Chapitre 397 : Amor fati
Il finit sa toilette, se séchant le visage dans une serviette de lin fin.
Son dos le fait moins souffrir. Uniquement sous certaines conditions et mouvements.
Il s'installe à son bureau et s'offre la lecture de quelques ouvrages religieux en latin, les refermant en y apposant un marque-page.
Ses pensées vagabondent par-delà la fenêtre. Il se lève et tente de distinguer la brûlante Antarès.
Debout, torse nu, coude en appui contre le mur en retrait de la fenêtre, autre main sur la hanche, il pense la distinguer.
"L'astronomie, uh ?..." secouant la tête avec un petit sourire. "La préférée de Jacob."
A l'évocation, quelque chose d'aussi féroce que vivant se tend dans ses chausses.
"Je suppose que tu es fière de ton œuvre, sorcière du diable ?" posant la tête contre le mur en moellons.
Il sait parfaitement que s'il venait à s'empoigner, à se toucher d'une manière ou d'une autre, il ne pourrait plus réfréner cet élan de la chair.
"Que Dieu maudisse le jour où il a fait se croiser nos routes, bohémienne."
Mais la ferveur ne faiblit pas pour autant, bien au contraire ; chaque pensée qu'il dirige vers moi l'érige un peu plus.
Et Dieu, que c'est agréable !... Cela génère une vive tension à l'endroit même où le tissu se tend, bas-ventre inondé d'ondes qui font à la fois pulser de l'intérieur et frapper jusqu'à la tête, lui offrant un véritable tournis.
"Tu ne l'emporteras pas au paradis, sorcière." paume allant cueillir l'outrageux renflement, y imprimant un mouvement comprimant et caressant à la fois, bouche s'entrouvrant enfin sur un geignement lourd tandis qu'il observe la citée endormie.
Ses jambes lui semblent molles comme du coton, comme si tout le sang était appelé ailleurs.
Il plaque mieux son épaule libre contre la pierre, évitant tout contact avec son dos lacéré.
Sa paume travaille toujours à son seul bien. Un plaisir, égoïste s'il en est, inondant toujours davantage ses reins.
A son âge, l'homme demeure plein de vigueur !...
Son sexe, totalement épanoui à présent, réclame davantage d'attention.
"Haaaaah... maudite... femelle !..." se flattant avec d'autant plus d'énergie. "Maudite !... Mau... dite hérétique !" regard déviant à l'intérieur de la pièce, pupilles partant à la dérive. "Ce feu... infernaaaaaaaaah... que tu fais courir dans mes... veines... Catin !..."
Il s'accroche au pan opposé du mur, voûté en avant, paume toujours à l'œuvre.
Son sexe est tant sous tension que son extrémité éclose salue la ceinture de ses chausses de nuit en fin lin.
"Sorcière !... SOR... CIERE ! Haaaaah !... HAAAAAAAN !" finissant par jouir sur un rauque éclatant, rendant semence dans les chausses et contre son ventre nu.
C'est... un massacre. Il ira discrètement laver l'article dans le lavoir en contrebas avant l'arrivée des lessiveuses de la cité.
Après un acte aussi condamnable, il y a lieu de faire contrition. Et pour cela, Flamm va s'affamer durant une bonne semaine, se nourrissant tout juste pour survivre.
On nomme cela le jeûne.
"Reprenez ! C'est très, très mauvais." tapant de la paume sur la table, faisant sursauter l'élève. "Vous massacrez cette langue, Sulpice ! Le premier gueux sorti de sa campagne s'en sortirait mieux que vous !..."
"Bi... bien, Monseigneur Flamm..." annone le pauvre garçon.
"Flamm !"
Le concerné se lève et effectue une brève courbette devant le bailli.
"Prenez une vingtaine d'hommes et rendez-vous à la cabane attenante au moulin du père Fulbert. On m'y a dénoncé une contrebande d'armes."
C'est le branle-bas de combat dans la cour du palais de justice !... Les hommes courent en tout sens, on avance la monture menaçante de Flamm qui s'y hisse avec aisance au vu de sa taille.
Puis il donne l'ordre de se rendre jusqu'à l'endroit indiqué.
Il élabore la meilleure stratégie en route. C'est un excellent tacticien pour piéger les rebelles nuisibles au trésor de la communauté.
Il fait main basse sur les contrebandiers et récupère l'intégralité du matériel dérobé et vendu sous le manteau.
Il fait marcher, attachés par les poignets, les deux hommes, derrière le destrier d'un de ses hommes, au centre de la troupe.
Alors qu'il aborde l'un des ponts de Paris, j'arrive à contresens, montée sur un étalon immaculé, de taille moyenne et fort nerveux, le conduisant sans mors ni selle.
Il s'arrête, laissant la troupe avancer, cédant de la bride à son magnifique frison.
Je fais stopper Na'ir à sa hauteur. "Bien le bonjour, Monseigneur Flamm. Comment vous portez-vous aujourd'hui ? Le soleil est radieux, vous ne trouvez pas ?..."
Mes quelques mots le surprennent. Il finit par esquisser un pale sourire. "Je t'aurai bien fait la conversation, la cartomancienne, si je n'avais pas deux crapules à mettre au cachot et un rapport à déposer auprès du bailli."
Dites-moi !... Ce serait presque poli tout ça, si seulement je savais si c'était du lard ou du cochon !...
"Vous trouverez bien un moment pour passer par notre campement ?" caressant le toupet de Na'ir, basculée en avant, offrant une jolie vue sur mon décolleté.
"Même les rudiments de la monte à cheval te sont inconnus." toujours aussi piquant.
"Je préfère sentir les mouvements de mon étalon."
Non, Rachel, non, tu n'ajouteras pas "entre mes cuisses" sous peine de mettre Monseigneur fort mal à l'aise !... XD
"Tu es décidément bien étrange, bohémienne."
"Je suis Germaine(*), au cas où cela vous aurait échappé."
"Ah... une gitane de la paillarde Germanie." amusé.
"Sur ces quelques politesses, je vous laisse enfermer vos deux vauriens, Monseigneur. Et faire votre rapport." talonnant mon animal qui ne se fait guère prier.
Il se retourne brièvement pour me regarder m'éloigner. "Diablesse." sur un ton presque tendre.
Flamm descend les quelques marches devant le palais de justice, tombant sur une silhouette qui lui semble familière.
Il s'approche.
Le garde se met immédiatement en position de respect. "Mon... Monseigneur."
Flamm reconnaît Eliott. "Tu es le..."
"Le fils de Rachel."
"Il faudra un jour m'expliquer ce prodige." notant nos âges proches, regard se plissant.
"Le fils de cœur, si vous préférez."
"Que viens-tu faire ici ?"
"Je flânais."
"Je ne saurai que trop te conseiller d'aller flâner ailleurs que devant le palais de justice." sec.
Eliott lève les mains et se recule. "Bonne fin de journée, Monseigneur."
Je caresse les jolies ondulations de la chevelure d'Eliott tandis que sa tête demeure sur mes cuisses.
"Il ne viendra pas..."
"De qui parles-tu ?"
"De Flamm."
"Tu l'as... invité ?"
"J'ai proposé."
"Il est buté dans son genre. Avec un cœur bouclé à double tour. Enfin, s'il en a un, évidemment."
"Les gens ne naissent pas ainsi, Eliott. Ce sont les drames de la vie qui les endurcissent au point qu'ils paraissent avoir égaré leur humanité."
"Tu penses qu'il a vécu des moments difficiles ?"
"J'en suis persuadée. Mais son blindage est tel..." perdant le regard du côté des enfants qui font une ronde autour du feu. "Moi-même j'ignore si un jour il acceptera de se révéler."
"Je t'ai déjà connue plus combattive."
"Il offre si peu d'ouverture..."
"Il est très différent de nous, ne serait-ce du fait de sa position et de sa condition." lucide.
Je reviens du lavoir, baquet sous le bras.
Il arrive en contresens, à pieds.
Nos regards se happent.
Je pose ma charge sur le muret en pierre.
"Je pensais que vous alliez venir."
"Tu le pensais bien à tort." toujours aussi mordant. "Nous n'avons rien en commun, vagabonde."
"A l'évidence, je me suis trompée." reprenant ma corbeille. "Bonne journée, Monseigneur." reprenant mon chemin.
"Attends."
Je cesse mon pas tandis qu'il s'approche.
"Pourquoi... cet intérêt pour ma personne ? Nous sommes différents et tu le sais."
"Pensez-vous que les opposés jamais ne s'attirent, Monseigneur ?"
Il cligne. "Je n'en suis, à dire vrai, plus vraiment convaincu depuis notre rencontre."
Ouverture.
"Vous ne détestez donc pas tout ce que je suis malgré vos insultes répétées à mon égard ?"
"En effet. Tu es loin d'être la sauvageonne inculture que je m'étais plu à imaginer. Même si, à mon sens, tu as la langue bien trop pendue pour une personne de ton sexe."
"Oh... je vois. Nous autres, les femmes, sommes censées ouvrir la bouche uniquement pour vous y accueillir ?"
Il se carapate derrière son mouchoir. "Impudique."
"Vous devriez repenser vos propos, Monseigneur Flamm." reprenant ma marche.
Les mots vacillent et il trébuche sur les lignes écrites à la main, retranscrites par des moines zélés pour leur foi.
Il referme l'ouvrage et soupire.
A l'extérieur, tout semble calme. Il ne monte aucune clameur de la ville endormie.
Les pensées de Flamm vont jusqu'au campement. "Mon corps... à présent ma tête ?... Même si je déteste ce que je ressens, je dois avouer que... le goût de ce péché est particulièrement suave. Attirance. Désir. Séduction. Comme le serpent a jadis trompé nos parents, je n'ai aucun doute quant au fruit défendu que tu me suggéreras, catin du diable."
Il fixe ses paumes ouvertes, sa magnifique bague au rubis rouge jouant de reflets changeants à la lueur de la flamme de la bougie.
"Ces mains... elles rêvent de te toucher comme jamais aucun homme ne l'a fait. Je serai d'ailleurs fort surpris de te découvrir pucelle, ma jolie bohémienne. Ces doigts... j'ose à peine avouer où ils aimeraient s'aventurer... et par-dessus tout ce sont tes mains que j'aimerai sentir vagabonder sur mon corps. Comment caresses-tu, d'ailleurs ?... Je me plais à imaginer que tu me butines ça et là... partout. Dans chaque pli. Tout ce que tu m'as donné à sentir jusqu'à présent fut une lame sur ma gorge." doigts courant sur la marque qui commence à s'estomper. "Ce jour-là tu m'as tenu totalement à te merci. Tu aurais pu me saigner tel un gibier. Mais tu ne l'as pas fait."
Il finit par se lever, faisant quelques pas, se rendant à la fenêtre.
"J'aimerai sortir et aller à ta rencontre. T'embrasser." sexe commençant à réagir à ces propos érotiques suggérés. Petit sourire. "Pas ce soir. J'en ai assez de faire contrition."
Como poden per sas culpas os omes seer contreitos,
assi poden pela Virgen depois seer sãos feitos.
Ond' avo a un ome, por pecados que fezera,
que foi tolleito dos nenbros da door que ouvera,
e durou assi cinc' anos que mover-se non podera,
assi avia os nenbros todos do corpo maltreitos.
Como poden per sas culpas os omes seer contreitos…
Con esta enfermidade atan grande que avia
prometeu que, se guarisse, a Salas logo irya
e ha livra de cera cad' ano ll' ofereria;
e atan toste foi são, que non ouv' y outros preitos.
Como poden per sas culpas os omes seer contreitos…
E foi-sse logo a Salas, que sol non tardou niente,
e levou sigo a livra da cera de bõa mente;
e ya muy ledo, como quen sse sen niun mal sente,
pero tan gran tenp' ouvera os pes d' andar desafeitos.
Como poden per sas culpas os omes seer contreitos…
Daquest' a Santa Maria deron graças e loores,
porque livra os doentes de maes e de doores
e demais está rogando senpre por nos pecadores;
e poren devemos todos sempre seer seus sogeitos.
Como poden per sas culpas os omes seer contreitos…(**).
Clotsinde me gratifie d'un petit coup de coude pour que je me retourne, notant que Flamm et sa garde passent par là.
Je dois avouer qu'il a fier allure à cheval.
"De retour d'une expédition punitive, j'imagine." sans cesser de le dévorer des yeux.
"Amaury n'aimerait pas la façon dont tu le regardes."
"Avec tout le respect que j'ai pour ton frère, je suis encore libre de regarder l'homme de mon choix."
"Tu as oublié qu'il a lâchement molesté mon frère ?" piquée. "A armes égales, Amaury lui aurait donné une leçon dont ses dents se souviendraient !..."
Je glisse la main entre son bras replié, caressant son épaule, souriante, posant ma tête contre elle.
Je me prive bien de lui avouer que je désire tous les jours davantage Flamm puisqu'il m'est interdit !...
Il représente un véritable challenge. Et je rêve de le faire hurler de plaisir au fond d'un lit !...
Un garde se pointe, panier de fruits frais à la main, pataud au possible. "Hem... y a-t-il une Rachel parmi vous, vagabonds ?"
Je m'approche. "C'est moi."
Il me tend le panier. "Pour vous. De la part de Monseigneur Flamm."
Je note immédiatement le mot qui accompagne le présent. "Retrouve-moi au pont du change demain en début d'après-midi. Ton dévoué Rollo Flamm."
Eliott siffle, attrapant un fruit pour y croquer. "On va espérer qu'il ne s'agisse pas de fruits empoisonnés." petit sourire.
Je distingue de loin sa silhouette élancée, juchée sur ce magnifique frison impeccablement éduqué.
Me voici à sa hauteur, souriante. "Votre présent en a surpris plus d'un." glissant la main sous la crinière de Na'ir, caressant son encolure. "Preuve en est que vous pouvez être autre chose qu'un immonde salaud."
Il sourit, poing posé sous sa hanche, bride tenue d'une main gantée. "Mmm. Peut-être que je cherche à t'endormir, bohémienne."
"Pour quels motifs profiteriez-vous de la baisse de ma garde, Monseigneur Flamm ?"
"Ils sont, en l'état, peu avouables." m'invitant à prendre le chemin, se plaçant à côté de moi, cheminant tranquillement au pas.
"Ne craignez-vous pas que nous voir ensemble nuise à votre solide réputation ?"
"La seule à qui je doive rendre compte est mon âme. Et, dans une moindre mesure, le bailli. Mes hommes n'oseraient jamais me questionner sur mes actes. Sous peine de sévères représailles."
"La terreur, cela vous connaît."
"Pourtant, tu as accepté mon invitation..."
"J'ai toujours été d'une nature irrémédiablement curieuse, voyez-vous."
"La curiosité, voilà encore un pendant bien féminin."
"Pour un homme dont l'un des crédos demeure la chasteté, vous me semblez plutôt bien renseigné sur les travers de l'autre sexe."
"Dieu sait pourtant que nos désirs souvent l'emportent sur notre raison et notre foi."
"Vous êtes-vous déjà laissé emporté, Monseigneur Flamm ?"
"Plus de fois que je ne saurai le dire." abaissant légèrement les paupières sur ses propres péchés.
"Ah... ce que les ecclésiastiques nomment la chair ne me semble pas aisé à dompter. Et vous, Messire Flamm, que faites-vous lorsqu'il vous arrive d'y succomber ?"
"Acte de contrition."
"Je suis curieuse : de quoi s'agit-il au juste ?"
"Me voici, Seigneur, tout couvert de confusion et pénétré de douleur à la vue de mes fautes je viens les détester devant Vous, avec un vrai déplaisir d'avoir offensé un Dieu si bon, si aimable et si digne d'être aimé.
Était-ce donc là, ô mon Dieu, ce que Vous deviez attendre de ma reconnaissance, après m'avoir aimé jusqu'à répandre Votre sang pour moi ? Oui, Seigneur, j'ai poussé trop loin ma malice et mon ingratitude.
Je Vous en demande très humblement pardon et je Vous conjure, ô mon Dieu, par cette même bonté dont j'ai ressenti tant de fois les effets, de m'accorder la grâce d'en faire, dès aujourd'hui et jusqu'à la mort, une sincère pénitence. Amen." me récitant la prière traditionnelle par cœur.
"Hmm. Personne ne vous confesse ?..."
"Je n'en ai ni la volonté ni le besoin. Si ma faute est grande, je me livre à un jeûne d'une semaine."
"C'est inhumain !..."
"Ne blasphème pas, vilaine fille." récupérant son mouchoir pour y camoufler son indignation.
"Cela m'amuse beaucoup de vous voir faire cela. D'autant plus qu'il est très aisé d'imaginer votre moue derrière ce paravent de tissu. L'illusion est donc totalement factice."
"Tu es rude avec moi, démone."
Je ris. "Et encore, je ne suis pas à fond là."
Nous avançons à présent dans la campagne, passant devant plusieurs moulins en activité.
"Où m'emmenez-vous ?"
"Dans une clairière à l'orée des bois. Tu verras, l'endroit est aussi paisible que reposant. A moins que tu souhaitais quelque chose de plus animé ?"
"Je ne vais pas me montrer contrariante au vu de tous les efforts que vous être en train de déployer."
"Dois-je mettre ceci sur le compte de ta bonté ou le fait que tu craignes ma réaction si cela venait à me déplaire ?"
"Avez-vous déjà donné la fessée à une femme, Monseigneur ?"
Il repique derrière le mouchoir. "Impudique dans tes questions, également."
"Comme vous me semblez légèrement porté sur les sévices corporelles... vous pourriez profiter de votre position haute placée pour vous livrer à certains abus."
"Sais-tu quelle punition je pourrai t'infliger en toute légalité pour ce manque de respect à l'égard de mes fonctions ?"
"Oh, le fouet sur la place publique, l'écartèlement ? Vous l'avez déjà évoqué."
"Prends le chemin de gauche."
"Vous savez, mon père et moi avons beaucoup voyagé. Vous n'avez jamais quitté Paris et la France, n'est-ce pas, Messire ?..."
"Je n'en vois pas l'intérêt."
"Découvrir d'autres cultures, d'autres saveurs. Je suis sûre que vous n'avez jamais mis les pieds en Germanie. Je me trompe ?"
"Je bénis ma saine routine ici, en France, qui me prive de m'égarer dans d'autres vices au goût plus... exotique."
"Vous être né à Paris, Monseigneur ?"
"Je suis originaire du Duché de Lorraine, dans la banlieue de Nanceiacum(***)."
"Eh bien... quelle ascension !..."
"Le fruit d'un travail reconnu et acharné."
"Je dois avouer qu'accéder à de tels postes à votre âge est exceptionnel." lui concédant de bonne grâce.
Nous abordons la clairière baignée d'un soleil timide, qui souvent se cache derrière les nuages passants.
Nous descendons de nos montures, les laissant brouter à leur aise, nous installant dans l'herbe.
Il retire ses gants, faisant apparaître la jolie bague au rubis taillé en losange.
"Elle est magnifique." dis-je, me saisissant délicatement de sa main, la soutenant dans ma paume.
Le contact lui procure un agréable frisson.
"Quelle est son histoire ?"
"L'aîné de notre famille en hérite chaque génération."
"Oh, vous êtes donc l'aîné ?"
Son regard se brouille soudain et il retire sa main, pris d'une violente émotion.
"Rollo ?..." lui prenant l'épaule. "Que vous arrive-t-il ?"
Il secoue lentement la tête. "J'avais un adorable petit frère... j'y tenais beaucoup, vois-tu..."
Je comprends qu'il lui est arrivé malheur.
"Venez." l'attirant contre mon épaule, doigts caressant sa nuque dégagée.
Il se laisse aller, soupirant de réconfort.
"C'est encore compliqué et douloureux pour moi de me rappeler ce qui lui est arrivé."
"Vous m'en parlerez lorsque vous serez prêt."
Je m'allonge en arrière et il conserve sa tête sur mon épaule, ma main caressant ses cheveux clairs.
"Il n'y a pas si longtemps, je vous méprisais. J'étais prêt à vous faire périr."
"Nous ne nous connaissions pas. Notre première approche n'a pas été la bonne."
"Tu ne parleras de cela à personne. Pas même aux tiens, n'est-ce pas ?"
"Vous pouvez avoir confiance." le rassurant.
"Ce drame me détruit. Il me ronge lentement de l'intérieur." admirant mon profil qu'il n'a jamais eu l'opportunité de côtoyer d'aussi près.
"Nous avons tous nos blessures, vous savez. Plus ou moins profondes."
"Tu ne comprends pas... j'aurai pu... j'aurai dû... éviter ce drame." crispant sa mâchoire.
Nos montures émettent un bref hennissement.
Soudain, deux brigands surgissent des fourrés, armés.
"Terminé l'amusement, les tourtereaux !..."
(*) Habitant(e) de la Germanie.
(**) Como Poden - La Cantiga 166 est un chant ayant pour titre « Como poden per sas culpas os omes seer contreitos ». Elle conte l'histoire d'une guérison miracle, celle d'un homme estropié qui, pour ses pêchers et ses fautes, s'était retrouvé, durant de longues années, paralysé des membres et perclus de douleurs. Ayant fait la promesse de se rendre en Pèlerinage à Salas, ville asturienne sur la route de Saint-Jacques de Compostelle, et d'y faire don d'une livre entière de cire si sa maladie disparaissait, il vit son vœu exaucé. Il s'en fut donc, sans plus attendre à Salas, comme nous l'explique la chanson qui rend encore grâce à la vierge pour le miracle accompli.
(***) Nancy.
