Bonjour à tout-e-s !
Je crois que ce chapitre est le plus long posté jusqu'ici... Enfin, tous ses développements sont nécessaires !
Nous nous retrouverons la prochaine fois à la rentrée de 1976, mais je pense que le chapitre Lien de 1997 ne devrait pas tarder à suivre.
"Ce que nous avions vécu, personne ne voulait le savoir"
- Simone Veil
Eté 1976
Le monde des sorciers britanniques connaissait une ère sombre après le répit qui avait suivi la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Si l'ascension de celui qui se faisait appeler Lord Voldemort s'était majoritairement faite dans l'ombre, nul ne pouvait plus ignorer que les années à venir s'annonçaient difficiles. Une tempête planait sur le monde des sorciers depuis quelques années déjà, mais il apparaissait qu'elle frapperait plus tôt que ce que ni Remus, ni ses camarades de classe, n'avaient envisagé.
Les signes avant coureurs étaient survenus quatre semaines auparavant, alors que son père mentionnait dans une lettre que certains changements surviendraient dans l'été. Lorsqu'il était rentré chez lui après avoir passé ses BUSEs, l'adolescent avait compris, et ce n'était ni rassurant, ni sans réelle importance. En deux semaines, la demeure des Lupins était devenue le lieu de rendez-vous dont il n'avait pas le loisir de connaître les détails.
La trop sérieuse conversation qu'il avait eue avec son père dès son retour l'avait alarmé. Selon Lyall, quelques personnes au ministère commençait à parler d'une pureté du sang, du vol de magie des nés moldus et de la persécution des moldus exercée sur les sorciers, sous termes couverts mais de façon d'autant plus inquiétante qu'elle n'était pas si mal reçue, et l'homme s'en était ouvert à Dumbledore. En effet, le directeur avait plusieurs fois laissé entendre que la situation préoccupante risquait d'empirer. Après moult discussions, Lyall avait évoqué sa femme moldue et sa crainte de voir Remus persécuté ou dévoilé comme loup-garou au grand jour, car Greyback frayait avec un dénommé Lord Voldemort.
C'était également ce jour là que Remus avait appris la vérité sur la morsure qui lui avait coûté son enfance et la plupart de ses espoirs. Il n'avait pas été mordu par un loup-garou qui ne pouvait se contrôler, mais par Fenrir Greyback, qui se vengeait consciemment de Lyall Lupin.
Poudlard avait été un havre de paix et les élèves étudiaient entre ses murs, insouciants la plupart du temps, quoi que légèrement inquiets alors que la rubrique nécrologique augmentait, et que les journaux faisaient état de Lord Voldemort et de la doctrine qu'il proposait. Remus avait été brutalement arraché à son adolescence pour comprendre que d'importants enjeux prenaient acte et que leur vie subirait bientôt un chamboulement qu'ils ne pouvaient prévenir.
Lyall lui avait formellement interdit de divulguer, même à ses amis les plus proches, la présence d'autres personnes et l'organisation de réunions dans l'enceinte de leur demeure, nouvellement soumise au Fidelitas. Il avait obtenu le droit d'en connaître le nom –L'Ordre du Phénix-, rapidement analysé qu'il s'agissait d'une organisation secrète destinée à combattre Lord Voldemort, et qu'il ne pouvait se joindre à eux tant qu'il était mineur et finissait ses études.
En conséquence de quoi, il passait ses vacances à répondre mollement aux lettres enjouées de ses amis, le poids de la connaissance pesant lourdement sur ses épaules, à lire ses livres de classe, à attendre le résultat de ses examens et surtout, à supporter une nouvelle fois la cruauté de la solitude.
Il ressassait ses idées noires en contemplant un énième article sur la disparition d'un notable du ministère lorsque son père le pria de descendre. Rejetant la Gazette sur son lit, l'adolescent obtempéra en tentant de composer un visage moins morne. Sa mère participait aux réunions et continuait à lui accorder une attention importante, mais elle travaillait, et son père lui semblait sans cesse occupé. Il éprouvait la terrible impression de revenir aux mois d'après sa morsure, lorsque, torturé par la culpabilité, Lyall s'enfermait dans son travail au ministère.
Arrivé dans le Hall, il se stoppa net. Au lieu des habituelles figures connues –Dumbledore lui-même, le professeur McGonagall (ce qui s'était avéré légèrement embarrassant), leur ancienne préfète Marlene McKinnon,…-, se trouvaient devant lui silhouettes inconnues à l'odeur étrange. Le directeur se tenait à quelques pas d'eux, discutant avec son père.
-Remus je te présente Lydell Moulin et son neveu, Asellus. Ils sont des réfugiés sous la protection de Dumbledore, et vivrons avec nous à partir de maintenant.
Remus en resta muet de stupeur. Le ton de son père était froid et sans appel. Il sentit son sang se glacer dans ses veines. Jamais encore ils n'avaient accueilli d'inconnus ici depuis sa morsure, ni même d'amis. Peu à peu, ils s'étaient coupés du monde pour protéger son secret.
-Je vais vous laisser à présent, déclara paisiblement Dumbledore. Lydell, si vous avez besoin de quoi que ce soit, vous pouvez me contacter. Nous nous verrons demain à la réunion.
-Je vous remercie, répondit le plus âgé d'une voix distante et sans émotions.
Le loup à l'intérieur de Remus marquait quelques signes d'agitations, accentués par la proximité de la pleine lune, et il considéra les deux nouveaux venus.
-Nous vous logerons dans la chambre d'ami, Lydell. Asellus peut partager la chambre de Remus –je suis navré, cette maison n'est pas très…-.
-Ce sera parfait, je vous remercie, l'interrompit Lydell avec plus de douceur. Néanmoins, je pense qu'Asellus…
-Je peux le supporter, murmura son neveu.
Les poils du loup-garou se hérissèrent devant son manque d'amabilité et sa voix étrange.
-Remus ? appela Lyall, le forçant à s'avancer à la rencontre des deux importuns.
Il sentait une frustration et une colère nouvelle bouillonner dans son ventre. Ses prunelles d'ambres rencontrèrent celles de son père, chaleureuses et l'incitant à la patience, et il inspira profondément, s'efforçant de prendre sur lui. Il ne put néanmoins retenir un hoquet de stupeur et d'horreur en les voyant en pleine lumière.
Leurs visages étaient émaciés et leurs joues déjà maigres creusées de cernes noirs. Les traits du plus âgé étaient durcis par plus de cicatrices qu'il n'en avait jamais vues et ses longs cheveux noirs avaient l'air de ne pas avoir été coupés depuis des années. Le plus jeune fixait le vide, légèrement hagard, ses yeux bleus cherchant à se poser partout sauf sur son père et lui, et ses cheveux immaculés posaient question, même pour un sorcier. Mais surtout, ils étaient malingres : leurs os saillaient sur une peau blanchâtre qui s'étirait avec laideur sur leurs articulations en leur donnant l'air de cadavres ambulants. Leurs yeux paraissaient hantés d'images qu'eux seuls pouvaient voir. Pire que tout, ils se tenaient droits, dans une posture guerrière sans sembler avoir conscience ni de ce fait, ni de leur état de délabrement. Remus comprit soudainement la notion de réfugiés.
-Je peux vous montrer vos chambres, offrit-il. Si vous avez des affaires.
Lydel esquissa un sourire en désignant une malle.
-Je te remercie, mais je vais m'en charger.
Il se tourna vers son neveu, qui se tordait les mains dans un tic nerveux.
-Asellus ? s'enquit-il.
Le garçon secoua la tête, les yeux fixés sur un point invisible, et les sens de Remus lui permirent d'entendre sa respiration saccadée.
-Asellus, crois-tu que tu puisses supporter la présence de l'Ordre ? murmura son oncle.
Le jeune loup-garou tiqua, puis se rappela des paroles de Dumbledore. Lydell serait de toute évidence un membre, à l'instar de Lyall et des autres… Quant à Asellus, il ignorait s'il avait fini sa scolarité, mais malgré ses traits usés, il paraissait relativement jeune.
-Je ne sais pas, souffla enfin le garçon. Lyd', je…
Sa respiration se fit plus vive et plus violente, si bien que même les oreilles humaines de Lyall purent l'entendre. L'homme s'approcha d'Asellus pour poser une main rassurante sur son épaule…
-Ca va aller, mon gr...
-NON ! hurla Lydell.
Les doigts du père de Remus avaient à peine effleuré le garçon, mais celui-ci poussa un hurlement, ses yeux roulèrent dans leurs orbites. Il tomba sur le sol, recroquevillé. Il tremblait de tous ses membres, et père et fils échangèrent un regard déboussolé.
Lydell se laissa tomber aux côtés de son neveu et prononça quelques paroles indistinctes, puis posa prudemment une main sur celle d'Asellus, qui se calma peu à peu.
-Je suis navré, prononça-t-il en se retournant vers Lyall. Il ne faut pas le toucher, sous aucun prétexte. Ce serait dangereux pour vous… et pour lui. Asellus, relève toi. Nous sommes dans la Demeure des Lupins, nous devons nous installer.
Le garçon releva ses prunelles claires vers l'homme et, Remus les entraperçut, des larmes perlant à leurs coins.
-Je t'en prie, ne flanche pas maintenant Ar…sellus. Nous y parviendrons.
Ces mots murmurés n'étaient pas destinées à quelqu'un d'autre que le garçon mais redoublèrent le désarroi du loup-garou.
-Je suis navré, souffla-t-il.
-Tout va bien, Asellus. Viens.
Il l'aida à se relever d'une main aussi douce que ferme, puis se tourna vers Remus.
-Si ta requête tiens toujours, j'apprécierais de découvrir la Demeure, déclara-t-il avec un rictus qui semblait faire office de sourire.
L'adolescent hocha la tête, de plus en plus perturbé, puis prit la direction des escaliers.
La chambre d'amis n'avait pas été utilisée depuis bien longtemps, mais Lyall, en prévenance de l'arrivée des deux réfugiés, l'avait aérée et changé les draps. Les murs couleur lavande et le tapis pelucheux donnaient une atmosphère apaisante à la pièce, et sitôt que Lydel pénétra dans la pièce, il parut se détendre.
-Merci… Remus.
Asellus s'adossa au mur, les yeux fermés et les mains entamant une légère danse étrange le long de ses jambes. Lydell posa son regard sur lui avant de le détourner, et le loup-garou perçut son trouble.
-Je suis heureux de te rencontrer, prononça-t-il enfin, la gorge nouée. Je suis navré si nous t'avons dérangé, et si tu n'avais pas envie qu'Asellus partage ta chambre…
-Non, le coupa aussitôt Remus. Non, il est le bienvenu… Y a-t-il autre chose que je doive savoir à son propos ?
Il ne voulait pas risquer un autre épisode effrayant, et surtout, il ne voulait pas refuser l'asile à deux réfugiés.
-Nous avons fait la guerre, dans une contrée lointaine, répondit Asellus de son étrange voix –atone, remarqua l'adolescent-. Nous avons vu des choses que tu ne peux encore imaginer. Je risque d'avoir d'autres crises, et pour les endiguer, tu peux me proposer des dates apprises en Histoire de la Magie ou des chansons. Si l'air devient chaud et rougeoie, va chercher Lydel et surtout, ne me touche sous aucun prétexte… Tu devrais prévenir tes amis également.
Le tout, débité sur la même tonalité, qui laissa Remus sans voix. Il essaya de trouver une réponse, sans succès, mais Asellus ne s'en formalisa aucunement.
Dîner en la compagnie de leurs hôtes constitua une expérience fort embarrassante. Hope était rentrée du travail et avait chaleureusement accueilli Lydell et Asellus, sans aucun préjugé, fidèle à sa nature compatissante. Le repas avait été ponctué de longs silences durant lesquels chacun essayait de trouver un sujet de conversation. Aucun des deux étrangers n'avait fini plus de la moitié de leurs plats. La nourriture posée sur la table n'était pas extrêmement riche ni abondante, mais ils ouvraient de grands yeux, et devant le reste de gâteau au chocolat, ils avaient semblé si nostalgiques que Remus en avait eu un coup au cœur. Lydell s'était montré courtois et poli, aux manières irréprochable mais son esprit n'était pas avec eux et ses yeux ressassaient des scènes invisibles aux Lupins. Quant à Asellus, il agitait parfois la tête de façon violente et son corps semblait plongé dans un perpétuel balancement. Aucun d'entre eux n'avait vraiment voulu parler de ce qui les avait amenés en Angleterre.
Longtemps après que le dîner fut terminé, Remus descendit les escaliers et toqua à la porte du minuscule bureau de son père. La lumière filtrait de dessous la porte, et il savait que Lyall ne dormait que très peu depuis la fondation de l'Ordre.
-Entre Remus, répondit doucement son père.
Il reconnaissait toujours l'identité de son visiteur, comme si un sort de reconnaissance avait été lancé sur la porte. L'adolescent ouvrit prudemment, et vint s'asseoir sur la chaise libre. Lyall leva les yeux de ses dossiers et posa sa plume. Pour la première fois depuis de longues heures, il adressa à son fils un sourire sincère et un regard chaleureux.
-Je sais que ce ne sont pas d'agréables vacances pour toi, soupira-t-il, et je suis désolé de t'imposer de partager ta chambre. Tu fais preuve de la volonté d'un adulte et je suis fier de toi.
Sous le ton aussi doux que sérieux, le jeune homme sentit ses joues pâles s'échauffer. Il ne s'attendait pas à ces compliments, ni à ce que son père ait saisi les divers émotions qui le traversaient.
-Je te fais entièrement confiance, Remus, mais l'Ordre doit rester secret. Nous nous organisons pour contrer un dangereux sorcier qui n'est pas encore devenu réellement public et cela pourrait aisément se retourner contre nous. Je te remercie vraiment de ta patience.
Il se trouvait démuni et sans réponse. S'il avait souhaité s'entretenir avec son père, avec qui il n'avait pas parlé depuis trop longtemps, ça n'avait en aucun cas été pour se plaindre ou obtenir des justifications. Lyall le dévisagea puis ses épaules se détendirent et son sourire s'élargit.
-Tu grandis énormément ces dernières semaines. Dis moi, tes résultats aux BUSEs ne devraient plus tarder, n'est-ce pas ?
-Je ne crois pas… Cela fait près d'un mois, les examens doivent être corrigés. Je sais que j'ai raté au moins la métamorphose et les Soins aux Créatures Ma…
-Remus, rater un examen de ton point de vue signifie avoir un Acceptable, et tu t'en tires toujours à merveille. Je suis certain que tu auras de nombreuses BUSEs.
-Je me dois d'être le meilleur, Papa. Si je veux un jour trouver un travail…
L'étincelle dans les yeux de son père disparut et son sourire se fit triste. Remus sentit que le moment était venu de changer de sujet, et il embraya sur Asellus et Lydell.
-Ils sont traumatisés par la guerre.
-De toute évidence, acquiesça Lyall. Mais je crains que ce ne soit pas aussi simple.
-S'ils vivent ici, allons nous leur dire que je suis un loup-garou ?
Les mots éraflèrent sa gorge comme à l'accoutumée.
-Il n'est nul besoin tant qu'ils ne posent pas de question, répondit fermement son père.
Ses poings s'étaient refermés avec une violence protectrice. Il avait toujours maintenu son fils à l'écart des curieux et de la malveillance depuis sa morsure et s'était évertué à ce que nul ne découvre sa condition.
-Papa, j'aimerais inviter James, Sirius et Peter la semaine prochaine, lança soudain Remus.
Ce n'était sans doute pas le meilleur moment pour poser la question mais elle lui brûlait les lèvres depuis le début de l'été. Ils lui manquaient tant que c'en était à peine supportable.
-Ils sont entièrement capables de garder un secret, la preuve en est qu'ils n'ont jamais trahi ma lycanthropie. Si je leur explique en termes suffisants, vous n'aurez aucune inquiétude à vous faire… Ils me manquent, Papa. J'aimerais qu'ils soient là pour la pleine lune.
Ils étaient parvenus à devenir des Animagis pour lui, et ils avaient passé les six dernières pleines lunes ensemble. Ils étaient fusionnels, d'une façon que peu pouvaient comprendre. Lyall appuya son regard bleu sur lui.
-Soit. Tu peux leur proposer de venir, mais si Dumbledore si opposait, je ne pourrais rien y faire.
-Je comprends. Merci, Papa.
Il se leva, ne sachant plus trop quoi dire. Il devait laisser son père travailler et préparer la réunion du lendemain.
-Remus ? le rappela son père. Tu es en train de devenir un homme, et l'un des meilleurs que j'aie pu imaginer.
Sur ce compliment, l'adolescent quitta la pièce. Son cœur battait à toute allure, réchauffé par la fierté et l'amour que ses parents lui portaient. Ils l'avaient toujours protégé du mieux possible, et si cela avait autrefois entraîné une auto- persuasion d'une monstruosité dangereuse, il commençait à apprécier l'éducation qui lui avait été donnée.
Il entra dans sa chambre et trouva Asellus assis sur le matelas d'appoint, plongé dans un livre. Il ne réagit pas à la présence de Remus, qui sentit son bien-être s'évanouir quelque peu. Le garçon semblait le mépriser sans qu'il sache pourquoi. Il se mordilla nerveusement la lèvre puis s'assit sur son propre lit, aux draps bleus nuits. La fenêtre de sa chambre donnait sur le jardin, et il observa la lune croissante aux trois quart pleine.
Il ne cessait de songer à ce qui se préparait au dehors. Aux quelques portés disparus tout au long de l'année qui ne les avaient pas alarmés plus que cela. Au Ministère qui tentait de contenir une éventuelle peur en dissimulant des informations –il avait entendu Maugrey pester contre cela quelques jours plus tôt-.
Et soudain, Remus étouffait. Une ère sombre s'annonçait, et Lydell et Asellus semblaient être les précurseurs de ce qui risquait d'arriver aux sorciers britanniques. Une guerre aux multiples et bien trop nombreuses morts, aux souffrances traumatisantes et aux souvenirs qui ne cessaient jamais de hanter. Il sentit sa respiration s'accélérer malgré lui. Il prenait conscience d'un monde dans lequel jamais plus il ne serait un enfant, et où il choisirait peut être de s'engager.
-Tu peux ouvrir la fenêtre, lui indiqua platement la voix d'Asellus.
Remus sursauta violemment, ayant oublié sa présence et se retourna vers le garçon. Il avait levé les yeux de son livre et le fixait maintenant en se balançant de façon un peu plus prononcée qu'il ne l'avait déjà remarquée.
-Tu as trop chaud ? s'enquit-il en tentant de reprendre pied.
-Tu n'es pas bien, répondit simplement l'autre, décontenançant un peu plus le loup-garou.
Il se leva néanmoins et accueillit le vent frais comme une bénédiction. Tout paraissait paisible au dehors, et pourtant, à quelques lieues à peine peut-être, Lord Voldemort se préparait à tuer ou attaquer, et la haine des nés-moldus et des moldus se distillait comme un poison mortel.
Lorsqu'il revint dans sa chambre après s'être douché, Asellus était retourné à son livre. Remus n'avait jamais été très sociable mais la lecture constituait une de ses activités de prédilection et il désirait comprendre et apprendre à connaître celui qui vivrait désormais chez lui.
-Qu'est-ce que tu lis ? s'enquit-il en venant se placer à ses côtés.
Asellus sursauta violemment et s'écarta de plusieurs bons centimètres, blessant l'adolescent. Alors qu'il se tenait éloigné des autres lors de sa première année, ses amis avaient fini par faire de lui quelqu'un de tactile plus à l'écoute de son instinct, mais la farouche façon dont réagissait le garçon le troublait et le renvoyait des années en arrière.
-Gellert Grindelwald et le IIIème Reich de Mélina Heiss.
Remus se retint d'écarquiller de grands yeux face au titre surprenant de la part d'un humain qui venait de fuir une guerre destructrice.
-Est-ce un livre que tu as emporté avec toi ? demanda-t-il.
Asellus avait levé les yeux du livre et le regardait fixement.
-Nous n'avons rien emporté d'autres que nos souvenirs.
Sa voix devenait terrible à entendre lorsque de pareilles choses étaient énoncées sans émotions aucune et le loup-garou s'interrogea sur l'origine de cette restriction. Elle avait peut-être été obligatoire pour survivre.
-Je l'ai emprunté à la bibliothèque de Poudlard, le professeur Dumbledore m'en a donné l'autorisation.
Si Remus fut légèrement surpris, il n'en laissa rien paraître.
-Nous possédons pas mal de livres, dans ma chambre, au salon… Si tu le souhaites, tu peux en emprunter, proposa-t-il.
Les ouvrages sous la lycanthropie étaient dissimulés dans un coffre qui ne s'ouvrait qu'à l'aide d'un mot de passe, Asellus ne pourrait donc pas deviner la vérité.
-Je te remercie. Ce sera avec plaisir.
De nouveau, cette impression d'être méprisé envahit Remus, mais la question qui suivit envoyait un signal opposé.
-Qu'aimes tu lire ?
-J'aime énormément les livres sur la Défense Contre les Forces du Mal, je trouve cette discipline passionnante. Les contre sorts, la reconnaissance de la Magie Noire… Ma mère étant moldue, j'ai aussi été initié à sa littérature, et je lis beaucoup de classique, comme Shakespeare…
Il s'interrompit.
-J'ai vécu chez des moldus. Lydell aussi. Ils ont une culture intéressante, plus que celle des sorciers parfois. Elle est bien plus diversifiée. En temps de guerre, les créations ont toujours créé un exutoire, sans doute lié à la catharsis à laquelle fait référence Aristote.
Son ton parut s'altérer de façon très légère et il s'anima, offrant un sourire à Remus. Les yeux de l'adolescent commençaient à papillonner mais il se sentit heureux de ce semblant de rapprochement. S'ils devaient cohabiter sans échanger un mot, l'été n'en serait que plus pénible.
-Je pourrais te montrer ses œuvres demain, répondit-il avec un sourire également. Je suis épuisé, je vais aller dormir, sauf si éteindre la lumière t'ennuie…
-Je vais lire à l'aide du Lumos, répondit-il. Puis-je t'emprunter ta baguette ?
La réponse et la question choquèrent l'adolescent autant l'une que l'autre. D'une part, parce qu'elle signifiait sans doute qu'Asellus était majeur alors qu'il ne se comportait pas comme tel, de l'autre parce que les baguettes étaient un bien personnel. Elles ne se prêtaient pas et fonctionnaient mal avec d'autres sorciers. C'était un bien personnel et intime.
-Je vais aller dans le couloir, marmonna le garçon avant que Remus ait pu répondre quoi que ce soit.
-Non, attends…
Mais il s'était déjà levé. Quelques minutes s'écoulèrent avant que Remus n'entende des bruits de pas inconnus.
-Ar…sellus, soupira la voix de Lydell. Tu dois faire en sorte de garder un rythme.
Le garçon n'argumenta pas avec son oncle, ni ne parut irrité de se voir envoyer au lit. Il se glissa sous les couvertures.
-Bonne nuit Remus, dit-il.
Le loup-garou ne put s'endormir avant de longues heures, tournant dans son lit, l'esprit empli de questionnements. Les mouvements agités d'Asellus lui indiquèrent qu'il ne dormait pas non plus.
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Les yeux d'Harry s'ouvrirent brusquement et il sauta à bas de sa couchette, déconcerté. Le soleil ne filtrait pas encore à travers la fenêtre mais le château lui semblait trop calme. Il chercha à tâtons sa baguette sous son oreiller sans parvenir à la trouver et une sueur glacée dégoulina le long de sa colonne vertébrale. La texture des draps se révélait anormale. Il se rua à la fenêtre que des rideaux dissimulaient, les ouvrit violemment. Dehors, la lune illuminait un grand jardin qui n'avait rien à voir avec le parc de Poudlard…
Il ouvrit la porte de la pièce où il dormait et un soulagement profond l'envahit lorsqu'il réalisa qu'elle n'était pas verrouillée. Les brumes commençaient à quitter son esprit. Alors il se souvint qu'il se trouvait chez Lyall et Hope Lupin, en 1976. Le jeune homme posa sa tête contre l'entrebâillement de la porte et ferma les yeux, combattant la montée de violentes émotions en lui. Il possédait vingt-sept ans devant lui avant d'être certain de ne pas avoir accompli tout ceci pour rien. Vingt sept ans à attendre, à combattre. Vingt-sept ans à revoir ceux qu'il savait morts, à connaître ceux qui avaient été détruits. Vingt-sept ans pour céder à l'espoir et faire en sorte que le Royaume Uni ne devienne pas cette terre de désolations où tant d'horreurs avaient été perpétuées.
Et depuis la veille il n'était plus Harry Potter, le Survivant, et ne le serait plus jamais. Il était Lydell Moulin, et jusqu'à sa baguette avait été enfouie près du lac de Poudlard, car elle risquait de se retrouver un jour face à son égale et de provoquer de violentes conséquences. Sa si fidèle baguette sur laquelle il avait toujours pu compter, avec qui il entretenait un lien puissant… Il devait recommencer son identité. Renaître à vingt deux ans, et se construire avec ce vécu atroce et inimaginable.
Il connaissait la patience, avait appris de Regulus et supporté des mois de vide évènementiel dans la guerre. Il savait que son adaptation prendrait probablement quelques semaines, qu'il ne réaliserait pas tout de suite pleinement qu'il ne retournerait jamais dans le monde des sorciers qu'il connaissait. Les enjeux ne lui apparaîtraient pleinement que plus tard. Et pour les prochaines semaines, il devrait supporter les regards étranges, l'incompréhension et les questions.
Il ignorait si le prix à payer valait cette alternative qu'Artemis avait proposée. Et pourtant... revoir Remus l'avait plongé dans un état d'émotion extrême. Il pouvait être sauvé. Ils pouvaient tous être sauvés, tous les moldus et les sorciers qui avaient vécu.
Il ne parvint pas à se rendormir. Etendu dans le noir, inutilement obsédé par l'absence de sa baguette, son esprit cogita jusqu'à ce qu'il entende Hope s'activer dans la cuisine.
Il passa les vêtements qui lui avaient été alloués –propres et intacts !- puis descendit. Des années passées à se montrer discret en toutes circonstances laissaient des traces et le son de sa voix fit sursauter la femme lorsqu'il entra dans la cuisine.
-Bonjour Lydell ! sourit-elle néanmoins. Avez-vous bien dormi ?
-Je ne suis plus habitué à tant de… sérénité, admit-il en tentant un sourire qui devint une grimace pour adoucir ses propos.
Hope posa sur lui un regard soucieux mais ne releva pas, faisant preuve d'une discrétion exemplaire.
-Avez-vous besoin d'aide ? s'enquit-il.
Elle accepta, et il trouva une grande joie à cuisiner. Les matins chez les Dursleys remontaient à si loin qu'il se surprit à se remémorer la meilleure façon de faire une omelette ou des œufs brouillés. L'odeur était enchanteresse. Les œufs avaient disparu en même temps que la faune du Royaume Uni, mangée pour pallier à la famine.
Lyall descendit peu après. L'homme avait les traits tirés et des cernes sous les yeux, et le premier geste qu'il fit fut d'ouvrir le placard pour en sortir du café.
-Tu ne devrais pas trimer autant, le réprimanda sa femme. A quelle heure t'es tu couché ?
-Je ne sais pas, éluda-t-il rapidement. Je n'ai pas le choix, Hope, l'Ordre a besoin d'une logistique que je suis le seul à pouvoir apporter. Et je devais finir de préparer la réunion de tout à l'heure.
-Je peux vous aider, proposa Lydell.
Lyall se tourna vers lui avec un sourire affable qui faisait tellement écho à celui de Remus que le jeune homme sentit son estomac se retourner.
-Je vous remercie Lydell, mais je pense que quelques réunions devront s'écouler avant que vous ne soyez capable de comprendre tous nos rouages.
Il savait que son intégration ne serait ni immédiate ni facile mais cela n'empêcha pas la frustration de le submerger.
-J'ai été le meneur d'une guerre, remarqua-t-il fermement. La logistique fait partie des compétences que j'ai du acquérir, à l'instar des duels, des protections des plus jeunes, des sacrifices…
Il se tut et ses pensées dérivèrent loin de cette époque, vers la destruction des corps de certains de ses plus proches amis tombés entre les mains ennemies, vers la cage dans laquelle ils enfermaient Lucius à la pleine lune lorsque des prisonniers devaient être interrogés, vers Artemis, Duncan, Isadora, Emily, Hope…
-J'en parlerais à Dumbledore, promit Lyall, le ramenant brutalement à la réalité. Mais vous devez comprendre que la confiance ne peut être accordée aussi rapidement. Nous sommes dans une situation précaire où le moindre faux pas pourrait nous coûter… autant que vous le savez sans doute.
-J'en suis conscient.
Ses phrases devaient paraître glaciales, mais aucun sourire ne voulait se former sur ses lèvres. Il attrapa sa fourchette et mordit dans l'omelette spongieuse qui refroidissait lentement.
-Les amis de Remus devraient venir la semaine prochaine, déclara Lyall.
Hope tressaillit et le cœur d'Harry manqua un battement. Son père. Son parrain. Et… Pettigrow. Il ignorait s'il pourrait supporter leur présence en sachant l'avenir qui leur incombait s'il n'agissait pas. S'il échouait.
-Chéri, crois-tu qu'ils puissent taire l'existence de l'Ordre ? Sirius et James sont adorables mais têtes brûlées et peu discret.
-Ils savent tenir un secret important.
Mari et femme échangèrent un regard significatif, que Lydell rattacha sans mal à la lycanthropie de Remus. Ils avaient choisi de taire ce fait à ses yeux et il n'était pas dans son droit de forcer les confidences ni de les effrayer. Tout ce qu'il construirait prendrait du temps.
-Il ne faut jamais sous estimer les adolescents, déclara-t-il avant de se lever. Je vous remercie de votre accueil.
-Vous êtes les bienvenus. N'hésitez pas à emprunter des livres si vous le souhaiter, où à aller prendre l'air.
-J'irais marcher après le réveil d'Asellus, acquiesça-t-il.
Si le garçon se trouvait aussi décontenancé que lui au réveil et ignorait les conditions de l'éloignement d'Harry, la panique pouvait rapidement prendre le dessus. Il esquissa un rictus, faute de mieux, et quitta la pièce pour se réfugier dans sa chambre, l'esprit en ébullition et le corps tendu à l'extrême.
L'attente jusqu'à la réunion de l'Ordre fut un supplice. Il ressentait une intense frustration due à son impression d'inutilité et savait qu'il devrait faire preuve d'une patience qui n'avait jamais été sienne. Les échanges avec la famille Lupin étaient courts et distants et quelques heures après midi, Harry se demanda comment il pourrait supporter les vingt-sept années à venir.
Enfin la pendule sonna, indiquant les dix-huit heures, et quelques coups furent violemment frappés contre la porte. Harry bondit du siège où il avait tenté sans succès de lire divers ouvrages et se posta à l'entrée du salon d'où il disposait d'une bonne vue sur le hall d'entrée. Hope ouvrit la porte, après avoir vérifié le mot de passe, sur un homme qu'Harry n'avait pas vu depuis plus de cinq ans. Le nez déjà plus entier, le visage couturé de cicatrices et les deux jambes intactes, Alastor Maugrey entra avec sa brusquerie habituelle. Si le Survivant avait été préparé à revoir un jeune Remus Lupin de quinze ans, la présence du défunt Auror lui porta un coup au cœur. Il l'avait toujours profondément respecté et ses consignes de sécurité, qui avaient pu paraître paranoïaque lorsqu'il se trouvait encore à Poudlard, avaient trouvé une réelle importance dans les années qui avaient suivi sa mort. Les yeux de Maugrey étaient perçants mais sans artefacts aucun et il n'avait pas encore pu écoper du nom de Fol Œil. Ses prunelles scrutatrices se posèrent directement sur Lydell, qui se tendit imperceptiblement, ayant l'impression de rajeunir d'une décennie.
-Alastor je te présente Lydell Moulin. Il est réfugié d'un pays décimé par la guerre et a rejoint l'Ordre hier. Lydell, Alastor Maugrey, le meilleur Auror dont dispose notre ministère.
Hier. Ce mot si simple contenait pourtant tous les obstacles qui se tenaient face à Harry et Artemis.
-Réfugié hein ? grogna l'Auror. T'as en effet l'air d'avoir connu autant de combats que moi.
Les commissures des lèvres du jeune homme se soulevèrent de façon infime : les batailles connues par Maugrey n'avaient rien à envier à son futur palmarès.
-Je ne suis pas sûre… commença Hope.
-J'étais le leader de mon camp, répondit Harry. J'ai échoué à les protéger tous mais cela ne recommencera jamais.
Il avait besoin d'entendre ces paroles, même de sa propre bouche.
D'autres défilèrent les uns à la suite des autres, parfois en même temps. Un jeune Sturgis Podmore déjà sévère mais plus naïf, Elphias Dodge, entier et intègre, en bonne santé, Abelforth Dumbledore saint d'esprit, Marlene McKinnon que la première guerre avait décimée, et enfin, Hagrid, Minerva McGonagall et Albus Dumbledore. Un premier Ordre du Phénix encore en construction, fragile, naïf, inconscient de la réelle menace que représentait Lord Voldemort et de leur devenir.
-Prenons place, lança Dumbledore en entrant.
Son ton paraissait léger mais son regard grave prévenait de sa propre conscience de l'imminence de la menace.
-Professeur, l'apostropha Harry.
Dumbledore se retourna vers lui avec un sourire affable, et Minerva et la jeune Marlene McKinnon se stoppèrent devant la porte.
-Asellus a toujours été à mes côtés, avança Lydell. Nous n'avons pas discuté de son intégration à l'Ordre.
-Je pense qu'il serait sage qu'Asellus puisse retourner à une vie d'adolescent et profiter de sa jeunesse, répondit le vieil homme avec gentillesse mais également une fermeté qui ne put duper le Survivant.
Les émotions défilaient dans le jeune homme sans qu'il puisse les contenir ni les analyser. Revoir tant de personnes chéries, appréciées, dépréciées mais qui avaient toutes péri pour l'enfer le bouleversait et même les mantras de Regulus sur les émotions et les combats à choisir ne parvenaient plus à fonctionner.
-Il a un sens aigu de l'analyse indéniable, répliqua Harry.
Artemis avait été un tel soutien pour lui que ne plus l'avoir à ses côtés dans l'Ordre paraissait impensable. Plus que jamais, dans cette époque, il était devenu son unique repère et celui qui partageait tous ces secrets, et sa loyauté indéfectible et l'amitié mutuelle qu'ils se portaient avait pris pour Harry l'importance de l'oxygène.
-Laissons Asellus rester auprès des gens de son âge pour le moment, répondit Dumbledore. Il ne serait bon ni pour lui, ni pour nous, de l'intégrer dès maintenant.
Le ton sans appel fit flancher le jeune homme qui comprit que le directeur redoutait le pouvoir du garçon qui avait si facilement pénétré son esprit lors de leur première rencontre.
Ils s'assirent sur les sièges magiquement invoqués. Harry se trouvait aux côtés de Maugrey et de Dodge, en face d'Hagrid et de Minerva, et son estomac, son esprit et son cœur tourbillonnaient si fort qu'il en éprouvait une violente nausée. Mis à part Sturgis et Alastor, tous ici étaient vierges de combats, de blessures et de deuils. Ils se tenaient vivants, face à lui. Il avait aimé et respecté la plupart d'entre eux, et seul Hagrid avait survécu, mais d'une si terne façon, si désespérée, que le voir occuper deux chaises les yeux brillants et la barbe frémissant d'un sourire aimable vers l'étranger qu'il était faisait perler des larmes à ses yeux et se retourner ses entrailles.
Puis la séance commença et la véritable torture de Harry avec.
Dumbledore le présenta officiellement une nouvelle fois et si, contrairement à Maugrey et Lyall, les autres se montrèrent moins méfiants, leurs regards et l'impression d'être perdu qu'il leur faisait hérissaient les poils de ses bras.
« Comme vous le savez, l'Ordre du Phénix a pour but de rassembler le plus de personnes possibles afin de prévenir de la dangerosité de Lord Voldemort, car je suis intimement convaincu qu'il est celui derrière toutes les attaques et disparitions inexpliquées de ces dernières années. Il semblerait malheureusement que nous devions bientôt nous préparer à également être une unité de résistance et de combat sans aucun soutien.
« J'ai écrit à Harold Minchum plusieurs fois au cours des dernières semaines mais il semble inconscient que la façon dont il envisage la situation nous met bien plus en danger qu'en sécurité. Le surplus de mesures sécuritaires n'empêchera pas Voldemort et ses partisans de monter en puissance.
« Je sais que chacun d'entre vous tente d'avertir au quotidien et que les réponses que vous recevez ne sont pas encourageantes. L'ascension de Voldemort se fait dans l'ombre, dissimulée par le Ministère entier. La plupart des sorciers britanniques n'ont pas compris l'évincement de l'ancienne ministre Eugénia Jenkins et l'organisation de nouvelles élections qui furent, si vous me le permettez, regrettables. »
Jamais encore l'Elu n'avait participé à une réunion de l'Ordre présidée par Dumbledore et il devait admettre que le directeur dégageait une prestance impressionnante. Sa voix ferme les persuadait et les convainquait qu'il connaissait son sujet, et quels que puissent être ses doutes, il n'en laissait rien paraître. Le contraste avec Regulus Black, plus agité, plus sombre et plus direct, frappait brutalement.
-Minchum est un abruti, grogna Maugrey.
-Minchum est très bon dans certains domaines, corrigea Marlene, mais aveugle dans d'autres.
L'Auror laissa échapper un son méprisant et Harry se souvint de l'homme. Les heures passées à jouer avec Artemis aux cartes de Chocogrenouilles quelques années auparavant lui en avaient beaucoup appris sur les sorciers et sorcières les plus importants de la communauté sorcière. En tant que Ministre de la Magie, Harold Minchum avait eu sa carte, particulièrement commune. S'il avait su maintenir l'économie de son pays en bon état, il s'était montré incapable de contenir l'ascension de Voldemort et avait doublé le nombre de détraqueurs à Azkaban.
-Ni Minchum ni Jenkins ne voulaient affoler la population, pointa Lyall, et c'est justement parce que les employés du ministère pensaient que Jenkins serait incapable de représenter une figure de confiance et d'assurance que de nouvelles élections ont été organisées.
-Le Magenmagot avait décidé qu'Harold Minchum devrait faire un discours sur la montée de Voldemort, répondit Dumbledore, mais il semblerait qu'il attende encore. Si j'en crois mes dernières lettres, il échafaude quelques plans de secours pour rassurer la population.
-Il est une chose que je peine à comprendre, professeur, intervint Marlene. Nous tenons nos réunions deux à trois fois par semaine depuis juin et notre nombre ne cesse d'augmenter. Notre but est clair à mes yeux et je ne regrette en rien ma participation, mais pourquoi le Royaume Uni a-t-il besoin de l'Ordre du Phénix si la montée de Voldemort sera bientôt connue de tous ? Le Ministère se battra contre lui…
-Parce que dans une guerre idéologique, il existe toujours trois parties, répondit Lydell. Le changement de pouvoir, la résistance et le peuple, qui a lui seul représente plus de quatre vingt dix pourcents.
Tous les regards se tournèrent vers lui et il réalisa qu'il avait répondu par habitude, car ce genre de questions revenaient toujours auprès des nouveaux venus, ou de ceux qui cherchaient à comprendre.
-C'est exact, répondit Dumbledore. Le plus tôt la résistance est lancée, le plus tôt nous pouvons espérer d'endiguer la menace.
Harry n'en pouvait plus. Ces blablatages, il les avait déjà endurés au début de sa propre guerre, ces réponses et ces questions tournaient dans tous les esprits depuis vingt ans lorsqu'il avait pris les reines de l'Ordre, et entendre Voldemort être résumé comme une menace le révoltait.
-Il est trop tard pour endiguer la menace, professeur, et vous le savez autant que moi, répliqua-t-il. Voldemort prévoit son hégémonie depuis sa scolarité… si j'ai bien suivi les explications dans votre bureau. Le Royaume Uni est déchiré par les divergences d'opinions depuis des siècles, et celles-ci ciblent les créatures magiques et les nés-moldus. Avec l'entre deux guerres et le renouveau d'après guerre mondiale, l'aristocratie a perdu les nombreux privilèges conservés après la révolution et la mise en place d'une monarchie parlementaire, et ceux qu'il leur reste sont si rares qu'ils en sont révoltés. L'Europe donne nouvellement sa chance aux plus petits, et les vieilles familles, qui nourrissent depuis toujours rancœur et mépris envers les nés-moldus voient leur sentiment se changer en haine. Voldemort arrive et propose une idéologie qui ramènerait la gloire passée et supprimerait ceux qu'ils exècrent.
-Vous êtes bien impertinent, lança Sturgis Podmore.
Il n'était pas à la place de Lydell Moulin en agissant de la sorte, il le savait, mais le feu qui brûlait en lui le poussait à réagir. L'inactivité de sa part résulterait en un enfer vingt-sept ans plus tard.
-Vous en savez beaucoup pour un jeune réfugié, commenta le directeur.
Sa voix ne contenait aucune menace ni suspicion mais son regard dur venait le contredire.
-Je connais mon histoire, répliqua froidement Lydell, et Asellus encore plus que moi. Je viens d'un endroit où le même genre de guerre a détruit la vie et annihilé l'espoir. Ce que vous commencez à découvrir, je l'ai vécu.
-Nul ne le mets en doute, Lydell, le rassura Lyall avec une douceur qui rappelait son fils. Asseyez-vous, je vous prie. Ici c'est le professeur Dumbledore qui est responsable et je n'ai aucun doute quant à sa capacité à comprendre ce qui se passe.
-Moi non plus, répondit-il avec sincérité. En revanche, j'estime qu'il est important que vous compreniez également.
Il ne rencontra que des regards distants ou furibonds lorsqu'il reprit sa place sur sa chaise, et soupira.
-Tout ce qu'a énoncé Lydell est juste, admit le directeur. Si l'Ordre est aussi important aujourd'hui, c'est parce que Voldemort vise la jeunesse. Il rallie les vieilles familles et leurs enfants les plus doués et je sais que certains à Poudlard ont déjà pour dessein de le rejoindre. Il est important d'informer nos élèves de la situation et de leur montrer que le monde que propose Lord Voldemort n'est pas l'idéal.
Harry aurait voulu répliquer une nouvelle fois, mais se contint. Ce combat n'en valait pas la peine. Le regard perçant de Dumbledore était braqué sur lui.
Les jours suivant défilèrent tout aussi lentement que les premiers. La routine monotone dans laquelle ils s'enfonçaient rendait le jeune homme fou. Habitué à l'action et aux épées de Damoclès au dessus de sa nuque ou de celles de ses proches, il peinait à rester en place, d'autant plus qu'il ne disposait pas même d'une baguette pour s'exercer à la magie. Ils avaient informé Dumbledore que Lydell et Asellus avaient été démunis de leurs baguettes, et le directeur avait promis de pallier à la situation mais l'Ordre, Poudlard et sans doute le Ministère le tenaient occupé.
Artemis traçait des plans, des organigrammes et des cercles sur de nombreuses feuilles, réfugié dans la chambre de son nouvel oncle, calculant les événements à éviter afin que le futur puisse se réaliser et Harry le laissait faire, conscient qu'il ne serait pas d'une grande aide sur ce point. Il lisait, écoutait, analysait les journaux et mettait tout en œuvre pour connaître la situation de l'année 1976. Ils devaient également se surveiller pour éviter les anachronismes, et ne pas éveiller les soupçons.
Si Hope était une interlocutrice agréable, Lyall se montrait plus renfermé et surtout, plus ferme envers le jeune homme qu'il voyait en Harry, ce qui le frustrait et le faisait hurler intérieurement. Quant à Remus, le garçon attendait les résultats de ses BUSEs, paraissait démuni face à Asellus et discutait poliment avec Lydell sans qu'ils ne deviennent proches car la différence d'âge jouait inconsciemment dans son esprit.
Les BUSEs de Remus lui parvinrent le vingt-et-un juillet, la veille de l'arrivée de ses amis. Le garçon s'isola pour les ouvrir et revint de longues minutes plus tard, l'air soulagé.
-Quatre O, quatre E, trois A et un P, annonça-t-il à ses parents, les yeux brillants.
-Félicitations ! s'exclama sa mère en le prenant dans ses bras.
-J'ai manqué la divination, expliqua-t-il, mais je ne désirais pas continuer… O en Défense Contre les Forces du Mal, Métamorphose, Sortilèges et Botanique ! Je ne peux pas y croire !
Sous les yeux surpris et médusés du Survivant, le visage de Remus Lupin s'éclaira d'un sourire de pur bonheur et il ne tenait pas en place, ses yeux clairs pétillants de fierté et de joie.
-Je suis extrêmement fier de toi, Remus, annonça Lyall en l'enlaçant à son tour.
Asellus se tenait en retrait, mal à l'aise, mais Lydell ne savait que faire, partagé entre la chaleur qui montait dans sa poitrine face à cette vision et sa propre fierté qui semblerait déplacée aux trois autres, mêlée l'envie de le congratuler à son tour.
-Tu dois êtres un excellent élève Remus, réussit-il à articuler. Je suis impressionné.
Il lui offrit un sourire un peu trop large, mais l'adolescent ne parut pas s'en rendre compte et hocha la tête avec virulence en guise de remerciement.
Lorsque la sonnerie retentit le lendemain, Harry hésita entre laisser exploser les émotions qu'il retenait depuis plusieurs années et quitter la maison des Lupins. Sa nuit avait été peuplée de cadavres, de flammes et de scènes d'horreurs revécues à l'infini. Sachant que James Potter serait présent, il avait pris soin de longuement démêler ses cheveux dans la salle de bain et de se laisser une barbe de trois jours. La guerre avait effacé la plupart des traits qu'il partageait avec son père, ce qu'il n'avait pas eu le temps de regretter, mais à présent, il aurait voulu être capable de le faire. Il ne pouvait que se sentir soulagé de leur ressemblance disparue.
Il s'était retiré dans sa chambre avec un livre mais la curiosité qui nouait ses entrailles ainsi que la politesse avec laquelle Regulus et même les Dursleys l'avaient élevé le firent descendre les escaliers en compagnie d'Asellus. Le garçon lui assura son soutien en ancrant ses prunelles dans les siennes.
Des rires et des éclats de voix tranchant avec l'habituel calme de la maison retentissaient déjà du Hall. Le jeune homme aperçut Hope en compagnie d'un adolescent aux cheveux sombres, tandis que Remus était enlacé par un autre. Il continua d'approcher légèrement.
-Tu nous as manqué la semaine dernière, Remus ! s'exclama le premier, et le cœur de Harry s'arrêta.
Une voix chaude et grave, presque sensuelle, aux accents aristocratiques qui rappelaient sans conteste son jeune frère, qui ne pouvait appartenir qu'à Sirius, et comme il ne l'avait jamais connu. Dans ses plus belles années, heureux et entouré de ses amis, prêt à retourner à Poudlard.
-Fleamont nous as emmené sur un site magique où tes connaissances en Arithmancie auraient été utiles, ajouta Sirius.
-Laisse le respirer Sirius !
Si entendre la voix de son parrain avait ressemblé à un choc, celle de son père fut un supplice. Elle était trop identique à celle de ses cauchemars, lorsqu'il hurlait à sa mère de s'enfuir, un brin de juvénilité en plus, avec indubitablement plus de malice et d'insouciance.
-Vous m'avez aussi manqué, répondit doucement Remus.
Il se tourna vers Lydell et Asellus que ses sens lui avaient permis d'entendre. Il énonça les présentations d'une voix timide et distante. Harry posa ses yeux sur le garçon à ses côtés, sentant le léger air de son balancement effleurer ses bras et voyant ses poings serrés et ses yeux ailleurs. Il entendait sa respiration se faire plus rapide et comprit qu'il devait rapidement l'éloigner des nouveaux venus.
-C'est un plaisir, répondit-il et sa propre distance l'effraya. Asellus. Viens.
Il sentit leurs regards brûler son dos alors qu'il faisait fonctionner ses muscles à une vitesse incroyablement trop lente à son goût.
Il prit sur lui afin de refermer la porte aussi doucement que possible, puis laissa éclater son trouble. Il vira livre et vêtements de son lit, oreiller et couvertures valsèrent également, et il frappa le matelas avec rage, des larmes perlant à ses yeux.
Asellus tremblait de plus en plus et il devait se ressaisir. Inspirant profondément, il s'efforça de vider son esprit. Il savait qu'il lui faudrait de la patience mais plus que jamais, il ignorait s'il la possédait en lui.
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Peter ne devait arriver que plus tard, et le soulagement de Lydell transperçait la peau d'Asellus, qui ne pouvait le juger. Il luttait pour garder le contrôle de ses émotions et se sentait perdu. Ses barrières mentales alternaient entre leur apogée et l'inexistence. Dans les moments où elles s'évaporaient, il recevait en pleine figure la frustration et la souffrance de celui qui était à présent son oncle. Il ne savait comment réagir, ayant assimilé le retour dans le passé depuis longtemps déjà. Il avait passé des nuits à calculer ce qu'il adviendrait s'il proposait cette solution, à envisager ce qui serait le pire et le mieux pour le monde des sorciers s'ils en bouleversaient les règles.
La vie d'Artemis Black avait principalement été souffrance et peur. Les tuteurs et les foyers par lesquels il était passé n'avaient jamais réussi à appréhender son autisme et ses étranges pouvoirs, et lorsque les Elés avaient compris, il leur avait servi de sujet d'expérience. Quand son père avait effectué une entrée fracassante pour venir le chercher, les dix-sept mois qui avaient suivi avaient été un soulagement et la période la plus calme de sa courte vie. L'Ordre, Voldemort, le Square Grimmaud avaient bouleversé ses fragiles repères, puis la guerre lui avait appris à vivre l'atroce sans se poser de questions, à l'instar de tous ses compagnons d'armes.
La stabilité dont il avait tant besoin pour son équilibre ne lui avait jamais été accordée et il avait décidé de prendre sur lui pour épauler Harry dans sa quête. Plus jeune, plus explosif, plus instable, il avait survécu quand Ron était tombé et qu'Hermione avait sombré, que Remus, Sirius et Regulus avaient péri les uns après les autres.
Il avait toujours eu conscience de ce que revenir en arrière signifiait. Il en avait été l'instigateur et demeurerait le soutien. Le chemin de Lydell Moulin mènerait à la perte de Voldemort, et Harry ne le comprenait pour le moment pas, perdu dans ses cauchemars et la mort, sans repères et sans mentor. Le leader de la Lumière était fort, intelligent et déterminé et il parviendrait à se construire en tant que Lydell Moulin, mais la raison du jeune homme avait toujours été extérieure à lui –Regulus, Hermione, Fleur,…-, et Artemis devait désormais en prendre la place.
Il n'était pas encore Asellus Nere. Comme son oncle, il devrait se construire et apprendre comment bouleverser le cours du temps avec sa nouvelle identité. Sans se trahir eux-mêmes, ils devraient réapprendre à vivre, accepter un nouveau départ.
Les trois Maraudeurs s'étaient réfugiés dans le jardin, profitant du soleil de l'après-midi. Artemis ne songea pas à les rejoindre, conscient que sa maladresse en société ne pouvait lui permettre de s'intégrer. Il s'éclipsa dans la chambre de Lydell, parti en promenade, et reprit ses plans.
Tant d'éléments pouvaient déclencher des catastrophes : l'annulation d'Harry Potter en tant que Survivant, l'annulation de sa propre naissance, la mort où la survie de certains, et des deux premiers éléments découlaient de nombreuses flèches, telles la traîtrise de Pettigrow, le choix du Gardien du Secret, les choix de Severus Rogue et Regulus Black. Ils ne pourraient pas tous les sauver et malheureusement, Harry avait en lui cette volonté de ne faire aucun sacrifice s'il pouvait l'éviter.
Les crayons du garçon volaient sur les feuilles, crispés et illisibles, couvrant les surfaces d'encre et de graphite, de flèches et de dates, brouillées, chiffonnées, déchirées. Ils devaient savoir le plus tôt possible car la connaissance était synonyme de puissance, la guerre leur avait à tous gravé cette connaissance au doloris dans la peau.
-Asellus.
La voix grave de Lydell le fit sursauter et les crayons tombèrent sur le sol. Il se crispa, mais le jeune homme les ramassa.
-Il est l'heure de dîner, les Lupins nous attendent.
Le regard émeraude de son ami se posa sur les feuilles et il les parcourut longuement. Artemis se tendit un peu plus, ignorant s'il était prêt à comprendre certains sacrifices qui seraient demandés et anéantiraient déjà quelques espoirs qu'il nourrissait. Il se leva, passa se laver les mains, et les deux étrangers se présentèrent dans la salle à manger.
Ni James ni Sirius n'étaient particulièrement avenants et il s'en sentait perturbé. James Potter lui avait toujours été décrit comme quelqu'un d'exceptionnel, tolérant, foncièrement courageux et loyal jusqu'à la mort. L'adolescent qui se trouvait devant lui se sentait irrité de sa présence.
Angoisse. Gêne. Préoccupation. Irritation. Curiosité. Agacement. Inquiétude. Frustration.
Le garçon était habitué à un tel déferlement d'émotions mais le voyage temporel avait malmené ses protections et ni Harry ni lui n'avaient pu prendre le temps de les remettre.
-Donc… vous avez combattu ? lança James en direction d'Harry.
Celui-ci tressaillit en entendant son père, plus jeune, le traiter de la sorte mais le masque d'impassibilité hérité de ses mentors était plaqué avec excellence sur son visage.
-Plus que tu ne pourras ni ne voudras jamais imaginer, répondit-il d'une voix distante qui rappelait Arcturus lors des premiers mois au Square Grimmaud.
-Je serai Auror un jour, répliqua James.
Lydell leva les yeux de son assiette pleine –ils ne parvenaient toujours pas à ingérer des portions qualifiées de saines- et les posa sur le jeune Potter.
-Il existe une énorme différence entre un travail d'Auror et un simple individu en guerre, murmura-t-il. La plupart de ceux du deuxième cas n'ont jamais bénéficié d'une formation et pourtant combattront bien plus que des Aurors, car ceux-ci sont déjà tombés au combat quand la société tenait encore debout.
-Ils ne devaient pas être si doués que ça, remarqua Sirius en fronçant les sourcils.
Sirius sombrant à travers le voile. Barrière. Kinglsey se chargeant de six Mangemorts seul afin que les dix Flammes et Phénix puissent retourner au quartier général. Barrière. Maugrey se sacrifiant pour… Barrière.
-Le but des Aurors est de combattre pour que les autres puissent vivre, répondit le jeune homme d'une voix polaire.
-Nous le savons ! répliqua James, piqué au vif.
Harry hésita légèrement et choisit de se taire.
-Savoir sans comprendre n'est pas utile, déclara Artemis.
Les deux amis le fusillèrent du regard.
Fureur. Sentiment d'injustice. Mépris.
Résultat des BUSEs.
Bureau de Minerva McGonagall. « Je pense que vous avez toutes les capacités requises pour être un excellent Auror, Sirius, mais il vous faudra être attentif au règlement. »
Grande Salle de Poudlard, petit déjeuner. Gazette du Sorcier annonçant une jeune employée de la justice magique retrouvée morte. « Quand je serais Auror, je chasserais jusqu'au dernier de ces salauds ».
Asellus cligna des yeux et secoua la tête pour s'extraire des souvenirs si vivaces qu'ils brûlaient son esprit. Le regard de Lyall se posait tour à tour sur chacun des convives, tandis qu'Hope choisit la diplomatie.
-Qu'avez-vous fait de votre mois de juillet tous les deux ? Remus nous a dit que tu étais arrivé tôt chez les Potter, Sirius.
Salle à manger du 12, Square Grimmaud. Un homme en bout de table, aux cheveux noirs coupés à ras, au visage sévère. Walburga Black, plus jeune que sur le portrait qui trônerait des années plus tard dans le Hall… En face d'elle, un jeune garçon au visage fin mais plutôt disgracieux.
« J'ai entendu Abraxas Malefoy vanter les mérites d'un homme qui me semble… Impressionant. Il a pour projet de rendre aux Vieilles Familles leurs places d'autrefois. »
« Ce me semble intéressant. »
« Avez-vous demandé des éclaircissements à Abraxas, mon cher Orion ? »
« Il rechercherait de jeunes gens ambitieux et respectueux de nos valeurs pour l'assister à gagner le monde des sorciers. »
« Tant que cet amoureux des sangs-de-bourbe sera à la tête de Poudlard nous ne pourrons rien faire. »
« Il serait temps de restaurer la gloire passée. »
-Asellus !
« Je puis approcher Avery et Rookwood, Mère, ils m'apprécient tous. Il est dommage que Lucius ait quitté l'école, mais je bénéficie toujours de sa protection. »
« Espèce de crétin, tu ne peux pas réfléchir par toi-même ? »
« SIRIUS ORION BLACK ! »
Une gifle violente. Une trace de sang sur la joue laissée par la chevalière et une autre par l'alliance.
« Vous êtes une honte pour notre famille ! Un traître… »
« ASSEZ ! Je n'ai que mépris pour vous ! Et toi ! Toi… ! »
-Asellus !
Le deuxième appel le sortit du tourbillon d'émotions dans lequel il venait de plonger. Sirius avait toujours été un esprit dangereusement accessible et bien trop agité pour qu'il puisse facilement s'en extirper. Il se sentait vertigineux et le déferlement de stupéfaction qui l'entourait ne rendait pas le retour à la réalité aisé. Il se concentra sur Harry et son esprit focalisé sur l'instant présent. D'une main tremblante, il agrippa sa fourchette et commença à manger.
La chambre de Remus était à peine accessible, avec les cinq lits étalés dans la pièce. Si Lyall l'avait légèrement agrandie, elle paraissait bondée lorsque les quatre adolescents se retrouvèrent à l'intérieur à l'heure de se coucher. Asellus s'assit sur son lit et fut tenté de s'enfermer dans le livre qu'il avait commencé la veille mais à présent que James et Sirius étaient là, il fallait qu'il essaie de cerner la situation. Les trois garçons se tenaient sur leurs lits également, en pyjama et gênés : sa présence les empêchait de discuter librement.
-A quelle école as-tu été ? lança Sirius pour couper le silence.
-Aucune.
Remus porta sur lui une réelle attention et il sentit leur incrédulité.
-La guerre a commencé quand j'avais neuf ans, ajouta-t-il.
-Comment as-tu appris à te servir de la magie dans ce cas ? demanda James.
-Papa m'a entraîné, puis Lydell et d'autres membres de la résistance bénévoles.
Le silence revint, et peut-être aurait-il dû relancer la conversation mais il ignorait comment faire.
-Ton oncle… semble marqué par la guerre… A-t-il réellement combattu… ?
Sirius n'avait jamais pu supporter le silence. Artemis esquissa un sourire devant la situation familière.
-Nous l'étions tous. Lydell était notre meneur. Il a combattu mais la guerre ne se résume pas au combat. Derrière l'action se trouve une organisation impeccable afin de prévenir du moindre détail pouvant renverser le cours des choses, des dispositions pour les blessés, des missions de secours pour les prisonniers.
-Où était-ce ? demanda Remus, les yeux légèrement voilés.
-En Martinique.
Le département était suffisamment loin pour leur attirer la tranquillité et son appartenance à la France plutôt qu'au Royaume Uni leur assurait une protection supplémentaire. Le dialogue se tarit de nouveau, et James embraya sur le résultat des BUSEs, félicitant son ami au passage. Jugeant qu'il ne pouvait faire grand-chose de plus, Asellus se plongea dans William Shakespeare.
La journée suivante s'écoula avec moins de tensions. James et Sirius semblaient résignés à la présence d'Asellus dans leur chambre, et leur curiosité naturelle les poussa à interroger Lydell sur ce qu'il avait vécu durant la guerre. Les réponses apportées étaient souvent sèches et courtes, excepté lorsqu'il tentait de leur faire comprendre un concept. Il demeurait lui-même, le leader de la Lumière qui enseignait aux siens la patience, la mesure et l'appréhension de l'horreur mais également l'espoir, la puissance et la loyauté. Sans l'Ordre sur lequel s'appuyer, il apparaissait néanmoins fragile. Ce fait semblait adoucir Lyall.
La seconde réunion de l'Ordre depuis leur arrivée se tint le vingt-trois. Peter devait arriver le lendemain matin, ce qui signifiait qu'il serait présent pour la pleine lune. Remus ne cessait de s'inquiéter qu'Asellus ne le découvre et si le réfugié ne l'avait su, les flashs omniprésents dans son esprit auraient été suffisamment explicites. Le garçon tint néanmoins sa langue, appliquant le tact et la loi du secret qu'il avait douloureusement acquis.
James et Sirius s'étaient montrés extatiques en apprenant que Dumbledore avait fondé une société secrète pour combattre la menace qui planait sur le monde des sorciers. Ils avaient juré de taire l'information, ainsi que devrait le faire Peter, mais ils savaient tous deux, de par la famille Black, ce qui commençait à apparaître comme jeu de pouvoir.
L'exclusion des mineurs de la réunion les frustrait et Artemis partageait leur ressentit. Il participait à l'Ordre du Phénix depuis des années, sous la protection de son père puis d'Harry et être traité comme un enfant le révoltait.
-On pourrait espionner, suggéra Sirius avec un sourire machiavélique.
-Hors de question ! s'interposa Remus. Nous ne pouvons pénétrer à l'intérieur de la pièce et un sortilège de silence est toujours appliqué.
Asellus savait qu'il pouvait comprendre de quoi retournait la réunion mais il se refusait à dévoiler son étrange magie.
-Oh très bien, soupira James. Que diriez-vous d'un match dans ce cas ? Deux contre deux. Asellus, tu sais voler ?
-Non.
Regulus ne l'avait jamais autorisé à monter sur un balai, redoutant que leurs magies entrent en collision et qu'il ne soit blessé, ou tout simplement qu'il se perde dans les esprits et chute mortellement jusqu'au sol.
-Non, vraiment, ou juste pas très bien ?
-James, t'est-il venu à l'idée qu'il n'appréciait pas ça ? soupira Remus.
-Je ne suis jamais monté sur un balai.
Le regard du jeune Potter s'illumina et le garçon regretta son honnêteté maladive.
-Il n'est jamais trop tard, décréta-t-il.
La curiosité en Artemis se disputait à la raison, mais il abdiqua. James et Sirius possédaient chacun leur balai, et le père de Remus en avait deux vieux dans sa remise. Asellus hésita en voyant les artefacts magiques voler jusque dans la main des trois adolescents à l'injonction « debout ». Ses rares tentatives en magie simple n'avaient jamais été fructueuses. Il planta sa paume de main au dessus du balai, et l'appela, mais sa peau se mit aussitôt à le brûler et le balai à tourbillonner sur lui-même. Deux exclamations de surprises retentirent derrière lui.
-Tu dois être trop nerveux, commenta James. Attends, je vais t'aid…
-James, non ! intervint Remus.
Artemis comprit pourquoi au moment où il sentit la main de l'adolescent sur son épaule et l'autre son poignet. Son corps réagit aussitôt. Il envoya une décharge violent de magie brûlante alors que son esprit sombrait dans les souvenirs de James.
Il volait ! La sensation était merveilleuse et n'avait rien à envier aux balais-jouets qu'il avait toujours utilisé dans son enfance. Le vent soufflait dans ses cheveux en bataille, et Poudlard lui semblait soudain plus accessible que jamais. Le château ne paraissait plus si immense, depuis le haut du terrain de quidditch. Ses veines étaient gonflées à bloc et il se sentait invincible. Il se pencha un peu et prit de la vitesse, d'une manière incroyable et jouissive.
Les cognards fusaient entre les joueurs de chaque équipe, toujours secourus par leurs batteurs. Il volait, le souaffle sous son bras, sans aucune crainte d'être frappé, s'en remettant à son équipe. Le gardien en face était la faiblesse des Serdaigle mais ils n'avaient pu marquer que deux buts, chaque fois contrés par leurs poursuiveurs, batteurs, et même une fois, l'attrapeur, qui s'était mis en travers de son chemin…
Le contact disparu et rompit le lien. Asellus gémit et tomba sur le sol, se balançant inconsciemment. Sirius se jeta sur lui mais Remus le stoppa d'une main sur sa poitrine juste avant qu'il ne l'atteigne.
-Sirius, non. Tu n'as pas vu ce qui vient de se passer ?
-Qu'est-ce que tu lui as fait ? cracha le jeune Black, furieux.
Il aurait voulu ramener ses mains devant son visage et disparaître dans ses souvenirs et dans les livres d'histoires qu'il connaissait.
-Calme toi, supplia-t-il.
-Qu'est-ce que tu lui as fait ? hurla-t-il.
-Sirius, tu te relaxe, maintenant ! s'interposa Remus. Tu n'aides pas. Asellus…
Le loup-garou maintenait le calme mais demeurait décontenancé. Artemis inspira profondément, plusieurs fois, et récita les dix derniers traités de paix effectués durant les révoltes gobelines. Lorsque son souffle fut revenu, il se leva et approcha James, tanguant sur ses jambes frêles.
-Je voulais juste t'aider bon sang ! siffla James en tendant ses mains devant lui, ne sachant trop que faire.
Seul le poignet d'Artemis était nu et sa main gauche avait échappé aux dommages, mais des cloques se formaient déjà sur l'autre paume.
-Je suis désolé. Il ne faut pas me toucher et encore moins sans me prévenir.
-Est-ce que ça méritait ça ? répliqua l'adolescent en levant la tête vers lui.
Mépris.
-Je ne contrôle pas, s'excusa-t-il. Remus a essayé de t'avertir. Je pense que je ne peux pas monter sur un balai, ce n'est pas pour rien que nul ne m'a jamais autorisé à tenter l'expérience.
-Et c'est sensé…
-James, intervint son ami en posant une main sur son épaule. Ca ne sert à rien. Viens dans la salle de bain, je pense que j'ai quelque chose contre les brûlures.
Sirius passa devant lui en le gratifiant du même regard que l'autre adolescent, et l'estomac d'Asellus se tordit.
Il retourna à ses plans durant le reste de la soirée et s'y tenait toujours lorsque Lydell entra dans sa chambre.
-Remus m'a mis au courant, déclara son ami. Asellus… ne t'inquiètes pas, je me suis entretenu avec lui et James.
-Ils me méprisent.
Il peinait à supporter ce sentiment à son encontre. Les Mangemorts, certains tuteurs qu'il avait eus, certains nouveaux venus dans la Lumière avaient eu des réactions similaires. Harry ne dit mot, conciliant ce qu'il savait de son père et ce qu'il apprenait à ses côtés.
-James… n'est pas quelqu'un de facile avec ceux qu'il… n'aime pas. Je l'ai appris dans la pensine en cinquième année et je sais que tu as eu accès à certaines bribes avec Sirius, Remus et ton père.
La confiance ferme qui transparaissait des paroles de Lydell le rassura et diminua le tremblement de ses mains.
-Asellus… Je pense que nous n'avons pas assez parlé de ce que nous devions faire.
Harry soupira, ferma la porte après avoir vérifié dans le couloir que nul ne s'y trouvait et approcha une chaise du bureau avant de s'y asseoir.
-Je ne veux pas obéir sans protester et je crois ne plus en être capable.
-Alors ne le fais pas.
-Hermione et Fleur m'auraient dit exactement la même chose.
Pour la première fois depuis deux semaines, un réel sourire naquit sur les lèvres décharnées du Survivant.
-La vérité, Asellus, est que je commence à comprendre que je ne peux pas traiter ceux qui m'entourent comme je le faisais jadis. Tu avais parlé de débuter une nouvelle vie, un renouveau avec nos identités et c'est sans doute ce qu'il nous faudra trouver comme équilibre. Nous aurons tous deux de nouvelles parties à jouer, une nouvelle place sur l'échiquier, et peu importe si nous sommes deux pions qui doivent arriver au bout pour devenir fous, rois, ou cavaliers. J'accrocherais comme il adviendra avec ceux qui joueront un rôle dans la guerre, et il en est de même avec toi. Ne te mets pas une trop grande pression.
-Toi non plus.
Sa voix était troublée par les larmes qui coulaient sans qu'il puisse les en empêcher. Les yeux de Lydell en étaient remplis également.
-Je sais pourtant très bien le faire, plaisanta-t-il, de la même façon que Ron aurait pu le dire. Nous y parviendrons, Artemis. Nous les sauverons et nous aurons notre vie ici.
Le nom lui échappa, mais ils n'y firent pas attention. Asellus continua de se concentrer sur sa respiration.
-Désires-tu aller manger à présent ?
-Non.
Il n'avait pas faim, et Harry n'insista pas. Il se contenta d'effleurer ses doigts un à un en signe d'affection.
Le silence se fit lorsqu'il pénétra dans la chambre de Remus et les poils de son corps se hérissèrent alors qu'il s'immobilisait, incapable de savoir comment réagir. Il regagna finalement son matelas sans un mot et s'y allongea, les yeux grands ouverts.
o°o°O°o°o
Lyall et Hope avaient expliqué à Remus qu'ils désiraient informer Lydell et Asellus de sa condition.
-Ils vivent ici, mon chéri, avait avancé sa mère en passant une main sur ses cheveux. Il serait préférable qu'ils ne s'aventurent pas dans la remise pour une raison ou pour une autre et qu'ils t'y trouvent. Ne t'inquiètes pas, si quoi que ce soit devait se passer, Dumbledore le prendrait en main.
Une énorme boule enflait à présent dans la gorge de l'adolescent, qui avait préféré repousser le moment à l'extrême. Il ne faisait aucun doute que James, Sirius et Peter, arrivé le matin même, le soutiendraient en cas de mauvaise réaction d'Asellus mais il savait par avance qu'il aurait du mal à supporter le dégoût dans leurs regards s'il devait advenir. Ce fut au repas du midi que Lyall interpella Lydell, et le silence se fit aussitôt. Asellus s'immobilisa et Lydell parut hésitant face au regard sérieux et sombre par avertissement de l'homme.
-Il nous paraît juste de vous prévenir, mais sachez que si vous tentez quoi que ce soit contre mon fils, vous le regretterez et vous ne serez plus le bienvenu ici, déclara son père avant quoi que ce soit d'autre.
Remus tordit nerveusement ses mains sous la table et Sirius glissa l'une des siennes sur sa cuisse. Il se sentait profondément touché par la preuve d'amour paternel qui lui était faite mais cela n'en rendait pas les choses plus faciles.
-Remus a été mordu enfant par un loup-garou. Ce soir étant la pleine lune, il serait préférable que vous soyez prudents. Il sera dans la remise, et bien qu'elle soit insonorisée et protégée, elle n'en est pas moins accessible.
Lydell hocha simplement la tête.
-Je vous remercie de votre confiance, répondit-il. Nous éviterons la remise… Asellus, ce soir, je préférerais que tu dormes plutôt que de passer la nuit à griffonner sur le pallier. Ce n'est pas sain pour toi…
Un échange silencieux de regard se fit entre l'oncle et le neveu, qui hocha simplement la tête pour indiquer qu'il avait compris. L'homme lui sourit puis reprit la conversation sur la malédiction du poste de Défense Contre les Forces du Mal à Poudlard. Contrairement à Remus et James, qui avaient toujours considéré cela comme une rumeur, Lydell appuyait les arguments de Sirius. Remus les dévisagea tour à tour, éberlué de cette non-réaction, tandis qu'une lueur de respect s'allumait dans les yeux de ses amis.
Contrairement à ce que les Maraudeurs craignaient, s'éclipser pour aller tenir compagnie à Lunard durant la pleine lune fut aisé. Asellus hocha simplement la tête lorsque James, Sirius et Peter lui expliquèrent qu'ils désiraient dormir à la belle étoile –à l'insu de Lyall et Hope-, et leur souhaita la bonne nuit sans émotion.
Remus n'était pas sûr de vouloir savoir comment ses amis s'y étaient pris pour déverrouiller la porte de la remise, l'en faire sortir et le promener sans qu'il n'hurle ni ne s'échappe, mais son lendemain de pleine lune fut aussi agréable que les six précédentes. Il avait écopé d'égratignures et de morsures de la part de Patmol et Queudver, mais rien d'insoutenables. Sa mère l'aida à se soigner avec un sourire tendre.
-Il est évident que la présence de tes amis te fait du bien, déclara-t-elle avec douceur.
S'étant toujours refusé à manquer les cours une fois par mois, il tint toute la journée sans trop de problèmes, bien que plus irritable qu'à l'accoutumée. En compagnie de ses amis, il s'allongea sur l'herbe et profita des rayons du soleil sur sa peau pâle. Ils ressassèrent durant de longues minutes les événements de la nuit passée, puis la conversation dériva inévitablement sur les deux réfugiés.
-Je crois n'avoir jamais vu personne d'aussi maigre et épuisé, remarqua Peter.
-Ils étaient pires à leur arrivée, soupira Remus, qui fatiguait du sujet.
James et Sirius avaient passé les deux derniers jours à analyser l'étrange comportement des deux jeunes hommes sans parvenir à les cerner ni à savoir s'ils devaient les apprécier ou les détester, ce qui selon le loup-garou expliquait leur obstination.
-Ils sont sans préjugés, fit remarquer Sirius.
Peter fronça les sourcils.
-Par rapport à Remus tu veux dire ? Bien entendu, ils viennent d'autre part.
Les yeux du jeune Lupin se fermaient et il choisit d'écouter sans répondre, n'ayant rien à ajouter à ses précédentes analyses.
-Lydell ne se prend pas pour rien, marmonna James. Il est persuadé de mieux savoir que nous –je sais Remus, il a combattu et c'est probablement le cas mais je n'aime pas ses manières-.
-Ils viennent d'une famille d'aristocrates, répliqua Sirius.
Au silence qui suivit, il se sentit obligé d'expliquer les signes –le masque de froideur, les traits fins, la démarche et le maintient-. Alors qu'ils continuaient à débattre, Remus se laissa bercer par le son familier de leurs voix lorsque la tournure retint son attention.
-… intégrer Asellus parmi nous au moins pendant la semaine à venir, mais il ne fait rien pour être agréable.
Sirius n'avait pas tort : le garçon se montrait encore plus froid que son oncle, avait semblé complètement indifférent au fait qu'il ait brûlé James par un simple contact et, dans l'ensemble, paraissait ne vouloir créer aucun lien et l'impression de se fiche de tout avait renvoyé à Remus le sentiment d'être méprisé.
-On dirait que vous, en revanche, possédez encore des préjugés, commenta Peter.
Le loup-garou se redressa brusquement tandis que ses amis dévisageaient l'adolescent replet.
-Je crois que c'est la première chose que j'ai remarquée chez lui, ajouta-t-il comme une évidence, il n'est pas sans émotion, c'est simplement que sa voix ne fluctue pas. S'il a autant vécu que vous le décrivez, il en résulte sans doute d'un traumatisme.
Remus eut l'impression d'avoir subi un crache-limace et à en juger par l'expression de ses amis, ils venaient également de se voir envoyer en pleine figure qu'être tolérants pouvait prendre différentes formes.
Ils n'eurent de cesse d'observer Asellus comme ils avaient sans doute jadis analysé Remus afin d'être sur de sa lycanthropie. Répéter le processus plutôt que d'en être la cible était plus agréable et enquêter avait quelque chose de passionnant. Ils commencèrent à repérer les signes : balancements répétés, voix monocorde, yeux vitreux, maladresse, difficulté à se nourrir.
-Je suppose qu'on peut faire un effort, soupira James en passant la main dans ses cheveux le lendemain. Mais comprendre ne veux pas dire qu'on est obligé de l'apprécier. S'il se révèle comme Snivellus, on peut tout simplement l'ignorer.
-Ou le prendre comme cible, répliqua Sirius avec un sourire espiègle.
-Non, intervint Remus. Je ne me mettrais pas Lydell à dos si j'étais toi, s'il était meneur de la résistance, deux adolescents qui maltraitent son neveu ne sont rien pour lui.
Et ses parents ne supporteraient pas de les voir harceler un adolescent. L'argument fit mouche.
La veille du départ des trois Maraudeurs s'était tenue une nouvelle réunion de l'Ordre à laquelle les cinq adolescents frustrés n'avaient pu assister. Remus nota qu'Asellus paraissait furieux, chose étrange pour ce garçon renfermé et silencieux.
-Tu n'es pas majeur ? s'enquit-il.
-Si. Dumbledore pense que je dois profiter de ma jeunesse.
-Il n'a peut-être pas tort, observa Peter. Maintenant que tu n'es plus entouré par la guerre…
Deux yeux argentés flamboyants se tournèrent vers lui. Les trois autres attendaient il s'agissait de la première fois que le sujet pouvait être abordé sous cet angle.
-Nul ne peut jamais oublier, répondit-il. Les cauchemars continuent de les hanter, les deuils creusent toujours la poitrine, les atrocités commises ne s'en vont pas au lavage.
Les métaphores étranges perturbèrent autant Remus que le discours. Les yeux bleus se voilèrent.
-J'étais actif dans la résistance et je peux aider l'Ordre. Je refuse de me soumettre à la volonté de Dumbledore alors que je ne l'ai pas acceptée.
-Dumbledore est l'un des plus grands sorciers qui ait jamais existé, argua James, il sait ce qu'il fait.
-Dumbledore est humain, répondit Asellus.
Le plus étrange dans ce discours était encore la voix monocorde malgré l'émotion évidente de son propriétaire.
-Comment était-ce ? demanda James.
Ils ne savaient pas quel autre sujet aborder que la guerre, ne connaissant que ce fait de leur camarade.
-Atroce. Mourir au combat était la meilleure des solutions face à l'Ombre la capture menait à la torture et à un enfer pire encore que le désert humain et naturel dans lequel nous nous trouvions. Tu crois que la guerre ne m'entoure plus Peter mais regarde autour de toi : Voldemort monte en puissance et la guerre a déjà commencé sans que le monde magique ne s'en doute.
Un lourd silence accueillit ses paroles.
Remus n'avait pas envie de voir partir ses amis. Il se retrouverait de nouveau seul –ou presque- alors que l'Ordre occuperait ses parents et que l'approche d'une guerre jouerait sur son moral. Il s'étendit sur son lit après s'être douché et croisa le regard d'Asellus. Une scène étrange s'était produite au dîner, alors que l'adolescent avait refusé de toucher à son plat. Lyall avait l'habitude de laisser Lydell gérer son neveu mais en son absence de réaction, il s'était enquis de ses goûts où de son appétit.
« Je me contenterais du dessert », avait été la réponse distante du garçon.
« Les choses ne fonctionnent pas ainsi, et il y a assez à manger pour que tu puisses prendre les deux, Asellus. Il est plus poli… »
« Lyall, s'il vous plaît. Laissez-le. »
L'intervention de Lydell avait été ferme, sans appel, et légèrement déplacée, et pourtant il ne paraissait pas particulièrement laxiste.
-La texture des champignons est atroce sur ma langue, lança tout à coup Asellus.
Comme s'il avait compris à quoi Remus songeait, et pourtant l'explication paraissait tout aussi incongrue que la scène. Alors que Peter allait poser une nouvelle question, James entra dans la pièce, et Sirius profita de la diversion pour couper court :
-J'espère que cette année sera plus profitable que la précédente pour toi auprès d'Evans, James.
Au vu de leur dernière rencontre, le jeune loup-garou en doutait fortement mais il tint sa langue. Sirius entreprit d'expliquer au réfugié de qui il s'agissait, et narra quelques disputes des deux jeunes gens, attirant un léger sourire au garçon.
-Il y avait quelqu'un à qui tu tenais particulièrement là bas ? s'enquit-il ensuite.
James grimaça, Peter ferma les yeux et Remus eut envie de se frapper la tête contre le mur. Leur ami avait de toute évidence décidé qu'ils avaient trop parlé de la guerre et pas assez d'Asellus, mais le manque de tact était énorme.
-Mon père. Mon oncle. Les gens de la résistance…
Sirius sembla soudain se rendre compte de l'énormité de sa question et il perdit toutes couleurs.
-Excuse moi, déclara-t-il. En fait… Je voulais savoir si tu étais tombé amoureux d'une fille. Ce n'est pas parce que l'horreur t'entoure que l'amour n'a plus sa place.
Asellus le regarda directement et son visage prit une expression étrange.
-Oui. Au contraire, l'amour est primordial lorsque l'horreur t'entoure. Je suis tombé amoureux d'un garçon nommé Neil. Il était joyeux, déterminé, et un peu trop fougueux.
Remus sursauta à sa réponse franche. Il savait que si jamais il était tombé amoureux d'un garçon, jamais il n'aurait pu en parler aussi facilement.
-Je suis désolé, murmura Sirius.
Il s'avança pour le prendre dans ses bras mais se souvint de l'incident avec James et laissa ses bras retomber. Asellus lui sourit, un sourire sincère contenant une certaine affection qu'ils ne lui avaient jamais vu, et Remus comprit l'emploi du passé. Sa gorge se noua lorsqu'il réalisa enfin ce qu'avoir survécu à une guerre destructrice entraînait.
-Je ne suis jamais tombé amoureux, embraya le jeune Black, plus sérieux qu'à l'accoutumée. Je suppose que cela viendra… Remus non plus il me semble, mais il est très secret. Et Peter a eu une amourette en deuxième année avec une fille de Serdaigle mais cela n'a pas duré…
Asellus souriait plus largement et vint s'asseoir à côté de Sirius. Pour la première fois dans son comportement, Remus discerna une certaine maladresse, comme s'il se trouvait incapable de répondre à une conversation normale. Son interlocuteur parlant pour deux, il se contentait de l'écouter, les yeux toujours étrangement vitreux, plus proche qu'il ne l'avait jamais été de n'importe quel d'entre eux. Et il rit aux pitreries de l'adolescent, un rire étrangement haut et brisé, quelque peu désagréable à l'oreille.
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Le séjour des Maraudeurs avait modifié quelque chose chez Harry. Il avait cessé de passer ses journées à attendre et enfin put comprendre la façon dont il allait pouvoir agir. Il lui faudrait vivre durant ces vingt-sept prochaines années, plutôt que de se concentrer uniquement sur le futur. Il était parvenu à prendre envers Peter la même distance qu'envers James, afin d'apprendre à les connaître, de créer avec eux les liens de Lydell Moulin et non d'Harry Potter. Il ne pouvait pas se permettre de mépriser un adolescent qui n'était pas encore coupable, sous le prétexte de ce qui pouvait advenir.
Il appris à se détendre et à apprécier la fermeté et la loyauté profonde de Lyall. Après l'incident entre Asellus et l'homme, et de la même manière qu'il lui avait révélé la lycanthropie de son fils, Lydell expliqua aux deux adultes que son neveu était autiste, éclairant sous un jour nouveau les nombreuses situations maladroites dans lesquelles ils avaient pu se trouver.
Les réunions de l'Ordre passaient et Harry trouvait son chemin en tant que Lydell. Il refusait de se taire lorsqu'il se trouvait en désaccord avec qui que ce soit, exprimant son point de vue et se fichant des regards furieux dardés sur lui. Il s'exprimait avec le calme et la lucidité qui l'avaient caractérisé en tant que leader de la Lumière et demeurait lui-même envers les autres comme s'il ne les avait jamais connus.
En voyant la façon dont Sirius avait salué Asellus lors du départ, il avait commencé à comprendre les rouages de leur modification temporelle. Si les trois autres étaient encore réservés face au garçon, Sirius et Artemis s'étaient toujours entendus. Le jeune Black était à l'aise en société, charmeur et se fichait que les autres ne le soient pas. Par ailleurs il dégageait une aura décontractée rassurante pour ses proches. Leur proximité d'âge signifiait qu'Asellus pouvait être celui qui verrait les modifications de l'intérieur, celui qui pourrait directement influer sur les jeunes gens qu'étaient les futurs membres de l'Ordre tandis que Lydell pouvait être leur guide, l'avertissement et le formateur face au futur qui s'assombrirait. Il apprendrait à les connaître sans être leur égal, sans que cela ne puisse le perturber à outrance.
Il restait deux semaines avant la rentrée et la nervosité de Harry augmentait de jour en jour. Il devrait se trouver un travail sans aucun diplôme et il attendait le bon moment pour poser sa candidature auprès d'Albus Dumbledore. Les réunions de l'Ordre ne servaient qu'à s'organiser, ne les menait sur aucune piste sérieuse et la pensée des Horcruxes tourbillonnait dans son esprit. Il ne pouvait les mener sur cette voie pour le moment, n'était pas sensé en savoir autant et les quelques coups d'oeils aux schémas compliqués d'Asellus le dissuadait de bouleverser le cours du temps ainsi tant qu'ils ne seraient pas fixés sur les choses à modifier.
La Gazette commençait à laisser filtrer des informations, sous l'injonction du Ministère selon McKinnon et Maugrey, afin de mieux préparer le monde magique, mais les paroles de Sirius sur ce qui se murmurait dans les vieilles familles avaient alerté Hope qui était intervenue dans la réunion.
-C'est exactement ce que je craignais, soupira Dumbledore. Les vieilles familles sont déjà au courant et Harold se lasse de mes courriers. Il aurait fallu réagir bien plus tôt.
-Le Ministère n'a jamais été le seul moyen d'information, déclara Lydell. Informez vos professeurs, particulièrement les directeurs de maisons qui ont en main l'avenir des élèves. Demandez à vos professeurs de Défense Contre les Forces du Mal et d'Histoire de la Magie, d'intervenir et d'expliquer la situation.
-Lydell, le professeur Binns est… assez particulier, répondit Marlene.
-Peu importe, il s'agit d'un cas important. Trouvez vous des alliés inattendus, tels les petits journaux, quels que soient le sujet qu'ils couvrent. Et ne sous estimez pas les enfants, ils sont tout à fait à même de comprendre la situation, même avant qu'ils n'entrent à Poudlard.
-On ne peux pas mêler des enfants à tout ceci, s'interposa Hope.
Harry sentait son sang bouillir dans ses veines. Si tout se déroulait comme en son absence, alors il n'était d'aucune utilité dans cette époque. Il devait réagir, il devait provoquer un changement. La plupart des mécanismes étaient déjà en place et l'engrenage bien amorcé.
-Vous croyez que l'autre camp se souciera de leur âge ? demanda-t-il les dents serrées par une rage contenue. Qu'il décidera de ne pas les endoctriner ? Mais enfin regardez vos enfants de sang-pur ! Sirius Black s'est enfui de chez lui pour ne pas avoir à rejoindre Voldemort mais il est ce que l'on nomme un rebelle ! J'ai vu des enfants se sacrifier pour l'idéologie de leurs parents !
-Lydell, calmez vous, intervint Minerva. Nous ne sommes pas dans votre pays.
La frustration retenue par Harry ces derniers mois, venant s'ajouter aux années de souffrance, de deuil et d'épuisement physique et psychologique explosa. Il se leva et posa les paumes sur la table comme jadis Regulus, et lui-même.
-Ce sont les mêmes mécanismes ! s'exclama-t-il avec force. Attendre pour agir signifie que pour certains il sera trop tard, or toutes les vies ont la même valeur ! Ils ont besoin de savoir et de comprendre autant que Marlene a eu besoin d'être éclairée, probablement pour votre soulagement également ! Le Ministère n'admettra jamais ses erreurs car l'attrait du pouvoir pour le gouvernement est trop fort et que gérer une situation de crise n'a jamais été enviable ! Si nous sommes la résistance et laissons l'Ombre gagner du terrain, alors où est l'intérêt de notre présence ici ? Nous devons agir maintenant, et chacun au degré qu'il le peut !
Sa voix alternait entre rage et flamboiement oratoire et il lut la fascination sur les visages en face de lui. Le directeur se leva, sérieux mais son regard pétillant.
-Lord Voldemort a des faiblesses dont je suis au courant, Lydell. Néanmoins vous soulevez de nombreux points intéressants. Vous n'avez pas encore de poste, je vous offre celui de professeur de Défense Contre les Forces du Mal. L'éducation que vous vantez –et où, je l'admets volontiers, je partage votre point de vue-, vous êtes en mesure de l'offrir aux enfants de Poudlard.
Harry eut l'impression que Dumbledore avait eu longtemps auparavant le dessein de lui proposer le poste mais qu'il avait attendu afin de connaître ses compétences et juger de sa loyauté.
-J'acceptes volontiers, répondit-il, redevenu calme.
-Albus… protesta Elphias Dodge, Mr Moulin est très jeune et sans expérience.
-Il a mené une guerre, répliqua le directeur. Je suis intimement convaincu qu'il peut apporter beaucoup à ce poste.
-Je ne peux briser la malédiction, intervint Lydell. Je vous offre mes services en tant que professeur de Défense Contre les Forces du Mal jusqu'aux examens, et aux examens de vos élèves uniquement, professeur. Passé la mi-juin, vous devrez trouver quelqu'un d'autre.
-Dans ce cas, nous avons un accord. Pourriez vous m'accorder quelques instants à la fin de la réunion afin de régler les derniers détails ?
Lydell hocha la tête, les battements de son cœur se calmant peu à peu. Les possibilités qu'il s'était empêché d'envisager revenaient à lui. Il pourrait remplir au mieux le rôle qu'il se destinait.
Lyall leur alloua son bureau, et les deux hommes discutèrent des détails techniques –salaire, auquel Lydell n'avait pas même songé-, appartements, bagage, mise à niveau des programmes anglais , horaires, et même notes minimales exigées aux BUSEs pour suivre ses cours.
-Piètre, répondit le jeune homme après un instant de réflexion. Certains n'ont pas réussi parce qu'ils n'ont pas eu la bonne méthode, ou peut être à cause du stress de l'examen ou d'un sujet mal tombé. Ceux qui de toutes façons ne font aucun effort dans cette matière ne désireront pas la poursuivre.
-Très bien, accepta Dumbledore. A présent, en ce qui concerne Asellus… Je suis en mesure de lui offrir une place à Poudlard. Son nom est apparu dans le registre.
Lydell sursauta et se promit d'en parler à son ami –neveu-.
-Il serait préférable qu'Asellus me suivre, acquiesça-t-il.
Il aurait refusé qu'il en soit autrement. Ils accomplissaient leur quête ensemble, et il était à ses côtés depuis si longtemps que ne plus le voir aurait été étrange.
-Il peut aisément suivre le programme de sixième année, ajouta-t-il, sachant que s'y trouveraient de nombreux éléments clefs de la guerre.
-Je devrais lui faire passer des tests, peut-être même les BUSEs de cette année, l'avertit le professeur.
-Sa Magie est instable, et ses sorts très aléatoires.
-J'en ai conscience. Nous mettrons des structures en œuvres, Lydell, car je suis persuadé que tout le monde doit avoir la chance d'étudier, mais vous devrez nous y aider et Asellus accepter certaines contraintes.
Lydell accepta sans hésitation. Ils avaient accès au plan originel, rapidement élaboré sur les rives du lac le seize juillet 1976.
-Professeur ? le rappela-t-il avant qu'il ne quitte la pièce. Nous allons avoir besoin de baguettes et de…
-Ne vous inquiétez pas, Lydell. Poudlard dispose de fonds pour ceux qui ne possèdent rien, et les professeurs sont payés tous les mois de l'année, vous commencez donc en Août.
Les yeux pétillants de Dumbledore firent soupirer le jeune homme. Il savait qu'il serait utile à ce poste, mais le directeur également.
Il réalisa qu'il avait obtenu sa confiance et gagné sa place définitive dans l'Ordre du Phénix, et sa cage thoracique lui sembla soudain moins étroite. Ils progressaient.
Asellus cligna deux yeux clairs lorsque Lydell lui apprit qu'il était apparu sur la liste des élèves à inscrire à Poudard.
-Poudlard est un lieu magique, avança le Survivant. Est-il possible que tu nous y aies enchaînés comme Voldemort l'avait fait avec Stonehenge ?
-Pas exactement.
-Mais le rituel a pu nous y lier, et la magie accepter le retour en arrière, précisa le jeune homme. Ou puisque nous sommes sur le sol anglais sous une nouvelle identité alors Poudlard t'y acceptes en tant qu'élève.
Asellus hocha la tête et fit tourner la poignée de la porte.
-J'ignore si je serais à même de supporter Poudlard, admit-il. Les esprits sont trop nombreux et les flux magiques affluent de partout, tandis que mes protections ont volé en éclat.
-Dès que nous aurons nos baguettes, nous les remettrons en place, promit Lydell. Tu as fait d'énormes progrès ces dernières années, Asellus. Dumbledore m'a proposé de mettre des structures en place tu es le bienvenu dans mes appartements quelle que soit l'heure et les professeurs se chargeront de te protéger des autres. Ne dévoiles tes pouvoirs qu'à ceux qui sont dignes de confiance, Regulus et toi avez toujours pu les dissimuler. Nous allons pouvoir remettre en place un emploi du temps avec des horaires fixes comme tu en as besoin, et tu vas pouvoir retrouver la stabilité qui t'a tant manquée. En revanche, Dumbledore demande à ce que tu t'astreignes à ta place d'élève et reste écarté de l'Ordre du Phénix.
L'espoir qui était apparu chez son prétendu neveu fondit pour laisser place à une révolte furieuse.
-Tu seras mieux auprès des élèves, déclara fermement Lydell. Tu pourras les approcher, leur parler.
-Soit, répondit le garçon, mais ses mains s'agitaient nerveusement.
Le jeune homme effleura ses doigts puis laissa ses pensées divaguer sur les cours qu'il allait devoir donner et qu'il préparait dès à présent et les élèves qu'il rencontrerait, qu'il saurait capables de commettre des ignominies sans humanité mais qu'il devrait traiter comme sans importance.
Les lettres de Remus et Asellus pour Poudlard arrivèrent lors de l'avant-dernière semaine d'Août, et l'adolescent s'empressa d'envoyer des lettres à ses amis pour savoir s'ils pouvaient s'y retrouver. Lydell tendit avec appréhension sa lettre à son neveu. Dumbledore lui avait communiqué de nombreuses feuilles d'examen à lui faire passer, l'avertissant qu'il tiendrait compte du peu de temps qu'avait eu le garçon pour réviser. La lourde enveloppe destinée à Asellus contenait une missive pour lui.
Cher Lydell,
Ici sont les résultats qu'aurait obtenu Asellus aux BUSEs, avec une tolérance importante néanmoins. Minerva avait repris quelques questions des examens de la première à la quatrième année également afin de vérifier ses connaissances de base.
Au vu des résultats, il est possible pour Asellus d'accéder à la sixième année d'enseignement puisqu'il a obtenu plus de trois BUSEs, mais le choix des professeurs de l'intégrer dans leur classe ou non en fonction de ses résultats ne m'appartient pas.
Je suis néanmoins honoré de vous apprendre son admission à Poudlard, Ecole de Sorcellerie.
Vous trouverez ci-joints quelques aides pour vos cours.
Bien cordialement,
A. P. W. B. Dumbledore.
Lydell ne s'apperçut qu'il avait retenu son souffle que lorsqu'il commença à manquer d'air. Avec Asellus auprès des Maraudeurs et de tant d'autres, les contacts pour leur quête seraient plus aisés.
Il appela le garçon à ses côtés, plongé dans les lettres.
-Puis-je voir tes résultats ? s'enquit-il.
L'un comme l'autre n'avaient eu jusqu'alors aucune idée du niveau d'un jeune homme ayant reçu quelques enseignements des livres et des bénévoles et beaucoup d'expérience du champ de bataille. Asellus lui tendit le papier.
BREVET UNIVERSEL DE SORCELLERIE ÉLÉMENTAIRE
Le candidat est admis s'il obtient l'une des notes suivantes :
Optimal (O) Effort exceptionnel (E) Acceptable (A)
Le candidat est recalé s'il obtient l'une des notes suivantes :
Piètre (P) Désolant (D) Troll (T)
ASELLUS ALAIN NERE A OBTENU :
Astronomie : D
Soins aux créatures magiques : P
Sortilèges : A
Défense contre les forces du Mal : O
Botanique : D
Histoire de la magie : O
Potions : E
Métamorphose : P
Etude des Moldus : E
Si Lydell grimaça à la vue des lettres inscrites en face de Métamorphose, Botanique, Astronomie et Soin aux Créatures Magiques, il n'éprouva aucune surprise. Les lectures d'Asellus étaient nombreuses mais très peu variées : Histoire et Magie regroupant la noirceur, la guérison, la protection et les créatures et parfois, dans de rares cas où ils en avaient eu besoin, Potions. D'un autre côté, il valait mieux pour Asellus qu'il se tienne à un nombre de cours réduits, sachant qu'il n'avait jamais étudié dans une école et supportait mal le contact des autres.
-Félicitations Asellus, lança-t-il néanmoins avec un sourire sincère. Tu y es parvenu, et tu as brillé en Histoire de la Magie !
-Les questions étaient faciles. Un. Lors de la révolte des géants de 834, quel sorcier eut l'idée de leur accorder un territoire ? De quelle façon fut signé le traité ? Deux. Expliquez en quoi la montée du Mage Grindelwald et la montée du nazisme peuvent être considérés comme deux évènements symbiotiques ? Trois. En quelle année eut lieu la révolte des gobelins…
Le sourire de Lydell s'élargit alors qu'il laissait le garçon réciter ses questions sans hésiter une seule fois. Sa mémoire prodigieuse était typique mais impressionnante.
Lyall emmena son fils et ses deux hôtes sur le Chemin de Traverse le dernier samedi du mois d'Août, ce qui s'avéra une mauvaise idée car l'endroit était bondé. Lydell se laissa subjuguer par l'endroit qui avait marqué sa jeunesse et son départ dans le monde magique, encore éclatant et vivant. Quelques menues différences dénotaient avec ses derniers souvenirs heureux mais cela n'avait pas d'importance. Il sentit sa gorge se nouer et prit la main d'Asellus, qui commençait à se balancer dangereusement pour l'emmener hors de la foule. Remus demanda la permission de rejoindre ses amis, que son père lui accorda après une légère hésitation.
-Je pense que les baguettes sont le plus important, déclara Lydell, pressé de sortir de la marée humaine étouffante.
Il commençait à se sentir angoissé, ayant l'impression que des ennemis risquaient de surgir de partout, que les Mangemorts allaient soudainement sortir de leur clandestinité planifier pour exterminer tous ceux qui se trouvaient sur les lieux.
-La boutique d'Ollivanders est par là, annonça –inutilement- Lyall.
Ils la rejoignirent très rapidement, Harry devant tirer le bras d'un Asellus haletant et gémissant, hurlant chaque fois que d'autres personnes le touchaient.
-Asellus. Concentre toi sur moi. Asellus… Question numéro six de l'examen d'Etude des Moldus ?
-Expliquez en quoi consiste l'électricité et analysez trois éléments qu'elle remplace chez nous, siffla-t-il, les yeux roulants dans ses orbites.
La main du jeune homme chauffait dangereusement et il savait qu'il aurait des cloques mais peu importait. Il commença à chanter, bas, calmement, puis poussa la porte de la boutique d'Ollivanders.
Des étagères de baguettes, cet artefact si précieux dont ils avaient cruellement manqué. Lydell se promit de tout faire pour garder le magasin intact ou tout du moins, d'avoir des réserves de côtés en cas d'attaque.
-Bonjour Mr Lupin. Je suis surpris de vous revoir… Vous m'aviez acheté une excellente baguette, n'est-ce pas ?
Lyall inclina la tête, signifiant la justesse de l'affirmation.
-Je ne penses pas vous connaître messieurs…
-Nous venons de loin, répondit Lydell avec distance, et nos baguette n'ont pas survécu au voyage.
Ollivanders haussa un sourcil surpris mais il se tint droit, tandis qu'Asellus tentait tant bien que mal de reprendre pied dans la réalité.
-C'est malheureux. Dites moi, ajouta-t-il en prenant leurs mesures, en quoi vos précédentes baguettes étaient-elles faites ?
-Boix de houx et plume de phénix, répondit-il, estimant qu'il n'existait aucun danger à cette révélation.
Il devait laisser cette baguette pour Harry Potter, mais au vu de son cœur et du manque de lien entre Lydell Moulin et Tom Jedusor, Ollivanders ne songerait sans doute pas à la lui présenter, si jamais cette baguette était déjà faite.
-Tilleul argenté.
-Intéressant… Vous devez être très bon en magie de l'esprit… Et son corps ?
Asellus se tendit en serrant la main de son oncle, qui se mordit la langue pour demeurer impassible. Il choisit de ne pas répondre et Lydell suivit le regard du vendeur qui tomba sur leurs mains entrelacées et crispées.
-Bien, marmonna l'homme, je vais voir quelles baguettes vous proposer.
Le souvenir désastreux de cet épisode dans l'enfance d'Artemis tendit Lydell qui espéra intensément que cela ne se répéterait pas. Ollivanders réapparut avec plusieurs boîtes, tendant deux baguettes dans leur direction. Asellus lâcha enfin la main du Survivant, qui s'estima heureux d'avoir choisi la gauche et grimaça devant sa rougeur, avant de se saisir de l'artefact magique qui lui était destiné.
-Bois de Cyprès et ventricule de cœur de dragon, l'informa Ollivanders, et Chêne Rouge et crin de licorne.
Harry empoigna la baguette et sentit un fourmillement familier envahir ses doigts et son poignet. Près d'un mois sans pouvoir en tenir une, sans se sentir pleinement en sécurité l'avaient mis sur les nerfs.
-Wingardium Leviosa, lança-t-il négligemment avec un sourire en se rappelant ses premiers cours à Poudlard.
La boîte vide sur le bureau d'Ollivanders se souleva mais le vendeur la lui arracha des mains.
-Curieux, commenta-t-il. Elle fonctionne mais ne vous as pas choisi.
-J'ai plusieurs fois emprunté une autre baguette, éluda Lydell.
Celle d'Asellus, qu'il fixait avec une méfiance accrue, restait inerte dans sa main. Les suivantes qu'ils essayèrent ne furent guère mieux, et les baguettes réagirent de la même façon qu'auparavant, quoi qu'un peu moins violentes maintenant qu'il avait appris à mieux maîtriser sa magie. Glissant de ses mains, brûlant, tourbillonnant, elles n'étaient aucunement plus réceptives.
-Essayez donc celle-ci : Tilleul argenté et Plume de phénix, commenta le vendeur, décontenancé par l'étalage de faits étranges devant lui. Quant à vous, pommier et plume de phénix vous conviendront peut-être.
Pour l'un comme pour l'autre, le choix s'avérait aussi compliqué que leurs premières fois. Enfin, une baguette d'Acacia contenant un crin de licorne pivota dans la paume d'Asellus sitôt qu'Ollivanders l'y eut placée et cracha quelques étincelles bleues, et une superbe baguette blanche répandit en Lydell une sensation familière depuis trop longtemps oubliée.
-Bois de tremble et plume de phénix, annonça le vendeur, l'air soulagé.
Ils ne pouvaient l'en blâmer. La déception qui pointa le cœur d'Harry fut tout de même difficile à soutenir sa baguette de houx l'avait soutenu des années durant sans jamais le trahir et en réagissant parfois à sa place. Il regrettait profondément de la laisser derrière.
C'était le symbole qu'Harry Potter et Artemis Black n'étaient plus. Ensemble, oncle et neveu, ils étaient devenus Lydell Moulin, professeur de Défense Contre les Forces du Mal et membre de l'Ordre, et Asellus Nere, élève de Poudlard.
C'était douloureux, angoissant et la mort de leurs anciennes vies. Cela signait officiellement le début de leur nouvelle existence et de leur quête. Dans quelques jours, ils rentraient à Poudlard.
Dans quelque jours, ils pourraient enfin commencer à agir et surtout, à vivre.
