Bonjour à tous !
Il semble que tenir des délais me soit difficile... Néanmoins, voici le nouveau chapitre !
Une précision sur le résumé et les personnages qui ne cessent de changer : j'ai eu du mal à trouver des formulations satisfaisantes... et qui ne spoileraient pas les premiers lecteurs. Nous entrons, avec ce quatrième chapitre, dans le vif du sujet de cette histoire, et sans doute le résumé en sera-t-il légèrement modifié. Plusieurs dizaines de chapitres sont prévus, aussi des informations qui apparaissent au chapitre deux, quatre, ou sept, me paraissent relativement dérisoires comme révélations. Regulus est, par exemple, trop important pour ne pas être listé dans les personnages, et fait son apparition très tôt.
C'est sur cette amorce de réponse que je remercie Guest pour sa review. Elle m'a redonné la force de me replonger sur mon difficile futur chapitre, et m'a fait beaucoup sourire. Merci énormément pour tous ces compliments !
Nous sommes en Juillet 2003. Les nouveautés s'égrainent de plus en plus lentement et le cadre est posé, ce qui fait que le prochain chapitre Lien n'apparaîtra pas avant quelques temps. Nous nous retrouverons les prochaines fois pour la continuité de ces aventures !
Juillet 2003
Lucius avait eu tort : Voldemort ne s'était pas attaqué à Poudlard. Ils demeuraient, après des mois de silence, sans nouvelles ni informations. Puis, enfin, les serpents sur les chemins avaient averti la jeune Fourchelangue vivant à Poudlard : des relents de Magie Noire émanaient des ruines de Stonehenge avec une force surprenante. Harry et l'Ordre n'avaient mis que quelques minutes à s'accorder sur le fait que le Sanctuaire du leader de l'Ombre se trouvait vers ce lieu mythique. Ils n'en avaient pas été surpris : Voldemort accordait une extrême importance aux reliques et aux lieux magiques sacrés.
Leur inquiétude, en revanche, croissait de jour en jour depuis que la nouvelle était tombée. La Magie avait toujours laissé des traces, mais le fait que les animaux aient soudainement pu la sentir signifiait que Voldemort préparait quelque chose. Il était impensable qu'il n'ait pas prévu qu'il serait repérable, et l'idée du piège constructif avait effleuré tous les esprits.
Durant les années où Regulus avait été le meneur de l'Ordre et où il avait pris Harry comme novice, il lui avait appris à mesurer ses émotions aussi bien que ses réactions. Pourtant, il avait fallu le froid esprit de Fleur pour l'empêcher de préparer une expédition de repérage et de foncer à Stonehenge en quelques heures. Il voulait que la guerre se termine au plus vite, or entre la mort de Nagini et le moment où il pourrait enfin combattre Voldemort, Fleur et Artemis devraient annihiler l'Horcruxe en lui, puis il devrait reprendre des forces et enfin, retrouver le meneur de l'Ombre. Nombre de ses protégés tomberaient dans ce laps de temps, et il n'était pas exclu que Poudlard soit attaqué, augmentant les pertes humaines et matérielles. Lucius s'était interposé, néanmoins. Il lui avait assené que Voldemort l'attendrait et qu'ils se connaissaient mieux l'un l'autre que personne. Harry en avait été aussitôt refroidi. Il avait consenti à attendre. Et à envoyer des émissaires sur place –en sa compagnie- pour analyser ce qu'il en était.
Ainsi se retrouvaient-ils ainsi, tous les six –Luna, remise de l'attaque mais physiquement mutilée Lucius, tendu à l'approche de la pleine lune Fleur, prête à le retenir s'il décidait de se montrer impétueusement Gryffondor Astoria, froide et déterminée Artemis, loyal jusqu'au bout et prenant sur lui et lui-même, flamboyant et plein d'énergie-, à parcourir plusieurs lieues à pieds afin de ne pas alerter les dispositifs qui risquaient d'avoir été mis en place. Ils avaient tous leurs baguettes, s'étaient désillusionnés avant de partir, mais avaient interdiction de se servir de leur magie avant d'avoir officiellement été repérés par le camp adverse.
Comme souvent sous le ciel anglais, il pleuvait, et leurs vêtements et pas étaient alourdis par la pluie et l'eau. Ils se déplaçaient toujours en binôme et le plus silencieusement possible.
-Humains inconnus en approche. Ils portent des traces de Magie Noire.
Le sifflement fit se stopper net Harry. Il eut un pépiement d'oiseau bref, et ses alliés se stoppèrent aussitôt.
-Nous venons du Brésil, siffla-t-il.
La phrase codée faisait directement référence au premier serpent avec lequel Harry avait communiqué, et qui avait participé à créer le réseau reptilien de renseignement. Elle s'assurait que ces serpents ne faisaient pas partie des alliés de Lord Voldemort.
-Tousss n'ont pas la chanssse de venir d'un zoo, entendit-il et il se détendit aussitôt.
Il utilisa le croassement pour indiquer que tout allait bien.
-D'étrangesss et malsssains phénomènes ssse produissent isssi. L'Ombre y est véritablement présssente.
-Je m'en doutais. Sssais-t-elle qu'elle est repérée ?
-Des moyens ont été misss en œuvre mais c'sssest plus puisssant que sssela.
Harry rapporta la conversation, se sentant soudainement angoissé. D'après le reptile, il ne s'agissait pas uniquement d'un piège. Voldemort oeuvrait à quelque chose. Ils reprirent la route et se rapprochèrent, un peu plus tendus à chaque pas.
La Magie Noire s'infiltrait dans les pores de leurs peau depuis quelques secondes lorsqu'il ordonna l'arrêt. S'ils pouvaient la sentir, cela signifiait qu'elle était particulièrement puissante et morbide. Il posa un genou à terre et observa l'herbe déjà brûlée par d'anciens combats, fermant ensuite les yeux pour tenter de reconnaître une sensation caractéristique. Sa cicatrice s'enflamma aussitôt et il aurait chuté sur le sol si Lucius n'avait pas posé une main sur son épaule en prévention.
La cicatrice d'Harry le brûlait toujours. Il s'était habitué à vivre avec cette douleur et ces maux de têtes chroniques, et l'occlumencie des deux côtés avaient tenus l'esprit de Voldemort et le sien séparés. Mais des accès de puissance de la sorte étaient rares. Il tressaillit et ferma aussitôt son esprit. Voldemort ne devait jamais savoir qu'ils étaient venus jusqu'ici. Le front chauffé à blanc de Harry ne s'arrêtait pas, néanmoins, et c'était comme si quelque chose l'avait déclenché. Il chercha la jambe d'Artemis et appuya dessus pour lui demander de se renseigner.
-Lead ! la voix froide et dégoûtée d'Astoria résonna à son oreille, vague attachement au monde en dehors de son martyr.
Il poussa un grognement pour l'enjoindre à parler. Sa cicatrice ne l'avait pas fait autant souffrir depuis la dernière fois qu'il avait combattu Tom Jedusor. Ils avaient presque atteint Naginia alors…
-Il essaie de s'en fabriquer un autre, murmura la voix de la jeune femme.
Astoria avait le défaut d'énoncer des hypothèses comme des vérités. Elle n'imaginait jamais qu'un fait non vérifié puisse en réalité s'avérer faux, surtout s'il provenait de ses réflexions personnelles. Harry dut néanmoins se mordre la langue jusqu'au sang pour ne pas réagir à ses mots. Sa cicatrice, l'endroit par lequel l'Horcruxe avait pu se rattacher, continuait de chauffer, et il devait admettre que la présence de Voldemort ne pouvait être la seule cause. Son activité du moment déclenchait le processus, mais il ne pouvait l'espionner sans révéler leur présence.
-Vas-y, Harry, déclara soudain Fleur.
Elle parlait presque à voix haute, sans prudence.
-Tant pis, un renseignement est important.
-Voyage dans deux minutes, intervint Artemis.
Les mains se lièrent aussitôt en binômes, sauf que Lucius attrapa le plus jeune d'entre eux et que la main de Fleur empoigna fermement le bras du Survivant. Il baissa ses barrières.
Il se tenait sous le sol. Les pierres de Stonehenge le protégeaient d'autant plus qu'il les avait magiquement liées à sa personne. Nul ne pourrait s'avancer sur le domaine sans qu'il ne soit au courant. Si jamais Harry Potter essayait de venir… Ils se tiendraient prêts. Ses Mangemorts étaient en alerte. Il en serait profondément ennuyé : le moment n'était pas encore venu. Ses longs doigts blancs se refermèrent sur sa baguette. C'était un artefact rare ces temps-ci, mais il se devait de faire le sacrifice. Et pour cela, il avait une cible de choix : une Opportuniste un peu trop curieuse. Elle se tenait devant lui, bâillonnée et terrifiée. Pour un peu, il s'en serait réjoui et son rire glaçant aurait résonné dans le domaine mais l'instant requérait une intense concentration et une magie importante. Sa baguette d'if était ouverte devant lui, un léger interstice dans lequel il guiderait son âme après la déchirure infligée par la mort et le rituel. Il releva la tête afin de vérifier que tout allait bien quand il la sentit. La présence sur Stonehenge, les pas sur le domaine comme s'ils étaient sur sa peau… Des intrus. Une frustration intense l'envahit alors qu'il offrait un sourire malsain à Bellatrix Lestrange.
-Nous avons de la visite. Attaquez !
Le rire de sa lieutenante résonna dans les souterrains tandis qu'elle lançait l'alerte.
Harry émergea de l'esprit de Voldemort avec un hurlement incontrôlé.
-Partir ! Nous devons partir ! s'exclama-t-il.
Mais ses mots churent dans le vide alors que son corps se contractait sous l'effet familier du transplanage.
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Astoria était une très bonne sorcière, mais le transplanage n'avait jamais été son point fort, d'autant plus qu'elle l'avait appris en pleine guerre. Elle s'était préparée à s'exécuter dès que le signal du départ serait donné, mais Lucius disparut sans crier gare, emmenant Artemis avec lui, et malgré ses excellents réflexes, elle n'eut pas la capacité d'imiter Fleur et de suivre aussitôt.
Les Mangemorts surgirent des entrailles de la terre -ou du moins c'est ce qui lui sembla, et Luna et elle dégainèrent prestement leurs baguettes, se plaçant instinctivement dos à dos. Les deux sorcières échangèrent un regard équivoque : elles étaient fichues. Les barrières anti-transplanage venaient d'être activées –Luna avait essayé de les transporter- et elles ne pourraient jamais regagner leur point d'arriver. Un portoloin était inutile, leurs ennemis se jetteraient dessus et viendraient avec elles sans qu'elles puissent les semer.
-Quoi qu'il arrive… commença Luna.
-…Nous essaierons d'en emporter avec nous le plus possible, acheva-t-elle.
Elle éprouvait pour la sorcière un mélange de sentiments étrange, et avait été plus qu'honorée d'être son binôme. Elles se connaissaient depuis leur entrée à Poudlard, et Astoria n'avait jamais fait partie de ses bourreaux. A son entrée dans les forces de la Lumière, Luna l'avait soutenue et elles étaient devenues amies, même si le fait que l'une soit un Phénix et l'autre une Alliée les tenaient généralement éloignées. Astoria effleura sa main.
-C'est un honneur de mourir à tes côtés.
-Mourir aux côtés d'une amie est l'une des meilleure mort, répondit Luna de sa voix rêveuse.
Et les sorts fusèrent en un parfait écho.
L'Incendio d'Astoria rencontra le Doloris d'un ennemi et les flammes explosèrent dans tous les sens, atteignant au passage certains Mangemorts qui les enseignaient mais plus généralement, les arbres et la terre. Le Stupéfix de Luna se heurta à un Incarcerem et les deux baguettes opposantes vibrèrent, comme aucun ne pouvait lâcher.
Astoria profita de la pagaille causée par ses flammes pour sortir de sa manche une PA, et la serrer dans la main qui ne tenait pas sa baguette. Sous aucun prétexte elle ne devait être emmenée vivante. La torture d'Avery était toujours un souvenir vivace. En tant qu'Alliée, elle connaissait les défenses de Poudlard qui seraient particulièrement utiles au camp de l'Ombre. Mais elle refusait de mourir sans combattre et surtout, sans blesser ou tuer ses opposants. Harry allait perdre deux puissants membres, il était important d'affaiblir leurs ennemis.
Un Sectumsempra fusa et Astoria fut obligée d'entraîner Luna dans sa chute avec elle. Elles roulèrent pour mieux se relever et l'Alliée en profita pour répliquer avec le même sort... en informulé. Le sang jaillit de la poitrine d'un inconnu à sa grande satisfaction.
-Je ne pourrais même pas dire au revoir à Terry, regretta-t-elle.
-Je suis sûre qu'il te retrouvera avec bonheur, commenta son amie.
-Il a intérêt à survivre, ce je-sais-tout de Serdaigle, répliqua-t-elle avant de lancer un nouvel informulé bien moins offensif.
Luna invoqua un bouclier pour les protéger temporairement. Astoria se sentait étrangement légère. Pouvoir parler en plein milieu d'un combat mortel lui procurait un bonheur qu'elle savourait. Rares étaient ceux qui acceptaient de le faire, et pourtant échanger des dernières paroles était primordial pour elle.
Les éclairs fusaient, effleurant, manquant, étant dévié. Le sang coulait très légèrement, le but était de faire prisonnier, pas de tuer, sans quoi elles seraient sans doute tombées depuis longtemps.
Un sort de stupéfixion pétrifia Luna, et Astoria l'observa avec horreur chuter sur le sol. Elle se retrouvait seule, et n'avait que deux choix qui s'offraient à elle : balancer des sorts en espérant toucher un opposant ou tuer Luna. Elle sentit son cœur se déchirer. Tuer une amie en tant que dernière action était impensable pour son sens de l'honneur. Elle lança un enervate rapide et enfourna la pastille dans sa bouche. Le sort rouge qui visait à l'empêcher de croquer dedans manqua de la heurter de plein fouet, elle se retourna et il fila juste entre son index et son pouce pour atteindre Luna.
-Et merde !
La main de son amie retomba à ses côtés alors qu'elle était également à ses lèvres. Elle souriait et déjà quelques bulles blanches s'échappaient d'elle.
-Bien joué Luna ! s'exclama-t-elle.
Et ses dents s'écrasèrent sur sa propre pastille.
Libre.
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Le cri qui sortit de sa gorge n'avait rien d'aigu ou d'horrifié. C'était un cri rauque qui provenait des tréfonds de son cœur et qui refusait la situation. Le premier qu'il s'autorisait depuis des lustres.
Ses genoux l'avaient mal réceptionné et le heurt sur le sol l'avait sonné, mais il n'y prêtait aucune attention. Les mots de son bras droit revenaient en boucle depuis qu'elle les avait prononcés. « Elles n'ont pas eu le temps de transplaner. ».
-Harry, lève toi, ordonna Lucius d'une voix ferme.
S'il avait été Regulus, cela aurait fonctionné. S'il avait été Regulus, Harry n'aurait pas eu à porter la Lumière seul.
-Il faut qu'on aille les chercher ! Si elles sont prisonnières…
-Harry… Ce sont deux excellentes combattantes, parfaitement lucides sur la situation. Elles avaient leurs pastilles, elles ne se seront pas laissées capturer.
La voix de Fleur exprimait tous ses regrets. Elle ne l'avait pas lâché depuis qu'ils avaient atterri dans le cabanon de transplanage. Au fond de lui, il savait qu'elle avait raison. Astoria et Luna étaient en train de se battre et elles avaleraient leurs pastilles avant qu'ils n'aient eu le temps de retourner les chercher. Le risque de révéler de cruciales informations sous la torture était trop élevé.
Il devait se relever, reposer son masque impassible tiré de l'enseignement de Regulus et trouver une force innée pour continuer à commander la lumière. Annoncer la disparition et la probable mort de deux de leurs meilleures combattantes et décrire ce qu'il venait de surprendre dans l'esprit de Voldemort. Il le devait et pourtant, il ne parvenait pas à faire autre chose que rester sur le sol sans larmes coulant sur ses joues, s'enfonçant dans le drame et la souffrance.
Une main ferme le releva et il se retrouva face aux prunelles argentées de Lucius Malefoy.
-Elles sont tombées mais la guerre n'est pas terminée. N'abandonnes pas maintenant, lança-t-il, impitoyable.
Derrière lui, Artemis s'était réfugié dans son esprit. Ses joues ruisselaient de larmes mais son visage de marbre ne trahissait aucune émotion. Seule une crispation de la mâchoire alerta Harry.
-Artemis ?
Il ne reconnut pas sa propre voix, rauque, atone, comme déconnectée. Le garçon leva ses yeux vers lui, indiquant qu'il était bien avec eux. L'air commença à se réchauffer autour de lui, indiquant une crise autistique explosive plutôt qu'un renferment, submergé par ses pouvoirs incontrôlables.
-Artemis, avertit Lucius.
Il tremblait. Les jointures de ses poings devinrent livides, sa mâchoire se crispa à s'en faire mal et ses yeux flamboyaient.
-Je hais les pastilles ! hurla-t-il. Jamais je n'aurais dû les proposer !
Il bouscula Lucius qui posa une main sur son épaule pour empêcher une fuite incontrôlée. Habitué à la douleur de la transformation, il maintint son contact malgré l'évidente brûlure.
-Ces pastilles ont sauvé l'Ordre ! Elles sont une excellente initiative.
-Faux ! Elles…
Ils suffoquaient et ruisselaient de sueur. Les yeux de Lucius et d'Artemis se révulsèrent et Harry jaugea prudent de les séparer. Il attrapa la main de l'homme et la décolla de force de l'épaule.
-Artemis, calme toi… Nous les avons tous acceptées, et nous connaissons les risques.
Il ne trouvait même plus de paroles convaincantes. Lucius, relégué au fond du cabanon, intervint avec un calme impressionnant.
-Artemis, tu as le droit de pleurer et de trouver la situation injuste. Nul ne t'en voudra. Tu ne failliras pas à quoi que ce soit. Tu m'entends ?
-Je…
Et le garçon se laissa tomber au sol, recroquevillé, le corps secoué de sanglots silencieux. Harry réalisa que lui-même avait finalement retrouvé la force d'agir. Il regarda la scène, distant et désespéré, faisant abstraction de la souffrance comme tous les jours.
Astoria avait détruit un Horcruxe et mené d'innombrables recherches à leur sujet. Elle avait tant été exposée à celui qu'elle étudiait qu'elle en avait développé une sensibilité accrue. Lorsqu'elle avait suggéré que Voldemort puisse désirer en créer un nouveau, il avait aussitôt envisagé la possibilité. La plongée dans son esprit tendait à confirmer cette hypothèse, et tout l'Ordre était à présent livide et silencieux depuis qu'ils avaient fait leur compte rendu.
-Il est impossible de se lier à un domaine ! s'exclama Amelia. La magie ne permet pas de tout faire, et se lier de la sorte nécessite une puissance…
-Que Voldemort a, la coupa Bill.
-Une puissance, de la magie blanche, et surtout une acceptation du lieu et une source magique.
-Il s'agit de Stonehenge, rappela Tonks. Le lieu mystique depuis des siècles. Cela signifie que nous ne pourrons avoir d'attaque surprise ni de repérage.
-La question n'est pas là, répliqua Parvati. Si V-Voldemort crée un nouvel Horcruxe, nous sommes mal.
Le silence affligé revint, laissant les membres de l'Ordre méditer et s'enfoncer dans un désespoir passager, craignant pour le combat qu'ils défendaient avec tant d'ardeur.
-Il faut prendre tous les facteurs en compte, déclara Harry. L'âme de Voldemort est mutilée à l'extrême, même s'il l'ignore. Elle est si instable qu'il risque de ne pas en réchapper, ce qui serait un avantage pour nous, mais d'autres conséquences inconnues pourraient se révéler fatales pour nous.
La moitié de l'Ordre ignorait qu'il était un Horcruxe. Le secret était jalousement gardé par Fleur, Artemis, Lucius et lui-même, dans l'espoir que Voldemort n'ait pas réellement compris ce fait et ne puisse en tirer parti.
-Et donc ? insista Bill. Harry, est-il trop tard ? Ne devrions nous pas y aller dès maintenant ? Ils ne s'attendraient pas à…
-C'est de la folie ! s'exclama Amelia.
-Non, murmura Lucius. C'est même… plutôt intéressant. Toute la Lumière présente au château s'est entraînée ces dernières semaines à se battre. Si nous nous présentons en nombre, nous avons une chance de fragiliser le Seigneur des Ténèbres et de l'empêcher de créer un nouvel… Horcruxe.
Le mot répugnait toujours l'homme. Malgré ses accointances avec la Magie Noire, il se tenait à l'écart de la nécromancie.
-Harry ! se récria Amelia alors qu'elle le voyait réfléchir.
Il ferma les paupières afin de mieux se concentrer. Une attaque entière de la Lumière… Ils pouvaient tant perdre, mais à long terme, ce pourrait être plus profitable.
-Parvati. Va me chercher les Alliés. Tous. Bill, regroupe les adultes prêts au combat dans la Grande Salle.
-Harry… commença Fleur, les yeux luisant d'une inquiétude inhabituelle.
Il se tourna vers elle, plus sérieux que jamais et déterminé.
-Nous laisserons la moitié de l'Ordre et des Alliés ici, avec quelques adultes défensifs et ceux qui ne peuvent combattre. Nous aurons également les Geôliers en renfort s'il le faut. Les protections sont bien en place. Nous mettrons les barrières anti-transplanage dès que nous le pourrons.
Les innombrables plans qu'il avait esquissés ces derniers temps trouvèrent enfin une utilité : il savait à peu près où placer chacun. Parvati et Fleur resteraient à Poudlard, les deux pour veiller sur leurs enfants mais son bras droit pour se tenir prête à prendre la succession, au cas où. Il leur faudrait empêcher les plus vieux des mineurs de venir… Susan pouvait être du nombre, si elle le souhaitait toujours. Il se promit d'envoyer un patronus à Pénélope.
Ils attaqueraient le lendemain. Harry se sentait certain de la proposition de Bill et Lucius, mais il devait contenir la vague de terreur qui s'infiltrait dans ses entrailles en songeant à ceux qui tomberaient. Il restait à l'affût de la moindre fluctuation dans la douleur de sa cicatrice et, ne pouvant dormir, avait choisit de se promener dans les couloirs de Poudlard.
Imaginer que son école, son havre, était toujours entière, inébranlable, que les elfes de maisons n'avaient pas été à moitié décimés dans leurs sacrifices pour ceux qui les avaient asservis et préparaient de bons repas chauds en cuisine. Qu'il pouvait croiser un camarade au détour d'un couloir alors que Ron ou Hermione marchaient à ses côtés…
-Harry.
La voix de son bras droit le sortit de son rêve éveillé. Il leva les yeux vers elle et esquissa un sourire désabusé.
-Je sais ce que tu en penses, Fleur. Mais nous ne pouvons laisser Voldemort se créer un nouvel Horcruxe. Il a pour le moment repoussé la création mais… Il est prêt à tout, Fleur. Il sent la fin. Il a choisi sa baguette, le dernier objet auquel il tienne, son premier lien avec le Monde Magique…
Harry secoua la tête et appuya son front douloureux contre la vitre fraîche.
-Et c'est ce monde auquel il tenait tant qu'il est en train de détruire. Une ironie si cruelle…
La main de la jeune femme vint se poser sur son épaule, puis la deuxième et il lui fallut quelques instants avant de comprendre qu'elle le massait. De temps à autres, lorsqu'elle jugeait qu'il avait besoin de se détendre, elle faisait ceci, comprimant ses muscles toujours douloureux.
-Nous risquons de perdre gros, l'avertit-elle. Tu n'as pas organisé la mission contrairement à d'habitude. Je suis plus qu'inquiète, Harry.
-Le temps joue contre nous, grimaça-t-il alors qu'elle atteignait un nœud particulièrement tenace. Luna est morte… Elle a réchappé de l'incendie du Manoir Malefoy pour mourir parce que j'ai choisi de l'emmener en mission, alors que ni elle ni Astoria ne peuvent transplaner rapidement.
-Être Leader, c'est faire de dur choix qui mènent à des sacrifices. Savoir que ses erreurs nous en incomberont, et uniquement à nous, et qu'elles auront une répercussion plus importante que si nous étions simplement des soldats.
Sa voix claire et impitoyable le rassurait et il écoutait ses leçons et ses réflexions en gémissant sous ses doigts cruels sur sa peau décharnée. Il tenta de se détendre.
-Pénélope dit que Susan veut revenir. Elle n'en peut plus d'être enfermée à la Rivière et j'aimerais l'autoriser à nous rejoindre. Le retour dans l'Ordre pourrait l'aider. Il suffirait d'éviter de la toucher, et de s'adapter, comme nous le faisons avec Artemis.
Il comprenait celle qui avait autrefois été sa camarade de classe, il souhaitait qu'elle se rétablisse.
-Tu sais, dit Fleur -et Harry devina qu'elle souriait, tu as beau annihiler tes sentiments, ils font toujours partie de toi. Tu essaies d'aider tout le monde. Pourtant… Tu ne peux pas les sauver tous. Et un jour viendra où tu auras besoin de Bill et moi en même temps sur le terrain.
-Tant que je vivrais, l'un de vous se tiendra en dehors des batailles. Je ne veux pas qu'Hope soit une nouvelle orpheline de guerre.
Les doigts de Fleur malaxaient au plus près de son cou désormais, une zone extrêmement tendue et douloureuse, et Harry ne savait plus si le massage lui faisait du bien ou non.
-Tu es conscient que si l'attaque réussit, la fin de la guerre sera plus proche que jamais. Es-tu certain d'être prêt Harry ?
La question pouvait sembler stupide. Loin de là, elle ramenait des interrogations et des problématiques auxquelles il avait déjà pensées. Dont l'après guerre. Dont les paroles de Lucius.
-Je le serais, soupira-t-il en se retournant. Je le suis toujours. Merci, Fleur. Tu devrais aller dormir.
-Je suis plus utile ici.
Elle demeura à ses côtés alors qu'il continuait à déambuler dans les ruines du château.
Il ignorait s'il pouvait être prêt. Les pertes qu'il avait encaissées…
Cette nuit dans les corridors de Poudlard, Harry prit sa décision.
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Une fine pluie s'abattait sur les forces de la Lumière, qui avançaient sans s'en préoccuper, leurs baguettes tendues devant eux, délusionnés pour déconcerter leurs adversaires. Il avait été décidé qu'ils transplaneraient directement à Stonehenge mais pour le moment, ils devaient franchir les protections renforcées de Poudlard.
Artemis avait dû insister pour faire partie du détachement. Il savait que, sa magie aiderait à trouver les faiblesses et surtout, les entrées et emplacements du repaire de Voldemort –du Sanctuaire, ainsi qu'il était communément nommé par l'Ombre-.
Il cheminait aux côtés du Survivant, quelques pas derrière les autres. Harry avait le visage fermé et les traits tirés, et malgré tous ses efforts, il émanait de lui une telle détresse que le jeune Black devait prendre sur lui pour ne pas se laisser perturber. Ils tiraient tous deux sur leurs dernières réserves, magiques comme psychologiques, en attendant la fin de la guerre, puisqu'ils ne pouvaient faire autrement que de tenir et d'attendre pour s'effondrer.
Leurs épaules se frôlaient alors qu'ils approchaient de la lisière de la Forêt Interdite, à moitié dévastée par les dragons et les combats. Artemis suivait le cours des pensées du Meneur de la Lumière plus que de n'importe qui d'autre, car son esprit qu'il connaissait si bien l'apaisait. Il savait presque toujours ce qui se passait en son ami et ce qui causait les effets.
-Tu as l'intention de te suicider lorsque la Guerre sera terminée, déclara-t-il.
Il n'avait pas parlé suffisamment fort pour que d'autres l'entendent et pourtant ils se raidirent tous deux. La pensée de perdre Harry, qui était le plus proche pour lui d'une famille, le glaçait. Pourtant, il ne pouvait pas lui en vouloir. Il tenta de le lui faire savoir par un sourire, ignorant s'il était parvenu à communiquer ses émotions et pensées, comme depuis toujours. Le jeune homme s'immobilisa.
-Je n'ai plus rien, Artemis, murmura-t-il. Juste toi et Hermione. Tu peux désormais vivre sans t'encombrer de t'occuper de moi, et j'ignore si elle choisira de se réveiller.
-Tu ne m'encombres pas.
Harry secoua la tête et désigna les ruines qui les entouraient de la main.
-Lucius a raison : il n'y a pas d'après guerre. Tout ce monde pour lequel je me battais est anéanti depuis bien longtemps, et j'aurais accompli mon devoir en empêchant Voldemort de s'emparer de la Terre. Mais le Monde des Sorciers anglais… Il n'existe plus.
Il passa une main sur sa joue pour chasser les gouttes de pluie sans doute mêlées aux larmes. Artemis sentit un bouillonnement dans son estomac, et une impulsion qui lui hurlait de prendre Harry dans ses bras.
Une terreur sans nom.
Un carnet rose. Une voix féminine sadique et criarde.
-Viens, nous devons les rejoindre.
Artemis ferma les yeux. Il se concentra sur tout ce qu'il connaissait de la magie, sur les expériences des Elé, sur toute le magie qui tournoyait en lui et dans son sang sans qu'il puisse trouver un exutoire. Sur sa puissance incontrôlée, mal maîtrisée.
-Artemis.
La voix d'Harry avait les intonations pour le rattacher à la réalité mais c'était inutile : il avait conscience de tout ce qui l'entourait, jusqu'aux quelques pépiements d'oiseaux réchappés de l'horreur. Son nom résonna une nouvelle fois et il se résigna à ouvrir les yeux.
-Le monde des sorciers n'existe plus pour personne, déclara-t-il de sa voix monocorde. Voldemort sait maintenant que nous recherchons Nagini et il a connu l'apogée en 1997. Tu ne crois plus en l'espoir et nul ne pourra jamais se remettre du deuil et de ce qu'il aura vu.
Il se laissa emporter dans son esprit brûlant, vérifiant de nouveau ses réserves.
-Je peux changer cela. Je peux nous ramener là où l'espoir est encore possible.
Les paroles du Survivant avaient rouvert ses blessures mal cicatrisées et il sentait déjà la crise le rattraper, mais il avait la ferme intention de la mener au bout.
-Artemis… l'avertit Harry, mais sa voix était lointaine. Artemis, ils nous attendent.
-Je peux nous ramener là où l'espoir est encore possible.
-Où ? Avant le Tournoi des Trois Sorciers ?
La voix était incrédule.
-Lors de la première guerre. Nous pouvons les sauver. Tous.
Il revint à lui et fixa Harry, accroché à la réalité. Les contours lui paraissaient bien trop nets. Il sentit l'espoir puis le déni le frapper de plein fouet.
Puis, de nouveau, l'espoir.
L'expression de son ami était indéchiffrable, mais il se concentra sur son ressenti et sur la masse qui bouillonnait en lui. Il la ferait exploser s'il le fallait.
-Ils nous attendent… Artemis, si tu crois que l'espoir est possible de ce côté-là, ainsi soit il. Nous essaierons…
-Maintenant, le coupa-t-il. Inutile de perdre des vies que tu pleureras pour rien. Viens.
Il courut vers le lac, la source d'eau qui l'avait toujours apaisé, l'endroit où ils mettraient du temps à les retrouver s'ils s'inquiétaient de ne pas les voir venir. Ils ne devaient pas encore avoir atteint la limite des protections.
Son pouls augmenta de façon inquiétante et il commença à transpirer mais il maintint la distance. Il s'effondra sur les rives lorsque ses jambes ne purent plus le soutenir.
-Harry…
Incrédulité. Espoir. Déni. Barrières. Bouclier. Angoisse. Tristesse. Souffrance.
Il devait le faire.
-Ecoute moi bien : ce Voyage n'a aucun rapport avec ton expérience sur les Retourneurs de Temps. Tu pourras te voir toi-même, tu n'as pas de limites de temps. Mais il sera dangereux et surtout, irréversible. Si nous partons, nous construirons notre vie dans le passé. Tu pourras peut-être sortir avec Ginny, mais ce sera Harry Potter, ta version future alternée. Toi, tu devras te regarder grandir, tout en ayant une autre vie à côté. Ta vie.
Les connaissances emmagasinées au fil du temps se liaient à sa magie pour lui donner des certitudes. Il connaissait ses mécanismes de fonctionnement. Il vivait avec depuis sa naissance. Depuis probablement avant sa naissance.
-Le rituel…
Des bougies. Du sang. Une mixture, des cris, des ricanements.
-Le rituel nous maintiendra en place telle que nous sommes. Le futur se construira en fonction de nos actions là bas. Mais… Nous ne pourrons pas tout faire. La réalité sera instable jusqu'au 16 Juillet 2003. A cette date, Harry Potter et Artemis Black devront refaire le rituel pour sceller la présente réalité. S'ils devaient mourir, où s'il n'avait pas lieu…
Il se trouva à court de mot, incapable d'imaginer ce qui se produirait alors. Il savait seulement une chose : la magie devait être maîtrisée et stabilisée. Deux rituels reflets pourraient y parvenir, mais sans cela… La terreur présente au creux de ses entrailles vint le décontenancer, vicieuse et impitoyable.
-Artemis, si tu viens, tu ne pourras plus voir Neil. Contrairement à Ginny, il est vivant… Il se remet peu à peu.
La brisure dans la voix de Harry le tourmentait mais il demeura immobile, concentré sur sa magie.
-Je ne sacrifierai pas le monde pour une personne, répliqua-t-il, d'autant plus une personne qui vivras et sera heureuse si je nous fait Voyager. Je n'ai pas d'autre choix que de venir avec toi. Harry, tu as compris ?
Il devait avoir sa confirmation, être sûr qu'il avait son accord, que ses avertissements étaient pris au sérieux.
-Oui.
Artemis tendit la main pour attraper une dague. Quelques cris et bruits de pas terrifiés commençaient à retentir. Il ouvrit son bras, ouvrit celui de Harry et les colla ensemble.
-Quand ma Magie sera insupportable pour toi, j'ai besoin que tu transplane. A Poudlard, le 16 Juillet 1976. Je me charge de la partie temporelle, mais j'ai besoin du déplacement.
Le liquide commençait à les brûler tous deux. Les appels retentissaient depuis même le château. S'ils étaient interrompus, ils n'y parviendraient pas.
Le carnet rose et ses annotations.
Regulus, ses explications.
Un garçon aux yeux verts et aux cheveux noirs de qui émanait une profonde colère, une frustration intense…
Voldemort. « Lily, c'est lui ! Cours, je vais le retenir ».
« Artemis… Artemis, je suis là. Pardonne moi, Artemis. »
La bataille au Manoir Malefoy.
La tourmente de Harry, son désir d'en finir…
La Magie bouillait en lui, à un seuil de souffrance si intense qu'il aurait préféré être soumis au Doloris que de continuer à s'infliger cette torture lui-même.
L'air chauffait autour de lui. Le bras nu d'Harry contre le sien lui arrachait vif la peau, les muscles et les os.
Son sang fluctuait entre lave liquide et rivière sur le point de geler. Et…
Sirius qui riait en sa compagnie.
L'atamé qui prélevait son sang.
Altaïr, le corps brûlé, les yeux vides.
Abelforth brisé, n'ayant plus que la peau sur les os, gémissant.
Des morceaux de corps qui tombaient sur les blessés et ceux qui continuaient de combattre malgré tout.
Le corps de Ron, les hurlements déchirants d'Hermione et Harry, bouleversé, lui demandant de le laisser.
Et… Explosion. Violente, soudaine, douloureuse et meurtrière.
Les expériences. Les journaux. Les journaux. Année 1976.
Pas de révolte gobeline. Un incident à Gringotts. La marque des ténèbres commençant à apparaître dans le ciel. Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom, titre la Gazette.
16 Juillet 1976.
Nausée. Extraction des poumons. Globes oculaires dans lesquels on verse de l'acide. Ou simplement la magie à son œuvre.
Violent heurt contre le sol.
L'air est toujours chaud.
Apaisement. La souffrance disparaît, mais pas les courbatures ni ses traces. Epuisement musculaire et psychologique.
L'herbe est verte… Il ne pleut plus.
Artemis papillonna des yeux. La migraine cognait à ses tempes mais le supplice enduré quelques secondes auparavant s'était évaporé peu après qu'il soit violemment tombé sur le sol.
L'hébétude et l'apathie qui suivaient toujours les crises l'empêchaient de se mouvoir correctement, mais il parvint à s'asseoir et n'eut pas même besoin de recourir aux dates ou aux faits. Les brumes se dissipaient peu à peu.
Et devant lui se tenait Poudlard, plus majestueux qu'il ne l'avait jamais vu.
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Le calme était impressionnant. L'atmosphère semblait changée, et Harry se releva pour vérifier que tout allait bien. La verdure de l'herbe et la forêt redevenue telle qu'il la connaissait jadis lui confirma qu'Artemis avait réussi à les transporter dans le passé. Son esprit peinait à assimiler ce fait. Quelques minutes plus tôt, il se tenait prêt à mourir et à perdre encore tous ceux qui lui étaient chers et à présent, ils n'étaient pour la plupart pas même nés.
La nausée le prit et il tituba. Il se retourna pour chercher son ami et se prit de plein fouet la vision du château, debout, magnifique, havre de paix. Son cœur manqua un battement puis lui donna la sensation d'imploser dans sa poitrine.
-Artemis.
Sa voix, bien que rauque, le rassura. Il ne parvenait pas à se faire à l'idée. Le garçon se retourna et ses yeux bleutés le scrutèrent, pourtant brillants. Il paraissait aller très bien.
-Nous les sauverons, promit maladroitement son ami.
Harry resta silencieux, concentré sur son bras qui lui paraissait chauffé à blanc, encore dégoulinant de sang.
-Harry ? s'enquit Artemis avec inquiétude. Harry, tu semblais le vouloir… Je t'avais prévenu…
Il devait se ressaisir. Il avait tout laissé derrière lui sur un coup de tête, en parfait Gryffondor. Mais en un sens… il n'avait rien laissé derrière lui, uniquement les morts et un pays en ruine.
-Nous devrons tout recommencer, n'est-ce pas ? Les Horcruxes détruits ne le sont plus.
-Nous avons vingt-huit ans d'avance, et des connaissances dont nous sommes les seuls à disposer.
A l'idée de repartir à la chasse aux Horcruxes, Harry sentit le poids de l'abattement tomber sur ses épaules. Artemis vint soudain poser une main hésitante sur son bras, et le contact l'arracha à ses pensées morbides. S'il effrayait son ami… les yeux de l'enfant qu'il avait vu grandir, qu'il avait participé à éduquer, étaient remplis d'une sollicitude habituelle.
-Tous ceux que tu as perdus sont vivants.
Là d'où ils venaient, le Royaume Uni n'était plus qu'une terre de désolation. Ils pouvaient sauver des milliers de vies, et seul ceci importait. Harry reposa ses prunelles émeraudes sur Poudlard et s'en trouva soudain ressourcé.
Une énergie infinie sembla parcourir ses veines, et le soleil lui parut plus vivace qu'à l'accoutumée. Ils étaient en 1976, ses parents étaient vivants, Sirius, Regulus, également, Hermione et Ron n'étaient pas encore nés mais il pourrait leur épargner la souffrance d'un monde en ruine. Pour la première fois depuis longtemps, Harry sentit une boule de chaleur partir de son cœur pour se répandre dans son estomac puis dans le reste de son corps, et ses lèvres s'étirèrent en un sourire incontrôlé. Pour la première fois depuis une éternité, il ressentait l'espoir.
Il tourna la tête vers Artemis, qui avait déjà expérimenté le phénomène mais se détendit immédiatement en repérant le changement. Harry se tança mentalement de ses pensées précédentes : il avait accepté une autre vie pour changer celle des autres. Parce qu'il pouvait le faire.
-La prophétie ? s'enquit-il.
-Elle est toujours d'actualité, répondit Artemis. Tu devras vaincre Voldemort, bien plus tôt certes, mais tu devras le faire… Mais… Harry… Tu ne dois pas empêcher la prophétie. Tu devras laisser Voldemort venir à Godric's Hollow le 31 octobre 1981. Nous sauverons James et Lily, mais tu dois le laisser te marquer, sans quoi…
Harry éprouva l'envie de se révolter mais se calma aussitôt. Il n'était plus un adolescent, et ils disposaient de plus de cinq ans pour trouver une solution.
-Nous devrions décider de quoi faire, à présent, commenta-t-il.
Artemis s'assit sur la rive du lac, les pieds dans l'eau, et il l'imita. L'eau fraîche sur leurs pieds ensanglantés et poussiéreux procurait une sensation étrange sans être désagréable. De longues minutes durant, ils restèrent silencieux et savourèrent le calme et l'absence de danger et de cadavres.
Paisible. Un mot qui n'avait plus traversé leurs esprits depuis trop longtemps déjà. Le corps d'Harry s'engourdissait sous l'effet de la fatigue et de la détente mais il lutta farouchement. La brûlure, là où Artemis avait mêlé leurs sangs et provoqué le voyage temporel, s'estompait doucement et il prit conscience qu'il n'avait plus mal à la tête. Sa cicatrice était redevenue aussi inoffensive qu'avant la brusque montée au pouvoir de Voldemort. Il devina qu'il continuerait de faire des cauchemars, mais il avait oublié comment vivre sans cette souffrance continuelle et son esprit lui sembla soudain plus clair. Le répit était le bienvenu.
-Il nous faudra intégrer l'Ordre du Phénix, déclara Harry.
S'allier aux forces déjà existantes était une nécessité. Il eut un choc en comprenant qu'il ne serait désormais plus en charge ni en posture de donner des ordres. S'il accueillait la décharge de responsabilité avec reconnaissance, il savait qu'il aurait du mal à se montrer docile, d'autant plus avec une connaissance de l'avenir.
-Nous avons besoin de noms et d'identités, répondit Artemis. D'une solide histoire personnelle qui masquera notre ancienne identité.
Ayant déjà vécu une expérience similaire en se présentant aux 12 Square Grimmaud en compagnie de son père, il connaissait les meilleures procédures, et Harry offrit de le laisser faire.
-Ce seront nos identités. Nous les garderons jusqu'à la fin de notre vie. Tu ne pourras jamais reprendre le nom d'Harry Potter, et il ne faut pas que James et Lily te connaissent sous le nom de Harry. Il pourrait altérer leur perception. Et je refuse de garder le nom d'Artemis. Je ne désire pas que Papa nomme son fils avec l'image de celui que je suis en tête.
Il vint à l'esprit du Survivant que son ami avait déjà songé aux modalités d'un retour dans le passé, et probablement planifié ce genre de choses. Artemis aimait les choses cadrées et pouvoir maîtriser son environnement. Une vague d'affection le submergea.
-Harry… Je vais te nommer et tu me nommeras, car les noms sont puissances et donnés par nos parents, notre famille. Il ne nous appartient pas de les choisir.
Un long silence de réflexion s'ensuivit, et Harry peinait à suivre toutes les informations qui lui tombait dessus, tout en se doutant que d'autres viendraient. Il regarda le garçon et les mots de Fleur lui revinrent. « Il t'aime comme un grand frère. ». Regulus avait terminé de l'éduquer ils avaient passé les huit dernières années ensemble, et la loyauté qu'ils se portaient paraissait inébranlable.
-Tu es comme ma famille, murmura-t-il. Ici, je désirerais que tu sois mon neveu. Nous n'aurons pas le même nom car il serait préférable d'éviter d'attirer une attention accrue…
Artemis le regarda, indéchiffrable mais il tremblait d'émotion.
-Tu seras Lydell Moulin, répondit-il sur le même ton. Le leader de la Résistance.
Harry comprit immédiatement d'où venait son nom. Lydell serait très certainement abrégé en Lyd, et Artemis venait de le nommer à la hauteur de Jean Moulin, qu'il admirait. Une boule se forma dans sa gorge.
-Je te nomme Asellus Nere, mon neveu…
Une des étoiles du Bouvier, dont était également issu Arcturus, et le noir italien de Black. Artemis frémit à ses côtés, et serra sa main dans la sienne. Glacées toutes deux, elles trouvèrent du réconfort et l'espoir d'un nouvel avenir.
-Tu devras être Professeur de Défense Contre les Forces du Mal, mais uniquement cette année, nous devrons le préciser, sans quoi la malédiction de Voldemort… L'année suivante, nous trouverons une suggestion de matière à rajouter à l'emploi du temps. Être à Poudlard te permettra d'être proche de ceux que nous devrons protéger. Mais… Nous ne pourrons pas le faire tout de suite. Si tu annulais ma naissance… Le monde sombrerait, Harry, car je ne pourrais pas accomplir le rituel. Si nous devons préserver deux vies, que ce soit nos futures versions.
De nombreuses choses allaient devoir être précisées, durant les prochaines années, et Artemis poserait sans doute d'autres bases durant les prochains jours, dont certaines pressenties par Harry comme déplaisantes.
Ils ne pourraient tous les sauver. Il avait apprises de nombreuses leçons au cours de ses années de guerre et il en était parfaitement conscient.
Ils provoqueraient des naissances. Ils en annuleraient d'autres. Hope... Elle naîtrait probablement, mais si Fleur tombait enceinte à un autre moment, ce ne serait pas Hope. Et Cedric, Padma, tous ces enfants nés de viols ne seraient jamais.
Ils devraient accomplir des sacrifices.
Et jamais ils n'oublieraient ce qu'ils avaient vécu.
Ils étaient tous deux brisés par la guerre. Harry décidait d'encaisser la guerre seul, de ne pouvoir partager son fardeau qu'avec Artemis pour que les autres puissent vivre heureux. Ils accomplissaient volontiers le sacrifice, pour protéger ceux qu'ils aimaient.
Ils se levèrent deux heures plus tard, déterminés et avec de solides alibis et arguments, pour se rendre dans Poudlard et demander à voir le professeur Dumbledore.
La porte du château n'était pas scellée. Il leur fut aisé d'entrer. Ils tombèrent sur un fantôme au détour du deuxième étage. Il s'agissait du Moine Gras de Poufsouffle, qui les accueillit avec un sourire aimable mais une posture un tant soit peu méfiante.
-Puis-je vous aider ?
-Nous cherchons le professeur Dumbledore, répondit Harry avec autant de courtoisie qu'il en avait appris de Regulus. Nous avons entendu grand bien de lui et désirerions acquérir sa protection. Nous venons de lieux… troublés.
-Je puis vous mener à son bureau, puis aller l'avertir, offrit le Moine avec un sourire, ayant visiblement décidé qu'ils étaient inoffensifs.
Les mots utilisés par Harry étaient presque identiques à ceux qu'Arcturus Blanc prononcerait quelques années plus tard. Ils suivirent le fantôme dans les couloirs de Poudlard, le souffle coupé par la beauté disparue de l'endroit, qu'ils avaient fini par oublier. Les tableaux les suivaient avec curiosité, les portes s'ouvraient sur leur passage, la lumière filtrait par les fenêtres et les vitraux intacts. Le Moine s'arrêta devant la gargouille qui avait été si familière au Survivant autrefois.
-Je vous prie de patienter ici.
Il monta sans difficulté et traversa tout naturellement les murs. Harry et Artemis se tenaient épaule contre épaule, muets d'appréhension et d'espoir. La gargouille pivota quelques instants plus tard, les invitant à entrer.
Les marches parurent plus longues qu'à l'accoutumée. Harry avait grandement admiré Albus Dumbledore de son vivant, mais s'il continuait de le respecter, les années après sa mort et la réalisation de ce que Dumbledore avait su (mais gardé secret) l'avait conduit à reconsidérer son point de vue sur le directeur. Il redoutait autant qu'il avait hâte de retrouver ce grand homme aux yeux perçant et aux pensées tourbillonnantes. Désormais il n'était plus un enfant.
Le bureau était intact. La pensine trônait sur un meuble, signe que l'homme s'en était servi récemment, et de nombreux placards étaient ouverts. Quelques livres s'étalaient sur le bureau, ouverts ou empilés. Et les portraits les fixaient avec une curiosité non dissimulée et une certaine émotion sur laquelle il ne parvenait pas à mettre de nom. Au centre de la pièce ronde se tenait l'un des plus grands sorciers du XXème siècle, méfiant, et pourtant d'apparence aimable. Fumseck, qu'Harry n'avait pas revu depuis des années, venait d'éclore. Les yeux d'Artemis étincelèrent lorsqu'ils se posèrent sur le phénix, lui rappelant une nouvelle fois l'enfant curieux qu'il avait connu.
-Bienvenue à Poudlard, messieurs. Asseyez vous, je vous prie. Désirez vous boire quelque chose ?
Le ton trivial employé pour une question de nourriture était désarçonnant, et Harry refusa aussitôt, par habitude. Les rations étaient si petites…
-Que puis-je pour vous ?
Les yeux bleus de l'homme passaient de l'un à l'autre, inquisiteurs, quelque peu inquiets.
-Je me nomme Lydell Moulin, et suis en compagnie de mon neveu Asellus Nere, déclara Harry. Votre nom n'est pas inconnu dans le monde des sorciers, et nous désirerions solliciter votre… attention et votre protection.
Paraître vulnérables aurait été une trop longue stratégie, et ils avaient pris la décision d'être directs.
-Je vous écoute.
Harry nota que la main de l'homme n'était pas loin de sa baguette. Il apprécia sa prudence. Ils auraient pu être des espions ou des Mangemorts.
-Nous venons d'un département d'outremer que la guerre a dévasté. Nous en sommes partis, probablement à temps. Je sais que le Royaume-Uni traverse des temps troublés par un Mage Noir en pleine ascension. Je requiers votre aide pour nous installer, et votre permission de demeurer près des vôtres. En échange, je mets mes connaissances à profit pour combattre Lord Voldemort et protéger le monde des sorciers britanniques.
-Et si ce monde sombrait ? Prendriez vous de nouveau la fuite ?
La légère trace de mépris dans la voix de Dumbledore troubla Harry.
-J'ai perdu tous ceux que j'aimais, siffla-t-il d'une voix étranglée. Par « à temps » j'entends « avant que les cinquante derniers humains restants soient exterminés ». Il n'existait aucune possibilité de sauver mon peuple. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour que ce désastre ne se reproduise jamais.
Il vit Artemis commencer à osciller, sentant sa colère naissante, et s'efforça de remettre ses barrières émotionnelles, mais les deux heures de détentes passées rendaient l'exploit difficile.
-Une pureté du sang est ce qui a détruit mon monde, Professeur Dumbledore. Je méprises l'intolérance et la pensée d'inégalité entre les humains. J'étais le meneur d'une guerre don tous ont péri, et j'ai mené maintes batailles. Je puis vous être utile, et protéger le Royaume-Uni.
Dumbledore le sonda longuement. Artemis se leva, et remonta la manche de son haut déchiré.
-Nous ne sommes pas des Mangemorts. Lydell peut vous être utile pour apprendre aux générations à se défendre. Nous serons d'excellentes recrues pour l'Ordre du Phénix.
Harry se sentit pâlir brusquement. Ils n'étaient pas sensés connaître l'existence de l'Ordre, en tant qu'étrangers. Dumbledore saisit aussitôt sa baguette et se leva, son arme pointée sur le garçon. Le jeune homme se posta à ses côtés.
-Qui êtes vous ? demanda le directeur d'une voix grave et menaçante.
-Lydell Moulin et Asellus…
-Asellus, l'interrompit Harry. L'Ordre…
-Professeur, vous ne cessez de penser à l'Ordre du Phénix, ajouta-t-il de sa voix monocorde. Les lieux me sont flous car ils doivent être sous Fidelitas, mais vous n'êtes pas si nombreux et auriez besoin de nous.
Dumbledore s'avança un peu plus et Harry sentit son cœur s'accélérer alors que les yeux d'Artemis se faisaient vitreux.
-Attendez, s'il vous plaît, monsieur. Asellus est porteur de pouvoirs mentaux qui dépassent l'entendement. Il est autiste, et son autisme est lié à sa magie, de sorte qu'il ne parvient pas toujours à la maîtriser, bien qu'il ait accompli d'énormes progrès en grandissant.
Ses paroles feraient écho à Ariana dans l'esprit du vieil homme, il le savait. Quelques secondes plus tard, Dumbledore baissa sa baguette.
-A quel point est-il puissant ?
-Je ne vais pas vous le révéler. Il n'est pas une arme et je refuse qu'il puisse être utilisé comme tel. Sachez simplement qu'il capte vos pensées si elles sont particulièrement puissantes et qu'il a accès à vos souvenirs par le contact.
Un silence pesant s'installa, et bien qu'Harry devine que son ami –et désormais neveu- avait agi de la sorte pour faire accélérer le processus de confiance, il se sentait profondément mal à l'aise.
-Seriez vous prêt à me jurer sous serment inviolable que vous n'êtes pas un Mangemort ni ne soutenez Lord Voldemort ?
-Oui.
Un léger sourire naquit sur les lèvres du directeur.
-Voici une réponse franche et immédiate. Je méprises ces serments, qui peuvent s'avérer dangereux, et je ne vous y soumettrais pas. En revanche, j'ai de nombreuses questions.
Ils restèrent longtemps à parler dans le bureau du directeur, évoquant l'Ordre et sa façon de fonctionner, la guerre et les combats que Lydell avait vécu, et le besoin de protection pour Asellus. Une fois sa méfiance dissipée, Dumbledore se montra aisément enclin à lui faire confiance, fidèle à sa réputation d'homme bon laissant sa chance à tout le monde. Harry appréciait réellement cet aspect, et sa reconnaissance ne fut pas feinte. Deux étrangers déboulant dans un bureau après être entrés dans une école normalement fermée avait de quoi éveiller les instincts défensifs, et les connaissances et zones floues dans leurs histoires auraient pu les mener jusqu'au ministère de la Magie.
-Je vous mènerai au Quartier Général de l'Ordre demain, l'informa Dumbledore. Vous avez ma confiance, mais je vous préviens qu'elle est pour le moment précaire, bien que tout chez vous me prouve vos dires.
-Je vous remercie, soupira-t-il chaleureusement.
La joute verbale l'avait épuisé, la journée était commencée depuis bien longtemps et ils s'étaient préparés à partir en bataille. Luna et Astoria avaient péri deux jours plus tôt. La tête lui tournait, et il se sentait vide.
-Je vais demander aux elfes de maisons de vous apporter un repas, et vous loger dans les appartements du Professeur McGonagall. Elle est la sous-directrice de cet établissement, je pense qu'elle ne m'en voudra pas. Elle possède une salle de bain individuelle mais le château recèle également une magnifique salle de bain des préfets qui produit d'intéressants effets avec ses lavabos… Vous aimeriez peut-être cette découverte.
Il adressa un clin d'œil à Artemis. Harry avait déjà profité de la salle de bain lors de sa quatrième année et il se souvenait de ses impressions.
-De l'eau chaude ? demanda le garçon.
Son nouvel oncle nota la surprise fugace dans les yeux du directeur, qui se transforma ensuite en compassion.
-De l'eau chaude, en effet, avec des bulles et de la musique si vous tournez la bonne poignée. Je vais vous y conduire. Je puis également vous trouver des robes de sorciers.
-Ce serait avec plaisir, répondit Harry.
Il réalisa qu'ils devraient se procurer de nouveaux vêtements… Les gallions, les mornilles et les noises avaient presque disparues, raflées par les Opportunistes neutres et les Mangemorts.
-Je crains de devoir rapidement trouver un travail… Nous n'avons pas la moindre possession hormis nos baguettes.
Un éclat luit dans les yeux de Dumbledore, qui demeura néanmoins silencieux, et leur fit signe de le suivre.
Ce fut avec plaisir qu'ils retrouvèrent les couloirs de Poudlard. La salle de bain était telle que dans son souvenir, mais la sirène des vitraux était réveillée et elle s'admira, cherchant à se faire remarquer d'eux. Ils se déshabillèrent et plongèrent dans les bulles avec délectation. Ils n'avaient pu se laver ainsi depuis des semaines, et l'eau chaude était devenue pour eux une notion abstraite. Harry laissa son corps s'engourdir et se délasser. L'eau devint rapidement noire. Il sentit ses paupières devenir lourdes puis s'aperçut qu'Artemis s'était endormi à ses côtés. Avec un sourire, il l'appela doucement, déterminé à éviter une attaque.
-Tu seras mieux dans un lit, plaisanta-t-il.
Le garçon esquissa un léger sourire, savourant les sensations procurées par la chaleur. Harry marqua un temps d'arrêt dans le miroir en pied, s'observant pour la première fois depuis longtemps.
Ses cheveux avaient poussé jusqu'à la taille sans qu'il prenne le temps de les couper. Il les tenait simplement attachés avec un élastique de plus en plus lâche. Une barbe de trois jours qu'il se promit de raser couvrait son visage émacié. Une balafre blanche courait de sa tempe droite au bas de son menton, et une éraflure rouge lui barrait le visage, n'étant pas encore guérie Son torse était le plus marqué, par une cicatrice datant de la fois où il avait du être ouvert pour extraire un diffuseur de poison planté entre ses côtes saillantes. Son dos gardait des traces de fouets, et quelques sectumsempra avait marqué divers endroits de son corps. Ses muscles étaient à peine visibles sur la peau pâle qui s'étirait sur ses os à en dessiner parfaitement les hideux contours était ornée de nombreux bleus.
Le corps d'Artemis n'était guère mieux. Ses cheveux blancs, coupés plus régulièrement, tombaient sur son visage et sur sa nuque mais étaient aussi emmêlés que les siens. Son corps gardait un « Monstre » gravé sur le bras, et des traces de fouets identiques aux siennes. Il avait enduré moins de dommages physiques et moins de combats, mais leurs deux paires d'yeux étaient semblables en tout points. Seule différait la couleur.
Deux prunelles hantées par la mort et l'horreur. Deux prunelles trop âgées pour leur âge, et qui en avaient déjà trop vu.
Harry sentit stupidement les larmes lui monter aux yeux lorsque les elfes déposèrent devant eux deux bols d'une soupe à la tomate chaude, un morceau de pain et un verre de jus de citrouille, ainsi qu'une part de pudding. Il fut néanmoins incapable d'en manger la moitié, son estomac s'étant habitué à la famine.
Son ami et lui demeuraient silencieux, mais communiquaient par les regards, s'assurant de la présence de l'autre et ayant du mal à admettre que ce qu'ils vivaient à présent était réel.
Le lendemain, réalisa Harry, ils reverraient des personnes mortes ou blessées depuis des années, et il leur faudrait faire la part des choses. De dures épreuves s'annonçaient encore.
Mais si cela pouvait les sauver, alors elles valaient le coup d'être mille fois vécues.
