Il existe entre Severus et ton père des antécédents, dont je suis sûr que nul n'a voulu te parler. Les griefs qu'il entretient à ton égard pourraient être… dangereux. Si quoi que ce soit se passe, préviens Sirius.

Harry resta un instant muet de stupeur, puis la colère prit le dessus.

-Je connais les antécédents entre mon père et Rogue, lança-t-il.

-Les adolescents croient tout savoir ! murmura Arcturus avec une véhémence peu coutumière. Je le pensais aussi, quand j'avais ton âge, et j'ai commis d'impardonnables erreurs. Toujours est-il que Dumbledore n'a pas autant confiance en moi qu'en Severus, mais je sais faire la différence entre James Potter et toi, et je suis un bon occlumens. Si à cause d'un passif douloureux, les cours devenaient une torture, sache que je suis prêt à tenter un enseignement.

Harry le fixa avec défiance. Il n'avait pas la moindre envie de discuter plus longtemps des cours qu'il allait devoir prendre en compagnie du professeur qu'il haïssait, et il ne voyait pas quel était le but de l'intérêt qu'Arcturus lui portait.

-Pourquoi ? répliqua-t-il. Si vous pensez que c'est une mauvaise idée, adressez-vous à Dumbledore !

Une lueur étrange passa dans les yeux clairs ancrés profondément dans les siens, et qui étaient tant de fois restés rivés sur sa cicatrice.

-Parce que je pense effectivement que tu auras besoin de bases en occlumencie, rétorqua Arcturus avec une voix redevenue distante.

Il fit volte face et redescendit les escaliers pour gagner la bibliothèque et rejoindre son fils.


Harry s'empressa de raconter ce qui s'était passé à Ron et Hermione, plus déstabilisé que ce qu'il admettait.

-Il est peut-être allié à Tu-Sais-Qui et voudrait se servir de toi, suggéra Ron.

Hermione se mordillait la lèvre, songeuse.

-C'est une possibilité, admit-elle enfin, mais je crois qu'Artemis n'aurait pas sa place près de V-Voldemort. Il ne veut que des adultes puissants et de sang pur.

-Artemis est puissant, fit remarquer le rouquin. Tu l'as vu lors de ses crises ? Il est capable de brûler quelqu'un rien qu'au toucher, sans parler qu'il nous fixe comme s'il voyait à travers notre âme.

-C'est ridicule, Ron ! s'exclama la sorcière. Personne ne peut réellement voir à travers l'âme. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas le profil recherché par V-Voldemort. Artemis ne pourra jamais se servir d'une baguette, pas plus qu'il n'est contrôlable.

-Comment tu le sais ? s'étonna Harry.

Sa propre magie avait été indépendante de sa volonté avant qu'il n'entre à Poudlard, et les incidents avaient été nombreux. Les joues de son amie rosirent.

-J'ai fait pas mal de recherches, à la rentrée, sur les enfants magiques hors de la norme. Il y a les cracmols, bien sûr, mais il arrive que certains aient un mental différent, et que cela influe sur leurs pouvoirs. Dans certains cas, ce sont leurs pouvoirs qui sont différents, et cela donne l'impression qu'ils ont un handicap mental. D'autres fois qui peuvent se recouper avec les autres cas, les pouvoirs sont intrinsèquement liés à l'esprit.

-Tu es impressionnante, siffla Ron, ce qui eut pour effet d'accentuer la rougeur sur les joues d'Hermione.

-Mais Arcturus est à surveiller, ajouta-t-elle. Il n'est pas impossible que V-Voldemort lui ait promis de l'aide pour Artemis. Ou bien qu'il travaille à son propre compte. Quoi qu'il en soit, il a des secrets, j'en suis certaine, et on ne peut toujours pas se fier à lui.

Elle dévisagea Harry un instant, comme perdue dans ses pensées.

-Tu devrais en parler à Sirius, conseilla-t-elle. Il aimerait sûrement le savoir.

Ron hocha la tête, et Harry ne put protester. Pourtant, il avait vu la réaction de son parrain quand Severus était venu lui annoncer qu'il lui donnerait des cours. Il n'était pas sûr que Sirius puisse se contrôler si son filleul lui avouait qu'il soupçonnait Arcturus de ne pas leur vouloir que du bien.

Ce fut tristement qu'ils reprirent la route de Poudlard, quittant à regret l'atmosphère joyeuse du 12, Square Grimmaud.


Après son premier cours d'Occlumencie, les paroles d'Arcturus revinrent dans son esprit. Harry se résolut à écrire une lettre à Sirius, mais également à percer le mystère qui entourait l'homme apparu quelques mois plus tôt de nulle part…

-J'aurais du y penser ! s'exclama-t-il, se frappant le front en plein milieu du couloir.

-Tu viens de réaliser que tu es fou Potter ? ricana un élève.

Harry n'y prêta pas attention. Arcturus avait parlé des différents entre son père et Rogue, mais il prétendait avoir toujours vécu en France jusqu'à ce qu'il récupère son enfant. C'était impossible que Rogue se soit confié à lui, et Sirius préférait évoquer de joyeuses anecdotes. Il n'y avait qu'une solution possible : Arcturus avait été à Poudlard, à l'époque de ses parents.

o°o°O°o°o

La bataille faisait rage. Les Mangemorts avaient attaqué Soho, déterminés à semer la pagaille et la terreur parmi les moldus, et à mettre le Ministère en danger. Il faudrait certainement tous les effectifs des oubliators pour réparer les dégâts mais en la circonstance, Arcturus n'en avait que faire. L'Ordre était intervenu sitôt que Kinsgley les avait avertis, les prévenant que les Aurors n'interviendraient sans doute pas avant un moment. Les hauts dignitaires étaient si aveugles qu'il éprouvait envers eux une rage profonde. Nul doute que la Gazette titrerait le lendemain -si jamais elle daignait mentionner l'attaque-, qu'il s'agissait d'un incident isolé mené par le chef Mangemort Sirius Black.

Il évita un sortilège vert sans trop s'attarder dessus, et riposta aussitôt avec un sortilège de découpe offensif, avant d'invoquer un bouclier de sa main libre. Il avait beaucoup appris de ses voyages. Le Mangemort en face vit sa robe se déchirer et du sang perler, au plus grand plaisir de l'homme.

-Endoloris, siffla une voix qu'il reconnut sans peine.

Intérieurement il se fustigea de ne pas avoir pensé à couvrir son visage. Il avait longtemps côtoyé Bellatrix Lestrange, et bien que tous ignorent qu'il avait réapparu, prendre le moins de risque possible aurait été intelligent.

-Confringo !

La femme évita de justesse l'éclair violet qui parti en direction d'une fenêtre et explosa en milliers de morceaux de verres. Arcturus leva la main qui tenait le charme du bouclier dans l'espoir de s'en protéger et dirigea sa baguette vers un Mangemort contre lequel se battait Remus.

-Petrificus Totalus, murmura-t-il.

Il vit avec joie que leur ennemi ne l'avait pas vu venir, et balaya le regard de remerciement du loup-garou d'un hochement de tête. La reconnaissance faisait perdre du temps : ils étaient alliés et s'aidaient, tel était l'ordre des choses. Un sort mineur vint se briser sur son bouclier et le détruisit, il jura et se baissa juste à temps pour éviter une riposte de Bellatrix.

Par la suite il ne trouva plus aucune seconde pour réinvoquer sa protection. La femme et lui s'engagèrent dans un duel dont les spectateurs auraient pu admirer la fluidité. Les sorts fusaient, faibles, informulés, scandés, hurlés avec rage, et Arcturus reconnaissait sa puissance. Elle était douée, mais surtout, cinglée et enragée.

-Incendio, marmonna-t-il en glissant sur le sol avant de se relever aussitôt.

La robe de la femme s'enflamma et elle poussa un hurlement avant de riposter par un Diffindo. Surpris par la rapidité de sa réaction, Arcturus n'eut pas le temps d'éviter le sort qui vint déchirer sa manche gauche et lacérer son bras sur la longueur. Il ne put retenir un hurlement et la douleur accrue sur la Marque recouvrit ses yeux d'un voile rouge.

-Avada Kedavra !

Les Mangemorts durent être surpris d'entendre un de leur ennemi utiliser l'impardonnable car ils tournèrent tous la tête vers lui, l'un d'eux se prenant le sortilège de plein fouet. Arcturus regretta de ne pas avoir touché Bellatrix.

Les Aurors arrivèrent au même moment, et Arcturus s'allongea aussitôt sur le sol, se concentrant sur le Square Grimmaud avant qu'un sortilège anti-transplanage ne soit lancé.


Il atterrit dans la rue, ensanglanté et réalisant avec horreur que c'était la première fois qu'il tuait depuis qu'il avait récupéré Artemis… la première fois même depuis la conception de son fils. Son âme devait être intacte : il n'avait commis le crime que pour se défendre et sans jouissance, mais il s'inquiétait des réactions. Avec peine, l'homme se releva pour passer le seuil d'entrée le plus discrètement possible. Il atteignit le salon plié de courbatures et le poignet gauche embrasé par la souffrance.

-Artcturus ? s'enquit Sirius avec inquiétude.

-Où est Artemis ?

Son fils ne devait pas le voir ainsi, pas plus qu'il ne devait s'approcher de lui alors que les images de la bataille hantaient encore son esprit.

-Il lit dans la bibliothèque, répondit l'autre. Je vais chercher du désinfectant à la salle de bain.

Arcturus se releva, déterminé à ignorer l'appel de son corps.

-Je vais me soigner, répondit-il.

-Tu n'es pas en état, remarqua sèchement Sirius.

La porte d'entrée s'ouvrit avec pertes et fracas et Walburga commença à hurler. Arcturus sentit sa patience s'étioler. Remus et Tonks soutenaient Emmeline Vance, et Molly l'observait avec inquiétude. La jeune femme avait le visage gonflé et si ensanglanté qu'on ne distinguait plus ses traits, et l'un de ses bras avait été léché par les flammes.

Ils la déposèrent dans le salon aux côtés d'Arcturus. Tous ceux qui s'étaient trouvés sur le champ de bataille le fusillaient du regard. Jusqu'alors, ils n'avaient pas eu l'occasion de le voir combattre.

-Tu as jeté un impardonnable, lança Remus, le regard dur.

-Les ennemis s'en sont bien évidemment privés, répliqua-t-il avec un sarcasme glacé.

-Tu n'as pas lancé n'importe lequel Arcturus ! s'exclama Molly.

Sirius les observait avec incompréhension et l'homme devina son agacement. En plus d'être tenu à l'écart des combats et d'être enfermé dans cette maison morbide, il se devait de comprendre les conversations d'un champ de bataille dont il était privé.

-Nous ne tuons pas dans l'Ordre, ajouta Remus. Nous ne lançons pas non plus de sortilèges susceptibles de blesser d'autres personnes que les Mangemorts.

L'homme soutint son regard, mais l'ombre du loup menaçait. La fatigue du combat le rattrapait à présent que l'adrénaline retombait. Tonks avait commencé à nettoyer le visage d'Emmeline à l'aide de compresses.

-Tends ton bras, demanda Sirius. Je crois que le tissu est collé au sang, il va falloir l'arracher.

-Sirius, je préférerais que tu veilles à ce qu'Artemis reste dans la bibliothèque.

-Je viens d'y passer, il est toujours plongé dans son livre, et j'ai verrouillé la porte du salon, répliqua l'ancien détenu.

Arcturus l'observa longuement. Il ne pourrait se défaire de lui, il le connaissait assez pour savoir qu'il était têtu, d'autant plus qu'aider à soigner signifiait se rendre utile.

Alors peut-être, en effet, le temps de livrer ses secrets était-il venu. Il préférait que Sirius le voit de ses yeux. Sans un mot, il lui tendit son bras meurtri où la marque morte flamboyait, où la peau boursouflait en réaction à la magie.

Sirius fit couler de l'eau de sa baguette afin de faciliter l'arrachage du tissu. Il posa le coton sur la peau à l'agonie d'Arcturus, et le sang et la boue disparurent pour ne laisser visible que la Marque des Ténèbres.

L'homme s'immobilisa, et fixa le poignet gauche d'Arcturus avant de lever les yeux vers lui.

-Qu'est-ce que… ?

-J'avais seize ans. J'en ai payé le prix, répondit-il sans émotion.

Il ignorait si c'était la vérité. Sa défection auprès de Voldemort lui avait demandé de nombreux sacrifices, et annihiler la connexion entre la marque et son ancien Maître, signifié des conséquences dont certaines le suivaient encore. Néanmoins la vie qu'il avait pu mener lui avait énormément apporté, et ce choix lui avait donné Artemis. Sirius était devenu livide.

-Nul ne cesse jamais… Voldemort les retrouve, répliqua-t-il, secoué.

Un éclair de haine passa dans ses yeux.

-A moins que tu ne sois un espion à sa solde ? siffla-t-il.

Les réflexes d'Arcturus étaient ralentis, et il n'eut pas le temps d'esquisser le moindre mouvement avant que Sirius ne l'attrape par le col et ne le plaque contre le mur.

-Sirius ! s'exclama Remus. Qu'est-ce que tu fais ?

-C'est un Mangemort, rétorqua l'homme avec une rage mal maîtrisée. Il porte la Marque. Il espionne l'Ordre pour Voldemort. Tu nous aurais trahis, Arcturus ? Tu m'aurais trahi alors que tu as vécu ici durant huit mois ? Tu aurais trahi tes amis ?

-Sirius arrête, le stoppa doucement Remus. Arrêtes. Ce n'est pas Peter.

-Harry me l'avait dit… Il m'avait prévenu ! Mais j'ai continué à te faire confiance…

Remus vint poser une main sur son épaule et l'écarta de force d'Arcturus qui tomba sur le sol en reprenant sa respiration. Dès qu'il le put, il se releva et fit dignement face aux quatre membres de l'Ordre, dont deux avaient tiré leurs baguettes.

-Impossible, répliqua le loup-garou. Arcturus vient de tuer un Mangemort de sang-froid, et ses attaques n'ont pas été tendres. Je doute que Bellatrix se soit donné la peine de l'affronter dans un duel aussi féroce pour maintenir sa couverture.

Sirius se calma durant la tirade de son ami, mais son regard brûlant de haine ne quitta pas Arcturus, qui sentit son estomac se nouer, avant de se fustiger mentalement.

-Il me semble que tu nous dois des explications, Arcturus, lança Molly.

Elle n'était pas aussi avenante qu'à l'accoutumée, mais au moins, elle paraissait garder son calme.

-Mon héritage et mes idéologies ont amené le jeune idiot que j'étais à croire dans les discours bien menés de Voldemort, répondit-il d'une voix aussi monocorde que pouvait l'être celle de son fils. Je suis parti il y a des années, j'ai utilisé mes connaissances en magie noire pour faire mourir la marque sur mon bras et rompre la connexion de façon à ce qu'il ignore que j'étais en vie. J'ai voyagé sur le continent jusqu'à ce que je revienne en France et y apprenne que j'avais un fils.

Ce discours succinct permettait de passer sous silence qu'il n'était pas originaire de France, pourtant, il doutait que Remus et Sirius se laissent abuser.

-Et l'Ordre ? lança Emmeline.

Bien qu'étant défigurée et que le sang continue de couler de ses plaies, elle gardait sa lucidité d'esprit. Arcturus l'en admira et son respect pour la puissante sorcière augmenta un peu plus.

-Je connais certaines faiblesses de Voldemort. J'ai déserté par conviction et non par peur. Il était impensable que je ne le combatte pas.

-Dumbledore est-il au courant ? demanda Remus.

-En partie. Il ignore que j'ai la Marque... Ou prétend l'ignorer. Je vous laisse le choix de l'en informer de façon officielle.

Arcturus éprouvait une difficulté certaine à communiquer avec le directeur. Alors que ses voyages l'avaient enrichi, il ignorait toujours comment aborder certains sujets avec l'homme. En intégrant l'Ordre, il avait dû gagner rapidement la confiance du directeur.

o°o°O°o°o

Les derniers jours de mai 1995 étaient éprouvants pour l'Ordre. Voldemort montait en puissance sans que le Ministère n'accepte d'ouvrir les yeux et il avait été trop proche de la prophétie à plusieurs reprises. Sirius s'inquiétait pour son filleul. Harry ne l'avait pas recontacté depuis l'incident avec Rogue, où il avait enfin pu voir son père dans un souvenir malheureusement peu glorifiant à ses yeux. Sirius le regrettait : les années à Poudlard étaient ses meilleurs souvenirs, pourtant teintés d'amertume lorsque Peter apparaissait... soit là chaque récit. Ils avaient été quatre, toujours. Lorsqu'ils évoquaient cette période avec Remus, ils évitaient soigneusement de prononcer son nom mais son ombre planait toujours entre eux.

Bien qu'enfermé Square Grimmaud, les journées de Sirius étaient remplies, principalement par des pensées plus ou moins sombres. A de nombreuses reprises ces dernières semaines, il était monté voir Buck et avait parlé à l'hippogriffe. L'altercation entre Arcturus et lui laissait un goût amer dans sa bouche. Il avait partagé le quotidien de l'homme pendant des mois sans que celui-ci ne l'informe qu'il avait jadis été en accord avec les convictions de Voldemort, et il avait eu toutes les peines du monde à accepter de nouveau sa compagnie.

Ses journées étaient redevenues mornes, jusqu'à ce qu'Arcturus ne vienne le confronter en face. Durant leur froid néanmoins, Sirius n'avait pas cessé de prendre soin d'Artemis, que son père soit en mission ou qu'il ait simplement besoin de se reposer. L'enfant n'était pas responsable de ses erreurs, et il s'avérait attachant lorsque l'on parvenait à franchir ses barrières et à comprendre sa façon de fonctionner. Sa relation avec son colocataire n'était plus aussi entière qu'auparavant, et elle avait un goût acide familier à l'ancien prisonnier sans qu'il puisse l'expliquer, mais ils conversaient toujours et il leur arrivait de rire ensemble.

Arcturus travaillait jusque seize heures. Il avait indiqué au Ministère que ses horaires ne seraient qu'à temps partiel mais qu'ils pouvaient les placer à leur gré. Artemis s'était levé à neuf heures exactement, en l'absence de son père, mais il s'était peu à peu habitué à ce schéma et Sirius parvenait toujours à le rassurer, ce qui lui conférait une certaine fierté. L'enfant avait refusé de toucher à son déjeuner parce que la sauce était aux champignons. Quelques mois plus tôt, l'animagus aurait insisté et probablement déclenché une crise, Artemis et lui avaient tous deux fait des progrès. Les obsessions comportementales du garçon s'allégeaient, et l'adulte savait qu'il ne pouvait pas l'obliger. Le monde perçu par Artemis était différent, et il ne pouvait en supporter certaines couleurs –le rose, particulièrement, lui avait indiqué Arcturus-, odeurs ou textures, et de toute évidence, les champignons étaient à proscrire. Sirius s'était contenté de lancer une nouvelle plâtrée de pâtes en parlant à l'enfant de la façon dont les motos avaient pû être utilisées dans l'Histoire par les moldus, et le regard bleu du petit garçon s'était allumé.

Il lui expliquait en cet après-midi ensoleillé quelques subtilités mathématiques et chimiques dont il pourrait avoir besoin pour les potions. Jetant un coup d'œil à la pendule, il se rendit compte que les trois quarts d'heures imposées pour l'exercice serait bientôt écoulées et qu'Arcturus ne tarderait pas à rentrer. Sous la tension, les images du dernier affrontement revint dans son esprit ainsi que la Marque sur le bras de l'ancien Mangemort.

-Elle est morte, déclara Artemis de sa voix monocorde.

Sirius se tança intérieurement. L'enfant captait les images trop fortes dans l'esprit de ceux qui l'entouraient, ainsi que leurs sensations, et il n'aurait jamais du assister à cette scène.

-La Marque ? répéta Sirius. Arcturus a dit qu'il l'avait neutralisée.

-Il l'a tuée. Elle est morte. Chez les Mangemorts et les vivants renégats, la Marque est vivante.

Intéressé, l'homme se demanda si l'enfant serait perturbé si sa leçon était interrompue, et jugea préférable de ne pas le lui faire remarquer. Il posa un genou sur le sol pour être à sa hauteur et enchaîna prudemment.

-Comment la Marque vit-elle ?

Il fallait des questions précises si on voulait une réponse précise.

-Elle grouille sous leur peau. Voldemort la grave dedans. C'est un lien avec lui, permanent et indéfectible.

Entendre un petit garçon de dix ans à peine s'exprimer de la sorte, prononcer le nom du Mage Noir et les capacités d'une noirceur tout aussi terrifiante lui donnait la nausée. Il eut une grimace involontaire qu'Artemis ne remarqua pas.

-Mais Arcturus s'en est débarrassé, c'est ça ? Le lien n'existe plus.

Comment pouvait-on accomplir un tel exploit ? Si son frère avait pu quitter les Mangemorts en utilisant cette manière, il aurait peut-être été en vie, et peut-être Dumbledore aurait-il accepté de protéger le crétin de seize ans qu'était Regulus, qu'importe qu'il ait voulu déserter par lâcheté. Combien d'ancien Mangemorts avaient pu accomplir un tel exploit et pourquoi Rogue ne faisait-il pas la même chose avec sa Marque, se demanda Sirius avec dégoût, était un mystère.

-Papa a tué la Marque avec un sortilège et des flammes du démon, répondit l'enfant. La Marque permet à Voldemort de sentir ses Mangemorts, de savoir s'ils sont en vie. Le lien les raccorde : si lui appuie dessus, ils n'auront pas à réfléchir où transplaner, leurs esprits et corps sauront. S'ils appuient dessus, même sous un Fidelitas Voldemort pourra les rejoindre. La Marque est l'asservissement. Mais la Marque de Papa brûle toujours lorsque Voldemort appuie car elle n'a été tuée que dans un seul sens.

S'entendre expliquer des détails aussi intimes et précieux avec un ton sans aucune fluctuation et une voix claire et indéniablement enfantine tortura Sirius qui se reprocha d'avoir posé ses questions. Néanmoins, son esprit continuait de tourbillonner.

-Merci, Artemis. Tu as encore six minutes à passer sur tes exercices.

-Papa me touche tout le temps, répondit l'enfant à la question obnubilant son professeur particulier en ce moment précis.

Il l'avait capté et l'entendre répondre terrifiait toujours Sirius.


Une fois qu'Arcturus eut été informé de la façon dont s'était passée la journée, il s'était dirigé dans la bibliothèque avec son fils afin de lui dénicher un nouvel ouvrage à lire, et Sirius demeurait assis à la table de la salle à manger, anéanti par le poids des interrogations et certitudes. Artemis lui avait donné des informations auxquelles il n'aurait sans doute jamais eu avoir accès, parce que son père et lui avaient eu tant de contacts qu'il devait avoir accès au moindre de ses souvenirs importants. A plusieurs reprises depuis qu'il se trouvait Square Grimmaud, l'enfant avait été effleuré ou accidentellement touché par des membres de l'Ordre, quand bien même il haïssait tout contact, et les humains se trouvaient dans l'incapacité de toujours maîtriser leurs pensées fortes ou états d'âmes, sans compter les rêves. Il savait sans doute plus de choses que quiconque n'étant pas un membre de l'Ordre confirmé n'aurait dû connaître, et c'était dangereux. Jamais Artemis ne devait tomber entre les mains de Voldemort. Il fallait d'autant plus l'en protéger qu'il aurait pu lui servir d'arme pour entendre la prophétie ou espionner. Le Mage Noir ne devait jamais connaître ni l'existence ni les étranges capacités du garçon. Sirius se jura qu'il protégerait l'enfant quoi qu'il arrive.

Et pourtant, une fois que cela fut fait, sa conscience n'en fut pas pour le moins soulagée. Il y avait tant d'autres choses… Il ignorait que la Marque fonctionnait ainsi, et c'était une information importante. Arcturus ne l'avait pas révélée car seules cinq personnes, mis à part lui, connaissaient cette ombre de son passée, dont son propre fils. Remus avait estimé que le choix appartenait à l'ancien Mangemort et Dumbledore demeurait dans l'ignorance feinte. Arcturus possédait de grandes connaissances en Magie Noire, et il avait utilisé des flammes pour tuer la marque.

Des flammes du démon.

Des flammes du démon. La voix d'Artemis résonnait dans la tête de l'animagus. Il avait utilisé sa propre interprétation, or le sortilège qui s'y accordait était hors de contrôle. Un Feudeymon pouvait purger de nombreuses choses, blanches ou noires, mais il fallait un contrôle de soi-même absolu pour y parvenir... Ce qu'Arcturus possédait, certes, mais il nécessitait également une grande puissance magique.

Arcturus avait une excellente connaissance de la magie noire, et il avait admit s'y être profondément intéressé, la trouvant passionnante et jugeant outrageux de laisser inexploitée une branche de magie. Sirius se souvenait de cette discussion qu'il avait ressassée de nombreuses fois.

Il soupira et se versa une bierraubeure dans un verre, secouant la tête pour chasser son trop plein d'idées. Il devrait discuter avec l'homme ce soir, comme ils faisaient chaque fois qu'ils le pouvaient et qu'Arcturus n'était pas épuisé. Lorsqu'il était présent, Remus se joignait à eux et parfois seul les ancien Maraudeurs conversaient alors qu'Arcturus écoutait leurs anecdotes et souvenir avec un sourire amusé étrangement familier à Sirius.

-Artemis dort, vint l'informer son colocataire. Je crains que l'entraînement auquel je l'ai soumis cette nuit ne l'ait épuisé. Je vais aller inspecter un autre pan de la bibliothèque, à moins que tu n'aies besoin de moi ?

Sirius secoua la tête en lui adressant un sourire qui ressemblait plus à une grimace.

-Tu ne vas pas bien.

La voix était ferme et en cet instant, presque aussi monocorde que celle de son fils.

-Je suis inquiet, lâcha Sirius. Mon filleul n'assiste plus à ses cours d'Occlumencie parce qu'un crétin graisseux a eu mal à son orgueil, un crapaud maléfique règne sur Poudlard et Voldemort assassine ceux qui pourraient être des amis et des alliés à chaque coin de rue. Et je suis coincé là à ne rien pouvoir faire d'autre que de me lamenter !

Il était inutile de mentir à Arcturus. Il semblait toujours lire en Sirius comme son fils dévorait les livres, et relâcher un peu de sa tension et de sa rancœur lui fit du bien. Arcturus lui enleva son verre, en prit deux autres dans le placard et se servit dans les réserves de Whisky Pur Feu. Il tendit son verre à Sirius après avoir tenté d'y rajouter des glaçons sans réel succès. Sirius agita rapidement sa baguette.

-Je ne suis jamais parvenu à effectuer certains sortilèges très simples, soupira Arcturus, tandis que les plus complexes ne me posent aucune difficulté.

Les deux hommes trinquèrent et le prétendu français posa la main sur le dossier d'une chaise défraîchie.

-Tu m'es d'une énorme aide, Sirius, et la façon dont tu t'occupes d'Artemis n'aurait pu être égalée par beaucoup de personne. Je t'en suis extrêmement reconnaissant.

Il y avait une émotion que l'homme ne parvenait pas à dissimuler dans sa voix, et Sirius prit le compliment avec plaisir.

-Tu ne peux pas réellement blâmer Severus, d'après ce que j'ai suivi des discussions avec Remus. Les griefs de Poudlard sont toujours là, et Severus a été scolairement harcelé par des élèves dont toi et James faisait partie durant près de sept ans. La façon dont il a réagi n'est pas étonnante.

Une sensation familière sur laquelle l'animagus ne parvint pas à mettre de mots vint lui picoter l'estomac. Un écho.

-Parce que tu crois qu'il ne le méritait pas ? cracha Sirius. Il puait la Magie Noire, et je la sens toujours autour de lui.

-Chacun fait des erreurs, rétorqua l'homme avec une froideur soudaine. Je ne juge ni Severus pour ses affres passées, ni vos farces d'adolescents qui cherchaient plus à s'amuser qu'à autre chose.

Il se passa une main sur le visage et Sirius vit à quel point il était épuisé. Entraîner Artemis à maîtriser sa magie de quatre à sept heures du matin puis aller travailler au ministère ne devait pas être une sinécure, et ce rythme devenait régulier, comme si l'enfant était sensible à l'atmosphère sombre qui régnait au dehors.

-Nous ne pouvons pas blâmer Severus, et il était relativement inconscient de le laisser donner ces cours. J'ai proposé à Harry de m'en charger, et je te réitère mon offre car tu es un parent.

Remus ne cessait d'insister auprès de Sirius sur l'importance qu'avait l'Occlumencie pour son filleul, et il le croyait aussi. Remerciant Arcturus qui s'éclipsa dans la bibliothèque, il fit tournoyer le fond de Whisky dans son verre, les sourcils froncés. Harry lui avait fait part de ses soupçons concernant l'homme, qu'il avait cru confirmés en découvrant la Marque à son bras. Selon l'adolescent, l'homme devait avoir été à Poudlard lorsque lui-même s'y trouvait, et il semblait connaître les rancoeurs entre Rogue et son père de façon trop intense pour quelqu'un qui n'avait entendu que quelques récits. Or, Arcturus venait de lui confier ce qu'il avait déjà dit à Harry, et Sirius avait, bien que cela lui coûte de l'admettre, une confiance en lui qui s'étendait jusqu'au stade d'une amitié un peu méfiante.

Sirius finit son verre d'une traite, perturbé par la discussion qu'il venait d'avoir et par cette impression de familiarité qui existait dans chacun de ses rapports avec l'homme. Son histoire était parfaitement ficelée jusqu'à ce que l'on en tire un secret et que les autres s'effilochent. Il avait déduit depuis longtemps qu'Arcturus était né au Royaume Uni et dissimulait son identité, mais il était incapable de lui estimer un âge concret. Et pourtant, de toute évidence, il devait l'avoir connu, et côtoyé. Il ne parvenait pas à résoudre l'énigme qui s'offrait à lui depuis plusieurs mois. Ces yeux gris du père qui suggéraient une parenté avec Narcissa et Drago, ces traits aristocratiques d'Artemis, fins et beaux mais avec une subtilité qu'il devait tenir de sa mère, cette façon de s'exprimer si distante qui démontrait des secrets, et ce sourire amusé… Il les connaissait et il le savait. Ils tournaient dans son esprit depuis longtemps et il avait l'impression de manquer quelque chose de crucial. Artemis avait réveillé sa conscience en mentionnant le Feudeymon. Arcturus se passionnait pour les arts noirs, il les maîtrisait. Il avait eu besoin d'une nouvelle identité. La façon dont il lisait en Sirius, avec plus de facilité que quiconque en avait eu excepté…

Impossible.

Sirius fut debout sans s'en être rendu compte. La vérité ne pouvait tout de même pas être aussi… simple. Aussi douloureusement simple. Néanmoins dès que la pensée surgit, il comprit qu'il savait enfin. Chaque infime détail corroborait avec. Mécaniquement, ses pas prirent le chemin de la bibliothèque. Les bougies étaient presque éteintes et il discerna l'homme dans la pénombre, son dos droit, sa silhouette fine et pourtant musclée, et ses longs cheveux noués en catogan.

-Regulus.

L'homme ne l'avait pas entendu arriver. Il se tourna et à la lueur des flammes, Sirius vit l'émotion sur son visage.

-Je savais que tu comprendrais, dit-il, et j'admets avoir relâché ma garde au fil du temps passé avec toi.

Sirius resta figé. Il avait su, mais lui faire face et se l'entendre confirmer était d'une autre ampleur.

Il se haïssait de n'avoir pas compris plus tôt. De n'avoir pas reconnu son propre frère, avec qui il avait vécu quatorze ans. Et tout ce que la survie de Regulus Arcturus Black impliquait lui tomba soudain dessus. Son frère n'avait pas supplié Voldemort de l'épargner ou de le laisser quitter les Mangemorts. Il avait déserté par conviction, fait le tour de l'Europe en amassant des connaissances et était revenu le combattre, emmenant avec un fils qu'il aimait plus que tout au monde. Un fils qui était le neveu de Sirius. L'homme regarda Ar- Regulus.

-Tu ne m'as rien dit, siffla-t-il, les poings serrés par la colère.

Il avait l'impression de revenir dans leurs disputes d'adolescents, et leur maison d'enfance amplifiait le sentiment.

-Nous ne nous sommes pas quittés dans les meilleurs termes, et la réaction que tu as eu en voyant ma marque était équivoque, répondit Regulus avec un calme inébranlable. Je te connais Sirius. Je sais quelles sont les rumeurs sur ma mort, sans que nul ne sache pourtant je me trouvais le soir où elle était sensée survenir. Je suis né de mes cendres comme un phénix et je préfère entièrement les discussions où nous avons réappris à nous connaître aux questions qui auraient fusé à ma réapparition, aux jugements et aux complications. Je ne pouvais pas permettre qu'on doute de ma loyauté.

Sirius resta muet. Il avait quitté un enfant gâté et aveugle, un enfant faible et manipulé, avec des larmes qui ne devaient pas uniquement avoir été de rage aux yeux alors que son aîné fuyait chez James. Devant lui se trouvait un homme puissant maître de ses émotions, au calme et à la fermeté extraordinaires. Les yeux gris de Regulus n'exprimaient rien d'autre que la sincère affection qui avait commencé à apparaître dans son regard au fur et à mesure que Sirius et Arcturus apprenaient à se connaître. Il n'avait pas même relevé le menton en signe de défi, un geste que son petit frère avait toujours fait lors d'une dispute.

-Je n'ai pas été Regulus Black durant seize ans, et il est mon passé. Je ne suis plus un Mangemort. Je n'avais aucune envie de redevenir Regulus Black.

Arcturus Blanc maîtrisait la magie et avait des connaissances qui provenaient d'autres cultures. Il aimait son enfant plus que tout. Il était un homme que Sirius respectait profondément. Mais l'animagus ne parvenait pas à sortir de son apathie. Son frère vivait.

-Nous avons besoin d'air, décréta Regulus. La bibliothèque est agréable pour lire mais étouffante dans d'autres occasions.

Et Sirius se demanda comment il avait pu être aussi aveugle. Arcturus était certes le second prénom de son frère, mais il reconnaissait ses traits à présent, même usés par l'âge adulte, même malgré les mèches qui tombaient sur son visage. Il reconnaissait ses points de vue.

Regulus avait ouvert la fenêtre de sa chambre. Artemis dormait dans le lit simple de son père, son visage plus détendu que Sirius ne l'avait jamais vu. Il s'agenouilla auprès de l'enfant, désirant le toucher mais sachant qu'il ne le pouvait pas. Son visage était si fin et anguleux, avec une douceur dans les traits qui ne venait pas des Blacks, mais leur beauté aristocratique émanait de lui.

-Qui est sa mère ? demanda-t-il.

Une ombre passa sur le visage de Regulus.

-Je l'ai croisée en France, il y a une dizaine d'années. J'ai rencontré Lina à l'université. Elle était… rafraîchissante, ignorante de la guerre qui planait sur le Royaume Uni même après une soi-disant disparition de Voldemort, ignorant même l'existence de la sorcellerie. Elle était moldue, se souciait de ses amies et de son entourage, de la Guerre Froide. Elle fumait trop, et pas uniquement des cigarettes, pensait un peu trop à s'amuser, mais elle m'a fait ressentir ce qu'aurait pu être une existence normale et sans magie.

Sirius en resta muet de stupeur.

-Je suis parti au bout d'un an. Je m'ennuyais et voulais... je devais de nouveau voyager. Pousser jusqu'en Russie, essayer de découvrir où se trouvait Durmstrang…

-Tu ignorais que tu avais un fils.

C'était une affirmation et Sirius sentit de la colère, envers une parfaite inconnue, l'envahir.

-Elle ne l'a pas gardé, répondit Regulus avec cette froide distance qui le caractérisait désormais. Il devait avoir un an et demi lorsqu'elle a décrété qu'elle ne pouvait plus s'en occuper, et elle s'est défaite de lui comme d'un animal. Artemis n'avait pas encore été diagnostiqué comme autiste mais il était évident qu'il n'était pas un enfant ordinaire... Elle n'a pas réussi à l'aimer. Elle n'a pris aucune précaution, l'abandonnant aux services sociaux sans même une lettre. Et il a vécu parmi les moldus sans que nul ne soit habilité à le gérer.

La fureur qu'il éprouvait à l'égard de Lina était ostensible, et Sirius serra les dents. James et Lily auraient tout donné pour être capable d'élever Harry. Ils avaient sacrifié leur vie pour leur fils, et il n'y avait nul doute que Regulus agirait de même si nécessaire. Il observa les mèches étrangement blanches de l'enfant éparpillées sur l'oreiller.

-Sait-il que je suis son oncle ?

Prononcer les mots à haute voix… Ils faillirent ne pas passer sa gorge et réchauffèrent pourtant son cœur.

-Je ne crois pas qu'il puisse mesurer ce que cela signifie tant que tu ne le lui as pas montré, répondit Regulus. Mais il le sait. Il sait plus que tu ne crois, je lui ai simplement demandé de garder ces informations secrètes.

-Il est si jeune…

Sirius ne parvenait pas à détacher ses yeux de l'enfant dont il s'était occupé ces derniers mois, soudain subjugué par sa beauté, ses traits… Regulus vint à ses côtés.

-Où étais-tu ce soir là ? demanda soudain Sirius. Comment as-tu fait pour…

-Je ne te répondrai pas, répondit Regulus avec sa fermeté coutumière, pour le moment du moins. Je sais de nombreuses choses qui pourraient inverser le cours de la guerre, et je ferais en sorte que l'Ordre les utilise, mais je dois attendre le moment pour les révéler.

-Tu es un véritable Serpentard, admit Sirius.

Ce qui aurait pu être une pique n'était qu'un constat. Artemis s'agita, et Regulus l'entraîna hors de sa chambre.


Sirius ne parvenait pas à réaliser pleinement cette vérité qu'il n'avait fait qu'effleurer, malgré les deux jours écoulés. Il pensait ne plus avoir aucune famille, et pourtant Regulus et Artemis étaient apparus. Les discussions nocturnes avec son frère avaient toujours lieu. Le lien qui s'était forgé entre eux demeurait le même, mais il était renforcé par la fraternité consciente des deux côtés.

-Je comprends que tu sois parti, lui dit Sirius un soir. Ce fut ton meilleur choix.

Il détailla l'homme si familier et si étranger avec une fierté non dissimulée.

-Tu es devenu le meilleur homme que tu aurais pu être.

Regulus Arcturus Black. Son frère.

o°o°O°o°o

Harry jeta un coup d'oeil morne par la fenêtre de sa chambre. Malgré le fait que l'été soit bien avancé, les même nuages noirs persistaient sur Privet Drive depuis la veille, et le soleil s'était fait aussi rares que les Enormus à Babille dont parlait Luna. La montée au pouvoir de Voldemort et la souffrance et la terreur que lui et ses Mangemorts engendraient semblaient se répercuter même sur la météo.

Au moins le temps était-il en accord avec son état d'esprit. Le vide dans son cœur n'avait pas diminué depuis qu'il s'était stupidement rué au Ministère pour y chercher une prophétie qu'il aurait pu entendre dans le bureau de Dumbledore. Une prophétie qui indiquait qu'il devrait mourir ou vaincre Voldemort, mais Harry se fichait bien de cela. Si mourir signifiait ne plus sentir la douleur intense qui lui comprimait la poitrine, il se portait volontaire pour aller au devant de Voldemort sur le champ. Sirius était mort.

Sirius était mort parce qu'il n'avait pas pris le temps d'ouvrir le cadeau fait peu après Noël. Sirius était mort parce qu'il avait cru un elfe infâme. Sirius était mort parce qu'il avait voulu sortir alors que Dumbledore le lui interdisait toujours. Sirius était mort parce qu'Harry n'avait pas suivi les cours d'Occlumencie et qu'il n'avait pas écouté les conseils de Rogue pour fermer son esprit. Sirius était mort parce qu'il avait cru à un rêve stupide, entraînant ses amis dans une quête qui aurait également pu leur coûter la vie. Sirius était mort à cause de lui, parce qu'il s'était montré stupide et téméraire. Sirius était mort et plus rien n'importait.

Il avait perdu le seul être proche de ses parents, le seul adulte à se soucier de lui. Il avait perdu l'espoir d'une famille.

Il ne sortait quasiment pas de sa chambre depuis que les Dursleys l'avaient récupéré à King's Cross. Il répondait aux lettres inquiètes de Ron et Hermione, faisait les devoirs qui leur avait été donnés pour les vacances et attendait les résultats de ses BUSEs.

Un bruit à sa fenêtre le sortit de son apathie et il cligna des yeux. Sa vision devenue floue se clarifia et il aperçut une chouette effraie tapoter à sa vitre. Intrigué par ce volatile inconnu, Harry se leva pour lui ouvrir. L'effraie vint se poser sur le bureau, froissant l'exemplaire de la Gazette du Sorcier dans lequel Sirius avait été innocenté post-mortem, mais cela importait peu. Elle tendit la patte où se trouvait attachée à une lettre puis cligna ses yeux d'onyx vers le sorcier.

-Tu peux prendre de l'eau et du Miamhibou dans la cage d'Hedwige, offrit le sorcier.

L'effraie alla s'y poser et la chouette, qui s'était réveillée, le fusilla du regard mais ne protesta pas outre mesure. Harry décacheta la lettre, incertain. L'écriture lui était inconnue, italique et à l'ancienne.

Harry,

Je ne te présenterai pas mes condoléances car ce sont des mots vides de sens qui n'atténueront en rien ta peine.

J'aimerais que ce que je vais te révéler dans cette lettre demeure secret, bien que la plupart des membres de l'Ordre le sauront sans doute la prochaine fois que nous nous verrons.

Lorsque je suis apparu au Square Grimmaud je me suis présenté sous le nom d'Arcturus Blanc. Ce n'est pas mon nom de naissance. Je me nomme Regulus Black et j'étais le frère de Sirius.

Il l'a su quelques semaines avant de mourir, mais ça n'en rend pas sa perte moins douloureuse.

J'avais, comme tu peux sans doute l'imaginer, mes raisons pour ne pas me présenter au Square Grimmaud ni au Royaume-Uni sous mon vrai nom, si Sirius t'a parlé de ce qu'il croyait être ma mort. Il a été déduit que j'étais mort par lâcheté après avoir voulu trahir Voldemort. La vérité est que je l'ai trahi puis ai disparu dans la nature. J'ai coupé le lien avec ma Marque des Ténèbres et ils m'ont cru mort.

Je ne suis plus un Mangemort et je n'aurais de cesse de combattre Voldemort jusqu'à sa perte, je t'en fais le serment.

Je comprends ta peine, Harry, et tu es libre de m'écrire si tu veux parler de Sirius. J'ai perdu mon frère lorsque tu as perdu ton parrain, et nous venions de le retrouver.

J'ignore ce que Sirius a écrit dans son testament, néanmoins jusqu'à ce qu'il soit étudié, je demeure dans la Maison des Blacks avec Artemis.

Je t'ai révélé mon identité car j'estime que tu as le droit d'être au courant, mais également parce que je voudrais te proposer quelque chose.

Tu es le filleul de mon frère. Je l'ai toujours autant aimé qu'admiré, et j'ose croire que mes sentiments ont été réciproques ces dernières semaines. Tout comme je sais qu'il aurait pris soin d'Artemis si j'avais péri en mission, je voudrais être sûr que tu vas bien.

Je peux t'accueillir cet été si tu le souhaites, bien que je comprendrais que tu désires rester auprès de Ron et Hermione. Tu es le bienvenu dans ma maison, où qu'elle soit, et j'aimerais pouvoir entretenir une correspondance avec toi. Sache que tu peux te tourner vers moi en cas de problème cette année, comme tu l'as fait avec Sirius l'année dernière. Je sais que Remus voudrait t'aider mais ses missions lui prennent de plus en plus de temps.

Mon offre pour t'enseigner l'Occlumencie tiens toujours, si tu le souhaites, et tu peux prendre l'une des propositions de cette lettre et pas les autres. Je n'en prendrait pas ombrage.

J'aimerais néanmoins que tu me répondes, même si c'est un simple « Non », et savoir comment tu te portes.

Avec mon respect et, je te prie de le croire, mon affection,

Regulus Arcturus Black.

Harry, la gorge douloureuse et les yeux brûlant, relu la lettre plusieurs fois. Il se souvenait du cri déchirant d'Arcturus lorsque son parrain était passé à travers le voile, et de la fureur dans ses yeux. Il avait cru que Bellatrix mourrait littéralement dans d'atroces souffrances par magie instinctive, avant que l'homme ne se reprenne.

Il se saisit d'une plume.