Antoine descendit les escaliers en silence, ne tardant pas à observer sa compagne finir de dresser une table conviviale. Le vin était de sortie, les gâteaux apéritifs également et en s'approchant, Antoine crut apercevoir une chips posée dans son assiette. Intrigué, le commissaire approcha davantage et se saisit de l'aliment en esquissant un sourire discret.

« J'ai ouvert le paquet et… c'est la première qu'est sortie… expliqua Candice en le rejoignant doucement. C'est un signe, non ?

- Ouais mais si je la mange, le cœur est brisé… non ? rétorqua-t-il d'une manière subliminale.

- Oh ! Elle sort d'où cette chips en forme de cœur ? lança Jules en débarquant à son tour sur la terrasse.

- Pas touche ! s'interposa Candice.

- C'est MON cœur… répliqua Antoine en croquant dans le gâteau tout sourire.

- Tu parles du gâteau ou de maman ? intervint Emma d'un ton moqueur.

- Des deux, évidemment ! lança Candice d'un ton assuré. »

Antoine s'installa à table, la moue hésitante. Une tronche peu convaincue qui déclencha un rire chez ses beaux-enfants. En réponse, Candice fit mine de bouder avant de prendre place à ses côtés. Et comme si de rien, la blonde collait son compagnon. Entre gestes tendres, attentions mielleuses et sourires timides, tout était bon pour tenter de se faire pardonner. Mais le commissaire restait de marbre, toujours énervé et clairement pas prêt de l'excuser. L'heure n'était donc pas encore à l'enthousiasme, enfin, sauf pour la plus jeune qui ne voyait plus que par ce fameux spectacle de l'hôtel…

« On pourra aller voir le spectacle après ? On y est toujours pas allés depuis qu'on est arrivés…

- En même temps, les spectacles de vacances comme ça, c'est jamais bien ouf hein…

- Grave !

- Tu te souviens la soirée gala au club en Grèce ? C'était pourri !

- Purée ! Un vrai traquenard ! rajouta Léo en rigolant.

- Mais peut-être que lui il sera bien… Je voulais quand même aller voir….

- Je t'emmènerai tout à l'heure Suzie, plia-t-il sans sourire.

- Je viendrai avec vous ! lança Candice en souriant. »

Antoine eut bien envie de lui répondre que ce n'était pas la peine mais décida de prendre sur lui et faire bonne figure. Et Candice prit cette non-réponse comme une acceptation silencieuse de sa venue. Alors ils terminèrent ce repas dans une ambiance en dents de scie et finirent par sortir de leur villa sans entrain. Seule Suzanne trottinait gaiement devant eux. Candice souriait doucement en l'observant, se rappelant les caprices d'Emma qui de haut de ses 8 ans affirmait déjà un caractère bien trempé. Ah, les chiens ne faisaient pas des chats, visiblement… À côté d'elle, c'était un policier mutique qui avançait. Presque gênée, Candice jeta un œil sur lui avant d'oser une approche aventureuse. Elle approcha sa main de la sienne et tenta de l'attraper. Non réceptif, Antoine la lâcha rapidement pour les glisser dans ses poches. Là au moins, il évitait toute intrusion potentielle. Mais Candice n'avait pas dit son dernier mot… Et au lieu de faire profil bas, s'accrocha à son bras droit alors qu'il exprimait un râle de mécontentement.

« Vous êtes lents… pesta la petite en se retournant vers eux. On va louper le début et y aura plus de places…

- Ah bah je sais de qui elle tient… À ronchonner comme ça… tenta Candice pour le faire sourire.

- Ouais…

- AH ! Je crois que c'est de la magie ! s'écria Suzanne.

- Bien ! se satisfit Antoine. Ils vont peut-être réussir à te jeter un sort pour que t'arrêtes de faire n'importe quoi alors…

Presque choquée de son aplomb, Candice s'arrêta dans sa marche, le laissant continuer sans elle.

- Faut dire que ça donne tellement envie… face à tant d'amabilité…

- Je t'ai jamais forcé à venir hein…

- Eh bah je viens quand même ! »

Têtue, ça oui, elle l'était ! Et d'autant plus lorsqu'il s'agissait de le contredire... Le trio ne tarda pas à approcher la scène où un numéro d'illusionniste était en train de se jouer. Ils trouvèrent tant bien que mal une petite place sur les côtés, et Antoine autorisa sa fille à rejoindre d'autres enfants, assis par terre aux pieds des magiciens. Lui sortit son téléphone, juste histoire de s'occuper et d'éviter toute discussion avec sa compagne définitivement désarçonnée par la tournure que prenaient les évènements.

Et justement, ceux-ci étaient en train de lui tendre une perche… L'homme au grand chapeau annonçait désormais un tour de mentalisme destiné aux amoureux. Le principe était simple, prouver la connexion qui existait au sein d'un couple. Candice rigola intérieurement… Pas besoin de mentaliste pour montrer qu'ils étaient connectés. Pourtant, la blonde se prêta au jeu et songea très fort à un chiffre, comme le demandait Modus le magicien. Elle finit par poser les yeux sur son voisin, toujours plongé dans son téléphone.

« Tu veux pas essayer ? demanda-t-elle doucement.

- Hein ? De quoi ?

- Laisse tomber… souffla-t-elle déçue en tournant la tête vers le spectacle à nouveau.

- Toute façon, ça sert à rien de jouer. Je sais très bien que tu penses au numéro 4.

Surprise, Candice le fixa à nouveau, tout sourire.

- Hum… confirma-t-elle en acquiesçant alors qu'une petite tête brune faisait irruption devant eux.

- Vous aimez bien ? demanda Suzanne.

- Ouais ! mentit son père en l'accueillant sur ses genoux. Pas toi ?

- Bof… C'est pas nul mais... en même temps, je trouve ça bête.

- De quoi ?

- Ils font croire que les gens disparaissent comme ça, mais c'est pas possible. Ils font juste semblant d'avoir disparu pour qu'on s'intéresse à eux… »

Là, Candice perdit son sourire, songeant aux évènements de ces derniers jours qui revenaient désormais la titiller. Et la remarque de Suzanne trottait dans son esprit, se calquant à cette réelle enquête qui l'obsédait. Tout s'éclaira très vite, ouvrant de nouvelles pistes sur cette disparition inopinée. Et la blonde devait appeler Gondar. C'était urgent !

« Euh… commença-t-elle gênée. Je dois passer un coup de fil. Vous restez ici ?

- À qui ? demanda-t-il surpris.

- Euh… À Charlie ! Elle m'a demandé de la rappeler en soirée mais je viens juste d'y repenser…

- Ok… répondit-il perplexe.

- Je vous rejoins !

- Suzanne préfère aller faire un tour au parc plus loin. On avance là-bas ! »

Candice acquiesça avant de s'isoler plus loin. Elle attendit de perdre Antoine et Suzanne de son champs de vision et s'empara d'une petite carte blanche qu'elle lut avec attention. Ok, il était 22h30 et l'heure semblait donc un peu tardive pour contacter cet homme mais, l'intuition n'avait pas d'heure… Alors elle sortit son téléphone, tapota dessus et le joignit rapidement à son oreille.

« Allô ? entendit-elle d'une voix cassée.

- Oui allô. Excusez-moi de vous déranger si tard, c'est Candice…

- Ah ! rétorqua-t-il surpris. Qu'est-ce qui se passe ?

- C'est juste que je viens de réfléchir à quelque chose, concernant la disparition de Joseph et… je sais que je suis que témoin mais…

- Je vous écoute !

- C'est ma belle-fille qui vient de me faire penser à ça mais… et si toute cette histoire n'était qu'un coup monté ?

- Développez !

- Peut-être que sa disparition est montée de toute pièce, pour attirer les regards sur eux.

- Qu'est-ce qu'ils y gagneraient ?

- Bah c'est simple ! Depuis qu'il a disparu, toute la région est en effervescence. C'est limite à celui qui sera le plus généreux envers cette pauvre veuve. Enfin je sais pas, son mari disparaît et dans la foulée, s'organisent soirées de charité, processions… Je trouve ça justement TROP bien organisé.

- Donc elle serait complice ?

- Ça, j'en sais rien… Vous avez consulté leurs comptes ?

- Oui et RAS. Tout est stable.

- Et leur business ? Cette histoire de take-away là ? C'est florissant ?

- Il faudrait que je me replonge dedans. On a juste jeté un coup d'œil pour voir s'il y avait eu de gros retraits. Au cas où Joseph serait parti de lui-même… Mais y avait rien.

- Hum… Je sais pas, je sens quelque chose de faux dans toute cette histoire…

- Une mise en scène donc…

- Ça se réfléchit…

- Je vais y regarder à nouveau. Demain, première heure !

- Merci…

- Par contre, c'est louable…

- De ?

- Je sais pas… Vous êtes en vacances… Il est 22h30 et vous êtes au téléphone avec un flic dans le cadre d'une enquête qui ne vous appartient même pas…

- Si je peux aider… bafouilla-t-elle.

- Je pourrais presque prendre ça comme une distraction pour combler un ennui profond.

- Non ! C'est juste que j'aime pas l'injustice et quand je pense à quelque chose, ça m'empêche de dormir !

- Je vous tiens au courant alors ?

- Merci ! Bonne soirée. »

Candice rangea rapidement son téléphone dans son sac, soulagée d'avoir partagé cette piste avec ce collaborateur qui semblait reconnaître tout son talent. Fière, elle tourna la tête et aperçut un camion illuminé. L'un des fameux points de vente à emporter de la ville. Et certaines têtes semblaient s'en éloigner, cornet de glace en main. Voilà qui était donc intéressant… Joindre l'utile à l'agréable… Alors elle se pressa d'insérer la file d'attente puis récupéra les deux cônes glacés avec satisfaction. Elle traversa le jardin et aperçut Antoine appuyé contre une poutre en bois, supervisant sa fille qui faisait des roues dans l'herbe. Tout sourire, Candice s'approcha d'eux et déclara sa présence.

« Je vous ai pris une petite glace ! Vanille pour mademoiselle et pistache pour monsieur…

- Pistache déjà entamée apparemment… remarqua-t-il en scrutant son cornet.

- Je voulais juste goûter pour voir si elle était bonne…

- T'en as pas pris pour toi ? l'interrogea-t-il avec surprise.

- Bah non ! C'était pour vous faire plaisir… Puis j'avais pas assez de main de toute façon…

- Allez, on va aller t'en chercher une… céda-t-il en l'entraînant par le dos.

- Hum… se satisfit-elle en sentant enfin un contact de sa part sur sa peau.

- Charlie va bien ? demanda-t-il avec malignité.

- Euh… Oui ! Elle voulait juste mon avis sur une affaire…

- Ah bon ? Bah je croyais que vous aviez fermé le cabinet toute la semaine.

- Euh oui ! Mais elle a dû y revenir quand même…

- Ok… conclut-il sans grande conviction. »

Et à nouveau, Candice se retrouva dans la queue des quelques gourmands de cet hôtel. Devant eux, un jeune homme à la casquette bleue patientait la préparation de sa commande. Rapidement, le cuisto lui tendit une petite boîte en carton en échange d'un billet bleu. Candice observa la manœuvre, yeux plissés, avant de l'observer s'éloigner.

« Bonsoir ! On va vous prendre une glace…

- J'hésite encore sur le parfum… intervint Candice en scrutant la vitrine.

- Vanille elle est bonne… fit remarquer Suzanne en souriant.

- Hum… J'hésite entre la pistache et la chocolat…

- Alors on va vous prendre deux boules pistache-chocolat ! intervint Antoine.

- Mais…

- Sinon t'aurais regretté… Je te connais !

- Merci… chuchota-t-elle d'une moue enfantine.

- Et voilà madame !

- Tenez ! sourit Antoine en tendant un billet de 20 euros au vendeur. »

Il récupéra le billet bleu dans sa main et compta doucement la différence avant de lui rendre la pareille en pièces. Candice observa le manège avec attention, surprise de voir que la transaction s'effectuait convenablement. Antoine remerciait l'homme alors qu'elle osa se manifester.

« Qu'est-ce qu'il avait commandé le monsieur devant nous ?

- Euh… Une gaufre !

- Ah ?! Non parce que vous l'avez mis dans une petite boîte alors que tout à l'heure un client a passé la même commande et vous l'aviez simplement mis sur un morceau de carton…

- Ah… Euh… Oui c'est parce qu'il en a commandé plusieurs…

- Eh bah ! 20 euros les 2 gaufres, c'est pas donné quand même.

- La gaufre est à 4 euros 50, madame. Les prix sont affichés ici.

- Ah ?! s'étonna-t-elle faussement. Parce qu'il vous a tendu un billet de 20. Exactement comme mon compagnon vient de faire mais… vous lui avez pas rendu la monnaie…

- Bon écoutez, laissez-moi gérer mon business comme je l'entends ok ?! Y a du monde derrière vous !

- Ah oui oui… On vous laisse… Bonne soirée ! »

L'ex policière fit volte-face, glace à la bouche et rencontra son partenaire l'air peu aimable. Elle prit le parti de l'ignorance et suivit tranquillement les Dumas qui marchaient en silence. Et à nouveau, valait mieux ne pas faire de vagues… Sauf si Antoine en décidait autrement… Et malheureusement pour elle, ce fut le cas !

« C'était quoi ce cinéma encore ?

- Rien, je trouvais ça bizarre, c'est tout…

- Ok… maugréa-t-il en riant jaune. Que t'enquêtes en solo, c'est un fait. Mais que tu passes ton temps à me mentir, c'en est un autre…

- Mais parce que tu veux pas entendre parler de cette enquête ! Donc je te dis rien…

- Cette « enquête » … répéta-t-il en rigolant. J'savais pas que les policiers t'avaient recruté…

- Je leur donne des infos, c'est tout.

- Ah oui… Candice Renoir l'indispensable ! J'avais oublié…

- Et tu sais ce qu'ils ont dit ?! Que j'étais remarquable !

- Hum… Ça c'est parce qu'ils n'ont pas à te supporter au quotidien à mon avis… »