Me revoici !
(Un peu découragée, en fait... Je mets tellement d'énergie dans cette histoire...)
Bien, donc j'ai revu ma chronologie, et voici effectivement Chapitre Lien.
Au prochain épisode, on retrouvera James, et j'en profiterai pour un petit point concernant ce personnage !
Vous aviez eu à choisir entre la guerre et le déshonneur.
Vous avez choisi le déshonneur, et vous aurez la guerre.
Winston Churchill
Fin d'année 1997
Durant son enfance, l'entourage de Draco Malefoy n'avait eu de cesse de lui promettre le retour des jours heureux lorsque arriverait Harry Potter. Leur gloire passée serait restaurée dès que le Seigneur des Ténèbres reprendrait le pouvoir et l'âge d'or que les vieilles familles avaient connu reviendrait pour offrir à leurs enfants un avenir brillant.
Seul et désemparé, l'adolescent n'avait vu que la déchéance de sa famille depuis le retour du Maître de son père dans le cimetière de Little Hangleton. Il s'était vu attribuer la mission de tuer l'un des plus grands sorciers du monde moderne et échouer magistralement, perdre son père en même temps que son oncle renégat au ministère, et errait à présent dans les couloirs glaciaux de Poudlard, le poids de la solitude pesant plus que jamais sur les frêles épaules qui n'avaient jamais regagné leur carrure d'antan après le fiasco de Dumbledore.
Il connaissait les exploits passés de Rodolphus Lestrange et lorsque son oncle avait pris les rênes de Poudlard, il s'était rapidement avéré qu'Azkaban n'avait pas atténué ses pulsions sadiques.
Les jeunes sangs-de-bourbes avaient joyeusement ou tristement pris le Poudlard Express, ravis d'entrer ou de retourner dans la prestigieuse école de Sorcellerie, et la désillusion avait été violente.
Le discours de rentrée de Rodolphus avait été terrifiant. Séparés à l'entrée, jeunes sangs-purs et sang-de-bourbes n'avaient pas connu le même destin. Les premiers étaient passés sous le Choixpeau et les autres relégués dans les cachots désaffectés. Les plus vieux s'étaient vu refuser l'accès à leur dortoir et avaient rejoints leurs camarades entassés dans des pièces glaciales.
Ils étaient devenus les elfes de Poudlard –en dehors des cuisines-, interdits des salles de classe, de la Grande Salle et de tous les autres lieux en dehors des horaires de ménage. Interdits de sortie et de courrier, ils devaient se contenter d'écrire une fois par mois à leurs familles.
Rabastan les utilisait comme sujets d'expérience pour ses cours, renommés « Arts de la Magie Noire», les élèves étaient encouragés à les martyriser et leur rendre la tâche plus difficile encore.
Et Draco fut propulsé Préfet en Chef, Meilleur Elément, Chef de la Jeunesse, titres nouveaux qui ne signifiaient rien et lui conféraient tous les pouvoirs dont il avait jamais pu rêver. Il pouvait exercer une pression puissante sur les professeurs et les élèves, chaque mot qu'il entendait devait être rapporté au directeur, il jouissait de passes droits et de privilèges, se devait de punir les récalcitrants selon les méthodes adéquates et de recruter de futurs Mangemorts.
Et sa solitude n'avait jamais été plus forte.
Désemparé et maigrissant, il peinait à suivre ses cours. La vue du sang sur d'autres êtres humains lui soulevait le cœur, les professeurs lui faisaient vivre un enfer par des moyens détournés, tous les respectaient et le craignaient, jusqu'à s'incliner devant lui et ne jamais croiser son regard et il redoutait le moment où on exigerait un meurtre de sa part, sur des camarades de classes qu'il avait jadis côtoyés.
Potter et Granger étaient en fuite –Weasley était officiellement atteint d'éclabouille mais l'adolescent savait parfaitement qu'il se trouvait en leur compagnie-, traqués par les Rafleurs comme l'enseignement à Poudlard était devenu obligatoire. Ses camarades de classe et tous les anciens de l'Armée de Dumbledore organisaient une résistance farouche et ignoraient les coups qui pleuvaient sur leurs figures et les menaces envers leurs familles.
Les professeurs le méprisaient, ses anciens camarades le haïssaient, les élèves le craignaient, les sang-de-bourbes et prisonniers le voyaient dans leurs cauchemars.
Penché sur un lavabo dans les toilettes de Mimi, les mains pleines de sangs souillant la céramique blanche, son visage anguleux et cadavérique lui renvoyant son dégoût dans le miroir, Draco était au bord de l'effondrement. Il voulait rendre un devoir qui ressemble à quelque chose en potion, seule matière où la notation serait juste, Slughorn le traitant avec bonhomie, comme indifférent à ce qui se passait autour de lui, mais sa plume refusait d'écrire autre chose que les derniers cris et supplications de ses victimes. Rodolphus l'avait fait mander dans son bureau pour avant le repas et sa marque le brûlait, signe qu'il devrait se rendre à une réunion de Mangemorts et manquer le cours de métamorphose avancée.
Il devait se reprendre, et faire ce qui était attendu de lui, mais ne parvenait plus à croire que la gloire passée reviendrait. Il savait d'instinct que si Potter trouvait son chemin jusqu'au Seigneur des Ténèbres et qu'il le reconnaissait, il se tairait. Potter était un gamin arrogant et prétentieux, un pauvre crétin populaire que tous aimaient sous prétexte qu'il avait perdu ses parents mais il paraissait bien être la réponse à leurs problèmes en ce moment. Tous attendaient leur sauveur et Draco espérait à moitié qu'il apparaisse et signe sa délivrance.
Sa marque recommença à chauffer à blanc et il se dégagea du lavabo pour se rendre dans le bureau de Rodolphus, d'où il pourrait retourner au Manoir Malefoy.
Sur le lavabo, ses mains avaient laissé des traces d'un sang aussi rouge que le sien.
o°o°O°o°o
Regulus Black avait passé les dernières semaines à se fustiger pour sa stupidité. En près de deux ans passés dans la maison de son enfance, il n'avait jamais songé à vérifier si l'Horcruxe confié à Kreattur avait réellement été détruit.
Ils avaient récupéré le médaillon en quelques minutes à peine, et l'homme avait eu tout le mal du monde à convaincre le vieil elfe qu'il ne lui en voulait en aucun cas et qu'il n'avait pas failli à une mission qui, il le réalisait désormais, était impossible à remplir pour un elfe ou un sorcier sans connaissance de la vérité.
Les rares livres que contenaient la bibliothèque des Blacks sur les Horcruxes ne faisaient que passer sur eux. Si l'ancienne famille s'intéressait à la magie du sang, aux malédictions et même à la nécromancie, la séparation de son âme demeurait taboue depuis des siècles et considérée comme une abomination à leur pureté.
Au cours de ses voyages, Regulus avait accumulé de nombreuses connaissances mais il s'était toujours résolu à laisser les Horcruxes derrière lui et s'ils savaient qu'ils ne pourraient détruire les Horcruxes sans l'épée ou le venin de basilic, il ignorait quels autres moyens pouvaient être appliqués.
Entre les rechercher, s'informer, diriger Phénix et Flammes et tenter de maintenir la résistance dans une puissance apte à contrer Voldemort, il ne disposait que de très peu de temps pour s'occuper de son fils et d'encore moins pour prêter attention à lui-même. Ses moments de repos se comptaient plus souvent en minutes qu'en heures et son esprit ne le laissait jamais en paix, tournoyant et s'interrogeant, envisageant toutes les hypothèses.
Il prodiguait un entraînement à Harry depuis longtemps déjà mais son entrée dans l'Ordre l'avait poussé à le mener vers d'autres chemins plus sombres et moins légaux. Dans une bibliothèque réaménagée, Regulus tenait le poignet de l'adolescent, lui plantant deux doigts dans l'abdomen.
-Tu dois sentir la volonté du fond de tes entrailles, lui assena-t-il. Jamais tu n'y parviendras si tu ne le désires pas réellement. Ma cousine te l'avait dit et c'est le premier enseignement que tout aspirant à la magie noire apprend.
Harry serra les dents, puis opéra un mouvement du poignet plus sec et déjà plus efficace. L'homme resserra sa prise, avant de le libérer.
-Vas-y, ordonna-t-il avant de transformer les lampes de chevet en deux rats qu'il immobilisa sans peine.
-Blutjehis.
La voix de l'adolescent n'avait pas tremblé mais les rongeurs restèrent sans réaction, à son instar. Si Regulus admira un instant la maîtrise qu'il commençait à atteindre, il n'en regretta pas moins l'échec. Certains sorciers étaient réfractaires à la magie noire, d'autres peinaient à exercer la magie blanche, mais Harry était puissant et il avait su lancer un Sectumsempra sans entraînement.
-Tu penses trop, assena-t-il. Le ressenti se trouve dans le creux de ton estomac.
-Regulus, j'en ai assez. Depuis deux heures tu me fais jeter divers sortilèges, de ceux qu'on enseigne en septième année à certains qui ne sont pas même dans la réserve de la bibliothèque. Je n'ai rien contre les premiers, mais je ne veux pas plonger dans la magie noire.
L'homme contempla l'Elu avec un respect mêlé de regrets.
-Je ne te laisserais pas perdre pied, répliqua-t-il. Réessayons jusqu'à obtenir un résultat, aussi médiocre soit-il. Le sortilège de transfusion pourrait te sauver.
-Ne t'es-t-il pas venu à l'idée que je n'en ai pas envie ? Je ne veux pas vider un rat de son sang et de son énergie, je ne veux pas leur lancer d'impardonnables !
Il s'enflammait de nouveau mais Regulus n'avait aucune intention de le laisser continuer.
-La vérité est que nous n'avons pas toujours le choix, Harry. Sais-tu pourquoi il existe si peu d'impardonnables ? Parce que ces formules que je t'enseigne sont inconnues des sorciers non issus de vieilles familles et doivent le rester, mais également parce qu'elles ne sont pas toute fondamentalement mauvaises. Tuer ce rat te répugne, pourtant il n'a rien de vivant, je l'ai issu d'une lampe et il retournera à cet état. Un jour viendra où je t'enseignerais le sortilège de mort afin que tu puisses te protéger, un jour viendra où nos alliés risquent de devoir les jeter. Nous venons d'entrer en guerre.
-Je ne suis pas un tueur.
-En tant de guerre cette notion devient obsolète. Tu entends les nouvelles comme chacun d'entre nous, Harry. Rodolphus Lestrange dirige Poudlard et je crains ce qu'il peut faire souffrir à ses élèves. Toi comme moi savons ce qu'il est advenu de Franck et Alice Londubat, et il n'est toujours pas rassasié de souffrance et de sang. Ce sont des personnes comme cela contre lesquelles tu devras te battre, et ce sont des sorciers. Des êtres humains. Tu dois le vouloir sans quoi tu ne tiendras pas. Et peut-être qu'un jour tu devras transférer l'énergie d'un ennemi ou d'un ami, ou même la tienne, à quelqu'un et que ce sera salvateur pour ton camp.
Il laissa l'adolescent méditer ces paroles, ignorant avec tact la main qu'il passa sur ses yeux. Il savait qu'il le poussait dans ses retranchements mais il voulait qu'Harry réussisse. Il le formait pour qu'il puisse finir la guerre ou prendre sa succession s'il disparaissait avant. Le poids du monde sorcier reposait sur les maigres épaules de cet adolescent malingre et blessé. Regulus posa une main sur son épaule.
-Et ce jour là, comme toujours, tu devras choisir s'il s'agit du bon combat. Si tu refuses ce sortilège je puis en trouver un autre exigeant de la volonté, car là se trouve mon enseignement. Tu as la détermination en toi mais tant que tu ne désireras pas, tu ne pourras y parvenir.
-Blutjehis !
Cette fois l'éclair doré frappa le rat qui se mit à briller puis à maigrir tandis que le pelage de son congénère se lustrait et gonflait.
-Félicitations, Harry !
Il lui offrit un sourire mais ne put se montrer entièrement sincère. Il réprouvait sa propre formation.
La réunion de l'Ordre allait bientôt commencer, et son meneur contemplait ses notes, songeur et épuisé lorsqu'un cri ravi l'arracha à ses plans.
-Arcturus !
Son nom fut prononcé avec un espoir et un engouement depuis longtemps devenu obsolète, et une Hermione au visage rougi par l'excitation parut devant lui. Elle tenait un ouvrage dont il ne put discerner le titre.
-Dumbledore m'avait légué la collection de Gilderoy Lockart, lui apprit-elle, et je viens de comprendre… Ce n'était qu'une couverture, si on utilise quelques sortilèges de révélation, on obtient de tout autres ouvrages !
L'homme se leva aussitôt. Il ne pouvait reprocher aux trois adolescents d'avoir gardé ce fait secret. Des mois et des années durant ils avaient fonctionné en autarcie, ne faisant confiance qu'à eux seuls et il ne changerait pas cela.
-Quels sont ils ? s'enquit-il.
-Je ne sais pas encore pour tous, mais ils couvrent au moins les Horcruxe -L'âme et ses distorsions, et sans doute un peu plus -Humains magiques et sorciers, et… Oh, il faut que je les découvre tous.
Une énergie nouvelle afflua dans les veines de Regulus, qui posa une main sur l'épaule de la jeune fille.
-C'est formidable, Hermione. Tu es l'une des sorcières les plus douées de ta génération, sache-le.
Ses joues rosirent brusquement et ses yeux brillaient, vagues et plongés dans l'expectative de ce qui pourrait être.
La détermination qu'il lisait sur les visages chaque fois qu'il pénétrait dans la salle de réunion convainquait un peu plus Regulus qu'il avait eu raison de refuser que l'Ordre se disperse. Ils étaient tous épuisés et livides mais se tenaient droits.
-Quelles nouvelles ? demanda-t-il en s'asseyant.
-Je crains que nous ne puissions maintenir très longtemps notre position au Ministère de la Magie, déclara Kinglsey de sa voix profonde. Nous n'apprenons rien et la mort règne dans les lieux. Voldemort ne s'encombrera pas de nous. La plupart de ceux qui y travaillent sont trop terrifiés pour qu'on puisse espérer les recruter.
Deux nouvelles Flammes seulement avaient rejoint les effectifs depuis septembre : Lee Jordan et un employé nommé Heloi Johansson. Regulus hocha la tête puis se tourna vers les jumeaux et le nouveau venu.
-Les tracts donnent-ils quelque chose ?
Les trois complices échangèrent un regard brillant.
-Ils sont prêts ! s'exclama Fred. Il ne nous reste plus qu'à les diffuser. Lee utilisera la moto volante que Papa a récupéré d'Hagrid.
-Nous t'en avons amené un exemplaire… ajouta Georges.
-… Parce que nous savions que tu voudrais les admirer…
-…Et convenir de notre génie.
L'homme esquissa un sourire. L'espoir et l'entrain qui émanaient de ces jeunes soudaient l'Ordre et leur faisait entrevoir à tous de meilleurs jours. Il attrapa un papier blanc.
ALERTE : PORTES OUVERTES AU MINISTERE
Le 18 du prochain mois, venez découvrir le meilleur du ministère de la magie :
Notre bon Ministre Pius Thickness vous invite à découvrir les secrets du Département des Ministère qu'un éclair avait chamboulé voici deux ans…
Regulus leva les yeux vers les jumeaux, confus, qui grimacèrent.
-Ah oui, ils ont un petit défaut. Nous ne connaissions pas le sortilège que tu as utilisé pour empêcher ceux qui portent la Marque d'entrer ici, alors nous l'avons étendu à tous les tatouages permanents.
-Ce qu'on pourrait qualifier de discriminatoire, plaisanta Lee. Harry, à moins que la rumeur de l'hippogriffe sur ton torse soit réelle, peux-tu montrer à Arcturus ce dont il s'agit ?
Le Survivant se saisit du tract et sous leurs yeux les lettres se modifièrent.
REJOIGNEZ LA RESISTANCE
Vous-savez-qui et ses Mangemorts mettent le pays à feu et à sang et rien ne les empêchera de s'en prendre à vous.
Agissez. Ne le laissez pas gagner.
Ecoutez Potterveille ! Ordre du Phénix. Et agissez dans votre quotidien pour ne pas lui faciliter les choses.
Protégez votre famille et vos arrières, mais ne laissez pas la peur vous entraver. Soutenez Harry Potter et la Résistance.
Vérifiez que vos proches sont de votre côté. Vous pourriez nous rejoindre sans vous y attendre.
Gardez espoir, et ne laissez pas un simple homme mégalomane vous réduire à l'esclavage et à la peur.
REJOIGNEZ LA RESISTANCE ! VIVEZ ET COMBATTEZ POUR LA LIBERTE !
L'Ordre du Phénix fondé par Albus Dumbledore fait ce qu'il peut mais ne pourra lutter très longtemps sans vous.
Facilitez les voies aux résistants. C'est déjà œuvrer pour la chute de Vous-savez-qui.
Ne dénoncez pas. Vous pourriez le regretter, et ceux que vous assistez vous le rendront.
VOUS-SAVEZ-QUI N'EST PAS IMBATTABLE ! ENSEMBLE NOUS VAINCRONS !
Le tract était simple, ne contenait a priori aucune information qui puisse mener les Mangemorts à l'Ordre, hormis peut-être le mot de passe permettant d'accéder à la radio que les Flammes s'échinaient à créer durant leurs heures libres, mais les noms codés et les lieux changeants d'émission les maintiendraient hors d'atteinte.
-Le message d'espoir est bien retransmis, acquiesça Regulus.
-Nous en préparons d'autres, déclara Georges. « Ecoutez Potterveille », « Comment aider l'Ordre », et également « Pourquoi Vous-Savez-Qui ne vaincra pas ». Celui-ci est un simple prototype…
-Imprimé à quelques milliers d'exemplaires, acheva son frère. Nous avons utilisé les endroits moldus et la duplication grâce à nos baguettes.
-Nous les voulions un peu plus comique, mais…
-Mais nous avons jugé qu'il faudrait commencer par du sérieux, le coupa Emmeline Vance.
Ils travaillaient ensemble et sans relâche, et le meneur sentit son respect pour chacun d'entre eux augmenter.
Poudlard était leur seconde préoccupation. Ils savaient par Harry que Rogue y avait repris ses fonctions, fait qui avait horrifié tous les membres de l'Ordre. Regulus avait pris sur lui de ne pas révéler qu'il le soupçonnait très fortement d'être un espion à leur solde, démuni à présent que Dumbledore, le seul qui l'ait su, ait péri du maléfice de l'Horcruxe. Cette connaissance le travaillait néanmoins durant ses nuits blanches et il se retournait l'esprit afin de trouver un moyen de le contacter.
Ils devinaient par Ginny, retournée là bas malgré les avertissements de Regulus et Harry sur Lestrange, que les nés-moldus avaient été faits prisonniers dans les cachots mais se trouvaient sans moyen d'intervenir pour le moment.
Les jours se succédaient et l'approche d'Halloween angoissait l'Ordre, qui anticipait une attaque de Mangemorts sur les civils. Maugrey les incita à préparer des troupes prêtes à défendre et des chambres pour accueillir les réfugiés.
-J'en serai, déclara Harry.
Il fit à son mentor l'impression d'un tout jeune fauve prêt à bondir.
-Mesures-en bien les conséquences, prévint-il. Voldemort vous pense tous trois en cavale s'ils t'aperçoivent, ils sauront que tu te trouves parmi nous.
-Je ne suis pas resté pour me cacher, cingla le jeune homme. Je suis un membre de l'Ordre, pour quelle autre raison m'entraînerais-je sinon de combattre au mieux les Mangemorts ?
Regulus le dévisagea longuement, sa poitrine oppressée par un poids bien trop lourd. Du coin de l'œil, il aperçut le visage consterné de Molly qui aurait voulu lui interdire de participer.
-Très bien, répondit-il. Qui d'autre ? Ginny étant à Poudlard, je déconseille très fortement aux Weasleys de se trouver sur un champ de bataille pour le moment, toi également Ronald.
Les oreilles du concerné rougirent fortement, et Fred et Georges commencèrent à protester mais leur père s'interposa fermement. Lee, Fleur, Emmeline, Maugrey, Tonks, Remus, Dedalus et Hestia se proposèrent instantanément. Il acquiesça gravement puis ajourna la réunion des Flammes. Ils devaient débattre des lectures d'Hermione sur les Horcruxes.
-De très rares choses peuvent les détruire, commença-t-elle, gênée de se trouver au centre de l'attention. Nous aurions besoin de l'épée de Gryffondor ou de venin de basilic, mais d'autres sortilèges noirs tels que le Feudeymon pourraient faire l'affaire.
-Le Feudeymon est exclu, déclara glacialement leur meneur. Son utilisation pourrait tous nous détruire.
Il l'avait utilisé pour détruire sa Marque, sorte, à présent qu'il y réfléchissait, de rattachement à l'âme de Voldemort également, il en était ressorti empoisonné et à peine vivant, et il avait été un adolescent inconscient au summum de sa puissance.
-Nous récupérerons l'épée ou les crocs de basilic, déclara-t-il. En attendant, nous continuerons de nous fier à Kreattur.
L'elfe avait veillé sur le médaillon deux décennies durant, quelques mois de plus ne lui poseraient aucun problème la protection du Square Grimmaud et son allégeance à Regulus augmentant la sécurité.
Artemis lisait dans la bibliothèque malgré l'heure tardive et son père l'observa en silence un instant avant de venir le sortir de son ouvrage. Il soupira en déchiffrant le titre sur la stratégie de combat.
-Artemis, qu'avais-je dit ? Passé le dîner, les seuls livres que tu es autorisé à lire doivent être fictifs ou historiques.
-Vous avez besoin de moi, répliqua l'enfant.
L'homme se plaça face à lui et l'obligea à ancrer leurs regards. La courbure de ses sourcils, la forme de ses yeux, la fossette un peu trop profonde de son menton lui rappelaient autant Lina que son propre orgueil un peu trop présent.
-Tu es un enfant, Artemis, répliqua-t-il en lui retirant l'ouvrage. Tes préoccupations ici ne peuvent être celles d'un enfant, mais je voudrais te protéger autant que possible de la guerre. Tu dois continuer à vivre en dehors des horaires convenus.
Pris en faute, la lèvre inférieure du garçon commença à trembler et ses yeux s'embuèrent. Regulus prit sur lui de ne pas le serrer dans ses bras. Il devait lui inculquer ces règles.
-Que dirais-tu d'une séance de sortilèges et enchantements demain, de onze heures à midi ? suggéra-t-il, changeant de sujet.
Son fils sortit sa baguette de sa ceinture et la fit tournoyer dans sa main.
-Crois-tu que ce soit utile ?
Les résultats avaient été surprenants et frustrants. Artemis se révélait incapable de lancer un Wingardium Leviosa, son Protego vibrait si fort qu'il lui donnait le tournis et, de surcroît, laissait passer certains sorts, et certains uniquement, et le sortilège basique de Lumos, après une heure épuisante, avait inondé la pièce de lumière.
-Nous trouverons tes forces et pallieront à tes faiblesses, promit Regulus. J'ai entièrement confiance en tes capacités.
Et en aucun cas il n'aurait désiré un autre enfant. Il entrelaça leurs doigts, submergé une nouvelle fois par la puissance de l'amour paternel, et l'encouragea à monter au lit dix minutes plus tard.
Puis il frappa à la porte de la chambre d'Harry et Ron. Le rouquin était à la douche et le Survivant s'entraînait contre la porte, si bien que Regulus fut immobilisé quelques secondes avant qu'un Enervate ne le libère.
-Excellent, remarqua-t-il en retenant une grimace de douleur. Harry, je désirerais éclaircir un point.
Le jeune homme releva le menton en signe de défi et se tint droit devant lui, les poings serrés dans une anticipation agressive. L'homme soupira et nota mentalement de lui enseigner de nouveau à contenir ses émotions.
-Si tu évitais de te sentir sans cesse agressé, tu me serais d'une grande aide, déclara-t-il placidement.
Harry sembla se rendre compte de sa posture et se laissa retomber sur son lit avec un soupir.
-Cette attente me rend fou, confia-t-il. Je pensais être à la chasse aux Horcruxes mais l'ai l'impression de me retrouver à la place de Sirius, à la différence près que des gens au dehors meurent et que mes proches risquent leur vie. Je veux me battre.
-Tu en as parfaitement le droit. Je ne t'empêcherais pas de mener tes combats, Harry.
Le moment n'était pas venu de lui parler de Severus Rogue mais d'autres points devaient être éclaircis.
-Je ne vais pas te transformer en machine à tuer, Harry. Je t'entraîne car j'ai appris à te connaître et je désire que tu deviennes le meilleur duelliste possible entre les combats. Je sais que tu voudras te battre pour les autres et je veux que tu parviennes à la fin de cette guerre. Je t'enseigne des sorts noirs car ce sont ces lacunes qui ont tué Dumbledore et qui entravent la plupart des membres de l'Ordre. Je t'apprendrais tes impardonnables car ils pourront un jour te sauver la vie ou t'apprendre d'importantes informations, et les sorts qui les précèdent sont voués à t'apprendre à maîtriser ta volonté mais je n'y prends aucun plaisir.
-Je ne veux pas devenir un monstre, murmura l'adolescent. Je ne suis pas Voldemort.
-Je ne te laisserai jamais devenir un monstre. Je te veux à mes côtés dans cette guerre, et je veux que tu survives, mais si tu désirais stopper l'entraînement, nous réfléchirions ensemble à un autre angle d'attaque.
Harry réfléchit longuement et Ron revint dans la chambre mais aucun d'entre eux ne broncha. Son meilleur ami connaîtrait les détails de la conversation avant qu'ils n'aillent dormir et Regulus l'acceptait. Il en avait toujours été ainsi.
-Je te voue une confiance aveugle, Arcturus. La vie qui s'offre à moi ne passe que par des combats jusqu'à la mort de Voldemort, ainsi que le veux la prophétie. Je serais à tes côtés même lors des missions les plus périlleuses si c'est là que se trouve ma place. Je te fais confiance pour ne pas me transformer en monstre.
-Je suis ton mentor et ton meneur Harry, mais ta place est particulière ici. Je t'en prie, si quoi que ce soit te contrariait, informe-m'en. Cette guerre ne peut être menée qu'à tes côtés et je ne te considère plus comme un enfant. Je t'épaulerai dans ta quête et ton combat.
Harry leva deux émeraudes vers lui, ternies par la fatigue et le deuil.
-Tant sont déjà tombés… Je crois que je comprends ce que tu veux me dire. Je te remercie. Je vais y réfléchir.
Regulus lui pressa l'épaule, adressa un léger rictus à Ron puis sortit de la chambre. Il avait pris la place de leader au sein de l'Ordre. Jamais néanmoins cela n'avait pu signifier qu'il mènerait la guerre sans Harry, et il respectait l'adulte que l'adolescent devenait jour après jour. Il savait que le temps viendrait où le Survivant devrait prendre les rênes, mais il se promit intérieurement de tout mettre en œuvre pour qu'il soit prêt et que la fin de la guerre soit proche le moment venu.
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Les derniers jours de Novembre s'écoulaient dans la bruine et le froid. Poudlard semblait à Draco plus glacial que jamais. Près d'un mois auparavant, la nouvelle qu'Harry Potter n'était pas en fuite mais avait rejoint les rangs de ceux qui se battaient contre le Seigneur des Ténèbres avait embrasé le pays, et les représailles s'étaient abattues sur ses anciens amis. Une nouvelle délégation s'était rendue au Terrier afin de vérifier que Ronald Weasley était bien atteint d'éclabouille, soldée par un dégoût et une confirmation des inspecteurs. Selon Draco, il s'agissait toujours d'un stratagème mais il n'en avait soufflé mot. Leur Maître avait donné l'ordre de le rechercher dans les villes, particulièrement Londres, avec plus d'assiduité encore, et était rentré dans une colère folle à l'encontre de Rogue lorsqu'il était apparu que le Square Grimmaud avait été sécurisé et devenu incartable.
L'homme avait repris sa place de professeur et de directeur des Serpentard avec plus de froideur et de distance que jamais. De temps à autres, Draco sentait son regard noir sur sa nuque, savait qu'il le surveillait et s'en sentait plus terrifié encore.
Il grimaça en grimpant l'escalier qui menait à la Grande Salle afin de pouvoir prendre son petit-déjeuner.
ARMEE DE DUMBLEDORE, LE RECRUTEMENT CONTINUE.
Le slogan scandé sur les murs mettrait à coup sûr Rogue et Rodolphus à cran. L'organisation qu'il avait aidé à démanteler en Cinquième année s'était reformée –si elle avait jamais été détruite-, et bien qu'ils ignorent officiellement qui en étaient les membres, ils torturaient allègrement tous ceux soupçonnés. Les élèves de Poudlard, néanmoins, reprenaient espoir chaque fois que leurs yeux se posaient sur de telles inscriptions et Draco le savait. Il s'était senti contraint d'en faire part à son oncle qui avait aussitôt riposté. Pour chaque inscription sur les murs, un sang-mêlé serait descendu dans les cachots pour vingt-quatre heures. Les Mangemorts évitaient de verser trop de sang pur.
Un sang qui avait exactement la même couleur que les autres, avait un jour noté le jeune homme. La même couleur, la même odeur, la même texture. Parfois même plus de puissance magique. Dans deux fioles différentes, tous se trouveraient incapable de diagnostiquer le sang de bourbe et le sang pur.
Chacun de ses pas dans la Grande Salle le déprimait. Cet endroit jadis si coloré où il avait dégusté les meilleurs mets possibles devenait plus sombre de jours en jours. Les bannières pendaient tristement, déchiquetées, à l'exception de celles des Serpentards, les élèves affichaient un visage creusé et grisâtre, posant deux yeux ternes et épuisés sur les alentours, craignant de voir les Carrows, Rogue ou leur directeur s'abattre sur eux. Et il se sentait incommensurablement seul. Rodolphus lui adressa un sourire glaçant lorsqu'il prit place, unique personne à aimer cette ambiance moribonde. Et puis survint le drame. Leurs deux regards se posèrent en même temps au dessus de la porte.
En lettres rouges, bleu et jaune s'étalait un texte lisible pour tous.
« A Poudlard, chacun a sa place et droit à un enseignement. Poufsouffle, Serpentard, Serdaigle et Gryffondor l'ont créé ainsi. Poudlard est le havre des enfants ».
Les mots mirent Draco profondément mal à l'aise, alors que les élèves des autres tablées, qui avaient appris à se tenir dans le silence, se contentaient d'esquisser de prudents sourires, leurs yeux pétillants soudainement.
Le courrier arriva, et une multitude de hiboux et chouette envahit la Grande Salle. Draco se sentit un instant rasséréné par cette vision familière avant de réaliser qu'ils étaient bien trop nombreux selon le nouveau règlement mais également selon son expérience. Un volatile semblait dédié à chaque élève, et ils lâchèrent sur leurs destinataires une pluie de papiers blancs avant de repartir, dans un ballet chronométré impressionnant. L'adolescent attrapa les lettres, abasourdi, dans le même réflexe que ses camarades.
ALERTE : PORTES OUVERTES AU MINISTERE
ECOUTEZ LA RADIO !
DORMEZ SEREINEMENT
S'ensuivait un texte étrange et en accord avec la propagande… Par réflexe il jeta un coup d'œil à son voisin, et s'aperçut que le contenu différait. Il lui arracha des mains mais les lettres se modifièrent sous ses yeux et la frustration monta violemment en lui. Des murmures excités enflaient dans la salle, et quoi que puisse faire les Carrows, Rodolphus et Rogue, rien ne parvint à les annihiler.
Les inscriptions couvraient les murs.
« REJOIGNEZ NOUS. ILS NE PEUVENT PAS TOUS NOUS PUNIR ».
« POUR HARRY POTTER, POUR NOUS, POUR LE MONDE SORCIER ».
Les cours étaient agités, un vent de bonheur étriqué soufflait à travers les murs, et Draco se sentait plus perdu que jamais. Son estomac se retournait chaque fois qu'il songeait que Rodolphus ne laisserait jamais passer un tel affront, et que lui-même ferait partie intégrante de la punition.
Amycus Carrow surgit dans la salle de classe de métamorphose, les yeux étincelant de haine et les lèvres couvertes de bave. Il ouvrit violemment la porte et le professeur McGonagall se tourna froidement vers lui.
-Si vous désirez quelque chose, je vous serais gré d'attendre que ma leçon soit finie, déclara-t-elle. Mr Finnigan, je vous prie de continuer à faire apparaître ce fauteuil, sans quoi vous passerez les prochaines leçons debout.
-Il n'aura pas besoin de ce sort, vieille chouette, siffla le Mangemort. Et la leçon est terminée. Tout le monde debout, immédiatement !
Les élèves obéirent prudemment.
-Sortez. Dans la Grande Salle, tous.
-Asseyez vous, le contredit la directrice des Gryffondors. Je suis votre professeur et je décrète lorsque la leçon est finie.
Le calme dont elle faisait preuve était impressionnant, et Draco admira le courage des Gryffondors, sans plus pouvoir le qualifier d'inconscience. McGonagall savait pertinemment ce à quoi elle s'exposait. Amycus lui cracha dessus.
-Ordre de notre Directeur Suprême, vieille gargouille. EXECUTION !
Les Serpentards de septième année commencèrent à se diriger vers la porte, mais, encouragés par Longdubat, les rouges et or ne bronchèrent pas. Amycus enfla de fureur et son visage devint écarlate. Draco attendait avec appréhension, se trouvant malgré lui dans l'impossibilité de s'arracher au pénible spectacle.
-Endoloris !
Neville tomba sur le sol en serrant les mâchoires mais pas un son ne s'échappa de ses lèvres déjà tuméfiées.
-Et maintenant mon garçon, vas-tu bouger ? A moins que tu ne désires finir comme tes parents.
Bellatrix et Rodolphus s'étaient maintes fois vantés des sorts subis par Frank et Alice Longdubat mais en cet instant, le douloureux rappel forma une boule dans la gorge du plus jeune Mangemort.
-Plutôt mourir debout que vivre à genou, répliqua Longdubat en se levant au prix d'un effort manifeste.
Son tortionnaire lui flanqua deux coups derrière les genoux, le faisant retomber sur le sol. Il brandit de nouveau sa baguette et McGonagall s'interposa.
-Si vous désirez martyriser mes élèves, donnez leur une retenue, mais je ne veux pas de ça dans mes cours, lança-t-elle sèchement.
Amycus se redressa de toute sa hauteur et s'approcha jusqu'à ce que leurs torses se touchent mais la femme ne broncha pas.
-Je m'en charge, intervint Draco.
Il savait ce qui risquait de suivre et ne voulait pas le voir se mettre en pratique. La nausée le prenait si fortement qu'il devait serrer les mâchoires pour s'empêcher de gémir.
-Va donc t'occuper des autres classes, ajouta-t-il en faisant appel à leurs rangs égaux de Mangemorts. Je te promets que cette vermine filera dans la Grande Salle.
Les mots lui éraflaient étrangement la gorge. Le Carrow hocha la tête et sortit, et Draco sentit son assurance le quitter. Il se retrouvait seul en compagnie de ceux qui le haïssaient et d'un professeur qu'il avait toujours respecté malgré lui.
-Malefoy, siffla celle-ci, vous êtes toujours un élève et…
-Je suis l'un des aides les plus précieux de notre directeur, la coupa-t-il. A présent, à moins que vous ne vouliez que vos chers Gryffondors passent tous dans les cachots sous des paroles que je me ferais joie de prononcer, je vous suggère d'aller dans la Grande Salle. Dès à présent.
Il devait reprendre le contrôle, ne pas leur laisser la moindre chance de rétorquer. S'il échouait, il risquait de perdre son rang, d'être puni, et ceux qui se trouvaient devant lui subiraient les pires sévices imaginables, sangs purs ou non.
-Tu es un être de la pire engeance, Malefoy, cracha Londgubat.
-Notre cher Directeur Suprême n'a pas apprécié vos petites manigances, répliqua-t-il, et vous devez à présent en payer le prix.
Il pointa sa baguette sur eux et indiqua la porte. Si Longdubat abdiquait, les autres suivraient et McGonagall devrait prendre son mal en patience. Il caressa l'idée de lui lancer l'Imperium mais la chose serait trop visible et se retournerait contre lui. Finnigan et Thomas, d'un même mouvement, braquèrent leurs baguettes sur lui. Draco sentait la sueur glisser le long de sa colonne vertébrale et son cœur s'emballer. Il jeta un coup d'œil au professeur, qui semblait hésiter entre le mettre hors de nuire et continuer la résistance passive afin de pouvoir protéger ses élèves.
-Maîtrisez le ! s'exclama Longdubat. Si nous y parvenons, alors…
-Endoloris !
Le sortilège sortit de sa baguette et frappa son adversaire avec une force qu'il n'aurait jamais imaginé. Il le maintint longuement, sachant qu'il tenait les autres en horreur, sa peur et sa tension se déversant dans ce sortilège. Lorsqu'il s'arrêta, les lèvres et la langue de sa victime saignaient, et l'âme de Draco également.
-Maintenant. Le prochain qui l'ouvre subit le même sort. Même vous, ajouta-t-il en direction de McGonagall.
Elle hoqueta, mais Longdubat se releva, lui cracha dessus, et sortit, jugeant enfin que la chose n'en valait pas la peine. Le mépris et la haine qui dégoulinaient de chacun d'entre eux atteignaient l'adolescent qu'il était mais il se devait de les laisser couler sur lui.
Les tables de la Grande Salle avaient disparues. Tous les élèves se tenaient debout, face à l'estrade, à Rogue et au directeur.
-Je vais, déclara Rodolphus avec une douceur menaçante, laisser à ceux qui ont perpétué ces actes immondes dix minutes pour se dénoncer. Passé ce laps de temps, un camarade des trois maisons coupables sera soumis au Doloris durant une minute durant vos cours d'Art de la Magie Noire. Si demain nous n'avons toujours pas les coupables, trois camarades seront envoyés aux cachots durant une semaine, puis trois autres… Les laisserez vous subir votre châtiment ?
Les dix minutes s'écoulèrent dans le silence le plus complet, sans un seul mouvement. Les narines de Rodolphus se dilatèrent.
-Ainsi soit-il. Severus, avez-vous entendu ?
L'homme hocha sèchement la tête et s'inclina.
-Seule la Maison Serpentard aura droit de dîner, ajouta Rodolphus avec un large sourire. Vous pouvez disposer.
Draco s'enfuit jusqu'au deuxième étage, trouvant refuge dans le toilettes désertes de Mimi Geignarde.
Ainsi qu'il fallait s'y attendre, nul ne se dénonça non plus le lendemain. La tension qu'éprouvait le jeune homme augmentait d'heure en heure. Il revit le jet écarlate frapper Longdubat dans ses périodes de somnolence et fut obligé de se lever à plusieurs reprises afin de s'asperger le visage, luttant contre la nausée et le dégoût de lui-même.
Il avait passé la barrière du mal et il le savait. Le prochain sortilège qu'il devrait lancer serait l'Avada Kedavra. Il était un Mangemort, perdu pour la cause que défendait Harry Potter, et il priait pour que la Résistance vienne détruire Poudlard et l'enterrer dans les décombres.
Son dégoût se mua en haine contre l'Armée de Dumbledore, au fur et à mesure que les élèves se relayaient dans les cachots et en revenaient méconnaissables et brisés. Le regard de Rogue ne lâchait désormais plus sa nuque, à tel point qu'il commença à s'interroger sur les véritables motivations de l'homme qui avait tout tenté de faire pour l'empêcher de tuer Dumbledore et s'en charger à sa place. Ses notes chutèrent dans toutes les matières, représailles pour ses dernières actions.
La solitude l'entourait toujours. Et quand Rodolphus le convoqua dans son bureau pour le renvoyer vers les cachots qu'il avait depuis début Décembre évités, Draco décida d'embrasser son destin. Sitôt qu'il sortit des lieux macabres et oppressants que constituaient le bureau du Directeur, il se dirigea vers les anciennes salles de potions.
Il vivait entouré dans le brouillard, et ne vit pas la silhouette qui l'alpagua et le plaqua contre un mur. A quelques centimètres de son visage, les yeux de Longdubat dégoulinaient de haine.
-Frappe-moi, ensorcelle-moi, jette-moi le Doloris, tue-moi, même, Malefoy si tu le souhaites. Quoi qu'il arrive, nous ne cèderons pas. Nous vaincrons parce que nous nous battons pour la vie alors que vous vous battez pour la haine. Tu n'as plus rien d'humain, et ce n'est pas ton sang pur qui rachètera quoi que ce soit.
Il le rejeta violemment sur le sol et disparut au détour d'un couloir sans que Draco ne cherches à le poursuivre. Il avait dans les jeunes heures de ses nuits sans repos considéré d'aller trouver Longdubat pour se joindre à eux, l'esprit embrumé par le sommeil. Il les avait, sans qu'ils ne le sachent, protégés sans les dénoncer, espionnés une fois même, alors qu'ils écoutaient Potterveille. Le fait d'être haï par tous, méprisés par les Mangemorts depuis la déchéance de son père, le faisait bouillonner de l'intérieur. Quoi qu'il fasse, il ne pourrait obtenir de rédemption. Il se releva avant que quiconque puisse le voir ainsi et descendit dans les cachots.
L'odeur était pestilentielle. Il n'existait aucune ouverture, et l'humidité dégoulinait sur les pierres du château. Les sangs de bourbes étaient entassés dans la pièce avec un sceau pour les excréments, un pour la boisson et un pour se laver. Les portes étaient ouvertes durant les heures de ménage, et quiconque était surpris à leur donner quoi que ce soit risquait de subir le même traitement durant un temps indéterminé. Rodolphus avait réussi à instaurer à Poudlard son propre régime de terreur.
Il les sentit se tendre lorsqu'il pénétra dans la pièce. Ses yeux les parcoururent un à un. Maigres à faire peur, désespérés, ils avaient piètre allure. Draco éclata de rire, tentant de se persuader qu'il ressentait du plaisir à les voir ainsi.
-Tu peux rire, Malefoy, lança un gamin d'une douzaine d'année, mais tu ne vaux pas mieux que nous. Je croyais que les inscriptions te l'auraient fait comprendre.
Les rumeurs les avaient atteints, et eux en avaient retiré de l'espoir. Ils ne se pressaient pas pour les faire disparaître, sachant que leurs conditions pouvaient difficilement empirer. Rodolphus avait donné l'ordre à son neveu de les remettre en place, et Draco choisit le jeune Gryffondor en exemple. Il l'attrapa par le col de sa chemise souillée, une expression de dégoût sur le visage.
-Mon sang n'empeste pas à des miles, rétorqua-t-il avec un sourire goguenard. Tu les aimes, ces inscriptions ?
Alors que le môme ouvrait la bouche, il lui plaqua un index sur les lèvres et le balança sur le sol nu, qu'il heurta avec un craquement satisfaisant. Draco sortit sa baguette et força un nouveau rire à sortir de ses lèvres. Il gifla violemment l'enfant et tint les autres en respect d'un Silencio sur le premier qui protesta. Puis il déchira d'un Diffindo les manches de la robe, et médita.
-Laquelle de ces inscriptions vais-je pouvoir marquer ? persifla-t-il. « Chacun a sa place ? » Il me semble qu'elle avait fait sensation. Peut-être « Le recrutement continue ».
Son esprit sombrait peu à peu, se délitant sous l'effet des brimades qu'il avait dû effectuer et subir depuis la grande opération de résistance lancée par l'Armée de Dumbledore, sous celle de la fatigue et du désespoir.
-Allons-y dans ce cas… Diffindo !
Il maîtrisa son sortilège pour entailler la peau de l'enfant en lettres précises, et le gamin hurla sous l'effet de la douleur.
-Ferme là.
Il lui cogna la tête contre le carrelage, et recommença son œuvre, le martelant de coups au passage. Sa proie devint bientôt molle entre ses griffes et lorsqu'il commença à reprendre pied dans la réalité, épuisé, il réalisa que les cris s'étaient depuis longtemps tus. Horrifié, il lâcha le corps qui heurta le sol avec un bruit sourd. Ses mains empestaient le sang et sa baguette était souillée à jamais.
-Euan ! hurla un première année en se ruant sur lui.
Il ne l'en empêcha pas. L'enfant secoua son ami, ou son frère, en hurlant, puis braqua deux yeux qui contenaient plus de haine que Draco n'en avait jamais vu.
-Tu l'as tué ! hurla-t-il.
Muet d'horreur, l'adolescent se contenta de le fixer avec hébétude.
-Meurtrier ! Je vais…
-Armand, murmura un jeune homme en se ruant sur lui pour le ceinturer. Armand non, il n'aurait pas voulu que tu meures aussi.
Le plus jeune ne voulait rien entendre. Il hurlait à s'en briser les cordes vocales, et Draco se tenait immobile près du corps de sa victime, comprenant peu à peu ce qu'il avait fait.
Et, lâchement, il fuit.
Il déambula dans les couloirs, redoutant de croiser des membres de l'Armée de Dumbledore, courant et bousculant tous ceux qui se trouvaient sur son passage, fuyant, courant toujours plus loin. Il poussa violemment la porte des toilettes des filles, claqua celle des cabinets à se la reprendre en pleine face, et vomit tripes et boyaux.
Il avait le sentiment de ne pas pouvoir s'arrêter. Il ne rendait plus que de la bile et ses genoux souffraient mais il vomissait toujours, sans interruption, faible substitut pour le cri d'horreur qui enflait dans sa poitrine et qu'il ne pouvait laisser sortir. Jamais il n'aurait pu imaginer qu'il existe pareille douleur.
Sa gorge était à l'agonie, sa vision aveuglée par les larmes mais il continuait à trembler et à rendre tout ce qu'il pouvait, se frappant au passage la tête contre le rebord de la cuvette.
Lorsqu'il n'en put plus, il rampa sur le sol détrempé par une colère de Mimi et atteignit un lavabo. Il se releva, et aperçut les traces de sangs séché sur le céramique blanche, sur ses mains, sur ses lèvres et ses vêtements. Il claqua la porte et la verrouilla, et glissa sur le sol en sanglotant.
-Oh oh, lança une voix trop familière, ça me rappelle quelque chose… Tu crois que tu vas mourir cette fois ?
Mimi, qui l'avait soutenu l'année précédente, paraissait de très bonne humeur.
-J'espère, répondit-il.
Il voulait que tout cela stoppe.
-Ooooh ! Je partagerais avec joie mes toilettes ! s'exclama-t-elle.
Draco songea qu'il ne reviendrait pas sous forme de fantôme, tourmenté par les horreurs perpétuées et pour voir cette foutue guerre décimer encore tant de vies et engendrer tant de monstres.
Il apparut néanmoins que le mécanisme infernal dans lequel il s'était engagé n'en avait pas fini avec lui. Dans sa lâche fuite, il avait laissé la porte ouverte et un sang mêlé se rendant en cours de Potions avait décidé d'aider ceux qui le pouvaient à s'enfuir. Il s'était fait surprendre par les Carrows et fut aussitôt transféré auprès de ceux qui subissaient les représailles de la Résistance.
Draco se rendit dans la pièce, la culpabilité lui déchirant l'âme et les entrailles. Michael Corner, Denis Crivey et Eliane Jorsey s'y trouvaient en plus du jeune sang mêlé de Poufsouffle qu'il reconnut comme Richard Hazel, lointain cousin des Weasleys et de sa propre famille. La tête penchée vers le sol, le sang gouttant de sa tempe, il paraissait inconscient. Le Mangemort avisa une coupole sur le sol et la remplit d'eau, redressant la tête du garçon avec précaution.
-Ecartes toi Malefoy, cracha Corner.
Il ne répondit pas et tamponna sa tempe avec un mouchoir apparu de nulle part, signe de ses progrès en métamorphose malgré sa trahison. Il réveilla Hazel et ses yeux bleus croisèrent les siens avec un étonnement déconcerté.
-C'est de ma faute, murmura Draco sans énergie. Bois.
Quelques rares fois il était allé porter secours à ces prisonniers, lorsqu'il avait craint qu'ils ne trépassent sous la folie de leurs geôliers. La vue de Richard lui soulevait le cœur. Il payait pour sa loyauté et parce que lui, en plus d'avoir tué un enfant dont il ignorait le nom, avait laissé la porte ouverte. Sans poser de questions, le garçon entrouvrit les lèvres, et il y versa l'eau rafraîchie par ses soins. Il se releva ensuite et avisa les trois condamnés par défaut.
-Votre silence contre de l'eau, offrit-il.
-Pas besoin de ta charité, sale Mangemort, cracha Denis.
Draco l'attrapa par le col de sa robe, prêt à lui rappeler que ce genre de phrases pouvait lui coûter la vie, lorsque l'image d'Euan dans la même situation se superposa à la scène dans son esprit. Il le relâcha alors que la bile remontait jusque dans sa bouche.
-File, marmonna Jorsey, de toutes façons ça ne changera pas grand-chose.
Il remplit trois fois la coupole, vérifia l'état de Richard, puis referma soigneusement la porte.
Il revint quelques heures plus tard, puis durant la nuit. Au matin, la nouvelle tomba dans les journaux que les Hazel avaient aidé deux Sang-de-bourbes à s'enfuir. Le père était à Azkaban mais la mère avait réussi à s'évader, ayant sans doute rejoint la Résistance. Draco patienta jusqu'à la fin de son cours de sortilège, où il échoua lamentablement, puis rejoignit les cachots. Il y croisa Severus Rogue et ils échangèrent un étrange regard.
-Que fais-tu là Draco ? lança son ancien mentor.
Il y avait dans la crispation de sa mâchoire une fureur contenue que l'adolescent avait appris à décrypter.
-Je comptais rendre visite aux prisonniers. Peut-être que l'un d'entre eux sait quelque chose.
Il aurait voulu proférer des menaces à leur encontre mais le souvenir d'Euan le brûlait. Il avait passé sa nuit dans les toilettes, incapable de dormir.
-Le spectacle leur déliera peut-être la langue, répliqua son directeur de maison.
L'étrange phrase lui souleva l'estomac et les battements de son cœur s'accélérèrent. Il pénétra dans la pièce et vit que Richard se trouvait de nouveau inconscient, la tête penchée vers le sol. Il s'approcha avec angoisse et nota une flaque de vomi aux pieds de Corner, et une flaque de sang, beaucoup trop conséquentes, sous Hazel. Son coup avait été tranché à l'artère. Draco eut l'impression d'avoir reçu une gifle. Il tressaillit, recula, et tomba sur le sol.
-On ne supporte pas la vue du sang ? De la mort, peut-être ? cracha Jorsey.
Peu soucieux du public, le jeune homme s'adossa contre la porte, la tête lui tournant. Richard était mort, Richard dont il avait pris soin. Un nouveau mort par sa faute.
La nouvelle fut propagée par un Rodolphus radieux. Des filles hurlèrent et des garçons serrèrent les poings. Au moins son sadique oncle n'avait-il pas accroché sa tête en trophée, lui souffla sa conscience détruite.
La Grande Salle fut recouverte le lendemain de dernières inscriptions.
PAIX A RICHARD HAZEL, MORT EN HEROS.
AUTEURS : NEVILLE LONGDUBAT, LAVANDE BROWN, LUNA LOVEGOOD, SEAMUS FINNIGAN.
VOUS AVEZ VOS COUPABLES.
Les quatre désignés avaient disparu.
Les derniers événements avaient rendu Draco apathique. Il suivait les instructions afin de survivre, passait ses nuits couché sur le sol des toilettes de Mimi et n'avalait plus rien.
La vision d'Euan tombant de ses bras avec un bruit sourd se mêlait à la trachée sanglante de Richard et il se leva pour aller plonger son visage dans l'eau. Dans la glace il vit un visage émacié aux cheveux de paille desséchés dont le regard éteint le fixait avec dégoût. Le reflet d'un garçon que rien n'indiquait être un tortionnaire meurtrier mais dont la pureté du sang n'apparaissait pas dans son visage. Il posa ses mains sur le lavabo et laissa les larmes couler.
Quelques instants plus tard, il traversait les couloirs tel un fantôme, reprenant le chemin des cachots. Il devait voir Armand. Vérifier que les sang-de-bourbes allaient bien, qu'ils n'avaient pas souffert de la tentative de Richard pour les sauver. Que le cad- corps d'Euan ne pourrissait pas parmi les vivants.
Il déverrouilla la porte et entra dans la pièce silencieuse. Quelques têtes se relevèrent et se tendirent en voyant une silhouette ennemie.
-Toi ! siffla le jeune homme qui avait retenu Armand. Va-t-en. Laissez-nous nos nuits !
Draco parcourut la pièce du regard et sentit ses jambes le lâcher en apercevant la masse formée par le corps d'Euan. Il se raccrocha à la poignée de la porte.
-Je viens chercher l-le c-corps de…
-Le corps ? siffla son interlocuteur. Nous ne sommes donc plus des êtres humains à vos yeux…
Fiévreux, l'adolescent blond le dévisagea.
-Le garçon que j-j'ai…
Sa gorge se noua, lui interdisant de finir sa phrase. Il n'avait pas même eu besoin d'apprendre à jeter le sortilège de mort, il l'avait amenée dans les entrailles de Poudlard de ses propres mains.
-Euan. Le garçon que tu as si lâchement tabassé s'appelle Euan. Tu veux finir le travail ? Je te préviens, j'ai empêché Armand de te sauter à la gorge la dernière fois, mais touche-le encore et je resterai passif. Vous avez tué un garçon pour punir ses parents, notre vie ne vaut plus rien.
Draco avait appris son enfance durant à manier les mots, et les subtilités du langage de l'adolescent ne lui échappèrent pas. Il lui sembla que sa cage thoracique s'ouvrait pour enfin le laisser respirer. Euan vivait. Il n'était pas un meurtrier –juste un bourreau. Sans un mot de plus, il s'approcha de lui. L'odeur du sang séché s'infiltra dans ses narines et il eut un haut le cœur avant de noter que sa respiration était très rauque et son visage si tuméfié qu'on ne discernait plus ses traits. L'âcreté de ce qu'il respirait lui révéla que les plaies qu'il lui avait si librement infligées s'étaient infectées.
-Il va mourir, murmura-t-il.
Il ne pouvait pas plus le soigner que l'apporter à Mme Pomfresh, et jamais il ne se remettrait s'il devait en plus nettoyer Poudlard. Euan allait mourir, et il ne serait que le deuxième d'une longue lignée.
Autour de lui, sentant sa présence, les autres sangs de bourbe commençaient à bouger et à s'éveiller. Il se releva et les regarda. Il ne pouvait supporter un meurtre quand les Mangemorts torturaient et assassinaient sans vergogne. Dumbledore le savait, Rogue également. Et il n'avait d'autre choix que d'admettre que les tâches que son oncle lui astreignait depuis la rentrée le révulsaient. Corps et âme il hurlait et priait pour qu'Harry Potter vienne.
Il avait le pouvoir d'agir, réalisa-t-il. S'il devait sauver le garçon dont la mort ferait de lui un meurtrier, alors il devait faire appel à l'Ordre. Les avertir de ce qui se passait dans les murs de Poudlard. Retourner sa veste et trahir.
Pour stopper l'ignominie et sauver son âme en même temps qu'Euan, il devait appeler l'Ordre.
Trahir. Et plus tard, mourir.
o°o°O°o°o
Le front posé contre une vitre glacée, Harry observait la neige tomber sur Londres. La période de Noël avait toujours été pour lui source de réconfort mais cette année la chaleur pure et magique qu'il ressentait d'ordinaire n'était jamais apparue. La douleur, la mort et le désespoir hantaient le monde sorcier britannique.
Il se dégagea et contempla une longue estafilade sur son bras qu'il avait gagnée lors d'une mission quelques jours plus tôt. Regulus le laissait participer, ainsi qu'Hermione mais les Weasleys se tenaient toujours en retrait afin de protéger Ginny. Harry posa son regard sur Artemis qui lisait, à même le sol, un peu trop agité. Il vint se poser auprès de l'enfant qui plongea son regard dans le sien, et le jeune homme décoda aisément ce comportement : le livre ennuyait Artemis qui ne parvenait pas à se concentrer dessus. Il souleva la couverture d'un doigt : Protections et dissimulations.
-Tu n'es pas obligé de lire cet ouvrage, tu le sais ? s'enquit-il.
Les prunelles argentés s'assombrirent.
-Je ne suis pas obligé mais vous en avez besoin.
Harry médita quelques instants, se souvenant de Barty Croupton Jr dans la peau de Maugrey, de son propre usage du polynectar et de l'espionnage.
-Désires-tu que nous essayions de nous entraîner ? proposa-t-il.
L'enfant parut pris au dépourvu et s'agita un peu plus, mais il attrapa sa baguette et se leva en acquiesçant. Le jeune homme avisa un insecte ayant survécu au gel sur la fenêtre et l'attrapa. Il le figea afin qu'il ne puisse se carapater et le posa sur une table.
-Essaie de le transformer en bouton, offrit-il avant de lui donner la formule adéquate.
Regulus insistait pour que l'enseignement de son fils ne soit pas uniquement dirigé vers la guerre. Il voulait qu'il puisse apprendre les matières enseignées à Poudlard.
-Pourquoi ? demanda Artemis.
Harry cligna des yeux, étonné, et un sourire naquit sur ses lèvres craquelées. Nul ne se serait avisé à répondre « Pourquoi » au professeur McGonagall et pourtant l'effet du sortilège pouvait effectivement être questionné.
-Parce qu'il existe d'autres métamorphoses bien plus utiles auxquelles tu ne pourras accéder tant que tu n'as pas appris avec les invertébrés, répondit-il.
L'enfant paraissait perplexe mais il suivit docilement les recommandations de son père, soit s'entraîner sur tous les sujets possibles, et pointa sa baguette sur l'animal. Le scarabée recommença à bouger sans qu'aucun changement n'ait altéré son corps, et Artemis commençait à perdre patience. Harry réalisa qu'il avait omis de lui imposer un temps précis et regarda sa montre.
-Nous essayons depuis vingt minutes, annonça-t-il. Encore dix, Artemis, d'accord ? Essaie de visualiser le bouton dans ta tête.
-Quelle couleur ?
-Eh bien… Noir, je suppose,
-Quelle taille ?
-Je ne sais pas… un demi centimètre…
-Quelle forme ?
Le jeune homme comprit à cet instant qu'il ne serait jamais bon en métamorphose, et que ce serait même un fait exceptionnel s'il réussissait une transformation. Artemis avait besoin de faits précis, d'images réelles. Il agita sa propre baguette, obtint un bouton, puis redonna vie à l'insecte.
-Essaie de le reproduire, suggéra-t-il.
Le scarabée était noir lorsqu'ils mirent fin à la séance, mais l'enfant était toujours aussi perplexe et Harry, désarçonné. Pourtant il ressentait un amusement mêlé d'affection.
Un hibou grand duc lâcha une lettre devant la fenêtre alors qu'il finissait de refermer les plaies de la lampe transformée en rat, sortilège de guérison qui s'avérerait sans doute un jour efficace. Il avait tenté Ferula, qui permettait de bander un membre, plusieurs fois en compagnie de Ron et Hermione, et si leur amie avait réussi sans trop de problèmes, Ron et lui voyaient encore leurs bras ou leurs jambes broyées dans des bandages trop serrées ou leurs tentatives de soin se déliter rapidement. Le jeune homme rendit la lampe à la pièce et ouvrit la fenêtre, le cœur battant. Il jeta un rapide sortilège de vérification que Maugrey avait imposé à chacun des Flammes et Phénix, promena son regard aux alentours afin de s'assurer que nul ne les avait découverts, et attrapa finalement la lettre. L'enveloppe ne comportait aucune inscription et pourtant il ne faisait nul doute que le destinataire devait être lui-même ou un habitant du Square Grimmaud, les hiboux possédant un sens particulier leur permettant de trouver les destinataires. Avec appréhension, Harry décacheta l'enveloppe. Elle ne comportait qu'un simple parchemin, couvert d'une écriture moulée mais presque illisible, comme si elle avait écrite rapidement.
Harry Potter ou, l'Ordre du Phénix.
Je suis le seul qui puisse écrire dont le courrier n'est pas surveillé –du moins je l'espère-.
Il faut que quelqu'un intervienne à Poudlard. Maintenant. Un des élèves, un sang-mêlé, est mort, assassiné par un enseignant dans un cachot réservé à ceux qui résistent au directeur. Il n'a pas succombé à des blessures, il a été assassiné en représailles des actions de ses parents. Richard Hazel devait avoir douze ans.
Un autre élève a été tabassé dans les cachots et il va mourir si l'Ordre n'intervient pas. Il s'appelle Euan.
Je suis très sérieux, Potter, ou membres de l'Ordre. Vous devez évacuer Poudlard le plus rapidement possible avant que tous les sang-de-bourbes ne meurent. Ils sont relégués dans les cachots et nous servent d'elfes de maisons.
Contactez les membres de l'Armée de D. Londubat, Brown, Lovegood et Finnigan ont disparu, s'ils vous ont rejoint vous saurez déjà tout et ils vous diront comment entrer. D'autres vous aideront, ils n'étaient pas seul.
Je vous faciliterai la tâche autant que possible si je ne suis pas mort avant cela. Et ce n'est pas une embuscade, ils vont mourir. Poudlard est déjà tombée, au moment où Rodolphus Lestrange a accédé au poste de directeur.
Maintenant.
La tête tournait à Harry et il relut le parchemin plusieurs fois, y cherchant un quelconque indice de son auteur, sans succès.
-Un Serpentard ou un sang-pur d'une vieille famille.
La voix d'Artemis le fit sursauter et il se tourna vers lui, aux aguets.
-« Sang-de-Bourbe », ajouta l'enfant avec simplicité.
La méfiance héritée de Regulus afflua chez le Survivant. La dernière fois qu'il s'était jeté à l'aveugle pour sauver quelqu'un, Sirius avait péri. Malgré tout, son instinct lui hurlait de se rendre à Poudlard immédiatement. Il bondit vers la porte, effrayant légèrement Artemis qui suivit néanmoins.
-Arcturus ! appela-t-il.
Son mentor fut auprès de lui quelques secondes plus tard, quelque chose dans la voix de l'adolescent l'ayant particulièrement alerté. Il saisit la lettre, et la serra tant que ses jointures devinrent livides.
-Les Hazel. Les Flammes ont aidé Jenna à quitter le pays avant-hier. Harry, va chercher Ron et Hermione, et contacte les Phénix. Descendez dans la salle de réunion.
-Tu ne crois pas qu'il s'agisse d'un piège ? s'enquit-il.
Regulus se retourna, droit et impassible comme à l'accoutumée mais ses yeux gris trahissaient un bouleversement intense.
-Ceci n'a pas d'importance. Je connais Rodolphus, et Bellatrix est ma cousine. Les faits rapportés dans la lettre sont véridiques.
Harry hocha la tête et remonta les escaliers jusqu'à sa chambre, où Ron et Hermione étudiaient les Horcruxes. Il ouvrit sans frapper et constata qu'ils étaient épaule contre épaule. Les joues de la jeune fille avaient un peu trop rosie. Ignorant ce détail, il déblatéra le contenu de la missive, et Hermione sauta aux mêmes conclusions qu'Artemis. Ils appelèrent les Phénix à l'aide des Gallions puis frappèrent à la chambre de Remus.
Quelques minutes plus tard, la moitié des membres de l'Ordre étaient assis dans la salle de réunion. Artemis s'y glissa et Regulus l'observa longuement.
-Si jamais tu te sens mal, déclara-t-il d'une voix aussi douce que ferme qui contenait tout son amour paternel, je veux que tu m'avertisse et que tu sortes de la pièce. Je viendrai avec toi. Est-ce promis ?
Le garçon frémit puis hocha la tête, et attrapa le doigt de son père pour l'entrelacer dans le sien. Molly ouvrit la bouche pour protester mais se ravisa alors que Lee et Emmeline pénétraient à leur tour dans la pièce.
-Arthur et Kinglsey ne pourront pas être là, avertit-elle. Et je ne suis pas sûre que Tonks puisse se libérer.
-J'en ai conscience, répondit Regulus. Nous leur expliquerons plus tard.
Il lut le parchemin et un son étranglé sortit de la gorge de la moitié des participants. Sans se départir de son apparent calme, leur leader les dévisagea un à un, toujours debout.
-Nous devons agir immédiatement. Poudlard nous a toujours préoccupé mais la vie des enfants est à présent en jeu. Certains ne sont plus considérés comme humains.
Artemis posa une main sur le bras de son père et le regard de Regulus se fit un instant vague.
-Les précédents dans l'Histoire du monde sont dangereux. Il faut prendre leur sécurité en compte mais également nos plans. Nous devons récupérer Poudlard. Certaines choses dont nous avons besoin se trouvent là bas.
Les Phénix se tendirent et levèrent tous le menton.
-Les enfants risquent de devoir choisir et le monde ne pourra plus rester passif. Nous sommes entrés dans une guerre qui est plus semblables à la Deuxième Guerre Mondiale qu'à la Première. Les camps vont se former.
-Et comment pouvons nous faire ? s'exclama Emmeline. Arcturus, Poudlard est une forteresse dont les protections sont quasi-infranchissables.
L'homme posa les mains sur la table, geste si familier qu'Harry s'en sentit instantanément soulagé.
-Nous allons nous organiser. Vous allez tous rester là jusqu'à ce que nous agissions. Vous vous relaierez pour mettre vos affaires en ordre. Harry, je voudrais que tu te charges d'apprendre à certains quelques sortilèges. Remus, Maugrey, Tonks et Kingleys m'aideront en stratégie –Artemis également s'il le désire-. Molly, Emmeline, Arthur, vous prendrez contact avec quelques un de nos alliés à Pré Au Lard, Madame Rosmerta comprise. Fred, Georges, Lee, cherchez à établir le contact avec l'Armée de Dumbledore par Potterveille, et avec Hagrid, nous pourrions avoir besoin de la forêt interdite. Fleur, Bill, Dirk, cherchez des solutions pour accueillir les enfants. Harry, Ron, Hermione, étudiez la carte de Poudlard et vous viendrez nous rejoindre en stratégie.
Il s'interrompit, puis ancra son regard dans celui d'Alastor Maugrey.
-Combien de temps ? s'enquit-il.
-Trois jours maximum, répliqua l'ancien Auror.
Quelques un hoquetèrent. Regulus répondit aux questions du mieux qu'ils le pouvaient. Le cœur d'Harry battait à tout allure et il entendait son sang résonner à ses temps. Ils allaient organiser une réelle bataille. Ils allaient enfin agir d'une façon signifiante.
Enseigner à d'autres membres de l'Ordre avait rappelé à Harry l'armée de Dumbledore, et il se découvrait toujours aussi bon pédagogue.
-Tu as vécu des événements qui te donnent de l'expérience du terrain, avait expliqué Hermione. Ça te donne un point de vue différent.
Il avait passé la journée à alterner entre plusieurs réunions, et la carte de Poudlard qu'il connaissait si bien lui donnait désormais la nausée. Pris dans la guerre, il n'avait pris le temps de l'ouvrir depuis Septembre. La vue des cinquante noms entassés dans deux pièces avait fait naître chez lui une sourde colère. Il se battrait avec d'autant plus de force à présent. L'auteur de la missive n'avait pas menti. Les noms de Dennis Crivey et Michael Corner dans une autre cellule avait fait couler une sueur glacée le long de sa colonne vertébrale. Chaque heure il vérifiait que Ginny n'était nulle part dans les cachots, qu'elle assistait à ses cours et vivait sans être trop blessée pour bouger.
-Nous allons les assiéger, déclara Regulus le matin du deuxième jour. Poster une sentinelle à chaque passage secret lorsque l'attaque sera déclarée, et prendre d'assaut les balais de l'école pour les membres de l'Ordre qui n'en ont pas. Ceux qui sont plus à l'aise à terre y resteront. Nous ferons des squads, en répartissant les sentinelles et ceux qui aideront les enfants à s'évader.
-Nous pourrons compter sur l'AD, lança Ron. Lee, Fred et Georges ont fait passer le message sur Potterveille, et j'ai vérifié mon gallion, il a bougé deux fois depuis hier soir.
Les yeux d'Hermione brillèrent lorsqu'il prononça ces mots, et elle lui serra la main avec force. Harry retint un sourire amusé.
-Il faut que nous prenions garde à Rusard, avertit-il sombrement. C'est un Cracmol, ce que Voldemort méprise, mais il a été l'allié d'Ombrage et il doit être ravi que les châtiments corporels soient de nouveau en vigueur.
Maugrey griffonnait sur les plans simplifiés de Poudlard, barrait et ajoutait des noms, estimant les capacités de chacun. Mrs Weasley et Fleur annoncèrent que quelques sorciers se tiendraient prêts à accueillir les enfants évacués, leurs équipes ayant travaillé en collaboration depuis le premier jour. La guerre créait des liens et des ententes.
La veille du départ, Regulus frappa à la porte de la chambre que partageaient Harry et Ron. Le Survivant tentait de distraire son esprit en jouant aux cartes de chocogrenouille avec Artemis. Le garçon pouvait se focaliser bien plus facilement que lui, et il broncha à peine lorsque son père pénétra dans la chambre.
-Puis-je te parler ? s'enquit son mentor.
Harry hocha la tête et s'installa sur son lit. A sa grande surprise, l'homme verrouilla la porte et y lança un Assurdiato.
-Artemis, je te veux dans ta chambre pour vingt-deux heures. Quel sera ton rôle lors de l'attaque ?
-Je resterai près de Kreattur, répondit-il mécaniquement, et je me tiendrais loin des champs de bataille. Je peux décrypter les idées et messages ennemis mais je ne suis pas autorisé à être vu. Si quelqu'un voulait me capturer, le fait que je m'échappe est plus important que vos vies. Si ça ne tenait qu'à toi, je resterais ici avec Kreattur mais tu sais que j'aurais une crise et serais dangereux.
Regulus hocha la tête, tendu à l'extrême. Harry savait qu'il se torturait à l'idée que son petit garçon soit si près des combats et de la mort, et seul les pouvoirs elfiques de Kreattur et sa foi sans bornes envers le vieil elfe lui faisaient admettre qu'Artemis serait mieux parmi eux. Son mentor s'assit à ses côtés.
-Harry, ce que je m'apprête à te dire n'est connu que de moi. Nous allons avoir besoin de ce savoir si nous voulons récupérer Poudlard… et un allié de taille. Néanmoins, je redoute ta réaction, aussi dois-je te demander de ne pas réagir impulsivement. Demain tu participeras à l'un des premiers combats importants de cette guerre et j'ai besoin que tu sois un adulte.
Au fil des mois, le jeune homme avait appris à rester de plus en plus impassible, et il encaissa la tirade de l'homme avec un minimum de surprise, calmant son appréhension. Il hocha lentement la tête, anxieux.
-Severus Rogue est de notre côté, annonça Regulus sans plus de préambule.
Le deuil et la fureur affluèrent en Harry qui braqua ses prunelles furibondes sur l'homme.
-Assieds toi ! ordonna son mentor, et réagis en adulte. J'ai analysé les situations et je vais t'énoncer mes preuves mais je te veux calme.
Combattant furieusement les tremblements de ses poings récemment formés, l'adolescent serra les dents. Artemis gémit à quelques pas de lui, l'obligeant à redescendre d'un cran, conscient qu'il avait capté émotions et images.
-C'est Severus qui a permis à Dumbledore de survivre aussi longtemps, reprit Regulus. Le maléfice de l'Horcruxe était particulièrement puissant.
Phrases après phrases soigneusement élaborées, il exposa le double jeu du maître des potions et lorsqu'il se tut, Harry savait qu'il s'agissait d'une indéniable vérité. Il resta silencieux, peinant à encaisser le choc. Il avait été simple de blâmer Rogue pour la mort du directeur, à présent il comprenait que Dumbledore avait orchestré sa fin sans lui en parler, comme il avait dissimulé les zones sombres de son passé. Il commençait à ressentir de la rancœur envers son plus ancien mentor, et du respect pour celui qu'il haïssait, et il s'en trouvait décontenancé. Dans les périphéries de son champ de vision, Artemis tremblait. Harry inspira profondément.
-Soit.
Il s'efforça de réfléchir comme Regulus lui apprenait à le faire.
-Donc Rogue se retrouve seul tandis que Lestrange exerce ses pulsions sadiques et il ne peut ni nous aider ni partager son savoir sans se trahir. Crois-tu qu'il soit l'auteur de la let… Non, ce n'est pas son écriture, j'ai déchiffré son livre de potion l'année dernière. Quoi qu'il en soit, nous devons le joindre.
Les yeux argentés de son mentor étincelèrent de fierté.
-Exactement. Nous devons le joindre et le protéger à la fois de l'Ordre et des Mangemorts. Je n'ai pas averti les Phénix car j'appréhende les trahisons. Tu peux avertir Ron et Hermione, Harry, mais personne d'autres. Ce sera à vous trois où à moi de le trouver, et je ne te veux nulle part d'autre sur le champ de bataille pour le moment. Severus est une priorité –si nous pouvons prétendre l'avoir fait prisonnier ce sera une victoire de plus.
Il hésita, puis leva une main rassurante qu'il posa sur l'épaule de l'adolescent.
-J'ai confiance en tes capacités, Harry, mais n'oublie jamais : tu dois être vivant. Choisis tes combats.
Il l'étreignit brièvement, entrelaça ses doigts avec ceux de son fils en reprécisant les horaires et quitta la pièce, laissant le Survivant perdu et pensif.
-Pourquoi ? murmura-t-il. Pourquoi Rogue serait-il un espion ?
Artemis, seul autre humain dans la pièce, pris la question pour lui et braqua deux prunelles semblables à celles de son père sur le visage d'Harry.
-Il existe de nombreuses raisons. Je ne suis pas autorisé à te les révéler.
Il devait avoir capté les pensées de son père, qui avait côtoyé Rogue, James, Sirius, Lily et Remus à Poudlard. Harry inspira plusieurs fois profondément pour endiguer sa frustration et alla ouvrir la fenêtre. Il avait besoin d'air.
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Les heures s'écoulaient, insupportables. Les élèves de Poudlard survivaient dans l'enfer. Les cris résonnaient des salles employées à la magie noire. Les leaders de la rébellion avaient déserté et semblaient avoir emporté avec eux l'espoir, et la mort de Richard, assassiné de sang froid, avait achevé de plonger les élèves dans l'horreur. Certains hésitaient à se rallier aux Mangemorts pour protéger leurs proches et ne pas subir les mêmes tortures. Et la gangrène montait sur le bras d'Euan, dont la respiration se faisait plus rauque chaque fois que Draco venait vérifier qu'il continuait de se battre.
Il affichait toujours son sourire sarcastique et son regard haineux, conscient qu'au moindre faux pas de sa part, tous auraient été ravis de le voir subir un châtiment qu'il avait lui-même plus d'une fois provoqué sur ses camarades, mais il se demandait comment son oncle et le Seigneur des Ténèbres pouvaient se laisser abuser, alors que son visage ressemblait à celui d'un cadavre. Leur Maître ne se préoccupait pas particulièrement de lui et il remerciait sa folle de tante de lui avoir enseigné les bases de l'Occlumencie mais il ne tiendrait pas longtemps. L'Ordre devait se décider avant que Poudlard ne sombre.
La tension particulièrement dense au château le heurta lorsqu'il ouvrit péniblement les yeux du sol des toilettes de Mimi, où il s'était une fois de plus réfugié. Toujours seul, l'adolescent avait appris à développer une sensibilité accrue à son entourage au cours des deux dernières années. Néanmoins, il fut incapable d'estimer de quelle côté venait la tension, et il priait pour que Rodolphus n'ait pas décidé d'exterminer tous les nés moldus des cachots pour les entraîner à lancer le Feudeymon.
Il se trouvait en Métamorphose lorsqu'ils sentirent le château trembler. Tous les élèves présents se redressèrent, et leur dure professeur ne fit pas un geste pour les en empêcher, s'approchant de la fenêtre, sa baguette aussitôt brandie. Un son sourd résonna et tous les élèves suivirent son exemple. Draco eut l'impression que l'étau qui emprisonnait son âme lui permettait enfin de respirer un peu. Les secours venaient enfin. Il maudit leur choix d'horaires : il se trouvait en compagnie de ceux qui le haïssaient et désiraient le voir tomber d'un piédestal où il n'avait jamais désirer se trouver, et il peinerait à se glisser hors de la salle avec le regard acéré de McGonagall.
Des cris résonnèrent dans les couloirs et ils se levèrent d'un bond.
-Regagnez vos salles communes, ordonna leur professeur. Protégez les plus jeunes.
-Nous sommes majeurs, professeurs, répliqua Parvati Patil, et si le château est attaqué, nous vous aideront.
Ils étaient des Gryffondors, prêts à se battre pour l'honneur. Les Serpentards ne bronchèrent pas, mais Draco vit une étincelle de fierté luire chez la directrice qu'il avait appris à respecter.
-Votre protection et celle des plus jeune est la priorité, souvenez vous en, Miss Patil.
Ils trépignaient d'impatience, et prirent cette phrase comme une autorisation en quelques secondes, ils avaient disparu de leur champ de vision. McGonagall se tourna vers l'autre groupe.
-Regagnez votre salle commune, ordonna-t-elle, dédaigneuse. Et n'oubliez pas que vous êtes également majeurs : si vous vous battez, vous serez tenus responsables de vos actes.
Ils décryptèrent aisément la menace : s'ils se retrouvaient contre elle, ils ne seraient plus des élèves mais des ennemis. Draco frissonna mais fila aussi vite que possible. Il savait qu'on le verrait comme un lâche, mais rien n'avait plus d'importance désormais.
Il devait faire en sorte que l'Ordre remporte cette bataille, puis il aiderait à terminer la guerre, et il se battrait pour ce qui ne le dégoûtait pas, à défaut de se battre pour ce en quoi il croyait.
Des élèves hurlaient, des jets fusaient de la part d'enfants qui ne pouvaient pas appartenir à l'Ordre, d'autres essayaient de se mettre dans un abri. Poudlard paraissait enfin se réveiller de son trop long sommeil, et ses habitants, se révolter. Malheureusement l'ombre était entrée en son cœur et se débarrasser des liens qu'elle y avait tissé serait ardu. Draco repéra un adulte qu'il ne connaissait pas et tourna la tête, sa baguette d'aubépine tremblant entre ses mains. Il dévala les escaliers et pris un raccourci pour arriver au passage de la sorcière borgne. Il pourrait prétendre le protéger mais il voulait surtout s'assurer que l'Ordre pourrait en profiter. Il lui apparut très vite que cet acte était inutile, néanmoins. Les secours avaient déjà infiltré le château lorsque l'alerte avait été donnée. Il essuya ses yeux d'un geste rageur, se sentant plus seul que jamais, et se glissa derrière une tapisserie. Il avait prévu de sécuriser les cachots, de faire en sorte que les élèves puissent être évacués, particulièrement Euan. Il ne voulait pas être responsable de sa mort. Quoi qu'il arrive, l'enfant devait s'en sortir.
Poudlard était immense et l'adolescent fut à bout de souffle bien avant d'avoir atteint le premier pallier. Un Gryffondor lui lança un stupéfix qu'il évita en se plaquant contre le mur, puis il riposta d'un sortilège de chatouilles. Le duel s'engagea, et Draco lança tous les sorts possibles pour écarter le garçon dont il n'avait pas le nom. Enfin, son tarentallegra, le bloqua sur place, et ce fut furieux qu'il le bouscula pour passer… pour être de nouveau attaqué, par une Serdaigle cette fois. Il jura entre ses dents, sentant son sang bouillonner dans ses veines. Le sentiment d'injustice le dévorait et pourtant, il savait qu'ils avaient raison. Il était un Mangemort, sa manche qui avait un peu trop remonté le prouvait, et il avait apparemment passé le premier trimestre à œuvrer pour le directeur. Il riposta mollement, suffisamment pour ne pas se faire toucher, lorsque Amycus Carrow envoya l'étudiante valser dans un escalier. Il contint un hoquet horrifié et se baissa de justesse pour éviter un sort violet provenant de Lupin, deux étages plus haut.
-Rodolphus te veut au troisième ! Il faut empêcher les élèves de sortir, aboya le Mangemort.
Le cœur de Draco manqua un battement avant de se remettre à battre, trop rapide, trop frénétique. Il prit une grande inspiration.
-Très bien.
Il avait indiqué les cachots. L'Ordre irait… Il ne pourrait sans doute pas y accéder sans se faire tuer par des disciples de Voldemort lorsque ses intentions deviendraient claires. Son esprit restait néanmoins hanté par les corps recroquevillés dans la salle, et par la tête de Richard pendant vers le sol, ensanglantée. Une vague de nausée le secoua, Amycus l'envoya de force vers l'endroit désigné.
-Ne déçois pas ton oncle, espèce de bon à rien !
Draco se retourna vers lui, son honneur s'apprêtant à répliquer, lorsqu'il réalisa qu'une telle comédie ne valait plus la peine.
Londubat et Lovegood soutenaient une fillette blessée lorsqu'il arriva au couloir mentionné. Leurs regards se croisèrent, mais avant que l'un d'entre eux dégaine sa baguette, Draco se détourna fermement et monta la garde le dos tourné aux deux hors la loi.
Lorsqu'il se retourna, quelques respirations plus tard, ils avaient disparu et il n'avait pas été attaqué.
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L'attente était probablement le plus insupportable. Le vent soufflait si fort qu'il s'infiltrait entre les vêtements d'Artemis, pourtant bien couvert, la pluie collait ses cheveux et dégoulinait sur son visage et son corps, et le froid mordant le faisait entièrement tremblé, mais la sensation terrifiante qui bouillonnait et déchirait son ventre était uniquement due à l'attente.
Harry et ses amis, Dirk, Bill et Fleur n'attendaient que le signal de Regulus par gallion pour se jeter dans la mêlée, mais Artemis savait parfaitement qu'ils ne supportaient pas plus les sensations provoquées par les minutes qui s'écoulaient sans fin que lui. Leurs émotions parcouraient son être par vague et il s'efforçait tant bien que mal de les supporter. Leurs esprits hurlaient les pensées les plus sombre et malgré les leçons d'Occlumencie de son père, il les entendait comme s'ils les avaient énoncées à voix hautes.
Tous craignaient pour leurs proches, leurs anciens camarades, ou redoutaient de trouver des enfants morts et décharnés. Lorsque l'esprit d'Hermione émit une image trouvée dans un livre d'histoire datant de son enfance moldue, il poussa un gémissement. Kreattur fut aussitôt près de lui.
-Le fils du Maître désire-t-il que je fasse quelque chose ? Veut-il parler avec Kreattur de l'expansion du territoire grec lors du règne d'Alexandre Le Grand ?
Son père avait choisi un sujet neutre qui le calmerait. L'elfe de maison demeurait calme et dévoué, et Artemis se concentra sur lui, accentuant son balancement. Il résista à l'envie de passer ses mains devant ses yeux et de se couper de la réalité. L'Ordre avait besoin de lui, de ses pouvoirs, des informations qu'il pourrait apporter.
-Désolée Artemis, murmura Hermione.
Il secoua la tête et mordilla sa gencive, tentant de percevoir ce qui se passait dans Poudlard.
-Le fils de Maître Regulus doit prendre soin de lui, insista Kréattur.
-Je suis prudent, répliqua-t-il.
Il devait aider. Harry vint à ses côtés. Il se maîtrisait et arborait un visage de marbre, et leurs regards s'accrochèrent.
-Ils sont longs, soupira le Survivant.
-Poudlard est grand, répondit Hermione. Je suis sûre que…
Elle ne termina pas sa phrase et serra la main de Ron qu'il tenait dans la sienne. Le rouquin la prit maladroitement dans ses bras.
Ils attendirent encore, et les esprits continuèrent de se torturer mais les corps se calmèrent. Les respirations se firent plus profondes, comme résolues. Artemis ne percevait plus que les battements de son propre cœur, sourds, angoissés. Il ne possédait aucun repère dans ce lieu, aucune limite de temps à laquelle se raccrocher. Il se trouvait dans l'inconnu le plus total et haïssait ce fait.
-Il faudrait s'approcher, énonça-t-il.
Hermione le regarda, sans qu'il puisse dire ce qu'elle pensait de sa proposition. Aucune onde négative ne provenait d'elle.
-Arcturus nous a demandé de rester à la lisière.
-Kréattur peut transplaner n'importe où, répondit-il. Nous serons plus prêts si des blessés sortes, et si vous devez intervenir en urgence. Je ne perçois rien.
-Tu n'es pas ici pour que nous t'utilisions, répondit Harry, et Artemis reconnut dans sa voix une fermeté inaltérable.
-Je veux aider.
Il leva ses yeux clairs vers le jeune homme, les mâchoires crispées, décidé à ne pas céder. Il devait savoir ce qu'il se passait. La sensation dans son ventre refusait de disparaître. Des larmes vinrent brouiller sa vue et, perturbé par ces émotions, il peina à respirer.
-Harry, quelques minutes, proposa Fleur. Bill et moi veillerons sur lui. Nous serons plus prêts pour intervenir si des élèves sont évacués.
Le jeune homme se tourna vers elle, puis hocha enfin la tête.
Les bruits qui provenaient du château étaient insupportables et Artemis regretta aussitôt d'avoir insisté. Il aurait voulu se rouler en boule et plaquer les mains sur ses oreilles en se balançant, mais il savait d'expérience que ce genre d'attitude n'apportait que des ennuis.
Les vitres se brisaient sous l'effet des sorts, des éclairs lumineux jaillissaient de façon aléatoire, des hurlements terrifiants retentissaient.
Les émotions étaient pires encore.
Pagaille
Terreur
Confusion
Et soudain, le monde d'Artemis implosa.
Une vague de haine et de fureur déferla dans ses veines.
Noirceur. Pouvoir. Désir.
Terreur. Hurlements.
Le garçon sentit confusément qu'on le traînait de nouveau au loin. Quelques mots résonnèrent à ses oreilles, et les images provenant de Harry n'étaient pas pour le rassurer.
Des hommes encapuchonnés de noir, transplanant et emportant avec eux la vie.
Une forêt, des tentes enflammées, des cris et des hurlements. Des gens en l'air.
-D'autres Mangemorts sont arrivés ! s'exclama Ron.
-Le gallion n'a pas… Il vient de changer ! Il faut qu'on y aille.
Le visage de Severus Rogue s'implanta dans les esprits de Ron et Hermione –Harry fermait le sien et se tenait le front, la cicatrice en feu-.
-Kréattur…
-Kréattur emmène le fils de Maître Regulus à l'abri, promit l'elfe.
Artemis ne se débattit pas lorsque l'elfe transplana à la lisière du parc. Il ne pouvait rien faire pour le moment. Aucune information ne lui parviendrait dans ce chaos. Il choisit de s'asseoir et de fermer les yeux en murmurant à toute vitesse les diverses stratégies mises en place.
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La Grande Porte avait été condamnés, et Harry et les autres ne parvinrent à rentrer que grâce à l'Armée de Dumbledore, qui s'était emparé du passage de la Sorcière Borgne.
Ce qu'ils virent de Pré Au Lard les effara. Au milieu d'un village endormi et inconscient des drames qui se jouaient à une miles à peine, Mrs Rosmerta, Tonks et Lee Jordan attendaient près des passages afin de réceptionner les enfants qui sortaient de Poudlard et de les transférer en lieu sûr, et ils ne pouvaient pas couvrir tous les passages secrets. Les propriétaires de Honeydukes se joignirent à eux sans poser de questions, n'ayant pas vu un seul élève depuis le début de l'année scolaire. Sans s'étendre dans les explications, Fleur et Bill passèrent les premiers, puis Dirk, et enfin, Harry, Ron et Hermione.
Le chaos qui les accueillit dans Poudlard était indescriptible, mais ils l'avaient deviné en observant leur école depuis le Parc. Le Château et ses élèves n'étaient pas préparés à être évacués en cas d'urgence.
Des élèves dévalaient les escaliers, baguette brandie, hurlaient de surprise, de peur, de douleur, lançaient des sorts de façon aléatoire sur leurs amis ou leurs adversaires. Les Mangemorts les tenaient en otage et en tuèrent un devant les yeux de Lupin et Arcturus, démontrant qu'ils se fichaient des pertes. Harry eut un haut le corps et révolté, puis se jeta dans la mêlée.
Ses compétences de duelliste s'étaient nettement amélioré, mais les élèves lui compliquaient la tâche. Hermione et Tonks s'étaient occupé de changer leurs trois apparences puisqu'ils étaient en fuite, et nul ne le reconnaissait. Il dut éviter des sorts, construire et reconstruire son bouclier. Il parvint aux cachots haletant, ruisselant de sueur, et tomba sur trois Mangemorts masqués.
-Qu'avons-nous là ? lança le premier, et Harry reconnut aussitôt la voix de Bellatrix.
La haine afflua dans sa gorge mais il serra les dents et se résolut à ne pas parler. Il ne devait être reconnu sous aucun prétexte.
-Un jeune téméraire qui espère faire libérer ses camarades et rejoindre l'Ordre du Phénix peut-être ?
La voix faussement suave de la sorcière lui hérissa les poils, et son esprit se mit à tourner à plein régime. La débandade avait toujours lieu derrière lui, mais les cachots étaient inaccessibles. Son instinct et son honneur lui interdisaient de faire demi-tour.
-Je m'en occupe, lança une voix traînante derrière lui.
Draco Malefoy, comprit-il. De trop nombreuses fois ils s'étaient affrontés pour qu'il lui soit impossible de le reconnaître.
-Tu es sûr Draco ? demanda l'autre Mangemort. Tu as déjà échoué…
-J'ai fait respecter la discipline dans cette école aux côtés de Rodolphus, répliqua dangereusement l'adolescent. Ne me fait pas cet affront, Gibbon.
Harry sentit une baguette s'enfoncer entre ses côtes et se maudit. Il était tenté d'actionner son gallion ou d'appeler Kréattur, mais sa couverture volerait en éclat, et celle de Regulus également.
Il se retourna pour faire face au jeune Mangemorts, la haine lui laissant un goût terriblement amer dans la gorge. Jamais il n'avait véritablement haï Draco Malefoy jusqu'ici, il l'avait détesté, avait espéré le voir échouer et puni, mais il s'agissait alors de querelles d'ennemis scolaires, de confrontations puériles et de compétitions sportives. Le garçon qui se tenait devant lui à présent était un tueur, un assassin et un tortionnaire. L'adrénaline monta dans ses veines.
Lorsque leurs regards se croisèrent, il lut aussitôt dans celui de son ennemi qu'il l'avait reconnu. Son cœur manqua un battement.
-Pousse toi, ordonna Malefoy. Je vais l'envoyer rejoindre ses camarades.
Il fallut quelques secondes pour qu'Harry comprenne qu'il s'adressait à Gibbon. Bellatrix avait filé et il ne restait plus que deux Mangemorts, mais jamais il ne pourrait les affronter seul.
-Tu crois ça ? répliqua-t-il, ne se souciant plus de dissimuler son identité.
Il serait dénoncé quelques secondes plus tard.
-Aussi sûr que je crois que mon hibou est un duc, répliqua Malefoy, d'un ton narquois insupportable.
Harry se figea. Il releva sa baguette. Avait-ce été un piège tout du long, orchestré par Malefoy, où l'alerte avait-elle été réelle, et le Mangemort devant lui, en proie à une crise de conscience ? La main du blond tressaillit vers le bas, incitation muette à baisser le ton… ou son corps.
Le sortilège partit sitôt qu'Harry se plaqua au sol. La porte explosa, les deux Mangemorts furent projetés sur les côtés.
-Sauve le blessé ! hurla Malefoy. Je m'occupe de les faire sortir.
Harry ne réfléchit pas, il bondit à l'intérieur… et sentit son sang se glacer dans ses veines. La puanteur le prit à la gorge, et le triste spectacle qui s'offrait à ses yeux lui noua les tripes.
-Potter ! Tu seras humain plus tard ! Ils vont fermer les issues ! Il est là bas, sauve-le !
Malefoy désigna un corps couvert de sang et dont le bras commençait à gangrener. Les jambes de Harry se mirent à trembler. Les jeunes prisonniers les regardaient, hébétés, pelotonnés les uns contre les autres. Malefoy jura et Harry reprit pied. Il se saisit du petit corps bien trop léger et le tira hors de la pièce. Puis il se retourna.
-Viens, ordonna-t-il. Dès qu'ils seront réveillés…
-Ne t'occupe pas de moi, cracha le garçon. Je me débrouille sans toi depuis toujours. Va-t-en bon sang ! L'Ordre contrôle le troisième étage, sors-le par…
-Je sais. Aide les autres à s'échapper, et… si tu veux nous rejoindre, l'Ordre ne t'attaquera pas.
-Potter, il se meurt ! S'il claque entre tes doigts… je ne réponds plus de… Va, d'accord ?
La voix du Mangemort s'étrangla dans sa gorge, et Harry, baguette, toujours tendue, traîna l'enfant sur trois étages.
Ils perdaient et il s'en rendit compte dès qu'il retrouva le cœur du château. Les élèves paniqués empiraient les choses, les adultes étaient couverts de sangs, de pustules et autres résidus de sorts, et les Mangemorts n'hésitaient pas à jeter les impardonnables. Luna et Lavande, en l'apercevant, le couvrirent pour lui permettre de se glisser dans l'embrasure de la sorcière borgne.
Au dehors, l'orage avait éclaté. Il faisait nuit.
La femme d'Honeydukes l'attendait. Elle poussa un cri étranglé devant l'état de l'enfant, mais le fit s'asseoir alors qu'elle s'allongeait au sol. Harry se sentait vide. Une vie, il n'avait pu sauver qu'une vie, et les autres demeuraient prisonnier. Malefoy paierait son acte de trahison…
-Harry !
Le cri d'Arcturus le fit se retourner. Le sorcier bondit hors du passage. Contrairement à eux, il ne se laissa pas impressionner par les blessures.
-Retourne au parc, ordonna-t-il. Prend le passage que tu connais, et retrouve les autres aux parcs. Je vais ensorceler la sorcière borgne.
-Que fait-on ? Puis-je t'aider ?
-Non. Retourne là bas, nous avons besoin du nombre. Ecoute-moi, j'ai besoin que tu les convainques de ne pas lâcher. Il faut qu'ils tiennent, et il va nous falloir du courage dans les mois à venir. On ne peut pas gagner Poudlard ainsi, pas avec les élèves qui ne savent pas dans quels camps ils se trouvent. Les Mangemorts ont un net avantage. Nous allons laisser les mentalités évoluer et surtout, nous serons là pour reprendre Poudlard.
Le Survivant tenta de suivre son mentor, mais Regulus était obnubilé par l'enchantement de la sorcière borgne, et les traits crispés de son visage témoignaient d'un effort intense.
-Reprendre Poudlard ? Arcturus, sans membres supplémentaires...
-Ils ne nous laisseront pas faire. Il est temps pour les sorciers de Grande Bretagne de choisir un camp. Va, Harry, et annonce à l'Ordre que nous assiégeons Poudlard. Ne t'inquiètes pas pour moi, je vous rejoins dans dix minutes.
Les éclairs violacés qui émanaient de la baguette de Regulus ne lui inspiraient pas confiance. Harry, désemparé, se tourna vers la femme, toujours au chevet de l'enfant.
-Je peux vous le laisser…
-Je ferais mon possible pour qu'il passe la nuit, mais je ne peux rien vous promettre. Allez défendre Poudlard. Votre meneur a raison, vous devez la reprendre.
Harry déglutit difficilement, la gorge en feu et la migraine gagnant ses tempes.
Il détala pourtant vers la Cabane Hurlante, referma la trappe, et ralentit uniquement dans le tunnel. Alors il prit conscience des directives d'Arcturus.
Il venait de lui assigner la mission de tenir les troupes. Il lui avait confié son plan, et le moral. Il avait fait de lui celui en qui il avait le plus confiance, son novice et son bras droit.
Et ils allaient assiéger Poudlard. Pour la vie de tous les enfants qui s'y trouvaient et pour l'avenir du monde magique.
