Journal de la revieweuse
Lilinnea : La passion littéraire d'Ysée aura son petit rôle à jouer :)
L'histoire du détournement androïde est en effet un débat intéressant. Disons que si tu détournes ton androïde pour faire des trucs pas très catholiques avec lui (genre torture), tu filmes et tu publies sur le net, il y a un risque de choquer les gens parce qu'il s'agit quand même d'un objet d'apparence humaine. Mais c'est un objet. Alors... y a-t-il vraiment faute ? Dans le fond, tu ne tortures personne mais de l'autre côté, tu choques les gens... Difficile à déterminer, d'où le flou de jurisprudence. C'est ce genre de réflexion qui rendent DBH si fascinant.
Reis commence à sérieusement chercher à comprendre qui il a avec lui.
CHAPITRE 5 - MALADRESSES
Après s'être brossé rapidement les dents et avoir enfilé son combi-short de nuit, Ysée se cala dans le moelleux de son immense nouveau lit pour reprendre le visionnage de son k-drama du moment sur la plate-forme de streaming.
L'histoire d'amour naissant entre la pétillante Joo-Eun et le taciturne Nam-Hong qui venaient de découvrir qu'ils étaient les réincarnations modernes de deux amants maudits ayant vécu sept siècles auparavant la captivait.
En fait, rares étaient les dramas asiatiques qui ne parvenaient pas à l'emporter, quand bien même les scénarios étaient cousus de fil blanc, les situations parfois risibles à cause du décalage culturel et les répliques facilement anticipées tant la jeune femme avait dévoré ce type de contenu. Mais elle adorait ça et s'imprégnait des histoires avec toujours autant de ferveur.
La porte de la chambre s'entrebâilla doucement et le toupet duveteux de la queue de Siam remonta le long du lit comme un périscope avant que le félin ne bondisse sur le matelas.
« Tu arrives au bon moment, s'amusa Ysée en la caressant quand elle passa près d'elle. On va arriver au moment où Joo-Eun et Nam-Hong vont se séparer « parce que c'est mieux ainsi ». Mais ne t'en fais pas, ils retomberont dans les bras l'un de l'autre d'ici un ou deux épisodes. »
Le chat prit place au bout du lit pour s'y rouler en boule et, en effet, quelques minutes plus tard, Joo-Eun s'en allait en essuyant ses larmes tandis que Nam-Hong la regardait s'éloigner, le regard à la fois implacable et piqueté de douleur élégamment cachée.
Ysée râla de frustration quand s'ensuivit le générique de fin après ce dernier plan poignant. Hélas, la suite devrait attendre la semaine prochaine. Après un long bâillement, la jeune femme jeta un coup d'œil à son téléphone. Pile pour l'heure de son coucher.
« Bonne nuit, Siam », salua-t-elle à grands renforts de longues caresses au félin qui ronronnait.
Elle éteignit la télévision, la lumière, puis se coucha.
Environ deux heures plus tard, Ysée eut le déplaisir de se voir rappeler que, bien que les chats soient des animaux crépusculaires, il n'était pas rare pour eux d'être actifs pendant la nuit. Elle appréciait les ronronnements de Siam, mais pas à deux heures moins le quart du matin et ce après s'être fait marcher dessus par cette dernière.
« Siaaaaaam... gémit l'infortunée humaine et repoussant gentiment le félin qui repassait encore derrière sa tête. OK, note à moi-même : penser à jouer davantage avec toi le soir pour éviter ça. »
Elle se redressa sur son séant en rejetant sa tresse dans son dos avant de se lever en se frottant un œil. Elle avait soif et n'avait pas pensé à se garder une bouteille d'eau.
Guidée par la lumière lunaire qui passait par le toit en cathédrale, Ysée descendit à la cuisine et se surprit à se demander où était Reis. Elle trouva très vite l'objet de ses recherches. Il s'était posté dans un coin du salon, immobile comme une statue et ne remua pas davantage quand l'humaine se rendit dans la cuisine.
La jeune femme se prépara son verre qu'elle but rapidement puis approcha de la silhouette statique cachée par la pénombre.
Les mains dans son dos, l'androïde avait les paupières closes et sa LED oscillait faiblement entre de longs cycles. C'était le même mannequin inerte que celui qu'elle avait sorti de sa caisse de transport. Ysée le détailla en silence, entourée de pensées éparses. Elle ne savait vraiment pas sur quel pied danser avec lui. À certains moments comme celui-ci, elle voyait une machine et à d'autres, elle se voyait converser naturellement avec un garçon.
Elle fronça du nez d'un air pincé.
« De toute façon, l'un comme l'autre...
_ Oui ? »
Reis venait tout à coup d'ouvrir les paupières. Étouffant un juron, Ysée bondit de surprise si vivement qu'elle se heurta à la table basse derrière elle. Elle ne dut le réarmement de son équilibre que par le réflexe de Reis qui lui attrapa le bras pour la redresser à temps.
« Attention, conseilla-t-il en la relâchant une fois qu'elle tenait bien sur ses deux pieds.
_ Goddammit, tu m'as fichu une de ces trouilles ! siffla-t-elle, le cœur au bord de la luette. Je te croyais en veille !
_ Je l'étais mais j'ai entendu ta voix. Je suis désolé, je ne voulais pas t'effrayer. »
La jeune femme ne lui en tint pas rigueur. Après tout, c'était elle qui était venue le déranger pour rien, même si ce n'était pas voulu. Elle expira un bon coup le relent de peur qui l'avait raidie puis se tourna vers Reis qui n'avait pas changé de posture.
Non, vraiment, elle ne s'y ferait jamais. Voir quelqu'un planté au milieu d'un salon en pleine nuit était vraiment incongru et un brin flippant.
« Il... y a une chambre d'amis à l'étage. La première porte à gauche après la mezzanine. Va plutôt t'installer la-bas. »
Elle comprit au faible tic qui fronça les sourcils de l'androïde que celui-ci trouvait sa proposition étrange.
« Je sais que tu ne dors pas, grinça Ysée, gagnée par le ridicule. Mais ça m'évitera de penser chaque fois que je descends la nuit qu'il y a un intrus dans le salon. Tu auras ton coin à toi. »
Reis fut tenté de lui répondre qu'en tant que robot, il ne ressentait pas le besoin de s'isoler comme les humains mais se retint. Il avait vite cerné que sa colocataire de chair appréciait le douillet de sa zone de confort personnelle et il ne devait pas s'étonner qu'elle projette inconsciemment sa façon d'être sur lui. D'un autre côté, il trouvait cette attention fort prévenante, bien qu'inutile.
Il opina du chef pour la remercier et s'arrêta à sa hauteur quand il la doubla pour monter à l'étage.
« Tu as une petite touffe de poils de chat sur la tête. »
Ysée porta la main à sa tête en effet miroir au geste de Reis et tira un petit mouton blanc de ses cheveux, cadeau laissé par Siam tout à l'heure.
« Ah, merci. Tu as l'œil.
_ Je l'aurai toujours sur toi. C'est mon rôle, Ysée. Bonne nuit. »
Elle cilla, incrédule, et le regarda s'en aller vers l'escalier.
« Bonne... nuit. » Elle s'ébroua quand elle se rendit compte de ce qu'elle venait de lui dire. « Euh ! Non, pas bonne nuit. Enfin... si, mais... euh... Bonne... euh... veille ? »
Un sourire discret ourla les lèvres de Reis alors qu'il montait les marches. Oui. Il pourrait y arriver.
Quand l'alarme de son téléphone sonna à sept heures du matin, Ysée eut l'impression de n'avoir dormi qu'une heure tant la nuit n'avait pas été clémente avec elle. Entre la sensation étrange de dormir dans un lit qui n'était pas le sien et Siam qui prenait grand plaisir à bondir partout, la jeune femme peina à s'extirper du lit.
Le très entraînant Fascination d'Alphabeat fut son sésame musical pour aider son corps à se réveiller. Les paroles au bout des lèvres, la jeune femme s'habilla rapidement et quitta sa chambre en se dandinant avant de vite s'arrêter quand la porte de la chambre d'amis s'ouvrit dans son dos. C'était à se demander si Reis n'avait pas un radar pour détecter sa présence.
« Bonjour. Ne t'arrête pas pour moi, la pria-t-il quand il capta le soudain immobilisme que l'humaine s'imposait. Si ça peut t'aider à te mettre en forme. »
Elle remit dans son oreille l'écouteur qu'elle avait retiré et poursuivit son chemin en silence tout en balançant la tête en rythme.
Reis la suivit et la laissa se préparer un café et une tartine de pain grillé au miel. Certains humains étaient facilement sujets à la détonation si on avait le malheur de les approcher pendant leur phase de réveil, mieux valait d'abord observer ce qu'il en était d'Ysée.
Celle-ci se contentait de mâchonner sa tartine au gré de sa musique tout en parcourant diverses pages internet sur son téléphone. Après quoi, elle installa son ordinateur portable sur le comptoir de la cuisine puis alla chercher un micro-casque laissé dans son sac de matériel informatique.
« C'est pour ton travail ? devina Reis.
_ Exact. »
Ysée lui expliqua qu'elle travaillait comme assistante commerciale pour un groupe qui vendait des produits et du matériel de nettoyage à destination des professionnels. Du produit vitre, des balais, des éponges, du dégraissant pour le four, des aspirateurs, etc... Elle et ses collègues géraient chacun un portefeuille de clients qui allaient des restaurants aux hôtels en passant par les hôpitaux ou encore les écoles.
Sa mission principale consistait à gérer les litiges. La société avait récemment changé de partenaire logistique pour le stockage et le transport des produits et ce transfert avait hélas généré pas mal de pagaille dans l'organisation des livraisons. Point positif, elle avait de quoi s'occuper car depuis que les humains commençaient à se faire remplacer par des androïdes à la manutention, les erreurs de préparations de commande étaient devenues inexistantes.
« Je gère surtout les colis abîmés, les livraisons urgentes et quelques petits problèmes de comptabilité. J'en profite tant que la boîte ne se décide pas à nous remplacer par des androïdes dédiés au service client. « Un service client humain réel à votre écoute ! », se vanta Ysée d'une fausse fierté avant de se rembrunir. Qui sait combien de temps nous resterons un argument commercial attrayant... »
Reis ne releva pas et la laissa continuer à s'installer avant sa prise de poste d'ici une quinzaine de minutes.
« Je commence à entrevoir des choses chez toi mais j'avoue que tu n'es pas simple à cerner », finit-il par dire pendant qu'il la scrutait
Ysée tourna lentement la tête vers lui tout en ôtant ses écouteurs, piquée au vif.
« Tiens donc. Tu as vu des choses chez moi. Comme... ? »
L'androïde balaya rapidement des yeux l'humaine et son environnement direct proche.
« Les décorations de fleurs de cerisier sur ta coque de portable et le o-mamori accroché à la fermeture éclair de ton sac indiquent que tu aimes la culture japonaise. Je suppose même que tu as déjà visité le Japon car ta photo de fond d'écran de Sensô-ji semble être une spontanée et non une professionnelle. »
La jeune femme ne sut empêcher un coup d'œil à son téléphone.
« Une de tes bagues est en pierre de lune, ton tour de cou est en tourmaline, ta manchette comporte une améthyste et ton autre collier... » Il plissa un peu plus les yeux avec attention. « Vu la couleur de la gemme du pendentif, je pense que tu voulais un rubis brut mais j'ai le regret de t'annoncer que ce n'en est pas un. En tout cas, tu as un faible pour la lithothérapie ou peut-être l'ésotérisme de façon générale. »
Silence hébété de l'autre côté du comptoir de la cuisine. Ysée était estomaquée par la justesse de ses hypothèses mais ce n'était pas le genre d'information auquel elle s'était attendue. Elle croisa les bras sur sa poitrine et arqua un sourcil à moitié convaincu.
« Pour être très précise, j'aime l'ésotérisme et le paranormal en général. Mais pour les bijoux, c'est juste que j'ai un faible pour ceux en pierres, informa-t-elle tout en lui accordant une inclinaison de tête respectueuse. Pas mal.
_ Je n'ai fait qu'observer la surface. »
Elle souffla du nez avec une pointe de dédain.
« Comme tout le monde, murmura-t-elle à voix basse. Et sinon ? Tu vois autre chose, un peu plus loin ? »
Reis demeura interdit, visiblement hésitant, ce qui ne manqua pas d'interpeller son interlocutrice. Ce qui passait par la tête de l'androïde en cette seconde était plutôt le genre de chose dont elle était curieuse. Le sourire d'Ysée se fit plus moqueur avec des échos sardoniques.
« Oh. C'est si affreux que ça ? Allez, crucifie-moi. Vas-y franchement. »
La commissure de la bouche de l'androïde se tendit une microseconde.
« Ta façon de t'habiller est simple et tu ne portes pas de maquillage. Tu annones du bout des lèvres au lieu de chanter, sauf quand tu te crois seule. Tu as la peur du ridicule, même face à une machine. Tu as du mal à soutenir un contact visuel direct, du moins le mien. Je ne trouve aucun contenu photo ou vidéo sur les réseaux sociaux te concernant. Tout cela m'évoque une personnalité introvertie avec un manque de confiance en elle. »
Le visage d'Ysée s'était complètement refermé alors qu'elle écoutait. Elle baissa ensuite les yeux et le silence s'installa, dense et pesant.
Reis comprit tout de suite qu'il n'aurait pas dû y aller aussi frontalement et chercha à rectifier le tir.
« Mais d'un autre côté, tu... »
Son interlocutrice leva vers lui un regard qu'il ne sut interpréter. Il ne décelait aucune colère ou tristesse, juste... une neutralité réaliste.
« Très observateur, en effet. Tu peux ajouter aussi que je suis une casanière routinière à tendance un peu geek et on est bon, compléta-t-elle d'un ton tranchant avant d'étirer un sourire sarcastique et en prenant une pose exagérée de mannequin. Elle n'est pas belle, la femelle alpha ?
_ Ysée, je suis désolé. Je ne voulais pas... »
Elle secoua la tête et fit pivoter son tabouret pour faire face à son ordinateur.
« Tu n'as pas à t'excuser, tu n'as fait qu'obéir à ma demande. Si tu le permets, c'est l'heure », le congédia-t-elle en se coiffant de son micro-casque.
Reis n'obéit pas tout de suite. Ce visage terne qui le fuyait était le contraire de ce qu'il devait atteindre. Il chercha quoi dire pour espérer rattraper sa bêtise mais il manquait encore de leviers pour savoir comment prendre Ysée. Il avait peut-être cerné une certaine partie de sa personnalité, il n'en tirait pour le moment aucune satisfaction.
Il finit par baisser les yeux et s'en retourna ailleurs pour la laisser tranquille.
Il fallut plusieurs appels de clients pour qu'Ysée parvienne à se défaire plus ou moins du froid amer qui l'habitait suite à son échange avec Reis. Les plaintes courroucées de l'économat d'un hôtel de luxe qui avait reçu son carton de produit de nettoyage pour l'argenterie tout écrabouillé lors du transport ou la demande d'une gouvernante concernant la différence entre plusieurs types de lessive emportèrent les pensées de la jeune femme loin du reste, ainsi que les quelques échanges plus légers et amusants avec ses collègues via l'application de chat qu'ils partageaient pour maintenir le contact en dépit du télétravail.
À la pause du midi, Reis avait tenté de reprendre contact avec Ysée mais il avait senti à son regard que ce n'était pas une bonne idée. Elle avait alors mangé un restant de nouilles de la veille sans un mot avec sa musique dans les oreilles.
Hélas, l'après-midi ne s'annonça guère plus agréable. Resté dans les hauteurs de la mezzanine pour ne pas déranger, l'androïde écoutait de loin l'humaine qui répondait à de nouvelles doléances.
Force était de constater que les retards de livraisons dus au changement de transporteur pleuvaient, ainsi que les paroles d'excuses d'Ysée qui ne savait plus comment calmer les interlocuteurs énervés qui se succédaient les uns après les autres.
Justement, cela faisait maintenant près de quinze minutes que la jeune femme était en ligne avec le même client. Celle-ci peinait à pouvoir placer un mot et les silences s'allongeaient, troublés de bribes de phrases avortées de l'infortunée opératrice. Pire encore, il semblait à présent à Reis que la voix de la jeune femme perdait de plus en plus en intensité et en netteté à mesure que l'échange se poursuivait.
Il se pencha vers la balustrade pour observer en bas. Le visage d'Ysée était un peu blême et la façon qu'elle avait de lisser ses doigts en continu dans ses paumes trahissait son stress.
« Comment je fais si j'ai les services d'hygiène qui viennent pour une inspection ? Il me faut mon désinfectant vaisselle, je n'ai plus rien ! tonnait l'homme au bout de la ligne. Votre commercial ne pourrait pas m'en ramener ?
_ Il est en réunion toute la journée. »
Nouveau grognement ulcéré.
« Vous me trouvez une livraison pour ce soir dernier carat, j'en ai rien à foutre !
_ N-Non, je regrette, c'est impossible... articula Ysée d'une voix sourde. Tous nos coursiers express sont actuellement en service. Je peux demander une livraison pour demain matin à la première heure.
_ Demain ?!
_ Je suis vraiment désolée, c'est le mieux que je puisse...
_ Et ma vaisselle d'aujourd'hui, je la laisse comme ça jusqu'à demain ? Vous êtes payée pour me trouver une solution alors faites-le ! Passez-moi votre manager, tiens ! »
Ysée perdit le fil de son esprit qui devenait de plus en plus blanc sous l'effet du stress. Sa gorge était sèche, son cœur martelait, ses joues étaient chaudes et ses yeux lui brûlaient. La prochaine fois qu'elle parlerait, elle serait incapable de voiler les larmes qui montaient en elle.
Elle sursauta lorsqu'elle sentit son casque glisser de ses cheveux et manqua un battement en voyant Reis l'enfiler.
« Permettez que je reprenne la conversation, monsieur, dit-il à la fois courtois et ferme. Comme votre téléconseillère vous l'a annoncé, une livraison ce jour n'est hélas pas possible. Nous avons beau être dans l'ère de la technologie de pointe ultra-rapide, la téléportation des hommes et des biens n'a pas encore été inventée, j'en suis navré. »
Ysée écarquilla de grands yeux horrifiés mais n'osa pas intervenir. Elle le regarda ensuite pianoter rapidement sur son logiciel de gestion clients alors qu'il enchaînait sans laisser le temps à son interlocuteur d'intervenir :
« Vous êtes l'hôtel Le Baron, n'est-ce pas ? Si la proposition qui vous a été faite ne vous convient pas, puis-je vous suggérer alors d'aller toquer à la porte du Molière, situé au coin de votre rue ? Il a été livré ce matin de la référence produit qui vous fait défaut. Peut-être sera-t-il enclin à vous céder un bidon pour palier l'urgence. Par ailleurs, je me permets de vous conseiller d'éviter de passer commande en flux tendu, un imprévu est si vite arrivé. Que décidez-vous ? »
Ysée était muette, incapable de faire quoi que ce soit d'autre que de fixer Reis qui balayait avec humilité ce qu'elle devinait être des excuses de la part du client. Ce dernier, semblait-il, avait décidé d'aller demander à son confrère hôtelier de l'aider.
Quand l'androïde raccrocha enfin, elle demeura figée dans un mélange confus d'émotions.
Reis lui offrit un faible sourire d'excuse et lui tendit un mouchoir. Son rythme cardiaque s'était apaisé mais ses yeux brillants prêts à déborder confirmaient qu'elle était encore chamboulée.
« Va câliner un peu Siam. Le ronronnement des chats a des vertus apaisantes », lui conseilla-t-il avec douceur en passant du statut Disponible à En pause sur le logiciel de téléphonie d'Ysée.
Elle accepta le mouchoir comme un robot mal conçu puis hocha la tête avec un sourire en signe de reconnaissance avant de filer pour vite cacher l'émoi qui l'affaiblissait. Reis la suivit des yeux, peiné de ce qu'elle venait d'endurer.
Les humains se permettaient parfois tellement de choses quand ils se sentaient en position de force et ce sans aucune considération pour ce que pouvait éprouver la personne en face. C'était hélas ce qu'il avait fait indirectement à Ysée au-travers de sa démonstration de déduction le matin même et il se réjouissait d'avoir pu se rattraper, même un peu.
Petite pensée à tous les employé(e)s de service client/téléconseillers(ères). Force à vous.
